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20/08/2014

Bague

Et cet autre univers s’offre à moi sans pudeur
Cette plaine caressante que j’approfondis
Du bout du doigt devenu élégant habilleur
D’un voile d’innocence et de beauté recueillie

Quelle autre plage serait si sûre et sensible
J’atteins le feston de l’eau vive, émerveillé
Un embrasement coloré de vie indicible
Que l’on hume le nez au vent du désir rentré

Glissement vers cette dénivelée tangible
Centre de l’amour exalté ouvert à la flamme
Qui monte et déborde tressaillant dans l’âme

Le feu me brûle dans cette possession subtile
Délicieusement je m’engloutis dans la vague…
Oui, c’est certain, cela mérite bien une bague

© Loup Francart

16/08/2014

Parenthèses

Deux petits signes comme la lune
Ou le sourire d’une femme endormie
Presque rien à dire, juste un mot
Mais ce mot explique, ravit, ensorcelle
Il ouvre l’horizon vers le large
Le vent s’engouffre dans la voile
Larguez les amarres, moussaillon !
C’est une matinée de plus à vivre

Entre parenthèses : un départ à la dérive
Spontanément, sur un coup de tête
On agite les mains, voire les bras
A la monotonie et la morosité
On sourit à l’imaginaire
Protégé par les fentes courbées
Comme dans une coque de noix
Enrobé de coton, la tête sortie…
La terre s’éloigne, devient ligne
Puis, plus rien, le vide à l’entour…
Quelle plénitude dévorante
Un plongeon dans le bouillonnement
D’une multitude de bulles odoriférantes
Le parfum de la liberté enrobé
De l’espoir de jours meilleurs

Introduire une parenthèse
C’est ouvrir la porte à un inconnu
Vous-même, ne savez pas encore
Ce que vous allez écrire dans ce trou
Mais une fois ouvert, béant
Comment le refermer si ce n’est
Le remplir d’autres matériaux
Légers de rêves colorés et sucrés
L’inconnu s’introduit, invisible
Pousse un cri délirant
« Eh, n’oublie pas de refermer ! »
Ouvrant la barrière du souvenir
Il passe tel un spectre rose
Dans le cabinet des curiosités
Fouille dans le quotidien
Se revêt de fanfreluches
Et s’assied entre les demi-sphères
Hautain et béat de bonheur

Le contenu entre ces gifles ?
Un mot quelque peu poil à gratter
Une expression qui en dit plus en moins
Trois syllabes et deux voyelles
Ouvrez vos oreilles, murmurent-elles
Mais vous n’entendez que le vent
Qui gonfle les voiles de l’étonnement
Que va-t-il chercher là ?
La dévoration de l’insolite
L’obscure certitude de l’aventure
Dans ce noir absolu de l’entre deux
Comme un sandwich moelleux
Dont le contenu reste incertain
Pouah ! Sucré salé amer
Un éclair de l’autre monde
L’étincelle de la connaissance
Mais de quoi ?

La parenthèse est assassine
Mais cette vie entre deux
Est le réconfort des faibles
Choyez ces instants de lumière
Qui ne sont que des fantômes
Pour passer un moment
Face à face avec vous-même

© Loup Francart

13/08/2014

La déclaration, l’histoire d’Anna, de Gemma Malley (2007)

Mon nom est Anna. Mon nom est Anna et je ne devrais pas être là. Je ne devrais pas exister. Pourtant j’existe. Ce n’est pas ma faute si je suis là. Je n’ai jamais demandé à naître. Même si ça n’excuse pas le fait que je sois née.

