Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/08/2011

Attente

 

Attente…

Du bout des doigts, ce tremblement léger
Une fièvre parcourt les veines

Le creux adouci des bras se teinte de crépuscule

Chaque bruit à la mesure d’une symphonie
Chaque regard d’un oiseau dans la nuit
L’oublie d’un pétale au fond des mains
La chaleur de nos pieds sur la terre mouillée

Ses doigts entrelacés de fleurs
Comme un feu d’artifice
Sont le soir le parfum de notre remord

Les diamants mouillés de la pluie
Ensevelissent de bijoux sa parure de cheveux

Les pieds écartelés dans la mousse de l’abandon
Nous écoutons ensemble la naissance de l’herbe

 

 

 

05/08/2011

A nouveau, le silence de la nuit

 

A nouveau, le silence de la nuit

Comme une auréole sur le tissu

Des souvenirs et de l’avenir

Où donc m’entraîne cette indolence

Avant le lever du jour, pâle et désorienté

 

J’erre dans ma solitude bénite

Comme un amant se noie

Dans les bras échevelés et caressant

D’une belle au visage de marbre

 

C’est le temps de la création

Des virages sublimes de l’imagination

Emportée par les courants improvisés

De l’air et du palpable imperceptible

Qui chemine dans la peau transparente

Qui me sépare de la vie réelle

 

Et je me noie, englué dans l’ignorance

De jours meilleurs, de plaisirs subtils

En contact avec le vrai et le beau

Et j’erre inlassablement, détourné

De cette connaissance chaleureuse

D’une intimité de pensée conduisant les héros

Vers les cieux blancs et vides

De la présence souhaitable

De cette évanescence indescriptible

Seule, sensible, brûlante et mystérieuse

Au fond de soi, de toi,

Oui, de nous… Probablement.

 

 

01/08/2011

Bulle de savon translucide

 

Bulle de savon translucide,

Tu es l’espace et le temps

L’infini et le fini

Mon système solaire

 

Au-delà du globe transparent de ton regard

Se cachent ta propre image

Et l’image de ton univers

 

Tu es l’aleph de ma contemplation

Le commencement et la fin du temps

Ta présence est mon éternel présent

Et je mourrai de ton achèvement

 

Au-delà du goût de tes lèvres

Je prends conscience de ta densité

Et ne peux plus me définir

Qu’en relativité à ton existence

 

Le jeu de la lumière dans ta chevelure

Est la courbure de mon atmosphère

Où je découvre implacablement

Le champ de gravitation de mon espérance

 

Je suis d’apesanteur, exempt d’inertie

Inexorablement, éternellement

Attiré vers le centre de ton être

Concentré de ma pleine conscience

Vers le point de chute que tu es

 

 

27/07/2011

Pourquoi courir après les actes

 

Pourquoi courir après les actes ?

Pourquoi vouloir faire et défaire ?

S’arrêter, prendre le temps de se regarder !

Contempler le monde comme le hibou,

Les yeux ouverts, sans bouger

Et voir passer les incidents

Comme de petites blessures

A la perfidie de la vie

 

Calme serein des fontaines

Qui coulent au pied des jardins

Comme immobiles et vivantes

D’une vie statique et immortelle

 

Tel le scaphandre en eaux douces

Nous attendons la remontée

Pour sortir nos trésors :

Un doigt de poupée rose

Une couronne de fleurs artificielles

Trois lapins de porcelaine

Un chapeau défraichi

Par son séjour dans l’eau noire

 

Au-delà de ces assemblages

Nous retrouvons, cachée,

La sensation de froideur vitale

Des escargots idéologues

Qui courent aux murs de la honte

 

Petits délires matinaux

Comme un soulagement

Offert gratuitement

A l’errant qu’est

Chacun (ou chacune) de nous !

 

 

23/07/2011

Voici revenus le gris et le mouillé

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

 

Gris du ciel d’abord, mais aussi

Griserie des rues sans âme,

Rues grisâtres des jours verts

Vers des horizons sans fin,

Là où rien ne dit à personne,

Là où se promène, nostalgique,

Le poète dénudé des haricots blancs

Qui pleure lorsque rien ne l’enchante

Et qui rit au plaisir de savoir

Si, un jour, il sera bègue.

Alors combien sera rude sa tâche

De récitant de vers prolongés

Dans l’aube inconnue de la ville.

 

Mouillé aussi, comme la fourrure

Des rats un jour d’inondation

Ruisselant de brillants

Et prostrés dans un coin obscure,

Avant de ressortir au soleil du soir

Pour réchauffer leur vieille carcasse.

Enfermé dans un halo de condensation,

L’homme mouillé de larmes

Se prête au faux semblant

D’un attendrissant retour

D’une certaine innocence.

Mais au fond de lui,

Il sait bien, malgré ses dires,

La puissance de l’instant,

L’évocation irrésistible et instantanée

De souvenirs inconnus

Et d’un présent irrévocable,

Malgré le rêve, l’intention,

La paresse ou la vision.

 

Oui, voici revenus le gris et le mouillé.

Quand t’abstiendras-tu d’apercevoir,

Au-delà du temps et de l’espace,

L’espoir des jours blancs

Et des nuits de pleine lune ?

Couché dans ton lit trop grand,

Réveillé par la clarté diurne,

Tu rêves, tu deviens autre,

Tu te laisses empoigner

Par le miracle de la passion,

Une passion indéfinissable,

Celle de la création

Et de la démolition,

Pour que les lendemains

Soient autres, rosés

D’attente et de désirs,

Verts d’optimisme,

Jaune de bonheur.

 

 

15/07/2011

Abandonne tout désir

 

Abandonne tout désir.

Que rien ne vienne empêcher

Ton appréhension de la vie.

Que la nuit soit le jour

Et qu’inversement,

Les jours restent vierges.

