19/11/2011
C'est dans un lit de rêve
C’est dans un lit de rêve
Aux coussins dorés et froids
Que j’ai parcouru les monts d’hier
Je suis entré dans la brume verte
J’ai écarté les filaments de verre
Qui masquaient le passage des éléphants
Pilotée de main de maître
Ma monture obéissait au doigt et à l’œil
Elle vaguait au fil des courants
Ballotée par un vent léger
Emprisonnant l’atmosphère
Au-delà le monde devenait acide
Avec un goût de pervenche
J’en pleurais des larmes de crocodile
Mais je poursuivis malgré cela
Dans les bras de prêtres invisibles
Et de femmes au regard flamboyant
Allant de l’avant toujours
Jusqu’au final aboutissement
Sur la montagne éclairée
Là, plus rien ne distinguait
La frayeur de la chaleur
Elle se diffusait lentement
Comme une senteur montant par les jambes
Pour s’emparer du corps
Et l’alourdir encore
De maigres bénéfices sans rapport
Alors, avançant la tête avec circonspection
Je marchais avec dignité vers la fin
Les épaules tombantes, l’œil morne
Pour m’agenouiller dans l’herbe
Et recevoir en final
Le don de planer
De la réalité au rêve enfantin
06:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
15/11/2011
L’aquarium émet des sons étranges
L’aquarium émet des sons étranges
Rires alourdis de mains ouvertes
Où chaque doigt cache
Un souffle de fumée
Les lits ouvrent leurs bas-flancs
A des jambes solitaires
Qui glissent dans leur ombre
Vers de longs tabourets
Et ceux-ci campés fièrement
Sur quatre pieds aux pattes décharnées
Offrent leur solitude
Au monde de chaleur
Une rangée de hallebardes
Dresse ses cache-flammes
A la brume prisonnière
Qui s’y attarde gaiement
Le soleil aussi semble profiter
De leur miroir d’huile
Pour caresser doucement
Sa longue chevelure d’or
Univers clos
Monde parmi le monde
A la recherche d’une âme
Dans les brumes de son corps
05:01 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poème, poésie | Imprimer
11/11/2011
Ne plus voir dans l'oeil que l'on croise
Ne plus voir dans l’œil que l’on croise
Ignorer les doigts fragiles qui se tendent
Ne plus même entendre les pas derrière soi
Ou la plainte silencieuse arrêtée sur les lèvres
Partir sur l’asphalte les yeux clos
L’oreille sourde, la main sur son bâton
Souvenirs encore de ce rêve ébauché
Un matin où le ciel rouge sur la ville
Ensanglantait les visages inexpressifs et muets
Puis le vide silencieux du dernier sommeil
Jusqu’au réveil étonné, dans la froideur du lit
06:43 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
07/11/2011
Ce matin
Ce matin, tous les arbres ont la chair de poule.
Ils frissonnent aux éclats de lumière sur l’horizon
Et leur scintillement fragile les transforme
En kaléidoscope repu de frémissements.
De la fenêtre, je contemple l’horizon rouge,
Le ciel gris foncé entrecoupé de blanc.
J’entends l’oiseau bavard annoncer son réveil,
Je suis des yeux l’écureuil habile, d’arbre en arbre.
Vert, bleu et gris, quelques instants plus tard,
A la couleur laiteuse d’un ciel chargé,
Où seules les touches de blanc et de rouge
Apportent l’empreinte d’un jardinier attentif.
Et pendant que la terre tourne toujours,
La bien-aimée sommeille, les cheveux défaits,
Les jambes entortillées autour de draps tièdes,
Reposant, vivante malgré son inaction.
Encore un jour, encore une nuit,
Encore des années et des décennies,
Nous contemplerons chaque matin
La levée de tous les jours, main dans la main.
04:28 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
05/11/2011
Dernière promenade d’automne
C’est très probablement notre dernière promenade d’automne. Elle s’avère mélancolique et attendrie, puis se révèle enjouée et dépourvue de regrets voilés. Nous marchons dans la vallée étroite, sur un chemin aussi tortueux que le cours de la rivière que nous suivons, d’abord sur la chaussée carrossée, et, très vite, sur un sentier de gazon surplombant le serpent argenté qui lui-même coule entre les maisons basses, cherchant son chemin dans un dédale dû à l’exiguïté des lieux.
Les moulins se succèdent, silencieux en ce dimanche après-midi. Mais on les imagine aussi, grande bouche dévoreuse d’écume, recrachant des flots blancs et oxygénés qui par leur frénésie permet la mise en route de monstrueuses machines qui écrasent, dissèquent, coupent, aplatissent, divisent, transforment tout morceau de nature vivante et la met à disposition de l’homme, à ses pieds, pour qu’il en use, en abuse, la suborne et la jette, enfin lassé de leurs gémissements discrets.
Et plus haut, se découpant sur un ciel virginal, la ville, prisonnière de ses murailles, dominant la vallée comme une gardienne de l’éternité, contemplant cette nature modelée par ses habitants, qui reflète dans ses miroirs l’absence de soucis, l’heureuse et provisoire insouciance d’un après-midi de Toussaint, à la campagne.
Au détour d’un tournant, l’arbre éternel, envoûtant de ses grands doigts fragiles l’horizon, dessine un ovale parfait et majestueux, malgré une chevelure brouillonne, et vous convie dans la danse des insectes qui bourdonnent autour des silhouettes des passants.
Enfin la lente montée vers la muraille, entre les chênes rabougris et la rocaille coupante, qui coupe le souffle, mais allège le corps et lui donne l’apesanteur mystique des croisés à la vue de Jérusalem.
Alors vient l’envie de se jeter des murs vers l’horizon, planant lentement au dessus du moutonnement des arbres, dans un silence parfait, respirant les odeurs subtiles de la terre, des feuilles endolories, de la bouse de vache et du parfum des promeneuses qui ouvrent leur corps à la pâle chaleur d’un soleil qui commence à descendre derrière la colline. Volant entre ciel et terre, entrant dans les flocons cotonneux comme dans un bain d’eau froide et décapante, vous connaissez l’ivresse des jours sans fin non parce que le temps s’arrête, mais parce que votre esprit lui-même s’est arrêté, vide, éclairé par le scintillement permanent d’une absence de pensées aussi bénéfique que les crèmes adoucissantes dont les femmes s’oignent chaque matin pour aller, la tête en l’air et les pieds au sol, conquérir le monde en tant que beauté fatale.
Et pourtant la porte est étroite et Gide aurait sans doute fait de ce moment hors du temps un instant d’appréhension des principes qui font de la vérité humaine soit une évasion, soit un enfermement.
07:52 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, toussaint | Imprimer
03/11/2011
Ta voix, comme le centre du monde
Ta voix, comme le centre du monde
Venue d’on ne sait où
Enjambant les rivières, suspendues à un fil
Et pénétrant la maison jusqu’au centre de mon être
Je l’imagine aussi traversant la nuit
Sur l’ombre pâle des réverbères
Volant un sourire au promeneur tardif
Puis pénétrée du chant de la forêt
Avant de descendre du piédestal
De son véhicule filaire
Ai-je besoin de parler ?