Anna est un Surplus : excédentaire, en trop. Dans d’autres pays, on les éradique. Ici, en Grande-Bretagne, on les élève dans  un Foyer de Surplus. IlsLivre, roman, littérature, société, aventure servent de main d’œuvre bon marché et ils doivent travailler dur, très dur, pour prouver leur gratitude. Elle a de la chance, elle a fait un stage dans une maison avec moquette et canapé, chez Mrs Sharpe. Elle était gentille et lui avait même proposé un jour de mettre du rouge à lèvres. Elle aurait aimé rester sa servante. Elle ne l’a pas frappée une seule fois. Les Surplus n’ont pas droit aux objets personnels ; rien ne peut décemment leur appartenir dans un monde auquel ils imposent déjà leur présence, comme dit Mrs Pincent, l’intendante. Et pourtant Anna tient un journal personnel qu’elle cache dans une des salles de bain de l’établissement.

Qu’est-ce qu’un surplus ? On le découvre peu à peu. C’est la surprise dans un monde figé par la longévité, remède contre la vieillesse, grâce au Renouvellement qui permet d’obtenir des cellules flambant neuves pour remplacer les anciennes et rectifier le reste de vos cellules en plus. De plus le Renouvellement permet de ne plus vieillir. Si au début les Autorités étaient contre ce traitement, elles l’adoptèrent et les gens cessèrent de mourir. La population ne tombait jamais malade et cela générait des économies substantielles. L’inconvénient fut que la terre devint vite surpeuplée. Aussi la Déclaration de 2065 a limité le nombre d’enfants à un seul par famille. Puis, comme elle croissait malgré tout, les naissances furent interdites, sauf si l’un des deux parents s’Affranchissait de la Longévité. Une vie pour une autre, préconisait la Déclaration.

L’arrivée de Peter, un nouveau Surplus, va changer la vie d’Anna. « C’est toi Anna Covey ? Je connais tes parents. » Peter progressivement fait naître en Anna le désir d’une autre vie. Ils finissent par s’enfuir et sont poursuivis par la brigade des Rabatteurs. N’en dévoilons pas plus. Il faut laisser au lecteur la joie de la découverte.

C’est un roman qui n’a aucune prétention littéraire. Il est cependant raconté avec brio, dévoilant progressivement ce monde stupéfiant, figé et protectionniste. Certes, il est un peu éculé de choisir deux adolescents pour révolutionner ce monde. Mais ce n’est pas qu’à la fin du livre que l’on prend conscience qu’il s’agit bien de faire la révolution dans cette société égoïste. Le fil conducteur est l’apprentissage de la liberté pour Anna, qu’elle refuse tout d’abord, puis qu’elle finit par entrevoir et à laquelle elle adhère. Comment ne pas se demander s’il n’en est pas de même dans notre société : des règles, pas de sentiments qui n’amènent que des ennuis, le travail magnifié, une vie discrète et disciplinée laissée aux autorités qui font les choix. Alors on se réfugie dans son monde, différent pour chacun, un monde où la créativité est le seul moyen de sortir debout et fier comme ces Surplus qui deviennent finalement Légaux en tant qu’Affranchis.

12/08/2014

Evasion

Toujours cette image insolite
D’une pluie d’astres qui tombent
Au pied de Jézabel éperdue
Contemplant le cosmos endormi

Pourtant dehors tout est calme
Rien ne vient troubler la quiétude
Des nuits chaleureuses de l’été
Veillées par l’éclair des chauves-souris

Retour aux campagnes d’antan
Quand déjà le sel arasait la terre
Et lui donnait des neiges impérissables
Montre-nous ton visage, Toi, l’Eternel !

L’éléphant rose montre son nez
Eteignant l’incendie couvant
Dans la cour des idées neuves
Tel le serpent frêle et mirifique

Oui, aujourd’hui est un jour nouveau
Le rêve défie la morne réalité
Il entrouvre le voile de la nuit
Et conduit aux délires entraperçus

Plus rien ne m’empêchera
De contempler une fois encore
Cette terre d’un œil frais
Pour y percer le visible

Mais l’imprévision des possibilités
Ouvertes par les dés jetés
Empêche toute prédiction
Le monde va et vient, riant

Et l’homme jette le cri du néant
Aux chiens voraces de l’avenir
Il ne sait où il va, ni d’où il vient
Mais il poursuit sa route, sûr de lui