Alors, du fond de ton être,

Surgissant de nulle part,

Un feu brûlant te prendra

Et te conduira plus loin,

Là où rien de sensible

Ne peux t’atteindre.

Dans ce halo de lumière,

Emprisonné d’indifférence,

Tu règneras en roi,

Tu officieras en prêtre,

Tu parleras en prophète.

Et parce que tu sauras

Conserver ton innocence

Sans te laisser griser

Par ce vide immense,

Déroutant et fragile,

Tu deviendras ce que tu n’es pas,

Tu te découvriras autre.

Et libéré de toute contingence,

Tu ouvriras ton corps,

Ton cœur, ton intelligence,

Ton esprit enfin, à la beauté

De l’absence de personnage,

A la nudité absolue,

A l’étrange pâleur

De ta renaissance.

 

 

12/07/2011

L’île nue, film de Kaneto Shindo (1960)

 

Voir la présentation du film :

http://www.dailymotion.com/video/x7fvo9_l-ile-nue-kaneto-... 

 

 

Voir des extraits du film

L’île nue 1 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e067_l-ile-nue-1_music

L’île nue 2 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e8py_l-ile-nue-2_music

L’île nue 3 :

http://www.dailymotion.com/video/x9e9pe_l-ile-nue-3_music

L’île nue 4 :

http://www.dailymotion.com/video/x9ej0z_l-ile-nue-4_music

L’île nue 5 :

http://www.dailymotion.com/video/x9ek3h_l-ile-nue-5-fin_m...

 

Synopsis (From Wikipedia) :

Au Japon, sur une minuscule île de l'archipel de Setonaikai, un couple vit avec ses deux jeunes enfants. La terre est aride et l'île ne possède pas de ressource en eau douce. Pour cultiver cette terre ingrate et survivre, le couple est donc obligé de faire de continuels voyages en barque entre la terre ferme et l'île : ramener l'eau précieuse et en arroser avec attention et parcimonie chacun des plants cultivés. Ces gestes, renouvelés sans cesse, rythment le quotidien. Les jours passent, puis les saisons. Un jour, alors que les parents sont partis chercher l'eau, un des enfants tombe malade, sans raison. Il meurt rapidement sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit pour le sauver. Ses camarades de classe arrivent en bateau pour lui rendre un dernier hommage, puis repartent. Malgré un bref moment de révolte de la mère contre cette vie, le rituel reprend.

 

L'île nue 1.jpg

 

Un film majestueux :

Histoire simple, banale, pourrait-on dire. Mais quelle beauté dévoile ce film qui, pourtant, répète inlassablement les mêmes images, les mêmes gestes et la même mélodie, sans qu'une seule parole soit prononcée. C’est un véritable poème qui donne une nouvelle version du mythe de Sisyphe, dénudée comme l’île, presque froide dans son réalisme, mais si prenante dans la contemplation d’une nature aride et de la famille qui vit là, rudement, d’un travail incessant sur une terre ingrate. Il met en lumière, sans jamais le dire, l’impuissance de l’homme face à la nature, la souffrance humaine, le temps et finalement la mort.

 

L'île nue 2.jpg

 

"L'Île nue", sortie en 1960, est l'une des œuvres les plus remarquables du réalisateur japonais Kaneto Shindo. La musique lancinante de Hikaru Hayashi, de part sa modalité occidentale, peut choquer au début, mais très vite elle prend le spectateur qui l’associe ensuite aux successions d’images sobres, mais combien belles. Musique et images permettent de donner au film une ambiance que des paroles et des explications n’auraient pu expliciter.

Un  film à voir, à revoir, comme on relie un roman de Marcel Proust, pour le savourer, même si l’on en connaît toutes les péripéties. 

 

 

 

06/07/2011

Ils sont ronds, dorés comme un rôti

 

rouleaux de paille.jpg

 

Ils sont ronds, dorés comme un rôti,

Ils enjolivent les champs de leur masse répartie.

Ce sont les rouleaux d’été,

De paille ou de foin enrobés.

 

Comme des guirlandes sur un arbre de Noël

Ils font une parure de fête au regard des vivants.

Appuyé sur l’un d’eux, je respire l’odeur de moelle,

De terre, mêlée d’herbes et de grains. Purifiant !

 

Seul le mugissement d’un bovidé esseulé

Trouble la torpeur de l’instant présent,

Accompagné des soupirs d’une brise affolée

Qui ondule sur le blé en chantant.

 

Enfin, cueillir l’origan, d’un sécateur pataud,

Pour les laisser sécher sur un plateau

Jusqu’à la fin de cet été.

 

Et les utiliser en les écrasant de la main,

Comme on le fait pour le cumin,

Afin de doter chaque met d’odeur de sainteté.

 

 

03/07/2011

Un instant d’éternité

 

Il existe de ces instants magiques où le temps suspend sa course immuable. C’est encore plus perceptible lorsque se mêle au présent un souvenir de jeunesse et qu’il surgit, très prégnant, au travers de ce que chaque sens nous dit.

11-06-26 Dormelles 90.jpg

 

La chaleur d’abord, de celle des étés de Pagnol, quand l’ombre d’une branche vous semble une caresse furtive et apaisante, alors que la pure lumière vous est un poids qui épuise le corps.

Le silence lourd de la campagne ajoute à cette torpeur. Seul le chant de quelques oiseaux, parfois, le trouble pour vous rappeler que tout cela est vivant, mais que la vie est suspendue. Sous chaque noyer, l’ombre bienfaisante sert de repère à la méditation, troué de taches de lumière qui suivent le frémissement des feuilles. L’herbe de la prairie se balance au gré de la brise indolente, survolée de moucherons qui dansent l’éternelle fête de la brume de chaleur qui les enrobe.