Pourquoi perdre en quelques paroles
Cette musique lointaine et pourtant si vivante
Quelques mots encore, quelques phrases
Et je redeviendrai semblable
A la fois plus heureux et plus triste
06:14 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
30/10/2011
Partir, c'est l'attrait de l'inconnu
Partir, c’est l’attrait de l’inconnu.
Je pars et j’oublie…
Je me désolidarise de mon attachement
Au quotidien qui m’englue, douloureusement.
Je perds ma réceptivité aux tracas
Et entre dans l’ère du nouveau,
De ce qu’il convient de découvrir
Au-delà de ce que je sais et ce que je vois.
En avant vers l’inconnu, ouvert,
L’esprit vide, le cœur léger,
Sans existence autre que l’instant !
Et ces instants, un à un, s’accumulent,
Grossissent en grappes multicolores
Pour former un nouveau présent
Dans lequel, peu à peu, s’incrustent
Des cailloux coupants et déchirants,
De nouvelles inquiétudes indésirables.
Comment recréer cette harmonie
De l’inconnaissance et de l’absence,
Où le présent est seule forme de vie,
Seul paradis convoité et précaire,
Où, la tête dans les nuages,
Je contemple l’horizon
Et admire l’éternelle fraicheur
D’un monde sans consistance
Parce que sans souvenirs, ni attaches ?
Revenir, c’est réinvestir sa mémoire,
Entrer dans l’incroyable cohorte
D’évènements vécus et médités,
Ou encore dans l’impression d’un moment
Que rien ne devait privilégier
Et que vous redécouvrez, enjolivé,
Suspendu au balcon des annales
De jours grisâtres et ternes, pour éclairer,
Lanterne rouge, la marche du destin.
Alors, parfois, je pars, pour quelques minutes,
Et j’aère mon existence périlleuse
De petits vides sans consistance
Tels des bulles dans les tuyaux d’une perfusion
Qui me contraignent et me bousculent.
Les yeux exorbités, je regarde l’existence
Et me dit : J’aime l’inconnu
Pourvu de la beauté de l’ignorance
Et je révère les joyaux enfiévrés
Sur lesquels on s’assied, en prince de la vie.
Pourtant, garder cet équilibre délicat
Revient à marcher sur la ligne de crête
De l’aventure de l’homme au quotidien.
06:54 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
24/10/2011
Éternellement toi
Éternellement toi
Ombre de mes pas
Ton chant m’atteint
Suis-je encore sans toi
Au plus profond de nous-mêmes
Se tient la lampe de nos amours
Ton visage revêtu de lumière
Comme une goutte de rosée
Prisonnière de l’aube naissante
Hante mes nuits de rêve
Je te regarde pour voir
Et tu es devenue mon œil
Image de mon image
Reflet d’un autre reflet
Nous sommes comme deux miroirs
Je me regarde en toi
Comme tu te vois en moi
Ensemble nous courrons
Sur le miroir de notre inconnaissance
Puis, le soir, revenus en nous-mêmes,
Tu me dis ce que tu es
Et je sais qui je suis
Alors je sombre au cœur de notre innocence
04:28 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
23/10/2011
Expansion matinale
Vous avez sans doute un matin, alors que le ciel était encore noir, eu l’envie soudaine d’assister à l’expansion matinale de la lumière, irréalité vérifiable qui se reproduit chaque jour depuis la nuit des temps.
Ainsi vous vous levez en catimini, vous vous habillez et partez dans la campagne, frissonnant de froid, mais l’esprit clair et léger, pour assister à la naissance du jour, à l’expansion de la lumière, depuis le moment où la moindre lueur germe dans un coin de l’horizon, jusqu’à l’instant où le mystère disparaît, effacé par la vision brute d’un monde sans voile. Instant magique, pendant lequel les couleurs se transforment, pâteuses sous la brume, blanchies au regard et au toucher.
Et vous admirez ce mystère du vert qui est bleu, de la terre qui se fait chocolat, du ciel qui se teinte de rose à l’horizon, juste au dessus de la ligne bleu pastel flottant au delà des arbres bleu canard, au plus profond de la vue. Et toutes ces touches de teintes se fondent progressivement dans le bleu turquoise, presqu’aigue-marine, d’un ciel qui s’éclaircit avec rapidité, dévoilant sa limpidité comme une fiancé le fait devant celui qu’elle aime. Quelques trainées roses stagnent au dessus du contraste visuel du paysage encore non distinct, barres menues prédisant la venue du jour.
Alors vous contemplez la montée du disque magique, d’abord petite pointe de rose dans cette marée bleue, puis éclair vivant au travers des arbres pelotonnés sur la ligne lointaine de la naissance de la vie, puis soucoupe rouge envahissant la perspective, imprégnant l’œil d’une rosace furtive, comme si vous aviez chaussé une paire de lunettes roses dans une piscine bleu marine. Enfant émerveillé, vous vous laissez envahir d’une légèreté nouvelle, d’une aspiration fraiche, jusqu’au moment où le disque dépasse ces limbes rampantes pour s’élever au-delà, dans l’azur incommensurable de l’univers dévoilé et ouvert comme un livre devant vous.
Changement de couleurs, le ciel devient jaune au dessus du bleu pétrole, presque noir de la perspective. Les trainées roses blanchissent et reflètent la lumière au lieu de simplement la tamiser. Le miracle est accompli, ou presque. D’ici quelques minutes, le paysage sera dévoilé, défloré, et vous reprendrez le chemin de votre maison, aérien, courant en pensée dans l’univers des couleurs, cueillant de ci de là les touches irréelles de la beauté si simple et si pure d’un matin comme chaque jour, mais que vous avez contemplé et qui vous a transformé.
07:23 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, littérature | Imprimer
21/10/2011
Peer Gynt, drame poétique d’Henrik Ibsen, mis en musique par Edvard Grieg
Peer Gynt est une épopée populaire, sorte de féérie satirique, teintée d’idéal, comme il sied à toute invention scandinave.
L’histoire de Peer Gynt, un jeune homme prétentieux et paresseux, commence dans les premières années du siècle dernier et finit presqu’avec lui. L’aventure se passe aux quatre coins de la terre. Car notre anti-héros quitte la Norvège pour courir le monde à la recherche de son âme. Il cherche sa vie parmi celle des autres et fuit la réalité en utilisant le mensonge. Après d’innombrables aventures, Peer Gynt retrouve Solveig qui l’attend toujours, le berce dans ses bras et lui murmure : « Ton voyage est fini, Peer, tu as enfin compris le sens de la vie, c’est ici chez toi et non pas dans la vaine poursuite de tes rêves fous à travers le monde que réside le vrai bonheur. »
Mais la musique a presque réussi à prendre le pas sur la pièce, avec de magnifiques partitions : Au matin, Mort d’Aase, Danse d’anitra et Dans le hall du Roi de la Montagne. Mais le plus émouvant est certainement la Chanson de Solveig.
