06/01/2011
Le geste plein d'espoir
Le geste plein d’espoir,
Nous avancions sur la grève rocailleuse,
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer,
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux.
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit.
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux,
Et je les essuyais avant de repartir.
Le ciel était descendu sur l’horizon,
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voûte poussiéreuse,
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de rondes roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés.
Ta main parfois m’enserrait la taille.
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles.
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture,
La langue sèche, l’œil fiévreux,
Et le soir ne voulait pas tomber.
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?
02:09 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, poème | Imprimer
30/12/2010
La longue main de mon regard
La longue main de mon regard au poing fermé dans la nuit noire
S’est avancée derrière la vitre pour se fermer sur l’obscure froideur
De la rue ouatée et transparente. A l’abri de l’enceinte linéaire
Du verre mobile et ondulé, j’ai tâté chaque recoin d’ombre
Comme un lac profond et frais dont on cherche vainement le fond.
J’ai caressé le velours frissonnant du halo de lumière,
Accroché en guirlandes éphémères sur les murs tièdes.
J’ai arrondi le creux de ma paume sur la boule de chaleur
Qui se creusait un nid douillet dans la courbe du globe oculaire,
Penchant la tête de côté pour bien me pénétrer de ce contact bienfaisant.
Et j’ai voulu aller plus loin, regarder les étoiles, les effleurer,
Comme, enfant, j’essayais vainement d’atteindre, à la surface du lac,
Les nombreuses lentilles d’eau qui dérivaient en étoiles marines.
Mais la joue écrasée, aplatie, sur le verre froid,
Je dus tellement tendre le bras, la main et les doigts,
Qu’ils tremblaient à l’instant de caresser la petite lueur.
Voilà pourquoi les étoiles clignotent à l’horizon.
06:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, littérature | Imprimer
26/12/2010
La faim sans fin des matins de rêve
La faim sans fin des matins de rêve
Quand l’œil de la nuit se regarde encore
Quand le drap colle aux jambes engourdies
Quand la main délaisse les doigts sur la neige
Quand le sable tombe goutte à goutte dans l’oreille flétrie
Quand le vent, quand le rouge, quand la tache
De mon œil de cyclope forme une planète
Sur l’opuscule pâle des fleurs de l’inconscience
Quand le rond du ventre épouse le rond de la terre
Quand la mort lèche de frissons la plante des pieds
L’araignée impassible tisse une toile ailée
Qu’un son éclate en bulles de savon dans
Le gaz du sommeil chaud, arrondi, caverneux
Les cheveux éclairés d’une incroyable rousseur
La tête du guillotiné est secouée de spasmes
Son corps détaché, prisonnier de sa trame
Se débat sans élasticité, lentement, douloureusement
Quand le goût des requiem envahit les oreilles
Quand le chuintement de la vie siffle entre les dents
Quand les paupières troublent la page blanche de leurs hélices
Il se met en quinconce, les genoux sur les yeux
Les ongles déchirant les oreilles de froissements de verre
Replié dans sa rondeur, dans sa chaleur, sans sa profondeur de chat
Il se lisse les poils dans le bon sens
Dans le sens des aiguilles d’une montre
Et ses genoux cerclés de rouge sont le regard
Noir de son nombril de cyclope au front d’intelligence
Il se met en quinconce, en carré, en cercle, jusqu’à la ligne droite
Qui déroule solitaire avec lenteur les nœuds magiques
De sa route incontournable comme le nœud des pendus
Quand les plumes collent au palais avec l’odeur de l’édredon
Quand la peau n’est qu’une carapace
Quand les dents se cimentent de pâte amère
Quand… Quand…
11:57 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, poème, littérature, écriture | Imprimer
25/12/2010
Passage, d'une vie à l'autre
L’enfant regardait la fleur tristement, en soupirant,
Et la fleur qui était coquette, mais qui avait bon cœur,
Demanda à l’enfant les raisons de ses gémissements :
« Ce matin, on m’a pris mon ours, petite fleur,
Dit l’enfant. C’était mon ami, il me comprenait ;
Il me regardait, je le regardais, nous étions heureux.