 

11-06-26 Dormelles 82.jpg

 

Ce chemin, vous l’avez parcouru des milliers de fois, mais ce retour aujourd’hui vous conduit à constater l’apaisante vérité de la succession du temps et des espèces. Dans la rangée des noyers qui descend vers la rivière, seul manque l’un d’eux, déjà remplacé par un petit, très petit noyer qui a poussé seul contre la volonté de tous. Le chemin de pierre laisse une bande d’herbes entre les roues des voitures. Quelle étrange sensation que celle des pas sur cette bande de terre qui vous aide à descendre vers le passé, lorsqu’enfant, vous dévaliez à un rythme effréné, en bicyclette, le chemin pour vous laisser ensuite freiner dans les hautes herbes aux abords du ruisseau. Parfois, entraîné par l’élan, vous vous arrêtiez à quelques centimètres de la berge, en vous jetant par terre. Plus tard, votre propre enfant s’est cassé une dent en se laissant tomber sur le gravier plutôt que de percuter la porte cochère.

 

11-06-26 Dormelles 94.jpg

 

Mais aujourd’hui le temps s’est arrêté. La chaleur, probablement, qui engourdit vos perceptions et endort votre attention. Alors vous longez la haie à gauche du chemin, là où l’ombre maintient encore une certaine fraicheur. Vous regardez chaque espèce d’arbres, la rugosité de leurs troncs, le dessin de leur développement jusqu’aux derniers rameaux, leurs feuillages, pleins, aux larges feuilles, ou encore clairsemés de petits opuscules, et chacun d’eux évoque en vous des moments différents, des lieux et des temps éloignés, mais qui redeviennent si présents qu’ils semblent revivre sous votre regard attentif.

Et vous descendez toujours, écrasé de soleil, vous laissant bercé par ces instants remémorés jusqu’à l’approche de la maison que vous connaissez bien et qui vous fait sortir de votre rêve éveillé.

 

11-06-26 Dormelles 05.jpg

 

Au loin, très loin dans le ciel, un avion vole sans bruit et seule sa trajectoire vous rappelle que la vie continue, inexorable, dans cette nature immobile, anéantie de chaleur sourde troublée par l’aboiement d’un chien aux confins du village qui vous signifie que le frémissement des feuilles fait aussi partie du tableau vivant.

 

Je me souviens être venu, adolescent, quelques jours après un concours, pour me reposer, seul dans l’immensité de la maison et de la campagne et avoir passé huit jours au rythme de la terre et de l’inspiration. Je me couchais tard, me relevais deux fois, trois fois, dans la nuit pour reprendre un tableau, transcrire une idée, écouter une symphonie. Et les jours passaient dans l’indolence et la création, avec pour seul plaisir la contemplation d’une nature riche, parfaite parce qu’imparfaite, dans laquelle je pouvais me rouler jusqu’à pleurer de joie.

 

 

02/07/2011

Ensemble, nous irons au paradis

 

Ensemble, nous irons au paradis

Des amants d’antan

Je te regarderai, tu me verras,

Nous nous contemplerons

Et verrons le chemin écoulé

Comme une mélodie achevée

Toi, rien que toi, blanche

De vérité et d’innocence

Que j’apprends toujours à connaître

Qui m’apprend la vie et l’amour

Et qui court au plus large

Des rues encombrées de passants

Pour montrer la beauté de chacun

Je te regarde en odeur, en couleurs,

Tu me prends la main,

Tu me tends ta bouche,

Je ne suis plus, je deviens toi,

Et tu es la reine de ma nuit

Et la femme des jours sans fin

Où l’amour coule comme une source

Belle, tu me fais un clin d’œil

Serein, coquin, malin,

Et tu m’encourages dans ma folie

De ne penser qu’à toi, aimée

Perdue dans ce monde

Que nous sommes appelés

A quitter un jour, ou une nuit,

Après nous être aimés encore

Dans le secret de nos corps

Et la tendresse de nos rêves

 

 

29/06/2011

Chacun d’entre nous a un visage unique

 

Chacun d’entre nous a un visage unique

Et c’est sa dissymétrie qui le rend ainsi

S’il était parfaitement symétrique

Il n’aurait plus cette qualité inexprimable

 Qui le rend attirant ou au moins regardable

 

Mais dans ces visages distincts

Il y a les yeux, un monde en soi

Qui nous disent la soif de vivre

Ou encore le découragement et la vacuité

Comme des pierres précieuses

Leur brillance dévoile la valeur

Du visage qui se trouve devant vous

Certains y mettent quelques gouttes

De citron avant de partir danser

Pour raviver leur regard séduisant

 

Ils peuvent être verts émeraude

Des étendues forestières d’Amazonie

Bleus azur des mers des Caraïbes

Parfois jaunes paille des moissons d’antan

Mais aussi châtaignes tels les cigares

De la Havane ou de Porto Rico

Ou même noir comme l’ébène

Des tropiques de l’Ancien Monde

Très rares sont ceux d’entre les hommes

Qui disposent de prunelles rouges

On les prend pour les diables

C’est-à-dire des anges déchus

 

La bouche est aussi l’objet d’attentions

Propres à différencier chaque être

Elle peut être charnue comme un fruit

Avide comme un gouffre sans fin

Flottante comme un bateau sur l’eau

Rougie au bâton de couleurs

Peinte à grands traits malhabiles

Souriante au passant dans la rue

Close à tout signe de bonheur

Sans lèvres pour les vieillards

Trop éclose pour les enfants

 

Je ne parlerai pas du nez

Celui-ci a déjà fait l’objet

Des rimes et délires de Cyrano

Qui laissent un trou dans la tête

A la place d’inspiration

 

Certes les oreilles pourraient aussi

Mériter quelques phrases agréables

Mais ne sont-elles pas faites pour écouter

Plutôt que pour parler

Alors n’en parlons pas

 

