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19/11/2011

C'est dans un lit de rêve

 

C’est dans un lit de rêve

Aux coussins dorés et froids

Que j’ai parcouru les monts d’hier

Je suis entré dans la brume verte

J’ai écarté les filaments de verre

Qui masquaient le passage des éléphants

Pilotée de main de maître

Ma monture obéissait au doigt et à l’œil

Elle vaguait au fil des courants

Ballotée par un vent léger

Emprisonnant l’atmosphère

Au-delà le monde devenait acide

Avec un goût de pervenche

J’en pleurais des larmes de crocodile

Mais je poursuivis malgré cela

Dans les bras de prêtres invisibles

Et de femmes au regard flamboyant

Allant de l’avant toujours

Jusqu’au final aboutissement

Sur la montagne éclairée

Là, plus rien ne distinguait

La frayeur de la chaleur

Elle se diffusait lentement

Comme une senteur montant par les jambes

Pour s’emparer du corps

Et l’alourdir encore

De maigres bénéfices sans rapport

Alors, avançant la tête avec circonspection

Je marchais avec dignité vers la fin

Les épaules tombantes, l’œil morne

Pour m’agenouiller dans l’herbe

Et recevoir en final

Le don de planer

De la réalité au rêve enfantin

 

15/11/2011

L’aquarium émet des sons étranges

  

 

L’aquarium émet des sons étranges

Rires alourdis de mains ouvertes

Où chaque doigt cache

Un souffle de fumée

 

Les lits ouvrent leurs bas-flancs

A des jambes solitaires

Qui glissent dans leur ombre

Vers de longs tabourets

 

Et ceux-ci campés fièrement

Sur quatre pieds aux pattes décharnées

Offrent leur solitude

Au monde de chaleur

 

Une rangée de hallebardes

Dresse ses cache-flammes

A la brume prisonnière

Qui s’y attarde gaiement

 

Le soleil aussi semble profiter

De leur miroir d’huile

Pour caresser doucement

Sa longue chevelure d’or

 

Univers clos

Monde parmi le monde

A la recherche d’une âme

Dans les brumes de son corps

 

 

11/11/2011

Ne plus voir dans l'oeil que l'on croise

 

Ne plus voir dans l’œil que l’on croise

Ignorer les doigts fragiles qui se tendent

Ne plus même entendre les pas derrière soi

Ou la plainte silencieuse arrêtée sur les lèvres

 

Partir sur l’asphalte les yeux clos

L’oreille sourde, la main sur son bâton

 

Souvenirs encore de ce rêve ébauché

Un matin où le ciel rouge sur la ville

Ensanglantait les visages inexpressifs et muets

 

Puis le vide silencieux du dernier sommeil

Jusqu’au réveil étonné, dans la froideur du lit

 

 

07/11/2011

Ce matin

 

Ce matin, tous les arbres ont la chair de poule.
Ils frissonnent aux éclats de lumière sur l’horizon
Et leur scintillement fragile les transforme
En kaléidoscope repu de frémissements.

De la fenêtre, je contemple l’horizon rouge,
Le ciel gris foncé entrecoupé de blanc.
J’entends l’oiseau bavard annoncer son réveil,
Je suis des yeux l’écureuil habile, d’arbre en arbre.

Vert, bleu et gris, quelques instants plus tard,
A la couleur laiteuse d’un ciel chargé,
Où seules les touches de blanc et de rouge
Apportent l’empreinte d’un jardinier attentif.

Et pendant que la terre tourne toujours,
La bien-aimée sommeille, les cheveux défaits,
Les jambes entortillées autour de draps tièdes,
Reposant, vivante malgré son inaction.

Encore un jour, encore une nuit,
Encore des années et des décennies,
Nous contemplerons chaque matin
La levée de tous les jours, main dans la main.

 

05/11/2011

Dernière promenade d’automne

 

C’est très probablement notre dernière promenade d’automne. Elle s’avère mélancolique et11-11-05 Ste Suz 1 red.jpg attendrie, puis se révèle enjouée et dépourvue de regrets voilés. Nous marchons dans la vallée étroite, sur un chemin aussi tortueux que le cours de la rivière que nous suivons, d’abord sur la chaussée carrossée, et, très vite, sur un sentier de gazon surplombant le serpent argenté qui lui-même coule entre les maisons basses, cherchant son chemin dans un dédale dû à l’exiguïté des lieux.


Les moulins se succèdent, silencieux en ce dimanche après-midi. Mais on les imagine aussi, grande bouche dévoreuse d’écume, recrachant des flots blancs et oxygénés qui par leur frénésie permet la mise en route de monstrueuses machines qui écrasent, dissèquent, coupent, aplatissent, divisent, transforment tout morceau de nature vivante et la met à disposition de l’homme, à ses pieds, pour qu’il en use, en abuse, la suborne et la jette, enfin lassé de leurs gémissements discrets.

 

 

 


Et plus hau11-11-05 Ste Suz 3.jpgt, se découpant sur un ciel virginal, la ville, prison11-11-05 Ste Suz 2 red.jpgnière de ses murailles, dominant la vallée comme une gardienne de l’éternité, contemplant cette nature modelée par ses habitants, qui reflète dans ses miroirs l’absence de soucis, l’heureuse et provisoire insouciance d’un après-midi de Toussaint, à la campagne.

11-11-05 Ste Suz 4 red.jpg


Au détour d’un tournant, l’arbre éternel, envoûtant de ses grands doigts fragiles l’horizon, dessine un ovale parfait et majestueux, malgré une chevelure brouillonne, et vous convie dans la danse des insectes qui bourdonnent autour des silhouettes des passants.

11-11-05 Ste Suz 5 red.jpg

 

 


Enfin la lente montée vers la muraille, entre les chênes rabougris et la rocaille coupante, qui coupe le souffle, mais allège le corps et lui donne l’apesanteur mystique des croisés à la vue de Jérusalem.  

 

 

 

 


 

Alors vient l’envie11-11-05 Ste Suz 6 red.jpg de se jeter des murs vers l’horizon, planant lentement au dessus du moutonnement des arbres, dans un silence parfait, respirant les odeurs subtiles de la terre, des feuilles endolories, de la bouse de vache et du parfum des promeneuses qui ouvrent leur corps à la pâle chaleur d’un soleil qui commence à descendre derrière la colline. Volant entre ciel et terre, entrant dans les flocons cotonneux comme dans un bain d’eau froide et décapante, vous connaissez l’ivresse des jours sans fin non parce que le temps s’arrête, mais parce que votre esprit lui-même s’est arrêté, vide, éclairé par le scintillement permanent d’une absence de pensées aussi bénéfique que les crèmes adoucissantes dont les femmes s’oignent chaque matin pour aller, la tête en l’air et les pieds au sol, conquérir le monde en tant que beauté fatale.

 11-11-05 Ste Suz 7 red.jpg

 

 


Et pourtant la porte est étroite et Gide aurait sans doute fait de ce moment hors du temps un instant d’appréhension des principes qui font de la vérité humaine soit une évasion, soit un enfermement.  