Et si en compagnie de la douce Solveig, de la vieille Aase, du Roi de la Montagne et de sa fille la Femme en vert, d’Anitra et de l’Homme à la Grande Cuillère, nous suivons ce mauvais garnement de Peer sur le chemin terrible du Grand-Courbe, c’est qu’il ne faut jamais séparer ces deux sœurs jumelles de la beauté, la poésie et la musique. Y ajouter la danse comble pleinement cette partie de nous-mêmes qui constitue le mystère de chaque être humain.
Danse d’Anitra, par Elena Kulagina
http://www.youtube.com/watch?v=iTxYxupxeAM&feature=re...
La danse dans sa perfection.
Dans le hall du roi de la montagne
http://www.youtube.com/watch?v=tESCB65d04M&NR=1&f...
Mort d’Aase
http://www.youtube.com/watch?v=xCqDMe2s4gk&feature=re...
Quelle belle page musicale, qui est un univers de souvenirs que l’auditeur évoque, puis médite piano, jusqu’à se laisser ensorceler par ces réminiscences d’un passé révolu, mais bien présent dans la mémoire, si présent qu’il évacue l’instant de la mort d’Aase qui s’en va, tranquillement, sans qu’on s’en aperçoive.
04:56 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, théâtre, art, danse, poésie | Imprimer
20/10/2011
Le vin
Rouge, transparent, cristallin, pur,
Que vous regardez en soulevant le verre,
Que l’on admire d’un œil gourmand,
Qui résonne de sons grêles et harmonieux,
Qui enchante le regard avant le palais
Et que vous portez à votre nez
Pour en sentir les effluves, douces,
Chatoyantes, légères comme un parfum,
Avant d’en prendre une gorgée, petite,
Froide ou tiède, que vous laissez couler
Avec ferveur, dans votre bouche
Pour la malaxer et ronronner
Jusqu’à en extraire l’ensemble du fruit,
De la banane à la framboise,
Des bois d’oliviers aux arbousiers,
Et laisser mourir en vous
Les derniers arrière-goûts, fragiles,
Du nectar que vous avez amoureusement
Ouvert, éventé, effeuillé, humé,
Et finalement savouré.
Quelle étrange religion que celle-ci !
Encensée par son pouvoir de transformation,
Reçue chaque jour par la prêtrise,
Rejetée vigoureusement
Par les imams en mal de fatwa,
Interdite aux femmes enceintes
Comme un poison symbolique,
Recommandée par certains médecins
Aux malades en mal d’éprouvettes,
Ingurgitée par la jeunesse
En recherche de sensations,
Rejetée par les experts en œnologie
Pour garder le goût sûr et solide,
Bue par le commun des mortels
Simplement, benoitement, modestement.
Et tout ceci par le fait incroyable
D’un plan de vigne sur un coteau
Inondé de lumière, abrité du froid,
Biné, sarclé, désherbé, fumé,
Par les mains d’un vigneron
Qui tient amoureusement chaque plant
Avant d’enfouir ses racines en terre
Et de le regarder pousser, s’enjoliver,
Se démultiplier, étendre ses tentacules,
Et faire naître au printemps quelques billes
Vertes, étranges, rassemblées ridiculement
En paquets qui deviendront des grappes
De raisins juteux, fermes, colorés,
Que l’on prend dans sa bouche
Pour en déduire l’esprit du vin futur.
Don des dieux,
Miracle de la nature,
Art de l’homme,
Pour satisfaire
La montée vers les cieux
Ou la descente aux enfers,
Selon les a priori de chacun.
04:29 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, vin, boisson | Imprimer
16/10/2011
Ma bicyclette est devenue une partie de moi-même
Ma bicyclette est devenue une partie de moi-même.
Je suis muni de roues qui divaguent sur l’asphalte.
Roule, roule, dans les flaques et le gas-oil,
Passe entre les voitures, sous les échafaudages,
La tête au dessus de la mêlée, hors d’atteinte.
Je contemple serein la marée humaine,
Glissant au milieu d’eux, comme un pélican
Navigue entre les mats des navires
Avant de se poser, majestueux, sur le pont.
Pied à terre, chevalier ! Vous voici redevenu piéton,
Homme de petits pas, aux ailes rognées,
Qui marche pesamment, ralenti, écorné,
Parmi ses semblables, invisible et appauvri.
Et vous revenez de votre course, altier,
Pour reprendre la monture indélébile
Et repartir triomphant, enrobé de lumière,
Se guidant aux étoiles des lampadaires,
Roulant légèrement, le nez au vent,
En toute liberté.
Ah, qu’il est bon de se sentir un autre
Lorsque rien ne s’oppose aux rêves
Les plus simples et les plus beaux.
06:42 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
12/10/2011
Voyage dans le temps de l'enfance
Voyage dans le temps de l’enfance,
Quand déjà s’entendait l’oiseau au matin
Et qu’au-delà du chant la brillance,
Sous le drap tiède, je trouvais du rêve le chemin.
Longtemps je crus pouvoir y être insensible.
Mais ce retour sur le lieu des rêveries,
Quand j’épanchais une rage ostensible,
Me donne à méditer sans bruit.
Je retrouve l’odeur moite de la cuisine,
Quand je glissais la tête devant la porte
Pour découvrir les raisons d’odeurs subtiles
Et de sons d’ustensiles de toutes sortes.
Je reconnais la vieille armoire
Où se trouvaient les trésors de bouche,
Fruits confis ou petits gâteaux du soir,
A partager sans restriction avec les mouches.
Souvenir d’un jour, d’un moment unique,
Quand le temps s’arrête sur un geste
Et que toujours cette attitude modique
Revêtira l’élégance d’un vieux reste.
Et je repars mélancolique et blême,
Vers les horizons du présent bien vivant,
Gardant au fond de moi-même
Le pincement de l’évocation d’antan.
02:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
09/10/2011
Les apparences sont trompeuses
Hier, pluie et soleil. Mais plutôt pluie au pied du palais du Louvre. Et, il fallait faire la queue avant d’entrer dans la caverne à ciel ouvert, pointe de diamant vers les étoiles. Echantillon de personnes du monde entier, parlant toutes sortes de langues, mais comprenant bien qu’on va se faire mouiller et sortant, pour les plus avertis, leurs parapluies. Le ciel était noir et l’ondée arrivait, cinglant les toitures d’abord, puis la place qui se transforma en piscine luisante.
Devant moi se tenait deux jeunes hommes, dont l’un se promenait avec son pantalon sous les fesses, montrant un slip bariolé et des rondeurs efficaces. Quelle idée de montrer ses fesses à tous comme un trophée unique ! En faisant exception de cette anomalie, il avait l’air sympathique ainsi que son compagnon. La pluie tombait, drue comme des lames de couteau. Il se tourna vers moi et me proposa, en anglais, un coin de parapluie, ce que j’acceptais bien volontiers. Ils devisaient entre eux, m’abritant sans m’exclure jusqu’à ce que le soleil apparaisse à nouveau, brusquement, comme une lampe de poche éclairant une cave. Et le grain cessa, laissant les patients à deux mètres de la porte d’entrée, trempés et dégoulinants. Ils pourront au moins se réchauffer dans l’étouffoir de la grande salle aux guichets multiples.