Et pourtant le tour des attributs d’un visage

Ne suffit pas à le décrire

Il ya aussi la fossette qui l’enjolive

Le grain de beauté qui peut enlaidir

Le poil sur le nez et la tache sur la joue

La dent cassée qui empêche de sourire

L’œil pleureur et la joue tombante

Tout ce qui par le hasard ou l’usure

Déforme la nature unique de chaque homme

Et de chaque femme, qui, elle, s’en préoccupe

Pour le plaisir du premier

Et l’éclat de ses yeux amoureux

 

Est-ce le hasard ou la nécessité

Qui a construit cette merveille

Ou un dieu qui donne à chacun

Une façade, une apparence, un attrait

Qui le rend unique lui-même

 

Qu’il est beau ton visage

Toi l’aimée de toujours

Il est le point ultime de mes rêves

L’émouvant trouble de mon cœur

L’image présente à mon esprit

Qui m’accompagne dans la vie

Et fait briller mon œil de ravissement

 

 

24/06/2011

Les taches sur le mur

 

Les taches sur le mur

Sont l’ombre de mes pensées

Une fenêtre reflète le turban

Que porte un homme dans la rue

La glace enregistre l’envers des murs

Et les ombres transformées sont sans doute la vérité

Elle se cache parmi les mots

Et c’est une longue énigme

Que je cherche encore

 

Assis, à genoux ou encore debout

Ils attendent comme les lapins à leur terrier

Le dernier rayon de soleil de cette journée

Ignorants et béats, ou bien proches d’être fous

 

Les hommes, comme d’éternels esclaves

Entrainent chaque jour la roue du passé

Ne connaissant d’elle que ce point de tangence

Qui imprègne dan le sol l’instant de sa présence.

Derrière ne restent que les traces du regret du passé

Et au devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage

 

 

22/06/2011

Silence, on pense...

 

Il se relevait la nuit pour réfléchir

C’était un désir pressant, incontrôlable

Qui l’aiguillonnait à se lever

Et à s’installer devant sa table de travail

Il partait loin, très loin, de la ville

Dans les recoins de son imagination

Ce n’était plus qu’un centre

Une fusion de la pensée profonde

Comme un amas de matière nucléaire

Qui fond sur elle-même sans refroidissement

Contenu et contenant ne font plus qu’un

La pensée coule sur la table

Et celle-ci devient le corps de l’homme

Dans cette confusion des genres

Seule une radiographie du centre

Donne une cohérence indissoluble

Au corps et à la pensée de l’homme

Avec la matière et la lumière ténue

D’une veille qui égraine les heures

Avec régularité et quiétude

Silence, on pense…

 

littérature,poésie,art,peinture,crise

 

Fait à l’encre de chine une nuit où l’imagination se concentrait sur elle-même.

 

 

 

19/06/2011

Retour

 

Retour à l’homme frais

Celui qui ne porte pas son bagage

Qui ne courre pas derrière les autres

Qui n’entend pas les clameurs

D’une foule dévoreuse d’informations

 

Retour à la femme vierge

De tout ce qui préoccupe les autres

Femme de parfum de fleurs

De rires éclatants et pourtant frêles

De tendresse odorante et

D’entière délicatesse des sentiments

 

Retour à l’enfant ignorant

Qui ne compte que des deux mains

Qui chante des comptines lentes

Qui n’accepte pas les baisers

Mais qui aime en donner gratuitement

Au moment où l’on ne s’y attend pas

 

Retour aussi au passant inconnu

Qui vous salue gaiement de la tête

Pour vous dire le bonheur

D’une journée sans les tracas du monde

Et qui devient l’errant

Qui donne la solution de l’énigme

 

Retour à celle-ci dont on ne sait rien

Qui courre le long des murs

Qui envahit les maisons ce jour d’été

Qui embrase la campagne en chaume

Qui rosit le village au soir

Pour lui donner l’aspect

Des idées sans importance

Et des sens découverts et palpitants

 

Oui, l’énigme est là

Accessible à chacun, visible de tous

Elle s’appelle la vie

Elle appelle à son retour

Parmi les simples et les fidèles

D’un regard non apprêté

De sons purs et cristallins

D’odeurs vertes et rouges

Dans le jardin secret de la réalité

 

 

15/06/2011

Vide-grenier

 

Hétéroclite, quel drôle d’adjectif.

 

On nous dit : Qui s’écarte des règles habituelles,

Encore faut-il connaître ces règles !

Il semble plutôt que l’on peut en parler

Lorsqu’il n’y a pas de règles.

 

D’autres vous diront : De bric et de broc.

Avez-vous déjà été à un vide-grenier ?

On pourrait plutôt parler de bric à brac.

 

 

 

société,poésie,culture,écologie

 

 

Parcourant les rues au fil des objets,

Vous découvrez l’envers des apparences.

Sont étalés ce qui alluma un jour,

Dans le cœur ou l’esprit ou l’émotion

D’anonymes, l’étincelle nécessaire à l’achat.

 

Bien vite rejetés, ces articles nous parviennent,

Parfois dans leur emballage cartonné,

Comme un trésor enfoui et ignoré

Pour tenter de séduire un autre anonyme.

 

Ils arrivent également empoussiérés,

Comme un vieux chewing gum

Que certains jettent sur la chaussée

Et qui se collent sous la chaussure

Pour vous dire ne m’oublie pas.

Pourtant ils ne paient pas de mine.

 

Au-delà des objets, les gens :

Ceux qui vendent distraits, un demi-euro,

Ceux qui marchandent de trente à quinze,

Ceux qui n’ont qu’un prix et n’en démordent pas,

Ceux qui acceptent de donner ce qu’ils ont rejeté.

Voilà pour les vendeurs affichés.

 

Mais les acheteurs ont aussi leurs caractéristiques :

Ceux qui passent sans parler et sans voir,

Tournant en rond dans les allées d’objets,

Qui ne veulent rien sauf un moment de distraction,

Ceux qui parlent beaucoup et n’achètent rien,

Ceux qui ne parlent que pour donner un chiffre,

Ceux qui ont besoin de l’histoire de l’objet

Pour raconter pourquoi ils l’ont acheté,

Ceux qui vérifient, éprouvent la solidité,

Testent longuement tout ce qui peut casser,

Avant de laisser l’objet, exsangue et épuisé.