 

 

 

03/11/2011

Ta voix, comme le centre du monde

 

Ta voix, comme le centre du monde

Venue d’on ne sait où

Enjambant les rivières, suspendues à un fil

Et pénétrant la maison jusqu’au centre de mon être

 

Je l’imagine aussi traversant la nuit

Sur l’ombre pâle des réverbères

Volant un sourire au promeneur tardif

Puis pénétrée du chant de la forêt

Avant de descendre du piédestal

De son véhicule filaire

 

Ai-je besoin de parler ?

Pourquoi perdre en quelques paroles

Cette musique lointaine et pourtant si vivante

Quelques mots encore, quelques phrases

Et je redeviendrai semblable

A la fois plus heureux et plus triste

 

 

30/10/2011

Partir, c'est l'attrait de l'inconnu

 

Partir, c’est l’attrait de l’inconnu.
Je pars et j’oublie…
Je me désolidarise de mon attachement
Au quotidien qui m’englue, douloureusement.
Je perds ma réceptivité aux tracas
Et entre dans l’ère du nouveau,
De ce qu’il convient de découvrir
Au-delà de ce que je sais et ce que je vois.
En avant vers l’inconnu, ouvert,
L’esprit vide, le cœur léger,
Sans existence autre que l’instant !

Et ces instants, un à un, s’accumulent,
Grossissent en grappes multicolores
Pour former un nouveau présent
Dans lequel, peu à peu, s’incrustent
Des cailloux coupants et déchirants,
De nouvelles inquiétudes indésirables.

Comment recréer cette harmonie
De l’inconnaissance et de l’absence,
Où le présent est seule forme de vie,
Seul paradis convoité et précaire,
Où, la tête dans les nuages,
Je contemple l’horizon
Et admire l’éternelle fraicheur
D’un monde sans consistance
Parce que sans souvenirs, ni attaches ?

Revenir, c’est réinvestir sa mémoire,
Entrer dans l’incroyable cohorte
D’évènements vécus et médités,
Ou encore dans l’impression d’un moment
Que rien ne devait privilégier
Et que vous redécouvrez, enjolivé,
Suspendu au balcon des annales
De jours grisâtres et ternes, pour éclairer,
Lanterne rouge, la marche du destin.

Alors, parfois, je pars, pour quelques minutes,
Et j’aère mon existence périlleuse
De petits vides sans consistance
Tels des bulles dans les tuyaux d’une perfusion
Qui me contraignent et me bousculent.
Les yeux exorbités, je regarde l’existence
Et me dit : J’aime l’inconnu
Pourvu de la beauté de l’ignorance
Et je révère les joyaux enfiévrés
Sur lesquels on s’assied, en prince de la vie.
Pourtant, garder cet équilibre délicat
Revient à marcher sur la ligne de crête
De l’aventure de l’homme au quotidien.

 

 

24/10/2011

Éternellement toi

 

Éternellement toi
Ombre de mes pas
Ton chant m’atteint
Suis-je encore sans toi
Au plus profond de nous-mêmes
Se tient la lampe de nos amours
Ton visage revêtu de lumière
Comme une goutte de rosée
Prisonnière de l’aube naissante
Hante mes nuits de rêve
Je te regarde pour voir
Et tu es devenue mon œil
Image de mon image
Reflet d’un autre reflet
Nous sommes comme deux miroirs
Je me regarde en toi
Comme tu te vois en moi
Ensemble nous courrons
Sur le miroir de notre inconnaissance
Puis, le soir, revenus en nous-mêmes,
Tu me dis ce que tu es
Et je sais qui je suis
Alors je sombre au cœur de notre innocence

 

 

23/10/2011

Expansion matinale

 

Vous avez sans doute un matin, alors que le ciel était encore noir, eu l’envie soudaine d’assister à l’expansion matinale de la lumière, irréalité vérifiable qui se reproduit chaque jour depuis la nuit des temps.

Ainsi vous vous levez en catimini, vous vous habillez et partez dans la campagne, frissonnant de froid, mais l’esprit clair et léger, pour assister à la naissance du jour, à l’expansion de la lumière, depuis le moment où la moindre lueur germe dans un coin de l’horizon, jusqu’à l’instant où le mystère disparaît, effacé par la vision brute d’un monde sans voile. Instant magique, pendant lequel les couleurs se transforment, pâteuses sous la brume, blanchies au regard et au toucher.  11-10-23 Expension matinale 2 red.jpg

 Et vous admirez ce mystère du vert qui est bleu, de la terre qui se fait chocolat, du ciel qui se teinte de rose à l’horizon, juste au dessus de la ligne bleu pastel flottant au delà des arbres bleu canard, au plus profond de la vue. Et toutes ces touches de teintes se fondent progressivement dans le bleu turquoise, presqu’aigue-marine, d’un ciel qui s’éclaircit avec rapidité, dévoilant sa limpidité comme une fiancé le fait devant celui qu’elle aime. Quelques trainées roses stagnent au dessus du contraste visuel du paysage encore non distinct, barres menues prédisant la venue du jour. 

11-10-23 Expension matinale 4 red.jpg

 

 Alors vous contemplez la montée du disque magique, d’abord petite pointe de rose dans cette marée bleue, puis éclair vivant au travers des arbres pelotonnés sur la ligne lointaine de la naissance de la vie, puis soucoupe rouge envahissant la perspective, imprégnant l’œil d’une rosace furtive, comme si vous aviez chaussé une paire de lunettes roses dans une piscine bleu marine. Enfant émerveillé, vous vous laissez envahir d’une légèreté nouvelle, d’une aspiration fraiche, jusqu’au moment où le disque dépasse ces limbes rampantes pour s’élever au-delà, dans l’azur incommensurable de l’univers dévoilé et ouvert comme un livre devant vous. 

11-10-23 Expension matinale 5 red.jpg

Changement de couleurs, le ciel devient jaune au dessus du bleu pétrole, presque noir de la perspective. Les trainées roses blanchissent et reflètent la lumière au lieu de simplement la tamiser. Le miracle est accompli, ou presque. D’ici quelques minutes, le paysage sera dévoilé, défloré, et vous reprendrez le chemin de votre maison, aérien, courant en pensée dans l’univers des couleurs, cueillant de ci de là les touches irréelles de la beauté si simple et si pure d’un matin comme chaque jour, mais que vous avez contemplé et qui vous a transformé.  

poésie,littérature

 

 

21/10/2011

Peer Gynt, drame poétique d’Henrik Ibsen, mis en musique par Edvard Grieg

 

Peer Gynt est une épopée populaire, sorte de féérie satirique, teintée d’idéal, comme il sied à toute invention scandinave.
L’histoire de Peer Gynt, un jeune homme prétentieux et paresseux, commence dans les premières années du siècle dernier et finit presqu’avec lui. L’aventure se passe aux quatre coins de la terre. Car notre anti-héros quitte la Norvège pour courir le monde à la recherche de son âme. Il cherche sa vie parmi celle des autres et fuit la réalité en utilisant le mensonge. Après d’innombrables aventures, Peer Gynt retrouve Solveig qui l’attend toujours, le berce dans ses bras et lui murmure : « Ton voyage est fini, Peer, tu as enfin compris le sens de la vie, c’est ici chez toi et non pas dans la vaine poursuite de tes rêves fous à travers le monde que réside le vrai bonheur. »
Mais la musique a presque réussi à prendre le pas sur la pièce, avec de magnifiques partitions : Au matin, Mort d’Aase, Danse d’anitra et Dans le hall du Roi de la Montagne. Mais le plus émouvant est certainement la Chanson de Solveig.
Et si en compagnie de la douce Solveig, de la vieille Aase, du Roi de la Montagne et de sa fille la Femme en vert, d’Anitra et de l’Homme à la Grande Cuillère, nous suivons ce mauvais garnement de Peer sur le chemin terrible du Grand-Courbe, c’est qu’il ne faut jamais séparer ces deux sœurs jumelles de la beauté, la poésie et la musique. Y ajouter la danse comble pleinement cette partie de nous-mêmes qui constitue le mystère de chaque être humain.