« Thanks for your umbrella ». Encombrés de sacs, ils passèrent devant la machine à fouiller sans les doigts tandis que je poursuivais mon chemin n’ayant rien d’autres que mes habits trempés. Descendant l’escalier roulant, je pensais que l’habillement n’est qu’une apparence trompeuse. Se promener les fesses à l’air lui semblait tout naturel. De plus, personne n’avait l’air choqué ou ne l’avait remarqué.
Alors je me suis souvenu qu’avant d’arriver à la queue pour entrer dans le musée, j’avais croisé une très belle femme, bien habillée, qui se promenait les pieds nus, sans chaussures, même à la main, dans les flaques d’eau, marchant le plus naturellement du monde, comme si elle se tenait dans un salon.
Multitude des attitudes du genre humain !
07:58 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, poésie, paris | Imprimer
08/10/2011
C'était il y a huit jours
Rien que l’immobilité et le silence.
C’est le début de l’après-midi,
Lorsqu’hommes et animaux reposent
Dans une douce somnolence, repus de chaleur.
Pas un bruit. La campagne est atone.
Si ! Lointain, le roucoulement d’un pigeon.
Ce silence est léger, ce n’est plus celui de l’été.
Il semble chantonner, bouche fermée.
Sur la rivière, les lentilles d’eau,
Sans vie, sans courant, sans enthousiasme,
Encombrent le lit de flots morts.
Là aussi, tout dort, tout s’immobilise.
Seul havre de fraicheur, le petit sous-bois.
Les pas y craquellent les feuilles mortes,
Mais le corps se dérobe sous les pieds
Pour s’affaisser et s’endormir, enfin.
06:18 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
03/10/2011
Que dire devant la page vide
Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.
Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».
07:08 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
28/09/2011
Elle est là, glorieuse de féminité
Elle est là, glorieuse de féminité,
Assise, allongée sur le banc sous le rosier.
Elle lit, calme, la tête dans une main,
Concentrée, mais détendue, entière.
Je la revois au temps de notre connaissance ;
Quand j’aspirais à ces jours de quiétude,
Ne sachant si ce serait toi, ou une autre,
Ou même personne, peut-être.
Et tu es là, toujours, belle comme au premier jour,
Reine du jardin, évadée des songes,
Et je te regarde, rêveur, transi encore,
Je caresse mentalement ton visage épanoui,
Je baise ta bouche de feu, rose,
Je contemple ton attitude, fière,
Et derrière le feuillage qui obscurcit en partie
Ton corps, je rêve à nouveau à ces jours vécus,
A ces instants où le monde était toi.
Tu étais l’or des soirs d’automne,
La fraicheur des matins de printemps,
La chaleur des journées d’hiver,
Le rire enjôleur des nuits d’été.
Oui, c’est bien toi que j’aime,
Et que je continue de voir avec les yeux
De celui qui s’envole en te contemplant.
07:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
24/09/2011
De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose
De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose
Le tremblement de mes paupières à leur frôlement
Comme un séisme sous-marin au passage de la comète
La nuit s’embrase alors d’étranges lueurs
Aux sons de tes doigts sur le verre de mon attente
J’avais pourtant connu la caresse des vents d’été
Le souffle froid de la source jaillissante
J’avais frissonné les nuits d’hiver sous le gel
Mais tes doigts ont la candeur de l’enfance
Et l’aisance de l’oiseau dans le vide
Avais-je déjà vu d’autres mains avant celles-ci
Avais-je déjà appris d’autres caresses
Je ne sais plus
Un grand vide est comblé
Un vide où les regards coupaient comme la glace
Où les mains fondaient entre les miennes
Comme s’évanouit l’inconsistante réalité des neiges
Tes mains devenues le fruit de ton amour
Esquissent une pâle lumière aux êtres et aux choses
Avant de rejoindre ton visage aux yeux clos
Pour y puiser de nouvelles forces
09:27 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
19/09/2011
Brouillard fou de la percée informationnelle
Brouillard fou de la percée informationnelle
Comme une bataille de lettres et de chiffres
Qui engendre la peur et la concupiscence
Et qui colle sur chaque être une déformation
Comme l’homme s’amuse à faire le singe
La rumeur se déploie en volutes doucereuses
Comme la fumée d’un cigare autour d’un cendrier
Et contamine l’entourage qui respire ce poison
Pour le distiller à son tour, insidieusement
Et le jugement se détache en lambeaux indolores
Pour laisser place à l’arrogante certitude
Chaque nouvelle est commentée, jamais expliquée
Information tronquée et poudre aux yeux
Qui fait pleurer l’innocent et rire l’initié
Jusqu’au moment où il devient cible
Et perd toute prestance jusqu’à l’oubli
Car c’est le risque des adeptes de la diffusion
Jusqu’où aller pour ne pas tomber
Chaque jour déverse son flot d’évènements
Mais chacun d’eux s’interprète et se diffuse
A sa manière, selon la volonté de l’informateur
Dire au plus vite sans connaître ce qui se passe
Interpréter sur la base de rumeurs colportées
Propager le premier sans regard sur les conséquences
Dévoiler sans pudeur ce qui tuera la vie
Sans considération sur la personne
Tel est le monde où nous vivons
Un petit monde fait de pressions
Un monde où le scoop, même insensé
Vaut mieux que l’absence pour vérification
Un monde où l’homme n’est plus l’homme
Mais le propulseur d’évènements
Qui déclenche l’avalanche médiatique
Un monde où la personne n’a pas de droits
Face au maquillage des faits
Par ignorance, méconnaissance ou machiavélisme
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15/09/2011
Dorure subtile d’une feuille
Dorure subtile d’une feuille
Dont le soleil darde de lumière
La nervure plus solide, tandis que l’épiderme
Étincelle de l’éclat de sa sève blonde
Bercée d’autres feuilles vertes
Elle se réjouit de son règne doré
Diffusant son spectre royal
Sur ses compagnes alentour
Et bientôt, vieillie et flétrie
De cette sève absente
Qui dessèche sa tige frêle
Elle s’en ira au vent
Légère, attendrie, gondolée
Secouée par d’invisibles ondes
Pour tomber ignorante
Sous les pas d’un petit garçon
Qui la glissera dans un cahier
Avant de la laisser voler
Au printemps, dans la rue
07:13 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
10/09/2011
Vacances 6 (et fin) : La maison
Le silence et rien d’autre.