 

Il y a aussi d’autres gens, distraits,

Qui passent parce qu’ils habitent là,

Ou encore vont chez le dentiste ou l’orthopédiste.

On rencontre parfois celui qui sort sa voiture

Parce qu’il a oublié ce jour de festivité,

Contraignant le vendeur malheureux

A déménager son bric à brac

Qu’il ne considère pas comme hétéroclite

Parce qu’il pense être seul sur le marché

Des objets esseulés et inattendus.

 

Il y a ceux qui profitent de la fête

Pour vendre toutes sortes de biens,

A manger, à boire, ou même à fumer,

Pas celle des saucisses qui grillent

Stoïques sur une plaque de tôle,

Pour la magie des enfants du quartier

Et le plaisir des affamés prudents.

 

Pêle-mêle sont les articles disparates :

Pelles sans manche, manche sans bras,

Bras de fer, fer de lance, balance.

On trouve de tout dans le bric à brac

De personnes et d’objets hétéroclites

Qui vont de bric et de broc jusqu’à la fin du jour.

 

 

13/06/2011

Forme et couleur

 

La forme précède la couleur

 

Avant la forme, il y a le trait

Qui part dans toutes les directions

Qui barre, qui marque un territoire

Qui, par le fait d’être là,

Fait de la page un dessin

Ou, au moins, un commencement

 

Avant le trait, il y a le point

Le point n’a pas de consistance

S’il devient important

C’est par sa multiplication

A l’infini sur une page

Et c’est le rapprochement ou l’éloignement

Qui fait des points un dessin

 

Au-delà du trait, la surface

Elle éblouit comme un miroir

Miroir du vide entre les traits qui la délimitent

Il convient de la remplir

Pour lui donner l’apparence

D’une plénitude emplie de rêve

 

Enfin naît le volume

Le volume construit la forme

La forme produit l’image

Et l’image est déjà une création

Elle construit un monde

Qui n’existait pas auparavant

 

Mais pour que l’image devienne

Tableau, il lui faut la couleur

Elle peut être grise ou noir et blanc

Elle peut n’être que nuance d’une seule

Elle peut être un mélange savant

Ou encore laisser libre cours

Au pétrisseur de couleurs

 

Certains cependant utilisent la couleur

Sans user leur temps à la forme

Ils travaillent par taches et projection

Auxquelles ils finissent par donner du sens

Mais trop souvent après coup

 

Forme et couleur, deux jumelles :

Les séparer, c'est bien souvent les briser ! 

 

 

09/06/2011

Il est des gens pour qui rien ne va

 

Il est des gens pour qui rien ne va

Il est des gens qui ne vont nulle part

Il est des gens qui ne s’arrêtent jamais

Toujours en mouvement, toujours tourmentés

 

Comment leur dire la mouche qui vole,

L’oiseau qui pleure en gazouillant,

Le chat qui miaule dans la chambre

L’enfant qui dort les bras ouverts

La femme au chapeau de plumes

Et l’homme en penseur solitaire

 

Il est des gens qui ignorent les saisons

Ne voient pas dans le froid du matin

La magie enracinée de la vie

Ne comprennent pas non plus

L’espérance d’un cœur vide

Ou même la vacuité de la faim

 

Il est des gens qui n’ont que la parole

Pour proclamer leur désaccord

Et qui toujours s’enferment

Dans un bocal de rancœur

Pour finir seul un jour d’orage

Dans la poubelle de l’imprécation

 

 

 

08/06/2011

Quartier latin

 

Sortir du cinéma, se noyer dans la foule qui s’écoule entre les écueils de la rue, se bousculer dans l’indifférence, avaler par les yeux les mots que l’on vous jette au visage pour imprégner en vous un réflexe consolateur, ainsi éprouvais-je la liberté geôlière de ces gens qui défilent à pas comptés , le regard vide ou avide, les bras enchevêtrés et les cœurs séparés, revêtus de parures et d’ennui. Quelques mots saisis au passage, quelques mots sans vie de phrases que l’on dit parce qu’il faut parler, quelques paroles tombées sans lassitude comme la pluie, indifférentes et journalières.

Parlez, car la parole est votre drogue. Ici est le lieu de la parole, dépensée en pure perte, érigée en monument sonore au dôme éclatant, écoulée en flots le long des pierres usées du caniveau, affichée sur les murs, les vitres et les vêtements même. Lieu que j’aime encore, car les mots n’ont plus de sens, les phrases pas de suite. Lieu que j’exècre aussi, car les mots ont d’autres pouvoirs que cette ivresse prodigue. Silence des regards que l’on croise, de ces regards sans nom où passe la ville bariolée. Je les ai regardés, tous, les uns après les autres, sur ce voile de bienfaisante tiédeur qui envahit leur corps, je les ai vus aussi se lécher les doigts, comme des enfants, après avoir englouti des sucreries mièvres achetées dans un réduit graisseux.

Et pourtant combien est vraie et émouvante cette vieille ville qui dure immémoriale au pied de la foule qui passe sans lever les yeux. Elle porte les stigmates de son indifférence à son égard, mais elle cache aussi au-delà de ses façades grises, sous un porche humide, des prodiges d’architecture, où tournoient de charmants escaliers en colimaçon et des fenêtres étroites. Elle cache aussi des artistes qui s’évertuent à créer ce que d’autres jugent sans comprendre. Elle cache enfin des amours, des deuils, des naissances, bref la vie qui va et part, qui vient et repart, qui sans cesse se noue et se dénoue au fil des jours dans les pierres qui restent, immobiles, jusqu’au jour de la déchéance.