Danse d’Anitra, par Elena Kulagina
http://www.youtube.com/watch?v=iTxYxupxeAM&feature=re...
La danse dans sa perfection.

Dans le hall du roi de la montagne
http://www.youtube.com/watch?v=tESCB65d04M&NR=1&f... 

Mort d’Aase
http://www.youtube.com/watch?v=xCqDMe2s4gk&feature=re...
Quelle belle page musicale, qui est un univers de souvenirs que l’auditeur évoque, puis médite piano, jusqu’à se laisser ensorceler par ces réminiscences d’un passé révolu, mais bien présent dans la mémoire, si présent qu’il évacue l’instant de la mort d’Aase qui s’en va, tranquillement, sans qu’on s’en aperçoive.

 

 

20/10/2011

Le vin

 

Rouge, transparent, cristallin, pur,
Que vous regardez en soulevant le verre,
Que l’on admire d’un œil gourmand,
Qui résonne de sons grêles et harmonieux,
Qui enchante le regard avant le palais
Et que vous portez à votre nez
Pour en sentir les effluves, douces,
Chatoyantes, légères comme un parfum,
Avant d’en prendre une gorgée, petite,
Froide ou tiède, que vous laissez couler
Avec ferveur, dans votre bouche
Pour la malaxer et ronronner
Jusqu’à en extraire l’ensemble du fruit,
De la banane à la framboise,
Des bois d’oliviers aux arbousiers,
Et laisser mourir en vous
Les derniers arrière-goûts, fragiles,
Du nectar que vous avez amoureusement
Ouvert, éventé, effeuillé, humé,
Et finalement savouré. 

Quelle étrange religion que celle-ci !
Encensée par son pouvoir de transformation,
Reçue chaque jour par la prêtrise,
Rejetée vigoureusement
Par les imams en mal de fatwa,
Interdite aux femmes enceintes
Comme un poison symbolique,
Recommandée par certains médecins
Aux malades en mal d’éprouvettes,
Ingurgitée par la jeunesse
En recherche de sensations,
Rejetée par les experts en œnologie
Pour garder le goût sûr et solide,
Bue par le commun des mortels
Simplement, benoitement, modestement.

Et tout ceci par le fait incroyable
D’un plan de vigne sur un coteau
Inondé de lumière, abrité du froid,
Biné, sarclé, désherbé, fumé,
Par les mains d’un vigneron
Qui tient amoureusement chaque plant
Avant d’enfouir ses racines en terre
Et de le regarder pousser, s’enjoliver,
Se démultiplier, étendre ses tentacules,
Et faire naître au printemps quelques billes
Vertes, étranges, rassemblées ridiculement
En paquets qui deviendront des grappes
De raisins juteux, fermes, colorés,
Que l’on prend dans sa bouche
Pour en déduire l’esprit du vin futur.

Don des dieux,
Miracle de la nature,
Art de l’homme,
Pour satisfaire
La montée vers les cieux
Ou la descente aux enfers,
Selon les a priori de chacun.

 

 

16/10/2011

Ma bicyclette est devenue une partie de moi-même

 

Ma bicyclette est devenue une partie de moi-même.
Je suis muni de roues qui divaguent sur l’asphalte.
Roule, roule, dans les flaques et le gas-oil,
Passe entre les voitures, sous les échafaudages,
La tête au dessus de la mêlée, hors d’atteinte.
Je contemple serein la marée humaine,
Glissant au milieu d’eux, comme un pélican
Navigue entre les mats des navires
Avant de se poser, majestueux, sur le pont.
Pied à terre, chevalier ! Vous voici redevenu piéton,
Homme de petits pas, aux ailes rognées,
Qui marche pesamment, ralenti, écorné,
Parmi ses semblables, invisible et appauvri.
Et vous revenez de votre course, altier,
Pour reprendre la monture indélébile
Et repartir triomphant, enrobé de lumière,
Se guidant aux étoiles des lampadaires,
Roulant légèrement, le nez au vent,
En toute liberté.

Ah, qu’il est bon de se sentir un autre
Lorsque rien ne s’oppose aux rêves
Les plus simples et les plus beaux.

 

12/10/2011

Voyage dans le temps de l'enfance

 

Voyage dans le temps de l’enfance,
Quand déjà s’entendait l’oiseau au matin
Et qu’au-delà du chant la brillance,
Sous le drap tiède, je trouvais du rêve le chemin.

Longtemps je crus pouvoir y être insensible.
Mais ce retour sur le lieu des rêveries,
Quand j’épanchais une rage ostensible,
Me donne à méditer sans bruit.

Je retrouve l’odeur moite de la cuisine,
Quand je glissais la tête devant la porte
Pour découvrir les raisons d’odeurs subtiles
Et de sons d’ustensiles de toutes sortes.

Je reconnais la vieille armoire
Où se trouvaient les trésors de bouche,
Fruits confis ou petits gâteaux du soir,
A partager sans restriction avec les mouches.

Souvenir d’un jour, d’un moment unique,
Quand le temps s’arrête sur un geste
Et que toujours cette attitude modique
Revêtira l’élégance d’un vieux reste.

Et je repars mélancolique et blême,
Vers les horizons du présent bien vivant,
Gardant au fond de moi-même
Le pincement de l’évocation d’antan.

 

 

09/10/2011

Les apparences sont trompeuses

 

Hier, pluie et soleil. Mais plutôt pluie au pied du palais du Louvre. Et, il fallait faire la queue avant d’entrer dans la caverne à ciel ouvert, pointe de diamant vers les étoiles. Echantillon de personnes du monde entier, parlant toutes sortes de langues, mais comprenant bien qu’on va se faire mouiller et sortant, pour les plus avertis, leurs parapluies. Le ciel était noir et l’ondée arrivait, cinglant les toitures d’abord, puis la place qui se transforma en piscine luisante.

Devant moi se tenait deux jeunes hommes, dont l’un se promenait avec son pantalon sous les fesses, montrant un slip bariolé et des rondeurs efficaces. Quelle idée de montrer ses fesses à tous comme un trophée unique ! En faisant exception de cette anomalie, il avait l’air sympathique ainsi que son compagnon. La pluie tombait, drue comme des lames de couteau. Il se tourna vers moi et me proposa, en anglais, un coin de parapluie, ce que j’acceptais bien volontiers. Ils devisaient entre eux, m’abritant sans m’exclure jusqu’à ce que le soleil apparaisse à nouveau, brusquement, comme une lampe de poche éclairant une cave. Et le grain cessa, laissant les patients à deux mètres de la porte d’entrée, trempés et dégoulinants. Ils pourront au moins se réchauffer dans l’étouffoir de la grande salle aux guichets multiples.