Du fond de la ruelle
Monte le fracas de la ville
Murmures et cris
Pétarades de scooters
Bruits assourdis des voitures
Mais franchi le seuil
Rien, l’absence, le désert auditif
Tel le vizir dans sa cellule
Nous nous enfermons
Dans ce calme d’Olympie
Pour jouir plus réellement
De cette paix entière
De ce paysage de rien
De cette absence de bruits
Et pourtant,
Cette maison doit résonner
De pleurs d’enfants
De pépiements de petites filles
De cris sauvages de garçons
De murmures entre fiancés
De conversations passionnées
Entre personnes sensées
D’échanges secourables
Et de nostalgie rentrée
Tout cela on l’entend
Lorsque, la porte close,
On prend garde
Aux effluves de la salle du bas
A l’odeur de fenaison de l’escalier
Après l’ouverture du loquet
A la fragrance de pin de la chambre
Aux exhalaisons du vent au dehors
A l’arôme du fond du jardin
C’est une vraie maison,
De celle qu’on habite volontiers
Parce qu’elle fait revivre
Les années passées
Et qu’elle donne à chacun
Une idée de l’avenir.
Quel silence dans la maison pour faire parler une mémoire imaginaire !
06:53 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
07/09/2011
Qu'est-ce que la poésie ?
Qu’est-ce que la poésie ?
L’art de la métamorphose du réel.
Ce matin, je lisais dans la chambre, tout entier dans la douceur du matin, quand le ciel s’étire de bleu en dansant sur les nuages. Je finissais le livre de Didier Decoin, « Une Anglaise à bicyclette », et je me disais qu’il était bon de n’avoir pas d’heure, aucune obligation et que je pourrais, si je le désirais, rester toute la matinée au lit, sur le lit, couché entre les draps, l’esprit au frais, les pieds dans la douceur. Et tout d’un coup, à l’image évocatrice des fées rencontrées par Emily au cours de sa promenade à bicyclette, j’ai senti l’essence de la poésie monter en moi, s’engouffrer dans ma poitrine comme un ruisseau s’engouffre dans une faille terrestre, en grosses cataractes, dans un bruit inquiétant.
La poésie, c’est faire de tout ce qui est extérieur votre intérieur, en personnalisant par cette transmutation subtile du passage de la frontière chacun des objets, décors, personnages que vous choisissez pour leurs attraits indétectables à d’autres. La casserole qui chauffe sur le feu, la main de l’enfant qui joue à vos pieds, la tenture qui clôt la porte du salon où se cachent les fantômes, jusqu’à votre propre corps dont les extrémités semblent ne plus vous appartenir. Tout cela est devenu vôtre, par la grâce de la poésie, et vous les chérissez non pas d’un amour possessif, mais d’un sentiment doucereux, miel sauvage et agapanthe odoriférante, qui vous conduit dans un autre monde, où les jours ne se comptent plus, où les nuits s’écoulent sans que les heures s’égrènent, où seul le souvenir de ces évocations renforcent en vous le plaisir de vivre.
Cette métamorphose s’accompagne d’une modification de la vue, de l’odorat, de l’ouïe et du toucher, et même du goût. Plus rien ne se vit comme avant. La moindre attention à un objet devient un évènement, un livre, presqu’un monument. Vous y découvrez ce que vous n’aviez jamais vu auparavant : le charme ignoré, la couleur cachée, la froideur glacée et bienfaisante, le son rugueux au toucher et bien d’autres choses encore dont vous ne conservez pas forcément un souvenir intangible. Et cette métamorphose vous enchante, vous fait découvrir un nouvel art de vivre, un décor inédit à vos réflexions, une version originale de votre appréhension de la réalité. Celle-ci devient rêve éveillé, voyage sur un nuage doré, symphonie exubérante, mélange de parfums passés et de touches évanescentes du futur. Et pourtant cette transmutation est celle du présent, variable à chaque seconde, faisant de chaque instant une éternité vécue pleinement, douloureuse comme un enfantement.
Mais, simultanément, la poésie, c’est également faire de tout son intérieur un extérieur à donner à tous. C’est se mettre à nu devant les autres, sans peur ni pudeur. C’est accepter de ne plus avoir d’intimité, de dévoiler sa fragilité. C’est s’ouvrir sans fard et donner à contempler ce que d’autres cachent à tout prix : ce que vous ressentez en vérité, ce que vous vivez réellement, au-delà d’une façade de bon ton que vous avez pris l’habitude de fabriquer quotidiennement. Et ce n’est pas toujours simple. Ça peut même, parfois, être une souffrance qu’il faut vaincre.
Et, soudainement, le charme se rompt, chaque objet reprend sa place habituelle. L’œil redevient clair, les bruits coutumiers. Vous caressez la table qui ne résonne plus, vous goûtez le bout du crayon qui ne sent que le bois. Le monde est revenu, il s’étale devant vous, sans mystère ni peur. Vous êtes dans ce qui est et plus rien ne fait que ce qui est extérieur ne devienne intérieur. Avez-vous rêvé ?
En fait, vous avez retracé la ligne de démarcation entre l’imaginaire et l’identitaire, tout cela parce que vous êtes à nouveau entré dans votre coquille, celle que vous vous êtes fabriqué, l’image que vous vous donnez, à vous et aux autres.
Comment repartir vers les cieux de la poésie ? Guetter ce qui vous touche pour le saisir lorsqu’il arrive et ne plus le lâcher avant de l’avoir exploité. Face à la feuille blanche, vous êtes seul, mais dans un entourage de légendes personnelles.
03:45 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
06/09/2011
Vacances 4 : Port
Horizontal : blanc
Vertical : Gris, noir ou argenté
Partout, des taches rouges et bleues
Renforçant l’enchevêtrement des coques
Quelques pavillons flottent au vent
Et, au centre, les flots, gris, endormis
Bête immobile et doucereuse
Prenant du bon temps, câlinante
Comme il sied à un port abrité.
Au loin, court sur l’horizon
Un chapelet de nuages cotonneux
Hachuré par la forêt de mâts
Et la vie court autour du port
Comme un orage sur la plaine
Bruyante, mouvementée, insensible
A la quiétude des voiliers amarrés
Comme des chevaux de course
Pour le pansage aux murs des écuries
L’eau reflète les couleurs diffuses, mollement
En pâtés marbrés, étirés, ridés
Comme un film à vitesse accélérée
Contrastant avec l’immobilité des monstres
D’acier, effilés comme des aiguilles
Prêts à bondir sur la vague
En ouvrant leur parapluie
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
04/09/2011
Vacances 3 : Entrer dans le rien
Entrer dans le rien, à la surface du miroir,
Quelle tentation ! S’évanouir aux yeux du monde
Et mourir à soi-même : silence et repos.
J’avançais un pied craintif vers l’onde brillante
Et je le regardais passer à l’envers du miroir,
Un doigt de pied, puis un autre jusqu’au pouce.
Plus rien, plus de doigts de pied bleuis.
Une surface bleu vert et le couperet.
Je tire vers l’arrière et retrouve mon pied.
Quel bonheur ! Marcher avec des béquilles ?
Sûrement pas, autant devenir sourd !
Comment disparaît-il et revient-il, ce pied ?
Réessayons. Le pied entier, comme emprisonné.
Je n’ai plus qu’une jambe complète
Seigneur, que faire ? Avance et vois !
