Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/01/2011

Le geste plein d'espoir

 

Le geste plein d’espoir,

Nous avancions sur la grève rocailleuse,

 Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer,

Accompagnés des cris hostiles des oiseaux.

Nous trébuchions sur le sol visqueux

Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit.

Nous devions ensemble tirer dessus

Pour les ressortir gris et poisseux,

Et je les essuyais avant de repartir.

Le ciel était descendu sur l’horizon,

Jusqu’à toucher nos fronts de sa voûte poussiéreuse,

Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre

Escaladant avec peine de rondes roches gluantes

Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés.

Ta main parfois m’enserrait la taille.

Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair

Qui faisait tressaillir les muscles.

Nous marchions depuis le matin, sans nourriture,

La langue sèche, l’œil fiévreux,

Et le soir ne voulait pas tomber.

Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

 

 

30/12/2010

La longue main de mon regard

 

La longue main de mon regard au poing fermé dans la nuit noire

S’est avancée derrière la vitre pour se fermer sur l’obscure froideur

De la rue ouatée et transparente. A l’abri de l’enceinte linéaire

Du verre mobile et ondulé, j’ai tâté chaque recoin d’ombre

Comme un lac profond et frais dont on cherche vainement le fond.

J’ai caressé le velours frissonnant du halo de lumière,

Accroché en guirlandes éphémères sur les murs tièdes.

J’ai arrondi le creux de ma paume sur la boule de chaleur

Qui se creusait un nid douillet dans la courbe du globe oculaire,

Penchant la tête de côté pour bien me pénétrer de ce contact bienfaisant.

Et j’ai voulu aller plus loin, regarder les étoiles, les effleurer,

Comme, enfant, j’essayais vainement d’atteindre, à la surface du lac,

Les nombreuses lentilles d’eau qui dérivaient en étoiles marines.

Mais la joue écrasée, aplatie, sur le verre froid,

Je dus tellement tendre le bras, la main et les doigts,

Qu’ils tremblaient à l’instant de caresser la petite lueur.

 

Voilà pourquoi les étoiles clignotent à l’horizon.

 

 

26/12/2010

La faim sans fin des matins de rêve

 

La faim sans fin des matins de rêve
Quand l’œil de la nuit se regarde encore
Quand le drap colle aux jambes engourdies
Quand la main délaisse les doigts sur la neige
Quand le sable tombe goutte à goutte dans l’oreille flétrie
Quand le vent, quand le rouge, quand la tache
De mon œil de cyclope forme une planète
Sur l’opuscule pâle des fleurs de l’inconscience

Quand le rond du ventre épouse le rond de la terre
Quand la mort lèche de frissons la plante des pieds
L’araignée impassible tisse une toile ailée
Qu’un son éclate en bulles de savon dans
Le gaz du sommeil chaud, arrondi, caverneux
Les cheveux éclairés d’une incroyable rousseur
La tête du guillotiné est secouée de spasmes
Son corps détaché, prisonnier de sa trame
Se débat sans élasticité, lentement, douloureusement

Quand le goût des requiem envahit les oreilles
Quand le chuintement de la vie siffle entre les dents
Quand les paupières troublent la page blanche de leurs hélices
Il se met en quinconce, les genoux sur les yeux
Les ongles déchirant les oreilles de froissements de verre
Replié dans sa rondeur, dans sa chaleur, sans sa profondeur de chat
Il se lisse les poils dans le bon sens
Dans le sens des aiguilles d’une montre
Et ses genoux cerclés de rouge sont le regard
Noir de son nombril de cyclope au front d’intelligence
Il se met en quinconce, en carré, en cercle, jusqu’à la ligne droite
Qui déroule solitaire avec lenteur les nœuds magiques
De sa route incontournable comme le nœud des pendus

Quand les plumes collent au palais avec l’odeur de l’édredon
Quand la peau n’est qu’une carapace
Quand les dents se cimentent de pâte amère
Quand… Quand…

 

 

25/12/2010

Passage, d'une vie à l'autre

 

L’enfant regardait la fleur tristement, en soupirant,

Et la fleur qui était coquette, mais qui avait bon cœur,

Demanda à l’enfant les raisons de ses gémissements :

« Ce matin, on m’a pris mon ours, petite fleur,

Dit l’enfant. C’était mon ami, il me comprenait ;

Il me regardait, je le regardais, nous étions heureux.