« Thanks for your umbrella ». Encombrés de sacs, ils passèrent devant la machine à fouiller sans les doigts tandis que je poursuivais mon chemin n’ayant rien d’autres que mes habits trempés. Descendant l’escalier roulant, je pensais que l’habillement n’est qu’une apparence trompeuse. Se promener les fesses à l’air lui semblait tout naturel. De plus, personne n’avait l’air choqué ou ne l’avait remarqué.

Alors je me suis souvenu qu’avant d’arriver à la queue pour entrer dans le musée, j’avais croisé une très belle femme, bien habillée, qui se promenait les pieds nus, sans chaussures, même à la main, dans les flaques d’eau, marchant le plus naturellement du monde, comme si elle se tenait dans un salon.

Multitude des attitudes du genre humain !

 

 

08/10/2011

C'était il y a huit jours

 

Rien que l’immobilité et le silence.
C’est le début de l’après-midi,
Lorsqu’hommes et animaux reposent
Dans une douce somnolence, repus de chaleur.

Pas un bruit. La campagne est atone.
Si ! Lointain, le roucoulement d’un pigeon.
Ce silence est léger, ce n’est plus celui de l’été.
Il semble chantonner, bouche fermée.

Sur la rivière, les lentilles d’eau,
Sans vie, sans courant, sans enthousiasme,
Encombrent le lit de flots morts.
Là aussi, tout dort, tout s’immobilise.

Seul havre de fraicheur, le petit sous-bois.
Les pas y craquellent les feuilles mortes,
Mais le corps se dérobe sous les pieds
Pour s’affaisser et s’endormir, enfin.

 

 

03/10/2011

Que dire devant la page vide

 

Que dire devant la page vide
D’une nuit verte, au coin d’un réverbère ?
Premiers mots qui passent comme un vol de cormorans.
Mais qu’y a-t-il derrière ? Un vent de fronde
Chassé par la profusion du langage.
Silence des sentiments.
Un vide dans le noir de l’esprit,
Image de la floraison du cœur.
Dans la tiédeur de l’obscurité monte en moi
Le chant heurté, puissant et magique,
Des sirènes mouvantes et volubiles.
Au loin le son aigu d’une voiture
Qui flotte au gré du vent sur la route de l’Espagne.
Pas un passant ne vient à mon secours,
Ne m’apporte le mot qui permettra la suite
De cette histoire sans fin, ni commencement.
Dorment les passants du jour,
Eveillés les fantômes de la nuit
Qui montent une garde acide
Aux tréfonds des portes cochères
Et rient de me voir, assis
Dans mes pensées sordides,
Faute de pouvoir dormir
Et laisser aller mon esprit
Dans la fraicheur du rêve.

Oui, la nuit s’enfonce en moi
Creusant un large trou
Que je remplis de verbes
Comme on enfile les huitres
Sur le fil à couper le beurre.
Elle ne cessera pas
Avant l’aube qui ne vient pas
De me dire « étends-toi ! ».

 

28/09/2011

Elle est là, glorieuse de féminité

 

Elle est là, glorieuse de féminité,
Assise, allongée sur le banc sous le rosier.
Elle lit, calme, la tête dans une main,
Concentrée, mais détendue, entière.
Je la revois au temps de notre connaissance ;
Quand j’aspirais à ces jours de quiétude,
Ne sachant si ce serait toi, ou une autre,
Ou même personne, peut-être.
Et tu es là, toujours, belle comme au premier jour,
Reine du jardin, évadée des songes,
Et je te regarde, rêveur, transi encore,
Je caresse mentalement ton visage épanoui,
Je baise ta bouche de feu, rose,
Je contemple ton attitude, fière,
Et derrière le feuillage qui obscurcit en partie
Ton corps, je rêve à nouveau à ces jours vécus,
A ces instants où le monde était toi.
Tu étais l’or des soirs d’automne,
La fraicheur des matins de printemps,
La chaleur des journées d’hiver,
Le rire enjôleur des nuits d’été.
Oui, c’est bien toi que j’aime,
Et que je continue de voir avec les yeux
De celui qui s’envole en te contemplant.

 

24/09/2011

De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose

 

De tes doigts de fée, je ne retiens qu’une chose
Le tremblement de mes paupières à leur frôlement
Comme un séisme sous-marin au passage de la comète
La nuit s’embrase alors d’étranges lueurs
Aux sons de tes doigts sur le verre de mon attente

J’avais pourtant connu la caresse des vents d’été
Le souffle froid de la source jaillissante
J’avais frissonné les nuits d’hiver sous le gel
Mais tes doigts ont la candeur de l’enfance
Et l’aisance de l’oiseau dans le vide

Avais-je déjà vu d’autres mains avant celles-ci
Avais-je déjà appris d’autres caresses
Je ne sais plus

Un grand vide est comblé
Un vide où les regards coupaient comme la glace
Où les mains fondaient entre les miennes
Comme s’évanouit l’inconsistante réalité des neiges

Tes mains devenues le fruit de ton amour
Esquissent une pâle lumière aux êtres et aux choses
Avant de rejoindre ton visage aux yeux clos
Pour y puiser de nouvelles forces

 

 

19/09/2011

Brouillard fou de la percée informationnelle

 

Brouillard fou de la percée informationnelle

Comme une bataille de lettres et de chiffres

Qui engendre la peur et la concupiscence

Et qui colle sur chaque être une déformation

Comme l’homme s’amuse à faire le singe

 

La rumeur se déploie en volutes doucereuses

Comme la fumée d’un cigare autour d’un cendrier

Et contamine l’entourage qui respire ce poison

Pour le distiller à son tour, insidieusement

Et le jugement se détache en lambeaux indolores

Pour laisser place à l’arrogante certitude

 

Chaque nouvelle est commentée, jamais expliquée

Information tronquée et poudre aux yeux

Qui fait pleurer l’innocent et rire l’initié

Jusqu’au moment où il devient cible

Et perd toute prestance jusqu’à l’oubli

Car c’est le risque des adeptes de la diffusion

Jusqu’où aller pour ne pas tomber

 

Chaque jour déverse son flot d’évènements

Mais chacun d’eux s’interprète et se diffuse

A sa manière, selon la volonté de l’informateur

Dire au plus vite sans connaître ce qui se passe

Interpréter sur la base de rumeurs colportées

Propager le premier sans regard sur les conséquences

Dévoiler sans pudeur ce qui tuera la vie

Sans considération sur la personne

 

Tel est le monde où nous vivons

Un petit monde fait de pressions

Un monde où le scoop, même insensé

Vaut mieux que l’absence pour vérification

Un monde où l’homme n’est plus l’homme

Mais le propulseur d’évènements

Qui déclenche l’avalanche médiatique

Un monde où la personne n’a pas de droits

Face au maquillage des faits

Par ignorance, méconnaissance ou machiavélisme

 

 

15/09/2011

Dorure subtile d’une feuille

 

Dorure subtile d’une feuille

Dont le soleil darde de lumière

La nervure plus solide, tandis que l’épiderme

Étincelle de l’éclat de sa sève blonde

 

Bercée d’autres feuilles vertes

Elle se réjouit de son règne doré

Diffusant son spectre royal

Sur ses compagnes alentour

 

Et bientôt, vieillie et flétrie

De cette sève absente

Qui dessèche sa tige frêle

Elle s’en ira au vent

Légère, attendrie, gondolée

Secouée par d’invisibles ondes

Pour tomber ignorante

Sous les pas d’un petit garçon

Qui la glissera dans un cahier

Avant de la laisser voler

Au printemps, dans la rue

 

 

10/09/2011

Vacances 6 (et fin) : La maison

 

Le silence et rien d’autre.