L’autre pied, puis les deux tibias,
Envolés, perdus, quelle légèreté !
Il me manque une partie de moi-même ;
Ce n’est pas la plus important, mais tout de même.
Je ne me vois pas revenir en petite voiture !
Alors poursuivons, stoïque, sans hésitation.
Le miroir est toujours semblable à lui-même
Bleu-vert, gris à certains endroits,
Tremblotant légèrement, ondulé en vagues,
Comme une bête mécontente ou frileuse.
Au dessous, un autre monde, inconnu,
Séparé par une ligne ténue, la surface.
On ne peut la toucher. Elle vous méconnaît.
On plonge dans le rien, éperdu,
Et l’on perd conscience, sans consistance,
Redevenu momie, cadavérisé, froid.
Mais qu’il est bon ce monde caramel
Qui fait de vous un glaçon enchanté,
Les poils hérissés au dessus
Un rien de rien au dessous
Comme un oiseau entre l’air et l’eau
Perdu dans un océan de miroirs
Qui ressort libre du trou sans fin
Qui le nourrit gratuitement.
Avançons, encore et toujours, petitement,
Courageusement, à petits pas,
Sans réfléchir aux conséquences désastreuses
Comme par une nuit d’orage : éclair
De convoitise, d’anéantissement, de volupté.
Oui, pourquoi cédais-je à cet attrait
Comme un aimant se dirige vers le nord
Sans hésitation, pour ne rien trouver,
Se noyer à la verticale du point d’orgue
En un sursaut final après un frisson
Et une pensée émue pour ceux qu’on quitte.
Allons, poursuivons, j’entre jusqu’au nombril.
Il disparaît à son tour, happé par la surface
Je n’ai plus mon trou de vie, mais je suis là
Toujours regardant un ciel rayonnant
Qui projette son ombre sur un corps réduit.
Rien ne me manque et pourtant
Je commence à éprouver une certaine gêne,
A l’équivalent d’un éléphant sans trompe
Ou d’un aspirateur bouché qui cherche l’air.
Pourtant, on ne respire pas par l’abdomen ?
Alors continuons, sans penser, sans ressentir.
J’entre les doigts d’une main, puis l’autre,
Je suis démuni et sans défense.
Comment faire, puisque je ne suis plus qu’un torse
Qui dore au soleil et frissonne de froid et de peur.
J’avance encore, je ne sais comment.
Je n’ai plus ni jambes, ni bras,
Je ne suis plus qu’une tête, encore vaillante,
Mais qui s’inquiète malgré tout.
Vais-je retrouver ce corps, certes mécanique,
Mais bien pratique pour explorer la méconnaissance.
La surface s’est rapprochée des yeux, elle luit,
Elle me nargue, scintillante et riante,
Comme un serpent de désir clos, mais tentant.
Je sors une langue bleuie et goûte.
Dieu, cela brûle et enflamme la gorge.
Un feu acide avec des relents de verdure
Un peu de pétrole aussi, pollution oblige.
Non, l’expérience n’est pas concluante.
Alors je ferme mes orifices avec force
Et je poursuis, inexorablement
Avançant vers une mort annoncée.
Çà y est, je suis dans le noir
Les yeux clos, la bouche condamnée.
Plus de remarques possibles,
Plus de pensées proférées, chantées, versifiées.
Plus rien qu’un silence profond, écrasant.
Seuls les cheveux doivent émerger encore
Comme une botte de radis sur un étalage
Entre des pommes de terre et la laitue
Que vous repêchez d’une main ferme
Parce qu’elle reste fraiche et appétissante.
Puis vous sentez le froid vous saisir
Jusqu’en haut du crâne, main de glace
Qui enfonce votre être sans pensée
Dans la poussière fluide et vaine
D’un courant que vous ne ressentez plus.
Mort au monde des images vraies,
Des sons clairs comme les baguettes
Des tambours d’une vie trépidante,
Des odeurs fraiches telles l’enivrant
Parfum d’une femme étendue ou
L’odeur aigre de la cuisson du chou
Ou encore la senteur du bébé repu.
Mort à la vie, naissance à un monde
Où toucher remplace la vue,
Où le froid et le chaud sont indicateurs
De changements dangereux ou bienheureux.
Je vois du bout des doigts, je respire
En vase clos, comme un poisson,
Puisant un air gorgé de rien,
Je magnifie mes sens, étonné
D’apprendre que je vis encore
A moitié, penserons certains,
Différemment dirais-je.
Encore, encore, encore…
Perdu dans l’immensité du miroir
Un corps dérive, les yeux rêveurs,
Un sourire aux lèvres, les bras en croix,
Alangui d’un bonheur sourd
Clos dans sa totalité,
Perdu aux autres,
Loin des siens,
Replié sur lui,
Déconnecté,
Vide,
Rien.
Telle est la vie !
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
01/09/2011
La vie est ailleurs, roman de Milan Kundera (1973)
Ce livre m’a semblé très beau et profond et, simultanément, ennuyeux et factice.
Certaines pages, certains thèmes utilisés dans le roman sont traités avec délicatesse. Citons, par exemple, le chapitre 8 qui décrit la séduction de la mère de Jaromil par le professeur de dessin de son fils. Ou encore la découverte de la poésie par le corps imaginé de Magda, la petite bonne, au chapitre 10 : « Je suis sous l’eau et les chocs de mon cœur font des cercles à la surface. Ce vers offrait l’image de l’adolescent tremblant devant la porte de la salle de bains […] Ah, mon aquatique amour, disait un autre vers, et Jaromil savait que cet aquatique amour c’était Magda, mais il savait que personnes n’aurait pu la reconnaître derrière ces mots, qu’elle était perdue, invisible, ensevelie […] Cette autonomie du poète offrait à Jaromil un magnifique refuge, la possibilité de rêvée d’une deuxième vie ; il trouva cela si beau qu’il tenta dès le lendemain d’écrire d’autres vers et qu’il s’adonna peu à peu à cette activité. »
Et Jaromil s’invente un personnage, Xavier, à la fois différent, mais en même temps semblable, un personnage entreprenant, mais veule. Mais Jaromil grandit et découvre l’amour avec ses rêves, ses hésitations d’adolescent : « L’idée de la nudité féminine lui donnait le vertige. Mais notons soigneusement cette différence subtile : Il ne désirait pas la nudité d’un corps de jeune fille ; il désirait un visage de jeune fille éclairé par la nudité du corps. » Et il finit par faire la connaissance d’une jeune fille, modeste, étudiante, intéressée par les opinions insolites de Jaromil, à tel point qu’elle le traite de gracieux éphèbe. Après de multiples péripéties, il l’embrasse, ce qui lui permet également d’écrire un poème-récit et d’entrer plus avant dans le domaine de la poésie.