© Loup Francart

08/08/2014

Matinée

Tel l’oiseau survolant lentement les plus hauts pics
Il flottait entre deux litotes, encouragé
Par le chant des perroquets et leurs cris archaïques
Et bâtissait ses vers en comptant d’un doigt agile

Dieu qu’elle est jolie cette petite endiablée
Elle courre d’un pas enchanté sur les cailloux
Et montre ses jupons au passant attentionné
Sans gène ni remord, en dansant le guilledou

Et cette enchanteresse matinée s’écoule
A petits pas menus et sous le vent qui soule
Jusqu’à ce que sonnent les douze coups de midi

Que ces jours sont bons, baignés d’un soleil fulgurant
Ils s’étirent joliment sur le bleu des événements
Et gardent en souvenir leur tendre alibis

© Loup Francart

30/07/2014

Destinée

Tu veux tout et tu n’as rien
Tu ne veux rien et tu as tout
Quelle différence ?

Tu n’as rien, qu’un corps, un esprit et une âme
Ton corps, tu le sais est vivant
Ton esprit te permet de l’apprécier
Il complote et agit
Ton âme, qu’est-elle ?
Elle flotte, invisible
Comme le parfum d’une jeune fille
Qui va prier le dimanche
Et peu à peu elle devient femme
Puis mère, puis mère de mère
Son âme grandit en douceur
Dans l’amour de ses enfants
Qui, eux-mêmes, prennent sa place
Mais cette âme est Une
Grandiose d’amour partagé
Immortelle de bonheur

Tu veux tout : la terre et le ciel
La voûte étoilée et le puit noir
Entre les deux, tu es
La nuit tu erres en imagination
Le jour tu agis de tout cœur
Entre les deux, tu dors
D’un sommeil lourd d’angoisse
Pour marquer ton territoire
Une ligne entre deux mondes
Comme un trait sur l’horizon
C’est tout ton avoir, un fil de soie tendu
Sur lequel tu trébuches à tout instant
Tu t’y accroches en chantant
Et le chant te délivre. Tu chavires…

Tu ne veux plus rien, même pas toi
Où es-tu dans cette immensité ?
Serais-tu ce grain de poussière
Qui colle à ma chaussure ?
Serais-tu cette lueur vague que je distingue
Dans la nuit chaude et bruyante
Comme un spectre lointain
Qui largue ses amarres et dérive
Dans l’étendue moite et collante ?
Serais-tu ce tapis déroulé
Sur l’ombre de mes sentiments
Qui leur donne cet air penché et bancal
Rien qu’un millilitre d’eau plate
Qui humidifie l’esprit et fait naître une âme
Une vapeur qui fuit au matin de la vie ?

Tu as tout : les murs et le vide
Contenu dans ce cocon douçâtre
Les murs se dressent
Entre la naissance et la mort
Epais de questions, sans hublot
Pas même un regard sur l’au-delà
Aveugle de naissance tu erres
Entre ces extrêmes dans un espace
De fumée odorante, sans visibilité
Dans un temps limité à la vie
Une, indivisible et enivrante…
Reste humble et laisse aller tes pas
Cette quête est ta vocation…
Trouve le trou, creuse-le
 Et évade-toi, toi-même brouillard
Comme la vapeur s’échappe
De la bouilloire de tes pensées

La pression baisse, elle n’a plus de force
Elle est toujours colorée, aguichante
Elle fait miroiter des images, des rêves
Des faits et des vœux, la vie passe
Empreinte de terreur et de miel
Ton nuage s’élève. Il est si maigre
Que tu ne le vois plus
Mais tu es, entier, moins lourd
De tes caprices, de tes ambitions
Seul te retient encore l’espoir
D’une autre aventure, souriante
Puis, peut-être d’une autre
Jusqu’à la fin du cycle et le retour
Du rien dans le tout

Tu veux tout et tu n’as rien
Tu ne veux rien et tu as tout
Il n’y a pas de différence
Tu es, tout et rien
Ce rien est ton soutien
Ce tout est toi-même
Dans l’immensité de ta destinée

© Loup Francart

27/07/2014

Onze minutes, roman de Paulo Coelho

Un très beau livre, mais qui traite d’un sujet scabreux, le sens de la sexualité. Qu’est-ce : besoin, plaisir véniel, violence à la manière du marquis de Sade, amour éros ou amour agapé ?