Maintenant, je n’aurai plus rien à regarder, jamais.
Toi aussi, tu es jolie. Tu n’es pas comme eux,
Mais je ne t’aime pas encore, alors je suis triste.
A mon ours, je pouvais tout lui dire.
Il me croyait. Je voulais être artiste
Pour lui peindre une maison, lui donner un empire.
J’aurai attrapé la lune un soir d’été
Et l’aurai mise dans son royaume, pour jouer.
Maintenant à quoi me servirait une lune détachée,
Si je n’ai personne à qui la donner ».
« Moi je la voudrai bien si tu me la donnais,
Répondit la fleur en rougissant de tous ses pétales,
Tu serais mon ami et tu me regarderais
Quand je m’épanouis dans l’aube matinale ».
Et l’enfant, quand vint l’été, attrapa la lune
Et oublia l’ours en apprenant à aimer la fleur.
19:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, enfance, littérature | Imprimer
20/12/2010
Je veux vivre
Je veux vivre, disaient-ils
Ils se gorgeaient de mots Ils s’emparaient de choses Et ces choses, ces mots Ils en faisaient la vie C’étaient des appareils de fer et de plastique moulé Des moteurs tournant bien carrés dans leur caisse Des chaises et des fauteuils pour ne pas s’asseoir Des tables de musée dans les salles à manger Des bibelots étranges et quotidiens possédés par caprice C’étaient des mots savants, bien formés Achevé par un isme et vêtus d’une majuscule Les mots nus étaient tristes et leur paraissaient faux Ces mots sortis de la bouche des enfants Qui ignorent encore l’ivresse des belles phrases Ils vivaient, disaient-ils Ils croyaient tout avoir Ils avaient le savoir Ils connaissaient la possession Un jour, ils sont morts Et ils ont tout perdu
18:57 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, littérature, vie, chose | Imprimer
18/12/2010
Prêtresse
Tu es, par ta nature, vivante en toutes choses
Inscrite dans le rythme des saisons et des jours
Vibrante au regard de la vie et de la mort
Image de l’univers, attachée à son souffle
Tu es des éléments la terre et l’eau
Prêtresse du feu que tu entretiens
Nécessaire à la vie comme l’air
Centre de l’humain, indissociable du divin
Tu es l’essence des réalités ambigües
Plus élevée et, de toi-même, t'abaissant
Sainte et pécheresse, ange et démon
Vouée à l’état de ta féminité
Tu es l’inspiratrice et la compassion
Étrangère à l’histoire qui ne serait pas sans toi
Héroïque dans la peine de tous les jours
Modèle du repos et de l’immobilité
Tu es l’ordonnatrice des mystères familiaux
Régnant sur les enfants et les vieillards
Occupée sans cesse de ce lieu de l’être
Où tu est chez toi, où je ne suis que par toi
Tu es l’attente et la réponse
L’habitante des profondeurs
Celle qui est et qui n’apparaît pas
La souffrance, le silence et la joie
Tu es la plante fragile, mais éternelle
Calme et fraiche, enracinée et mortelle
Présence de l’éternité dans le temps
Immobile dans l’inévitable mouvement cosmique
Je suis ce que tu n’es pas, l’histoire
Attentif à l’existence dynamique des objets
Utilisateur du temps sans pouvoir en jouir
Je suis l’acte, tu es la nature
10:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, femme, cosmos, littérature, amour, famille | Imprimer
16/12/2010
Inconnaissance décalée
Lueur mauve de la nuit sur la ville
Par delà les toits luisants endeuillés de feuillages
Quand tu me dis regarde. Je te contemple
Statue de bronze et d’opale tiède
J’erre encore sous cet aspect de verre
Dans un désert barré de gestes
Le froid tombe et glace les membres
En d’étranges pauses où je te retrouve
Quand tu ouvrais les yeux
À l’ovale de ton regard arrêté
Sur l’immobile image d’amas de fer
Et de géométriques embrasements.