On ne sait comment Jaromil devint révolutionnaire, sans doute l’air du temps et la possibilité d’action : « Mais on ne sait jamais dans l’instant présent si la réalité est le rêve ou si le rêve est réalité : les étudiants qui étaient alignés avec leurs pancartes étaient venus là avec plaisir, mais ils savaient aussi que s’ils n’étaient pas venus ils risquaient d’avoir des ennuis. […] Le cortège défilait à travers les rues et Jaromil marchait à ses côtés ; il était responsable non seulement des mots d’ordre inscrit sur les banderoles, mais des clameurs scandées par ses camarades. […] Il les criait d’une voix forte comme un curé dans une procession et ses camarades les répétaient après lui. » (chapitre 19).
Peu après, il connaît l’amour physique avec une petite vendeuse rousse qui l’emmène chez elle dès le premier jour. Et : « Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution, plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour. »
La cinquième partie est par contre plus laborieuse, malgré quelques passages excellents. Elle aborde le thème de la jalousie : jalousie de sa mère pour l’amie, jalousie de Jaromil pour ceux qui l’on touché avant lui. Après une réflexion désagréable d’un camarade de faculté, « il s’émut à l’idée que son amie portait de vilaines robes bon marché, et il voyait là non seulement le charme de son amie (le charme de la simplicité et de la pauvreté), mais aussi et surtout le charme de son propre amour : il se disait qu’il n’est pas difficile d’aimer quelqu’un de resplendissant, de parfait, d’élégant : cet amour-là n’est qu’un réflexion insignifiant qu’éveille automatiquement en nous le hasard de la beauté ; mais le grand amour désire créer l’être aimé à partir, justement, d’une créature imparfaite qui est une créature d’autant plus humaine qu’elle est imparfaite ». « Un jour […] il lui expliqua que la beauté n’a rien à voir avec l’amour. Il affirma que ce qu’il aimait en elle, c’était tout ce que les autres trouvaient laid ; dans un sorte d’extase, il commença même à énumérer ; il lui dit qu’elle avait de pauvres petits seins tristes avec de gros mamelons ridés qui éveillaient plutôt la pitié que l’enthousiasme : il dit qu’elle avait des taches de rousseur et des cheveux roux et que son corps était maigre et que c’était justement pour çà qu’il l’aimait… » La suite de cette partie est un peu pitoyable : la jalousie de sa mère à la venue chez elle de la petite amie rousse, avec l’épisode des spasmes, la conférence des poètes à l’école de police, le détachement et la trahison de Jaromil envers la jeune fille rousse.
Les cinquième et sixième parties sont quelque peu confuses, malgré de beaux passages. Elles sont conçues différemment du reste, faites de petits chapitres parfois sans suite. Le personnage de Jaromil se confond avec d’autres ou avec lui plus vieux. « Dans ce livre, nous dit Kundera, le temps s’écoule à un rythme inverse du rythme de la vie réelle ; il ralentit. […] Chacun regrette de ne pouvoir vivre d’autres vies que sa seule et unique existence ; vous voudriez, vous aussi, vivre toutes vos virtualités irréalisées, toutes vos vies possibles (ah ! l’inaccessible Xavier !). Notre roman est comme vous. Lui aussi voudrait être à d’autres romans, ceux qu’il aurait pu être et qu’il n’a pas été. »
Certes, je n’ai fait que raconter à ma manière ce roman, sans en avoir extrait le jus des idées en un ordonnancement élaboré. Mais je crois que le livre lui-même est ainsi et que cela est voulu par l’auteur. Toute analyse intellectuelle de ce que Kundera a ou aurait voulu dire n’a que peu d’importance par rapport à ce qui est réellement écrit. Laissons nous guider par ce vent de liberté qui souffle au travers des pages, dans le désordre, avec l’amour et la confiance sans retenue envers l’auteur, jusqu’à adhérer ou rejeter son œuvre.
06:04 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, philosophie, poésie | Imprimer
30/08/2011
Loup, je m'appelle
Dédié à un petit garçon qui est fasciné par un prénom inhabituel :
Loup, je m’appelle et carnassier je suis
Où donc mes parents ont-ils pêché ce prénom ?
Pourtant comme il est doux ce nom
Doux comme le hibou, piquant comme le houx
Cela fait de moi un être à part
Qui fait rêver les enfants et les fées
Parce que toujours dans leurs songes
Ils me voient terrifiant et innocent
Je suis l’homme des peurs ancestrales
Qui ouvre au mystère des contes
Où l’animal maudit se délecte de lutins
Pourtant rien ne m’avait prédestiné
A devenir un objet de rêverie
J’avais la tête sur les épaules
Comme tout vivant d’aujourd’hui
Mais ce fut un grand malheur
Le jour où l’on cria au loup
Me rejetant, seul, dans les limbes
Des souvenirs d’enfance à petites peurs
Je suis celui qui sert à l’inventeur d’histoires
Parce qu’il a toujours un événement
A conter, pour provoquer l’hilarité
Ou la crainte ou la pitié ou peut-être
L’indifférence des bien-pensants
Voilà quelle est ma vocation
Devenir l’œil invincible qui lit
Au travers des autres et voit dans leur regard
La curiosité insatiable du pou
Devant le bijou tel un caillou
Ou un joujou sur le genou
Que le hibou viendra saisir
Comme un chou, fleur de la vie
Quel chou de hibou, ce Loup !
06:02 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
27/08/2011
Le soleil éclairait la nuit d’encre
Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible
Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure
Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie
Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme
Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose
La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre
Une cloche sonne, puis deux, puis trois,
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois
06:05 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
22/08/2011
Le geste plein d'espoir
Le geste plein d’espoir
Nous avancions sur la grève rocailleuse
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux
Et je les essuyais avant de repartir
Le ciel était descendu sur l’horizon
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voute poussiéreuse
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de grosses roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés
Ta main parfois m’enserrait la taille
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture
La langue sèche, l’œil fiévreux
Et le soir ne voulait pas tomber
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?
06:07 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
19/08/2011
Certes, l’herbe est plus verte
Certes, l’herbe est plus verte lorsqu’il pleut, mais le ciel est plus noir. Les gouttes tombent une à une et sordides, mais c’est un rideau qui frôle nos yeux et mouille nos cils.
_ Madame, votre cœur est léger !
_ Tu me diras, Monsieur, ce qui est préférable,
Un cœur lourd de maux inconnus
Ou la légèreté de l’insouciance.
_ Sais-tu, maudite, que tu me feras mourir.
Regarde dans le miroir tes longs cheveux.
Ils couvrent tes épaules d’or
Et moi, je n’ai qu’un peu de laine.
Regarde encore ta bouche,
Une fontaine de bonheur
Qui ne sait que dire oui
Et qui pourtant connaît le non.
_ Tais-toi, le printemps est là.
Pense aux fleurs, aux oiseaux,
Pense aux trois sabots qui courent
Le long des routes acerbes.
Le soleil caresse ton ventre
Et la serpe te court sur le dos
Pour fermer le battant de la mort.
Regarde comme est beau l’azur
De ton cœur, du mien et du ciel.
J’ai perdu des ans à chercher
Ce que je trouve aujourd’hui.