Du fond de la ruelle

Monte le fracas de la ville

Murmures et cris

Pétarades de scooters

Bruits assourdis des voitures

Mais franchi le seuil

Rien, l’absence, le désert auditif

Tel le vizir dans sa cellule

Nous nous enfermons

Dans ce calme d’Olympie

Pour jouir plus réellement

De cette paix entière

De ce paysage de rien

De cette absence de bruits

 

Et pourtant,

Cette maison doit résonner

De pleurs d’enfants

De pépiements de petites filles

De cris sauvages de garçons

De murmures entre fiancés

De conversations passionnées

Entre personnes sensées

D’échanges secourables

Et de nostalgie rentrée

 

Tout cela on l’entend

Lorsque, la porte close,

On prend garde

Aux effluves de la salle du bas

A l’odeur de fenaison de l’escalier

Après l’ouverture du loquet

A la fragrance de pin de la chambre

Aux exhalaisons du vent au dehors

A l’arôme du fond du jardin

 

C’est une vraie maison,

De celle qu’on habite volontiers

Parce qu’elle fait revivre

Les années passées

Et qu’elle donne à chacun

Une idée de l’avenir.

 

Quel silence dans la maison pour faire parler une mémoire imaginaire !

 

 

07/09/2011

Qu'est-ce que la poésie ?

 

Qu’est-ce que la poésie ?

L’art de la métamorphose du réel.

Ce matin, je lisais dans la chambre, tout entier dans la douceur du matin, quand le ciel s’étire de bleu en dansant sur les nuages. Je finissais le livre de Didier Decoin, « Une Anglaise à bicyclette », et je me disais qu’il était bon de n’avoir pas d’heure, aucune obligation et que je pourrais, si je le désirais, rester toute la matinée au lit, sur le lit, couché entre les draps, l’esprit au frais, les pieds dans la douceur. Et tout d’un coup, à l’image évocatrice des fées rencontrées par Emily au cours de sa promenade à bicyclette, j’ai senti l’essence de la poésie monter en moi, s’engouffrer dans ma poitrine comme un ruisseau s’engouffre dans une faille terrestre, en grosses cataractes, dans un bruit inquiétant.

 

La poésie, c’est faire de tout ce qui est extérieur votre intérieur, en personnalisant par cette transmutation subtile du passage de la frontière chacun des objets, décors, personnages que vous choisissez pour leurs attraits indétectables à d’autres. La casserole qui chauffe sur le feu, la main de l’enfant qui joue à vos pieds, la tenture qui clôt la porte du salon où se cachent les fantômes, jusqu’à votre propre corps dont les extrémités semblent ne plus vous appartenir. Tout cela est devenu vôtre, par la grâce de la poésie, et vous les chérissez non pas d’un amour possessif, mais d’un sentiment doucereux, miel sauvage et agapanthe odoriférante, qui vous conduit dans un autre monde, où les jours ne se comptent plus, où les nuits s’écoulent sans que les heures s’égrènent, où seul le souvenir de ces évocations renforcent en vous le plaisir de vivre.

Cette métamorphose s’accompagne d’une modification de la vue, de l’odorat, de l’ouïe et du toucher, et même du goût. Plus rien ne se vit comme avant. La moindre attention à un objet devient un évènement, un livre, presqu’un monument. Vous y découvrez ce que vous n’aviez jamais vu auparavant : le charme ignoré, la couleur cachée, la froideur glacée et bienfaisante, le son rugueux au toucher et bien d’autres choses encore dont vous ne conservez pas forcément un souvenir intangible. Et cette métamorphose vous enchante, vous fait découvrir un nouvel art de vivre, un décor inédit à vos réflexions, une version originale de votre appréhension de la réalité. Celle-ci devient rêve éveillé, voyage sur un nuage doré, symphonie exubérante, mélange de parfums passés et de touches évanescentes du futur. Et pourtant cette transmutation est celle du présent, variable à chaque seconde, faisant de chaque instant une éternité vécue pleinement, douloureuse comme un enfantement.

 

Mais, simultanément, la poésie, c’est également faire de tout son intérieur un extérieur à donner à tous. C’est se mettre à nu devant les autres, sans peur ni pudeur. C’est accepter de ne plus avoir d’intimité, de dévoiler sa fragilité. C’est s’ouvrir sans fard et donner à contempler ce que d’autres cachent à tout prix : ce que vous ressentez en vérité, ce que vous vivez réellement, au-delà d’une façade de bon ton que vous avez pris l’habitude de fabriquer quotidiennement. Et ce n’est pas toujours simple. Ça peut même, parfois, être une souffrance qu’il faut vaincre.

 

Et, soudainement, le charme se rompt, chaque objet reprend sa place habituelle. L’œil redevient clair, les bruits coutumiers. Vous caressez la table qui ne résonne plus, vous goûtez le bout du crayon qui ne sent que le bois. Le monde est revenu, il s’étale devant vous, sans mystère ni peur. Vous êtes dans ce qui est et plus rien ne fait que ce qui est extérieur ne devienne intérieur. Avez-vous rêvé ?

En fait, vous avez retracé la ligne de démarcation entre l’imaginaire et l’identitaire, tout cela parce que vous êtes à nouveau entré dans votre coquille, celle que vous vous êtes fabriqué, l’image que vous vous donnez, à vous et aux autres.

Comment repartir vers les cieux de la poésie ? Guetter ce qui vous touche pour le saisir lorsqu’il arrive et ne plus le lâcher avant de l’avoir exploité. Face à la feuille blanche, vous êtes seul, mais dans un entourage de légendes personnelles.

 

 

06/09/2011

Vacances 4 : Port

 

Horizontal : blanc
Vertical : Gris, noir ou argenté
Partout, des taches rouges et bleues
Renforçant l’enchevêtrement des coques
Quelques pavillons flottent au vent
Et, au centre, les flots, gris, endormis
Bête immobile et doucereuse
Prenant du bon temps, câlinante
Comme il sied à un port abrité.
Au loin, court sur l’horizon
Un chapelet de nuages cotonneux
Hachuré par la forêt de mâts
Et la vie court autour du port
Comme un orage sur la plaine
Bruyante, mouvementée, insensible
A la quiétude des voiliers amarrés
Comme des chevaux de course
Pour le pansage aux murs des écuries
L’eau reflète les couleurs diffuses, mollement
En pâtés marbrés, étirés, ridés
Comme un film à vitesse accélérée
Contrastant avec l’immobilité des monstres
D’acier, effilés comme des aiguilles
Prêts à bondir sur la vague
En ouvrant leur parapluie

 

 

04/09/2011

Vacances 3 : Entrer dans le rien

 

Entrer dans le rien, à la surface du miroir,

Quelle tentation ! S’évanouir aux yeux du monde

Et mourir à soi-même : silence et repos.