Allongé, détendu, j’ai plongé dans la nuit
Pour joindre à deux étoiles les lueurs de ton regard
Je me suis ensuite assis aux rivages de certaines vagues
Pour puiser une poignée d’écume et désaltérer
Un petit garçon qui avait vu leurs lueurs insolites
J’aurai pu franchir les cols les plus hauts
Et veiller de leurs contreforts sur le lac de ton souvenir
Pourtant je chemine encore dans l’amère étendue
D’une connaissance incertaine et mouvante
06:48 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, littérature, écriture, poème, décalage, imaginaire, aventure | Imprimer
13/12/2010
Monde fractal (peinture)
Le monde fractal m'a toujours intéressé. Il reflète l'économie de la vie et procure un sentiment de surprise malgré le déjà vu. J'aime les constructions imaginaires avec des perspectives diluées qu'il faut reconstituer.
Ce dessin m'a pris plus de 15 heures. Il m'a fallu maîtriser le logiciel, les traits, les volumes et les couleurs. Ce fut complexe, mais le résultat est là.
Certes, il possible de mieux faire, mais ce n'est qu'un début. Nous y reviendrons.
15:21 Publié dans 22. Créations numériques | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie, peinture, dessin, création | Imprimer
03/12/2010
Flottants, les fils de mon être
Flottants, les fils de mon être
Se distendent sous le vent
Engagés dans la rue déserte
Ravalant les façades mornes
Arrachant quelques grains de pierre
Ils s’amassent au pied des portes
J’en ai pris une poignée
Et attendu patiemment que s’infiltre
Entre mes doigts disjoints
La poussière blanche et liquide.
Toi aussi, j’avais vainement tenté
D’assembler sur l’écheveau de mes souvenirs
Les fils ténus et fragiles de ton être
Mais tu as rejeté cet encouragement
Pour fuir sur le trottoir nu
Jusqu’à cette porte ouverte sur l’oubli
Parcourant la rue, remontant le courant
Projeté contre la muraille par les rafales
Je me soumets au déchaînement naturel
Courbé sur les pavés au goût de tes pas
Vert tendre, quand tu courais sur l’asphalte
Quand nous courrions ensemble les mains jointes
Élevés vers le ciel en guise d’offrande
Nous cheminions entre les colonnes détruites
Qui ombrageaient la place pavée d’herbes
Je recherche aussi, loin derrière toi,
Le chemin où nos pas se chevauchèrent.
Peut-être le hasard, ou déjà l’amour ?
07:09 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, femme, écriture, poème, culture | Imprimer
27/11/2010
Naissance
Cette nuit, j’ai rompu ma coquille
A quoi servent les œufs à la coque ?
La mie est douce, mais elle gratte,
Quant à la croute, elle écorche.
Je suis couverte de cicatrices.
Elle était solide. On dit qu’il est impossible
De la casser par ses deux pôles.
C’est aussi vrai de l’intérieur que de l’extérieur.
Elle s’est tournée cette nuit.
Elle a même fait un bruit épouvantable.
J’avais l’impression de rouler sur du gravier,
Mais ce n’était que le rebord de l’évier.
J’ai reposé ainsi sur le côté, inquiète,
Il a fallu que je me retourne.
Demandez donc au caniche de se retourner,
Si c’est un tuyau de poêle, il aura du mal.
Je n’ai pas eu de mal. J’en eus quelques maux,
Non pas de tête, mais d’estomac (il était comprimé).
Bref, arc-boutée, j’ai poussé de la patte.
J’ai aussi le bec aplati, de naissance, prétend-on.
Je ne sais, car il a rompu la coquille.
Il fait froid, il fait noir,
Quels bruits bizarres.
C’est ainsi le monde.
Rendez-moi ma coquille.
07:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, poème, histoire, enfants, humour | Imprimer