Et tu ne m’as pas dit
Comment je pourrai le faire :
Prendre un verre d’eau et du pain
Et pleurer dehors le soleil qui part.
Jusqu’à ce qu’un jour,
Je vis, seul, le soleil apparaître
Derrière la grotte où je dormais.
Alors tu es revenue de là-bas,
Là-bas dont je ne savais rien,
Sinon que tu m’oubliais peu à peu
A courir après une mort incertaine
Qui ne semblait pas vouloir de toi.
L’herbe était blanche comme l’eau,
Mais il faisait bon s’y étendre
Pour pleurer son bonheur
Avec tous les efforts nécessaires.
_ Ma belle, tu parles sans réfléchir.
Tu crois toujours trouver
Ce qu’en fait il n’y avait pas à chercher.
Viens, que nous visitions notre royaume.
Il fait quatre pieds de long
Et sa largeur n’en fait pas plus de trois.
Mais c’est tout un continent qui s’écoule
Doucement sous nos pas attendris,
Pour dévoiler ce qu’il nous avait caché :
Des rivières aux eaux ronflantes
Qui sentent la fraicheur des nuits,
Du sable d’or isolé dans les herbes
Qui gardent la chaleur du jour,
De longs fruits rouges qui pleurent
Pour nous laisser boire,
De longues grappes d’oriflamme
Pour éclairer nos jours heureux.
_ Monsieur, vous ne faites que me dire
Que tu n’écoutes que ton cœur
Sans entendre les paroles de ma bouche.
Tu parles et tu ne sais
Quelles sont les règles d’or du miroir
Où se cache la clarté du bonheur.
Cherche la vie sans voir la mort.
Regarde la mort sans voir
Ce qui la rend triste à mes yeux.
Des trésors te tendent les bras
Tous les jours en tout lieu
Sans que tu te rendes compte
De ce que tu peux prendre.
Ensuite tu ris, aussi niaisement
Que d’autres pleurent la mort d’une souris
Qui avait l’habitude de courir sur leur lit
Et de grignoter les restes de leur barbe.
Tu ris sans savoir la triste concession
Que j’ai dû faire pour m’occuper de cela.
J’ai quitté ce que j’aimais à jamais,
La tranquillité d’une douce chaleur
Et la sûreté des montagnes isolées
Où seul le vent hurle contre les loups,
La griserie des descentes dans le froid
Et la chute des fééries blanches.
_ Adieu, Madame, mon cœur est las
D’écouter vos amours sans savoir les choisir.
Pour moi, je reprends mon indépendance
Faite de premières visions et de nuits.
Le reste, je l’ai vu pour toujours
Sans envie de refaire l’expérience.
Pourquoi abandonner l’espérance ?
Pourquoi me dire que jamais tu ne reviendras ?
Ta vie est faite de longs trous noirs
Que tu aimes pour leur quiétude,
Mais qui ne sont que des vides où se perd
Pour longtemps ce qui m’a charmé en toi.
Abandonne-les pour t’ouvrir à l’air du temps
Qui puise sa force dans la mer et les cieux,
Qui l’emporte au dessus des terres pour pleurer
Et tromper de leurs larmes l’humanité
Qui s’imagine noyée dans ses longues rivières.
_ Où m’emmènerais-tu, toi dont j’ai tout attendu,
Dont j’ai recueilli la chaleur sur ma joue,
Qui m’a donné la ferveur et la joie.
Tu voudrais me montrer le monde
Où les jours durent comme trois nuits
Et les nuits sont sans moyen de voir
Où me mènent les autres voies.
Regarde où va le monde qui dort.
Les yeux fermés, il tourne
Sans jamais perdre son équilibre,
Bien que toi, tu ne sentes que la chaleur
Des terres chauffées par l’astre central.
Ta tête tourne sans arrêt
Et ton cœur reste seul à jamais.
J’ai espéré longtemps voir un jour
Les longues marches des déserts inconnus
Où se cachent les êtres amassés
Par nos soins dans des trous profonds.
Nous fuyons ceux-ci pour l’entassement
Dans un bloc de pierre et de fer
Façonné par nos soins, sans cependant
Avoir la forme que nous avions voulue.
Regarde aussi derrière toi
La longue misère des trois faunes
Qui couraient sans cesse
Dans le feuillage de la vie alanguie,
La longue tristesse des grands bras
Qui s’élèvent pour pleurer
Les atours qu’ils passent dans leurs doigts
Et les laines précoces qui poussaient
Sur le dos délabré des brebis.
La route est longue vers la mer,
Celle des grandes vertus
Qui courent le long des eaux
Sans jamais trouver un moulin
Qui pourrait tourner pour elles.
Tu cherches aussi comment admettre
Que les stigmates de la grandeur
S’élèvent plus haut que les monts
De la guerre et de la paix réunies
Pour trouver ensemble
Ce qu’ils ne peuvent donner séparément.
C’est le problème de la magie naturelle :
Perdre à la guerre les bagues de la paix
Ou donner pour la paix
Ce que la guerre ne leur avait pas demandé.
Pourquoi crois-tu que je sois encore là ?
Car je pourrais fuir ce chêne
Qui abrite les regards de notre conversation
Et nous permet de perdre
Nos paroles sous la voûte
Je veux te convaincre qu’il n’est pas toujours facile
De se perdre dans la forêt de la sérénité
Pour devenir sourd et assombri
Par le silence qui martyrise.
Pourquoi fuir devant l’autre,
Se perdre parmi la solitude
Du désert au soleil vert et cru
Où, seuls êtres vivants, se perdent
Les oiseaux aux ailes longues et limpides.
L’homme est nécessaire à l’homme,
Comme il est nécessaire à l’anthropophage
Qui coure longtemps pour attraper
Une nourriture céleste pour lui.
06:33 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer
17/08/2011
Hier, j’ai joué avec des enfants
Hier, j’ai joué avec des enfants.
Une odeur d’amertume m’en est restée.
J’ai perdu le pouvoir de la naïveté,
J’ai tenté mille fois, patiemment,
De plier ces machines de papier
Qui volent de leurs ailes déployées.
Mais il leur manquait le souffle
Transmis par les pouvoirs de l’enfance
Pour voir dans l’univers de la petite pièce
Planer la feuille de papier pliée.
Aurais-je déjà revêtu malgré moi
Le masque figé des adultes
Et perdu les sortilèges enfantins ?
Serais-je devenu cet homme dur,
Au regard fixé sur les mots,
À la parole sûre et au geste incertain,
Celui que tu reconnais de loin
Pour l’assurance de ces affirmations.
Je me rappelle ces jours d’enfance
Où un sourire avait le poids de l’or,
Où un baiser éclairait la journée,
Quand une cabane devenait un palais
Et une poupée l’objet d’attendrissement.
Pourtant il me semble bien encore
Que derrière ton sourire de petite fille
Se cache un cœur d’enfant fragile
Et que mon âme suspendue à ton rire
Conserve la vertu des premières naïvetés.
Je suis, devant toi, les mains tendues,
Un petit garçon qui s’émerveille
06:24 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème | Imprimer