 

 

04/06/2011

Imagination, image inhalation…

 

Imagination, image inhalation…

Quel flot de mots et de sons,

Quel débordement de couleurs,

Quelles odeurs absurdes, mais délicieuses.

 

Je suis baignée de tentacules

Qui me chatouillent à l’envers

Et m’encourage dans mon innocence.

Je cherche d’autres procédés

Pour dire mon incompétence.

 

Amis, rien ne me vient à l’esprit,

Hormis cette poêle à frire verte.

Alors je prépare une omelette

Aux œufs frais encombrés d’herbes

Pour régaler les invités rares

Au festin de la comédie humaine.

 

Merci à vous qui êtes venus,

Revêtus de chemises molles

Et de pantalons de cuir souple,

Pour admirer le funambule

Dans son numéro imprévisible

Et sa médiocre réplique.

Oui, rien ne vous y obligeait.

Vous courriez dans vos intentions,

Vous pêchiez les mots au rebus

Et recomposiez les lettres

De mille envolées non lyriques.

 

C’est un grand jour,

Celui du retour de l’imagination.

Il apporte un peu de délire

Aux nuits somnolentes et tristes

Des artistes défraichis et somnambules

Qui pour se soutenir

Boivent plus que de raison

Un vin lourd et capiteux

Qui signe la défaite de leur art.

 

Merci à vous qui m’avez soutenu

Au cours de cette veille nocturne

Pour repartir au matin

Dans les brumes colorées

D’un nouveau jour sans surprise.

 

 

30/05/2011

Se souvenir d’un instant

 

Se souvenir d’un instant

Se souvenir de cet instant

Où plus rien n’existait

Quand nos regards se croisaient

 

Ne pas oublier la pesanteur de tes doigts

Et leur caresse furtive, comme ébauchée

Ne pas oublier non plus le fil de soie

Tissé de nos mains enlacées

 

Se rappeler ces quelques heures

Cet éternel déroulement de la destinée

Rencontre et dispersion sans heurt

Se rappeler ton visage illuminé

 

Enfouir aussi dans quelques pages

La valse lente de tes multiples images

Et parfois donner un tour de manivelle

Pour l’évoquer sur une musique rituelle.

 

 

24/05/2011

Dilatation d’espérances gothiques

 

Dilatation d’espérances gothiques

Je fume en fakir les lianes incurvées

De nœuds arboricoles. Allongé

Agrandi

J’agrandis encore le filet de fumée

Çà navigue lentement sur la peau

Jusqu’au sortir de l’immobilité

Silence

Le silence de la brume, le silence de la chaleur

Ou seulement celui de l’âme vide

Loi : la fumée pénètre le vide

Le vide s’échappe

Échappatoire

Confessionnal du désir, pleurs de la possession

Fermés sur la paupière

Lourdement, plus lourd chaque jour

Plus frêle aussi jusqu’à la transparence

Cloître d’hexagones

Je m’enferme au cœur des couleurs

La fumée pénètre l’âme

Je guette l’escalier indistinct

 

 

20/05/2011

Chaque jour te voir

 

Chaque jour te voir

Voir ce visage transparent

Aux yeux ouverts sur le monde

Voir ces lèvres qui me parlent

Et me disent leur amour

 

Te voir entière et séparée

Et voir chaque chose par toi

Comme le reflet de ta lumière

 

Tu as des bras de cygne

Qui sont les pôles de l’horizon

 Où je m’épanouis sans cesse

 

Tu es l’horloge de l’éternité

Le ressort brisé des jours

La vague chaude des nuits

L’ombre de mes rêves

Le retour de ma jeunesse

 

Chaque jour te voir

Et redevenir l’aveugle

Que tu conduis à ta lumière

 Pour son émerveillement

 

 

17/05/2011

Ne plus connaître qu’une étoile

 

Ne plus connaître qu’une étoile
A la forme des planètes
A l’éclat du soleil
Et pouvoir y contempler la nuit et y apprendre le jour

J’y ai vu l’ellipse pure des astres
Le lent cheminement de la sève
Le déferlement assourdi de l’écume
Sans pouvoir en détacher mon regard

Si par hasard l’étoile s’éteignait
Pourrai-je encore voir et entendre ?

Penché longtemps sur l’astéroïde
J’ai voulu en connaître chaque contour
Et pouvoir à tout moment
Réinventer la couleur de son paysage
Et les reflets de la joie qui l’habite
Mais le souvenir de son éclat est fragile
Sauras-tu encore garder les yeux ouverts ?

Hiver, triste, l’étoile s’atténue
Printemps, j’y redécouvre la joie
Soumise aux saisons de sa temporalité
Elle a parfois la mélancolie des automnes
Ou l’insouciance des ciels d’été

Mon astre lumineux
Retrouver dans mon regard sur toutes choses
Le reflet de tes yeux et ne plus rien en perdre
Pas même lorsque la nuit s’attriste

 

16/05/2011

Illumination

 

Illumination. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Tout revit, tout redevient : consistance, perplexité, immesurable. Je viens de percer un mur et m’enfonce lentement, émerveillé, dans un monde indéfinissable, comme si ma chambre était partie à la dérive au-delà de la ville, au-delà de la terre, vers un univers d’apesanteur et de compréhension. Comme une momie, ressuscitée par son transport vers une atmosphère régénératrice, je me débarrasse de mes bandelettes où s’accrochent quelques lambeaux de chair desséchée. Tout s’allège et perd peu à peu de cette consistance qui fait la réalité. Je regarde les objets de ma vie quotidienne, ils me paraissent si lointains. Encore quelques bandelettes à dérouler et il ne restera plus rien, qu’une chambre nue, vide d’objets, vide de ma présence, mais que je verrai encore comme si j’étais attaché, alors que déjà j’aurai amorcé le voyage incohérent au-delà de l’atmosphère oppressante qui nous entoure.