 

J’avançais un pied craintif vers l’onde brillante

Et je le regardais passer à l’envers du miroir,

Un doigt de pied, puis un autre jusqu’au pouce.

Plus rien, plus de doigts de pied bleuis.

Une surface bleu vert et le couperet.

Je tire vers l’arrière et retrouve mon pied.

Quel bonheur ! Marcher avec des béquilles ?

Sûrement pas, autant devenir sourd !

Comment disparaît-il et revient-il, ce pied ?

Réessayons. Le pied entier, comme emprisonné.

Je n’ai plus qu’une jambe complète

Seigneur, que faire ? Avance et vois !

L’autre pied, puis les deux tibias,

Envolés, perdus, quelle légèreté !

Il me manque une partie de moi-même ;

Ce n’est pas la plus important, mais tout de même.

Je ne me vois pas revenir en petite voiture !

Alors poursuivons, stoïque, sans hésitation.

Le miroir est toujours semblable à lui-même

Bleu-vert, gris à certains endroits,

Tremblotant légèrement, ondulé en vagues,

Comme une bête mécontente ou frileuse.

Au dessous, un autre monde, inconnu,

Séparé par une ligne ténue, la surface.

On ne peut la toucher. Elle vous méconnaît.

On plonge dans le rien, éperdu,

Et l’on perd conscience, sans consistance,

Redevenu momie, cadavérisé, froid.

Mais qu’il est bon ce monde caramel

Qui fait de vous un glaçon enchanté,

Les poils hérissés au dessus

Un rien de rien au dessous

Comme un oiseau entre l’air et l’eau

Perdu dans un océan de miroirs

Qui ressort libre du trou sans fin

Qui le nourrit gratuitement.

Avançons, encore et toujours, petitement,

Courageusement, à petits pas,

Sans réfléchir aux conséquences désastreuses

Comme par une nuit d’orage : éclair

De convoitise, d’anéantissement, de volupté.

Oui, pourquoi cédais-je à cet attrait

Comme un aimant se dirige vers le nord

Sans hésitation, pour ne rien trouver,

Se noyer à la verticale du point d’orgue

En un sursaut final après un frisson

Et une pensée émue pour ceux qu’on quitte.

Allons, poursuivons, j’entre jusqu’au nombril.

Il disparaît à son tour, happé par la surface

Je n’ai plus mon trou de vie, mais je suis là

Toujours regardant un ciel rayonnant

Qui projette son ombre sur un corps réduit.

Rien ne me manque et pourtant

Je commence à éprouver une certaine gêne,

A l’équivalent d’un éléphant sans trompe

Ou d’un aspirateur bouché qui cherche l’air.

Pourtant, on ne respire pas par l’abdomen ?

Alors continuons, sans penser, sans ressentir.

J’entre les doigts d’une main, puis l’autre,

Je suis démuni et sans défense.

Comment faire, puisque je ne suis plus qu’un torse

Qui dore au soleil et frissonne de froid et de peur.

J’avance encore, je ne sais comment.

Je n’ai plus ni jambes, ni bras,

Je ne suis plus qu’une tête, encore vaillante,

Mais qui s’inquiète malgré tout.

Vais-je retrouver ce corps, certes mécanique,

Mais bien pratique pour explorer la méconnaissance.

La surface s’est rapprochée des yeux, elle luit,

Elle me nargue, scintillante et riante,

Comme un serpent de désir clos, mais tentant.

Je sors une langue bleuie et goûte.

Dieu, cela brûle et enflamme la gorge.

Un feu acide avec des relents de verdure

Un peu de pétrole aussi, pollution oblige.

Non, l’expérience n’est pas concluante.

Alors je ferme mes orifices avec force

Et je poursuis, inexorablement

Avançant vers une mort annoncée.

Çà y est, je suis dans le noir

Les yeux clos, la bouche condamnée.

Plus de remarques possibles,

Plus de pensées proférées, chantées, versifiées.

Plus rien qu’un silence profond, écrasant.

Seuls les cheveux doivent émerger encore

Comme une botte de radis sur un étalage

Entre des pommes de terre et la laitue

Que vous repêchez d’une main ferme

Parce qu’elle reste fraiche et appétissante.

Puis vous sentez le froid vous saisir

Jusqu’en haut du crâne, main de glace

Qui enfonce votre être sans pensée

Dans la poussière fluide et vaine

D’un courant que vous ne ressentez plus.

Mort au monde des images vraies,

Des sons clairs comme les baguettes

Des tambours d’une vie trépidante,

Des odeurs fraiches telles l’enivrant

Parfum d’une femme étendue ou

L’odeur aigre de la cuisson du chou

Ou encore la senteur du bébé repu.

Mort à la vie, naissance à un monde

Où toucher remplace la vue,

Où le froid et le chaud sont indicateurs

De changements dangereux ou bienheureux.

Je vois du bout des doigts, je respire

En vase clos, comme un poisson,

Puisant un air gorgé de rien,

Je magnifie mes sens, étonné

D’apprendre que je vis encore

A moitié, penserons certains,

Différemment dirais-je.

Encore, encore, encore…

 

Perdu dans l’immensité du miroir

Un corps dérive, les yeux rêveurs,

Un sourire aux lèvres, les bras en croix,

Alangui d’un bonheur sourd

Clos dans sa totalité,

Perdu aux autres,

Loin des siens,

Replié sur lui,

Déconnecté,

Vide,

Rien.

 

Telle est la vie !

 

 

01/09/2011

La vie est ailleurs, roman de Milan Kundera (1973)

 société,philosophie,poésie

Ce livre m’a semblé très beau et profond et, simultanément, ennuyeux et factice.

 

Certaines pages, certains thèmes utilisés dans le roman sont traités avec délicatesse. Citons, par exemple, le chapitre 8 qui décrit la séduction de la mère de Jaromil par le professeur de dessin de son fils. Ou encore la découverte de la poésie par le corps imaginé de Magda, la petite bonne, au chapitre 10 : « Je suis sous l’eau et les chocs de mon cœur font des cercles à la surface. Ce vers offrait l’image de l’adolescent tremblant devant la porte de la salle de bains […] Ah, mon aquatique amour, disait un autre vers, et Jaromil savait que cet aquatique amour c’était Magda, mais il savait que personnes n’aurait pu la reconnaître derrière ces mots, qu’elle était perdue, invisible, ensevelie […] Cette autonomie du poète offrait à Jaromil un magnifique refuge, la possibilité de rêvée d’une deuxième vie ; il trouva cela si beau qu’il tenta dès le lendemain d’écrire d’autres vers et qu’il s’adonna peu à peu à cette activité. »

 

Et Jaromil s’invente un personnage, Xavier, à la fois différent, mais en même temps semblable, un personnage entreprenant, mais veule. Mais Jaromil grandit et découvre l’amour avec ses rêves, ses hésitations d’adolescent : « L’idée de la nudité féminine lui donnait le vertige. Mais notons soigneusement cette différence subtile : Il ne désirait pas la nudité d’un corps de jeune fille ; il désirait un visage de jeune fille éclairé par la nudité du corps. » Et il finit par faire la connaissance d’une jeune fille, modeste, étudiante, intéressée par les opinions insolites de Jaromil, à tel point qu’elle le traite de gracieux éphèbe. Après de multiples péripéties, il l’embrasse, ce qui lui permet également d’écrire un poème-récit et d’entrer plus avant dans le domaine de la poésie.