Le sujet est abordé à travers la vie de Maria, jeune brésilienne qui, à Rio de Janeiro, se voit proposer de devenir danseuse à Genève. Rêvant de gloire, elle se14-07-15 Onze minutes_Coelho.jpg retrouve prostituée. Parcours fréquent, mais ce qui compte ce n’est pas ce parcours sociale hélas assez habituel, mais le parcours quasi spirituel que va découvrir progressivement Maria. Elle s’interroge, elle ne se laisse pas faire, elle s’en sort.

Elle  apprend à dissocier l’âme du corps, à ne pas juger et elle s’interdit de tomber amoureuse. Elle pratique son métier en professionnelle avertie. Elle accumule de quoi rentrer au Brésil et acheter une ferme pour ses parents. Elle découvre différent types de clients, mais elle rêve d’un véritable amour et écrit : Le désir profond, le désir le plus réel, c’est celui de s’approcher de quelqu’un. A partir de là, les réactions s’expriment, l’homme et la femme entrent en jeu, mais l’attirance qui les a réuni est inexplicable. C’est le désir à l’état pur. Quand le désir est encore en cet état de pureté, l’homme et la femme se passionnent  pour l’existence, vivent chaque instant avec vénération, consciemment, attendant toujours le moment opportun pour célébrer la bénédiction prochaine.

Deux clients dont elle fait la connaissance sont très opposés. Mais ils sont tous les deux patients. Ils ne se précipitent pas.

Le premier lui enseigne la souffrance comme un stimulateur du plaisir. Pour la première fois, elle va au bout de sa sexualité et éprouve un plaisir qu’elle n’avait jamais goûté. Maria sentit qu’elle entrait dans un trou noir au plus profond de son âme, où la douleur et la peur se mêlaient au plaisir absolu, l’entraînant au-delà de toutes les limites qu’elle avait connues. (…) L’art du sexe est l’art de contrôler la perte de contrôle. Elle note dans son journal intime : La rencontre d’une femme avec elle-même est un jeu qui comporte des risques sérieux. Une danse divine. Quand nous nous rencontrons, nous sommes deux énergies divines, deux univers qui s’entrechoquent. S’il manque à cette rencontre la déférence nécessaire, un univers détruit l’autre.

Le second va lui apprendre tout autre chose : la puissance spirituelle de la sexualité transcendée. « J’ai rencontré un homme, et je suis éprise de lui. Je me suis permis de tomber amoureuse pour la simple raison que je n’attends rien… Il me suffit de l’aimer, d’être avec lui en pensée, et que ses pas, ses mots, sa tendresse donnent des couleurs à cette ville si belle. (…) Tout le monde sait aimer, c’est inné. Quelques-uns le pratiquent naturellement, mais la plupart doivent réapprendre, se rappeler comment on aime et tous sans exception doivent brûler dans le feu de leurs émotions passées, revivre des joies et des douleurs, des chutes et des rétablissements, jusqu’à ce qu’ils parviennent à distinguer le fil directeur qui existe derrière chaque rencontre. Alors les corps apprennent à parler le langage de l’âme : cela s’appelle le sexe, c’est cela que je peux donner à l’homme qui m’a rendu mon âme, même s’il ignore totalement à quel point il compte dans ma vie. C’est cela qu’il m’a demandé, et il l’aura ; je veux qu’il soit heureux. »

N’en disons pas plus. Maria finira par se réconcilier avec elle-même : Je savais que c’était le moment. Tout mon corps se relâcha, je n’étais plus moi-même - je n’entendais plus, ne voyais plus, ne sentais plus le goût de rien – je n’étais que sensation… Ce n’était pas onze minutes, mais une éternité, c’était comme si tous les deux nous sortions de nos corps et nous promenions, dans une joie, une compréhension et une amitié profondes, dans les jardins du paradis. J’étais femme et homme, il était homme et femme. Je ne sais combien de temps cela a duré, mais tout paraissait silencieux, en prière, comme si l’univers et la vie étaient devenus sacrés, sans nom, hors du temps.