Peu à peu, au cours de la journée, subtilement, s’est établie une intense lucidité mêlée d’un détachement des sens, jusqu’à cet instant, jusqu’à tout à l’heure, où j’étouffais, où je criais d’angoisse et de joie. Effet de l’imagination ou possibilité d’une autre réalité, insoupçonnée, découverte par hasard, indéfinissable, que je ne peux définir, mais qui m’étreint et me transporte dans la joie de l’absolu et l’angoisse du néant. Une autre voix me parlait… Qui es-tu ? … Je ne sais pas… Que fais-tu ? Je ne sais pas… Que deviens-tu ? Rien encore, peut-être, un jour… Le jour est là, il se lève, regarde-le au dessus des toits luisants, regarde le soleil ouaté monter dans le brouillard vert de la nuit… Je ne vois rien… Mais si, regarde bien, ouvre les yeux, éveille-toi…

Et je m’éveille. Je vois la ville mauve prenant parfois des teintes d’un rouge insoutenable, alors qu’ailleurs certaines maisons s’estompent dans un gris diffus. Je vois ce soleil, presqu’invisible, mais perceptible cependant, qui s’élève lentement dans la nuit verte, la parant d’une lueur translucide… Aimer, me dit-on dans l’oreille, voilà ce que tu dois aimer. Regarde, regarde bien ces gens qui courent nus, habillés de bijoux et d’étoffes luxueuses, dans le jardin qui borde la ville où vient se baigner le fleuve. Regarde-les parler, faire des gestes, se voir dans les glaces, rire brutalement et pleurer en cachette derrière un arbre au feuillage bleui par la nuit. Il faut les aimer, car ils sont malheureux, comme tu l’étais toi-même, comme tu le seras à nouveau sans pouvoir rien faire d’autre que jouer dans le jardin baigné par le fleuve, jouer avec les bijoux suspendus au cou des femmes et avec les cerceaux des enfants qui effleurent les adultes. Tu devines cent histoires qu’ils racontent, mille vies qu’ils égrainent, ces destins par centaine de milliers qui s’entassent dans le jardin et tournent sur leur orbite, se projetant de plus en plus dans ce mouvement infini semblable à la course folle de notre planète dans le vide de l’espace. Tu t’éveilles lentement de ce cauchemar du jardin, tu franchis les portes bétonnées et menues, et tu t’enfonces dans la glaise glissante jusqu’à la plage de sable fin, où chaque grain contient une histoire que tu pourras voir de tes yeux ouverts en le tenant au creux de ta main.

Je me souviens d’Almostasim[1], de cette progression ascendante vers Almostasim, l’homme qui possède la clarté et la transparence, que personne n’a pu voir, que personne ne verra, parce que personne ne veut s’en donner la peine ou ne peut parvenir au bout du voyage, ou encore, meurt à l’instant de le voir. Je me souviens aussi de la bibliothèque de Babel[2], cette bibliothèque qui est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque et dont la circonférence est inaccessible, dans laquelle il y a des centaines de millions de livres dont un seul d’entre eux contient le volume qui rassemble tous les volumes, le volume qui seul signifie quelque chose dans le fatras de lettres, de points, de virgules, de marges, d’espaces vides des autres livres. Des centaines de bibliothécaires passent leur vie à chercher le livre, mais aucun jusqu’à présent ne l’a peut-être trouvé.

Est-ce possible, est-ce seulement possible une telle difficulté d’être, une telle impossibilité de respiration dans l’atmosphère où baignent ces objets ? Vouloir être, plus je creuse cette volonté, plus l’espace s’ouvre, comme par un phénomène de perspective, vers de nouveaux horizons, de plus en plus coupés, tortueux, délabrés, où chaque sommet fait apparaître d’autres montagnes encore plus belles, plus légères, plus aériennes, recouvertes de fleurs transparentes, de personnes sans corps ou de corps imperceptibles, froids, translucides, impalpables. Et plus j’avance, plus les corps perdent de leur consistance jusqu’à ne plus être que des émanations gazeuses du sol, comme forgés dans de petites boursouflures qui crèvent de temps à autre.

Poursuis ta route, sans autre préoccupation, sans regarder en arrière, jusqu’à ce qu’elle prenne fin !



[1]Voir Histoire de l’éternité, de Jorge Luis Borges.

[2]Voir Fictions, de Jorge Luis Borges

 

 

 

12/05/2011

Je te ressens, au plus profond de moi

 

Je te ressens, au plus profond de moi,

Comme un vol de libellules

Ou la vague tiède de mers lointaines

Et je vais dans la vie

Comme un miroir sans tain

Regarder passer les idées fixes

Ou les étoiles de mer

---

Merci à toi qui m’a donné

Et la joie et l’amour et la peine

Car en cette terre et sur ce jardin

Rien ne se cueille mollement

Je vais loin et longuement

Me recueillir en extase

Devant les fous et les bergers

Pour ensuite, pris de remord,

Conduire le troupeau au zénith

---

Reviens, me dit-on,

Mais où revenir :

Dans notre folie quotidienne ?

Devant les marches du perron ?

Dans ses pensées obscures ?

Dans les siècles qui viennent

Ou dans ceux écoulés et perdus ?