Maintenant, je n’aurai plus rien à regarder, jamais.

Toi aussi, tu es jolie. Tu n’es pas comme eux,

Mais je ne t’aime pas encore, alors je suis triste.

A mon ours, je pouvais tout lui dire.

Il me croyait. Je voulais être artiste

Pour lui peindre une maison, lui donner un empire.

J’aurai attrapé la lune un soir d’été

Et l’aurai mise dans son royaume, pour jouer.

Maintenant à quoi me servirait une lune détachée,

Si je n’ai personne à qui la donner ».

 

« Moi je la voudrai bien si tu me la donnais,

Répondit la fleur en rougissant de tous ses pétales,

Tu serais mon ami et tu me regarderais

Quand je m’épanouis dans l’aube matinale ».

 

Et l’enfant, quand vint l’été, attrapa la lune

Et oublia l’ours en apprenant à aimer la fleur.

 

 

20/12/2010

Je veux vivre

 

Je veux vivre, disaient-ils

Ils se gorgeaient de mots

Ils s’emparaient de choses

 Et ces choses, ces mots

Ils en faisaient la vie

 

C’étaient des appareils de fer et de plastique moulé

Des moteurs tournant bien carrés dans leur caisse

Des chaises et des fauteuils pour ne pas s’asseoir

Des tables de musée dans les salles à manger

Des bibelots étranges et quotidiens possédés par caprice

C’étaient des mots savants, bien formés

Achevé par un isme et vêtus d’une majuscule

 

Les mots nus étaient tristes et leur paraissaient faux

Ces mots sortis de la bouche des enfants

 Qui ignorent encore l’ivresse des belles phrases

 

Ils vivaient, disaient-ils

Ils croyaient tout avoir

Ils avaient le savoir

Ils connaissaient la possession

 

Un jour, ils sont morts

Et ils ont tout perdu

 

 

 

18/12/2010

Prêtresse

 

Tu es, par ta nature, vivante en toutes choses

Inscrite dans le rythme des saisons et des jours

Vibrante au regard de la vie et de la mort

Image de l’univers, attachée à son souffle

 

Tu es des éléments la terre et l’eau

Prêtresse du feu que tu entretiens

Nécessaire à la vie comme l’air

Centre de l’humain, indissociable du divin

 

Tu es l’essence des réalités ambigües

Plus élevée et, de toi-même, t'abaissant

Sainte et pécheresse, ange et démon

Vouée à l’état de ta féminité

 

Tu es l’inspiratrice et la compassion

Étrangère à l’histoire qui ne serait pas sans toi

Héroïque dans la peine de tous les jours

Modèle du repos et de l’immobilité

 

Tu es l’ordonnatrice des mystères familiaux

Régnant sur les enfants et les vieillards

Occupée sans cesse de ce lieu de l’être

Où tu est chez toi, où je ne suis que par toi

 

Tu es l’attente et la réponse

L’habitante des profondeurs

Celle qui est et qui n’apparaît pas

La souffrance, le silence et la joie

 

Tu es la plante fragile, mais éternelle

Calme et fraiche, enracinée et mortelle

Présence de l’éternité dans le temps

Immobile dans l’inévitable mouvement cosmique

 

Je suis ce que tu n’es pas, l’histoire

Attentif à l’existence dynamique des objets

Utilisateur du temps sans pouvoir en jouir

Je suis l’acte, tu es la nature

 

 

16/12/2010

Inconnaissance décalée

 

Lueur mauve de la nuit sur la ville

Par delà les toits luisants endeuillés de feuillages

Quand tu me dis regarde. Je te contemple

Statue de bronze et d’opale tiède

J’erre encore sous cet aspect de verre

Dans un désert barré de gestes

 

Le froid tombe et glace les membres

En d’étranges pauses où je te retrouve

Quand tu ouvrais les yeux

À l’ovale de ton regard arrêté

Sur l’immobile image d’amas de fer

Et de géométriques embrasements.