On ne sait comment Jaromil devint révolutionnaire, sans doute l’air du temps et la possibilité d’action : « Mais on ne sait jamais dans l’instant présent si la réalité est le rêve ou si le rêve est réalité : les étudiants qui étaient alignés avec leurs pancartes étaient venus là avec plaisir, mais ils savaient aussi que s’ils n’étaient pas venus ils risquaient d’avoir des ennuis. […] Le cortège défilait à travers les rues et Jaromil marchait à ses côtés ; il était responsable non seulement des mots d’ordre inscrit sur les banderoles, mais des clameurs scandées par ses camarades. […] Il les criait d’une voix forte comme un curé dans une procession et ses camarades les répétaient après lui. » (chapitre 19).

Peu après, il connaît l’amour physique avec une petite vendeuse rousse qui l’emmène chez elle dès le premier jour. Et : « Plus je fais l’amour, plus j’ai envie de faire la révolution, plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour. »

La cinquième partie est par contre plus laborieuse, malgré quelques passages excellents. Elle aborde le thème de la jalousie : jalousie de sa mère pour l’amie, jalousie de Jaromil pour ceux qui l’on touché avant lui. Après une réflexion désagréable d’un camarade de faculté, « il s’émut à l’idée que son amie portait de vilaines robes bon marché, et il voyait là non seulement le charme de son amie (le charme de la simplicité et de la pauvreté), mais aussi et surtout le charme de son propre amour : il se disait qu’il n’est pas difficile d’aimer quelqu’un de resplendissant, de parfait, d’élégant : cet amour-là n’est qu’un réflexion insignifiant qu’éveille automatiquement en nous le hasard de la beauté ; mais le grand amour désire créer l’être aimé à partir, justement, d’une créature imparfaite qui est une créature d’autant plus humaine qu’elle est imparfaite ». « Un jour […] il lui expliqua que la beauté n’a rien à voir avec l’amour. Il affirma que ce qu’il aimait en elle, c’était tout ce que les autres trouvaient laid ; dans un sorte d’extase, il commença même à énumérer ; il lui dit qu’elle avait de pauvres petits seins tristes avec de gros mamelons ridés qui éveillaient plutôt la pitié que l’enthousiasme : il dit qu’elle avait des taches de rousseur et des cheveux roux et que son corps était maigre et que c’était justement pour çà qu’il l’aimait… » La suite de cette partie est un peu pitoyable : la jalousie de sa mère à la venue chez elle de la petite amie rousse, avec l’épisode des spasmes, la conférence des poètes à l’école de police, le détachement et la trahison de Jaromil envers la jeune fille rousse.

Les cinquième et sixième parties sont quelque peu confuses, malgré de beaux passages. Elles sont conçues différemment du reste, faites de petits chapitres parfois sans suite. Le personnage de Jaromil se confond avec d’autres ou avec lui plus vieux. « Dans ce livre, nous dit Kundera, le temps s’écoule à un rythme inverse du rythme de la vie réelle ; il ralentit. […] Chacun regrette de ne pouvoir vivre d’autres vies que sa seule et unique existence ; vous voudriez, vous aussi, vivre toutes vos virtualités irréalisées, toutes vos vies possibles (ah ! l’inaccessible Xavier !). Notre roman est comme vous. Lui aussi voudrait être à d’autres romans, ceux qu’il aurait pu être et qu’il n’a pas été. »

 

Certes, je n’ai fait que raconter à ma manière ce roman, sans en avoir extrait le jus des idées en un ordonnancement élaboré. Mais je crois que le livre lui-même est ainsi et que cela est voulu par l’auteur. Toute analyse intellectuelle de ce que Kundera a ou aurait voulu dire n’a que peu d’importance par rapport à ce qui est réellement écrit. Laissons nous guider par ce vent de liberté qui souffle au travers des pages, dans le désordre, avec l’amour et la confiance sans retenue envers l’auteur, jusqu’à adhérer ou rejeter son œuvre. 

 

 

30/08/2011

Loup, je m'appelle

 Dédié à un petit garçon qui est fasciné par un prénom inhabituel :

 

Loup, je m’appelle et carnassier je suis

Où donc mes parents ont-ils pêché ce prénom ?

Pourtant comme il est doux ce nom

Doux comme le hibou, piquant comme le houx

Cela fait de moi un être à part

Qui fait rêver les enfants et les fées

Parce que toujours dans leurs songes

Ils me voient terrifiant et innocent

Je suis l’homme des peurs ancestrales

Qui ouvre au mystère des contes

Où l’animal maudit se délecte de lutins

Pourtant rien ne m’avait prédestiné

A devenir un objet de rêverie

J’avais la tête sur les épaules

Comme tout vivant d’aujourd’hui

Mais ce fut un grand malheur

Le jour où l’on cria au loup

Me rejetant, seul, dans les limbes

Des souvenirs d’enfance à petites peurs

Je suis celui qui sert à l’inventeur d’histoires

Parce qu’il a toujours un événement

A conter, pour provoquer l’hilarité

Ou la crainte ou la pitié ou peut-être

L’indifférence des bien-pensants

Voilà quelle est ma vocation

Devenir l’œil invincible qui lit

Au travers des autres et voit dans leur regard

La curiosité insatiable du pou

Devant le bijou tel un caillou

Ou un joujou sur le genou

Que le hibou viendra saisir

Comme un chou, fleur de la vie

Quel chou de hibou, ce Loup !

 

 

27/08/2011

Le soleil éclairait la nuit d’encre

 

Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible

Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure

Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie

Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme

Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose

La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre

Une cloche sonne, puis deux, puis trois,
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois

 

22/08/2011

Le geste plein d'espoir

 

Le geste plein d’espoir
Nous avancions sur la grève rocailleuse
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux
Et je les essuyais avant de repartir
Le ciel était descendu sur l’horizon
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voute poussiéreuse
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de grosses roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés
Ta main parfois m’enserrait la taille
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture
La langue sèche, l’œil fiévreux
Et le soir ne voulait pas tomber
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

 

19/08/2011

Certes, l’herbe est plus verte

 

Certes, l’herbe est plus verte lorsqu’il pleut, mais le ciel est plus noir. Les gouttes tombent une à une et sordides, mais c’est un rideau qui frôle nos yeux et mouille nos cils.