---

Plus rien ne sera comme avant

Lorsque tu te déchaussais

Au devant de l’armoire

Et que ton cou luisait d’attente

Lorsque tu criais toi

Et que tu pensais moi

Lorsque ta chaleur amoureuse

Revêtait de rosée tes pieds épars

Lorsque toute entière

Tu plongeais dans l’eau trouble

Des soirs et des matins sauvages

Et pendant le jour courrait

Partout et toujours

A la recherche d’un hypothétique plaisir

Que tu trouvais tapi au lit

De notre amour insensé

---

Oui, la vie m’a donné ta vie

J’en ai fait ce que tu voulais

Et, ensemble, nous marchons

En pleine liberté et délire

Vers les cieux dégagés

Et les prairies infinies

Nous tenant par la main

Sans perdre un seul jour

De ce qui fut le chant

D’un pauvre innocent

Et d’une tendre adolescente

Qui parcoururent les rues encombrées

D’une ville immense et délirante

En recherche d’un double

Unique et semblable

Que construit sans le savoir

Notre rencontre d’une nuit

---

Et, comme rien n’a une fin

Même pas les histoires

Qui restent dans les têtes

Et fondent lentement

Dans les pensées du jour

Je te renouvelle ma joie

Mon amour et le bonheur

Que j’ai trouvé en toi

Que j’ai exploré de mes lèvres

Que j’ai touché en doigts

Agiles et que j’ai regardé

Emerveillé, éperdu de conscience

Comme un souffle d’infini

Dans un monde arrêté

Sur ta beauté et ta tendresse

Sur tes lèvres entrouvertes

Et le don de ton amour

---

Je te ressens, au plus profond de moi,

Comme le papillon qui d’un battement d’ailes

Bouleverse le monde ignorant

A des milliers de kilomètres

 

 

 

03/05/2011

A l’ombre d’un grenadier

 

A l’ombre d’un grenadier, je regarde pleurer la nuit qui s’ouvre au large, verte et sombre comme un gouffre marin.

Les paraphes des cygnes allongeaient leurs cous boiteux vers le bord verdoyant. Il n’y avait rien d’autre que la brume qui flottait, indescriptible et lente, à la lueur de torches tenues par des mains sans visage. Le parfum perdu des pas sans fond s’écoulait doucement dans l’atmosphère des canaux irradiés. Je contemplais cette douce chaleur qui montait des eaux bleutées à l’assaut des murs froids de notre citadelle. Elle dominait le vide de ses mille pieds de haut et se complaisait tristement dans sa béatitude arrogante. De petites fenêtres sans profondeur se glissaient subrepticement entre les pierres noircies pour agrandir leur trou de chaleur et je me réchauffais le visage de cette brume incandescente, clignant des yeux au jour nautique. Mes pieds reposaient sur le vide des murs aigus et digéraient le silence moite. C’était au dessous le trou noir et profond de la terre éperdue d’ivresse sanglante. Les murs s’allongeaient rectilignes sur deux rangs de visages incolores aux yeux indifférents. Ils suivaient mon vol vers le noir obscur des montagnes, insouciants du passé et de l’avenir.

Je ne suis libre qu’à l’instant, derrière s’étend une longue prison de feux et devant la profondeur de l’obscurité. Je crois être libre et je descends sans conscience vers l’avenir. Les paliers de mes arrêts ne sont que des turbulences qui me rendent immobile contre ma volonté.

 

 

30/04/2011

La terre chaude, accueillante

 

La terre chaude, accueillante et maternelle
Refuge de nos regards étonnés d’indécision
Accomplissant lentement son cycle quotidien
Et nous-mêmes, sensibles imperceptiblement
Inscrivant nos caresses au livre de notre histoire
Jusqu’au temps où sur chacune de ses pages
Devenues à la fois semblables et différentes
Se lise la volonté d’aimer

L’air aussi, incandescent, sans pudeur
Élément de rencontre de nos diversités
Plus étroitement proche de nos visages
Sous le feu du soleil diffusant notre amour
A tout ce qui existe et respire
Nous unissant dans la distance de notre séparation
Jusqu’à recueillir sur nos lèvres
Le même désir de durer

 

25/04/2011

Pourquoi te dire tout ce que je ressens

 

Pourquoi te dire tout ce que je ressens

Confusion des sentiments et des désirs

Pourquoi divulguer le plus profond de moi-même

Alors que seul compte notre entente ?

Je ne sais, je ne sais plus

Ce qui compte pour toi, ce qui est vécu pour moi

Je suis celui qui n’est pas

Je ne suis pas celui qui te suit

Je suis le double d’une ombre

Comme un désert sans façade

Comme un fantôme exacerbé

Et rien ne me rend grâce

Des citadelles de rêve

Des châteaux en Espagne

Des cataractes de la vie

Oui, rien…de rien

 

Pourquoi te dire tout cela

Toi qui un jour m’a tout donné

Toi qui es l’ombre de moi-même

Toi qui restes la vie, la joie et le quotidien

Je t’entends encore me dire

Je serai toi, tu seras moi

Ensemble nous construirons

La vie à deux pour n’en faire qu’une

De nos doigts enlacés

Nous construirons notre maison

Perchée sur la colline

Au sommet inaccessible

Et de nos corps nous ferons un rempart

A la malédiction des évènements

Et à l’écoulement du temps

Rien ne nous fera sortir de notre rêve

Ni la distance, ni la durée

Ni même l’absence de l’un de nous

 

Nous serons un

Par le pouvoir d’être deux

Nous serons deux

Parce que nous sommes un

 

19/04/2011

Dans le désert vert de la terre

 

Dans le désert vert de la terre

Se dresse une silhouette macabre,

Croix aux os décharnés,

D’une  ligne à haute tension.

Ses bras étendus

Laissent sur le sol

L’ombre de ses doigts

Qui tiennent, ô fragile poids,

Les rênes de la civilisation.

 

poème, poésie, littérature

 

 

18/04/2011

Noire et blanche

 

Noire et blanche, peut-être verte,

Une main caresse le ciel

Et les étoiles et Mars et Pluton,

Soleil aux cinq rayons

Qui réchauffe la neige de longs bras

Courbés sur l’espérance de la vie.

 

Elle perd parfois ses doigts un à un

Au fil des paroles

Qu’elle lance solitaire aux nuages

Qui s’enfuient à ses provocations.

 

Seuls, quatre petits monts

Témoignent du bon plaisir de la nature

Et se penchent vers le lac de leurs reflets.

 

Une main, toute une vie

Racontée sur une ombre.

 

 

poème,poésie,littérature