 

Allongé, détendu, j’ai plongé dans la nuit

Pour joindre à deux étoiles les lueurs de ton regard

Je me suis ensuite assis aux rivages de certaines vagues

Pour puiser une poignée d’écume et désaltérer

Un petit garçon qui avait vu leurs lueurs insolites

 

J’aurai pu franchir les cols les plus hauts

Et veiller de leurs contreforts sur le lac de ton souvenir

Pourtant je chemine encore dans l’amère étendue

D’une connaissance incertaine et mouvante

 

 

13/12/2010

Monde fractal (peinture)

Le monde fractal m'a toujours intéressé. Il reflète l'économie de la vie et procure un sentiment de surprise malgré le déjà vu. J'aime les constructions imaginaires avec des perspectives diluées qu'il faut reconstituer.

Ce dessin m'a pris plus de 15 heures. Il m'a fallu maîtriser le logiciel, les traits, les volumes et les couleurs. Ce fut complexe, mais le résultat est là.

Certes, il possible de mieux faire, mais ce n'est qu'un début. Nous y reviendrons.

 

 

poésie,peinture,dessin,création

03/12/2010

Flottants, les fils de mon être

Flottants, les fils de mon être

Se distendent sous le vent

 

Engagés dans la rue déserte

Ravalant les façades mornes

Arrachant quelques grains de pierre

Ils s’amassent au pied des portes

 

J’en ai pris une poignée

Et attendu patiemment que s’infiltre

Entre mes doigts disjoints

La poussière blanche et liquide.

 

Toi aussi, j’avais vainement tenté

D’assembler sur l’écheveau de mes souvenirs

Les fils ténus et fragiles de ton être

Mais tu as rejeté cet encouragement

Pour fuir sur le trottoir nu

Jusqu’à cette porte ouverte sur l’oubli

 

Parcourant la rue, remontant le courant

Projeté contre la muraille par les rafales

Je me soumets au déchaînement naturel

Courbé sur les pavés au goût de tes pas

 

Vert tendre, quand tu courais sur l’asphalte

Quand nous courrions ensemble les mains jointes

Élevés vers le ciel en guise d’offrande

Nous cheminions entre les colonnes détruites

Qui ombrageaient la place pavée d’herbes

Je recherche aussi, loin derrière toi,

Le chemin où nos pas se chevauchèrent.

 

Peut-être le hasard, ou déjà l’amour ?

27/11/2010

Naissance

Cette nuit, j’ai rompu ma coquille

A quoi servent les œufs à la coque ?

La mie est douce, mais elle gratte,

Quant à la croute, elle écorche.

Je suis couverte de cicatrices.

 

Elle était solide. On dit qu’il est impossible

De la casser par ses deux pôles.

C’est aussi vrai de l’intérieur que de l’extérieur.

 

Elle s’est tournée cette nuit.

Elle a même fait un bruit épouvantable.

J’avais l’impression de rouler sur du gravier,

Mais ce n’était que le rebord de l’évier.

 

J’ai reposé ainsi sur le côté, inquiète,

Il a fallu que je me retourne.

Demandez donc au caniche de se retourner,

Si c’est un tuyau de poêle, il aura du mal.

 

Je n’ai pas eu de mal. J’en eus quelques maux,

Non pas de tête, mais d’estomac (il était comprimé).

Bref, arc-boutée, j’ai poussé de la patte.

J’ai aussi le bec aplati, de naissance, prétend-on.

Je ne sais, car il a rompu la coquille.

 

Il fait froid, il fait noir,

Quels bruits bizarres.

C’est ainsi le monde.

Rendez-moi ma coquille.