_ Madame, votre cœur est léger !
_ Tu me diras, Monsieur, ce qui est préférable,
Un cœur lourd de maux inconnus
Ou la légèreté de l’insouciance.
_ Sais-tu, maudite, que tu me feras mourir.
Regarde dans le miroir tes longs cheveux.
Ils couvrent tes épaules d’or
Et moi, je n’ai qu’un peu de laine.
Regarde encore ta bouche,
Une fontaine de bonheur
Qui ne sait que dire oui
Et qui pourtant connaît le non.
_ Tais-toi, le printemps est là.
Pense aux fleurs, aux oiseaux,
Pense aux trois sabots qui courent
Le long des routes acerbes.
Le soleil caresse ton ventre
Et la serpe te court sur le dos
Pour fermer le battant de la mort.
Regarde comme est beau l’azur
De ton cœur, du mien et du ciel.
J’ai perdu des ans à chercher
Ce que je trouve aujourd’hui.
Et tu ne m’as pas dit
Comment je pourrai le faire :
Prendre un verre d’eau et du pain
Et pleurer dehors le soleil qui part.
Jusqu’à ce qu’un jour,
Je vis, seul, le soleil apparaître
Derrière la grotte où je dormais.
Alors tu es revenue de là-bas,
Là-bas dont je ne savais rien,
Sinon que tu m’oubliais peu à peu
A courir après une mort incertaine
Qui ne semblait pas vouloir de toi.
L’herbe était blanche comme l’eau,
Mais il faisait bon s’y étendre
Pour pleurer son bonheur
Avec tous les efforts nécessaires.
_ Ma belle, tu parles sans réfléchir.
Tu crois toujours trouver
Ce qu’en fait il n’y avait pas à chercher.
Viens, que nous visitions notre royaume.
Il fait quatre pieds de long
Et sa largeur n’en fait pas plus de trois.
Mais c’est tout un continent qui s’écoule
Doucement sous nos pas attendris,
Pour dévoiler ce qu’il nous avait caché :
Des rivières aux eaux ronflantes
Qui sentent la fraicheur des nuits,
Du sable d’or isolé dans les herbes
Qui gardent la chaleur du jour,
De longs fruits rouges qui pleurent
Pour nous laisser boire,
De longues grappes d’oriflamme
Pour éclairer nos jours heureux.
_ Monsieur, vous ne faites que me dire
Que tu n’écoutes que ton cœur
Sans entendre les paroles de ma bouche.
Tu parles et tu ne sais
Quelles sont les règles d’or du miroir
Où se cache la clarté du bonheur.
Cherche la vie sans voir la mort.
Regarde la mort sans voir
Ce qui la rend triste à mes yeux.
Des trésors te tendent les bras
Tous les jours en tout lieu
Sans que tu te rendes compte
De ce que tu peux prendre.
Ensuite tu ris, aussi niaisement
Que d’autres pleurent la mort d’une souris
Qui avait l’habitude de courir sur leur lit
Et de grignoter les restes de leur barbe.
Tu ris sans savoir la triste concession
Que j’ai dû faire pour m’occuper de cela.
J’ai quitté ce que j’aimais à jamais,
La tranquillité d’une douce chaleur
Et la sûreté des montagnes isolées
Où seul le vent hurle contre les loups,
La griserie des descentes dans le froid
Et la chute des fééries blanches.
_ Adieu, Madame, mon cœur est las
D’écouter vos amours sans savoir les choisir.
Pour moi, je reprends mon indépendance
Faite de premières visions et de nuits.
Le reste, je l’ai vu pour toujours
Sans envie de refaire l’expérience.
Pourquoi abandonner l’espérance ?
Pourquoi me dire que jamais tu ne reviendras ?
Ta vie est faite de longs trous noirs
Que tu aimes pour leur quiétude,
Mais qui ne sont que des vides où se perd
Pour longtemps ce qui m’a charmé en toi.
Abandonne-les pour t’ouvrir à l’air du temps
Qui puise sa force dans la mer et les cieux,
Qui l’emporte au dessus des terres pour pleurer
Et tromper de leurs larmes l’humanité
Qui s’imagine noyée dans ses longues rivières.
_ Où m’emmènerais-tu, toi dont j’ai tout attendu,
Dont j’ai recueilli la chaleur sur ma joue,
Qui m’a donné la ferveur et la joie.
Tu voudrais me montrer le monde
Où les jours durent comme trois nuits
Et les nuits sont sans moyen de voir
Où me mènent les autres voies.
Regarde où va le monde qui dort.
Les yeux fermés, il tourne
Sans jamais perdre son équilibre,
Bien que toi, tu ne sentes que la chaleur
Des terres chauffées par l’astre central.
Ta tête tourne sans arrêt
Et ton cœur reste seul à jamais.
J’ai espéré longtemps voir un jour
Les longues marches des déserts inconnus
Où se cachent les êtres amassés
Par nos soins dans des trous profonds.
Nous fuyons ceux-ci pour l’entassement
Dans un bloc de pierre et de fer
Façonné par nos soins, sans cependant
Avoir la forme que nous avions voulue.
Regarde aussi derrière toi
La longue misère des trois faunes
Qui couraient sans cesse
Dans le feuillage de la vie alanguie,
La longue tristesse des grands bras
Qui s’élèvent pour pleurer
Les atours qu’ils passent dans leurs doigts
Et les laines précoces qui poussaient
Sur le dos délabré des brebis.
La route est longue vers la mer,
Celle des grandes vertus
Qui courent le long des eaux
Sans jamais trouver un moulin
Qui pourrait tourner pour elles.
Tu cherches aussi comment admettre
Que les stigmates de la grandeur
S’élèvent plus haut que les monts
De la guerre et de la paix réunies
Pour trouver ensemble
Ce qu’ils ne peuvent donner séparément.
C’est le problème de la magie naturelle :
Perdre à la guerre les bagues de la paix
Ou donner pour la paix
Ce que la guerre ne leur avait pas demandé.
Pourquoi crois-tu que je sois encore là ?
Car je pourrais fuir ce chêne
Qui abrite les regards de notre conversation
Et nous permet de perdre
Nos paroles sous la voûte
Je veux te convaincre qu’il n’est pas toujours facile
De se perdre dans la forêt de la sérénité
Pour devenir sourd et assombri
Par le silence qui martyrise.
Pourquoi fuir devant l’autre,
Se perdre parmi la solitude
Du désert au soleil vert et cru
Où, seuls êtres vivants, se perdent
Les oiseaux aux ailes longues et limpides.
L’homme est nécessaire à l’homme,
Comme il est nécessaire à l’anthropophage
Qui coure longtemps pour attraper
Une nourriture céleste pour lui.

 

17/08/2011

Hier, j’ai joué avec des enfants

 

Hier, j’ai joué avec des enfants.

Une odeur d’amertume m’en est restée.

J’ai perdu le pouvoir de la naïveté,

J’ai tenté mille fois, patiemment,

De plier ces machines de papier

Qui volent de leurs ailes déployées.

Mais il leur manquait le souffle

Transmis par les pouvoirs de l’enfance

Pour voir dans l’univers de la petite pièce

Planer la feuille de papier pliée.

Aurais-je déjà revêtu malgré moi

Le masque figé des adultes

 Et perdu les sortilèges enfantins ?

Serais-je devenu cet homme dur,

Au regard fixé sur les mots,

À la parole sûre et au geste incertain,

Celui que tu reconnais de loin

Pour l’assurance de ces affirmations.

Je me rappelle ces jours d’enfance

Où un sourire avait le poids de l’or,

Où un baiser éclairait la journée,

Quand une cabane devenait un palais

Et une poupée l’objet d’attendrissement.

Pourtant il me semble bien encore

Que derrière ton sourire de petite fille

Se cache un cœur d’enfant fragile

 Et que mon âme suspendue à ton rire

Conserve la vertu des premières naïvetés.

Je suis, devant toi, les mains tendues,

Un petit garçon qui s’émerveille