26/07/2014

Rodomontade

Silence ! Pas un bruit. Tout est immobile…
La seule vie est dans les pensées.
Et ça s’agite. Une vraie tempête,
Une bouilloire en ébullition !
C’est si rare ce calme intangible,
Cette immuabilité inexorable,
Cette pointe de diamant offerte
Comme un fruit mûr.
J’y goûte avec prudence, inquiet.
Se peut-il que le monde se soit arrêté ?

Une vague plainte, un aboiement,
Comme un regret de vous avertir.
Le chien fidèle vous fait signe.
Tu n’es pas seul éveillé.
Je veille aussi et j’aboie
Pour que tu existes.
Dans ce bouillon de culture, tu es !
Plus rien…L’inexistence…

Je sors et je ne vois rien…
Enfin, quelques minutes plus tard,
Voici au-delà des feuillages
Un nuage qui passe, si lentement,
Si pauvrement, qu’il n’existe pas.
Je ne vois en fait que deux étoiles
Qui apparaissent, puis s’évaporent
Comme un feu de détresse
Ou un avertissement insolite :
« Tiens-toi éveillé ! Entre en toi-même ! »

Que dit-il ? Je suis moi dans ce tout
Et ce tout échappe à mes sens.
Plus rien à toucher, plus rien à goûter,
Plus rien à entendre, plus rien à voir,
Juste l’odeur douçâtre de la lavande,
Immense marée bleue des plateaux
En vagues rectilignes
Pointant leurs épis chatoyants
Vers un ciel jaune de bonté
Et la ligne verte, presque qu’indigo,
Séparant l’épaisseur des pas
De la légèreté des pensées…

Dans ce silence, tout revit
Dans la boite crânienne
Tournant en rond, exposé
A l’immense machine à laver
Qui brasse tout ce qui s’échappe
Du trou intense et noir
Suintant sourdement dans les eaux
Claires et transparentes
Du monde endormi…

Le cul du monde intérieur
Qui pète tes rodomontades !

© Loup Francart

22/07/2014

Noosphère

La première pensée, que fut-elle ?

Comment dans cet assemblage de neurones
Est née une idée abstraite, sans consistance ?

Plus qu’une sensation, plus qu’un sentiment
Elle marqua son auteur d’une auréole
Et lui délivra l’avenir de l’humanité

Mais qu’est-ce qu’une première pensée ?
Un premier mot, un premier son,
L’établissement d’un premier rapport
Entre deux objets proches et différents

Serait-ce une étincelle jaillissante
Comme un geyser sorti de terre
Une première réflexion : poule ou œuf
Un premier outil pour séparer,
Le second pour assembler !

Un premier concept émergé de nuit
Dans la froideur d’un ciel scintillant
Devant le vide de l’univers
Le plein d’une terre trop matérielle
Le choc et la rencontre de deux mondes
Qui s’entrecroisent sans se comprendre


Une première création inutile et honnie
Des habitudes inscrites dans la faim
Le danger, le sommeil, la rage
Et qui d’un regard ou d’une ouïe attentive
Fit frissonner la peau poilue
Et entrer dans le monde intérieur
Et grandir un espace non profané

 

Ne dépassons pas le nombre sept
Nombre vivifiant de signification
Il consacre une renaissance
Un autre cycle d’épisodes
Marqué de nouveaux liens
Jusqu’à la dissociation bien-mal

La première pensée fut-elle une souffrance
Ou plus simplement une réjouissance
Ou encore l’atonie d’une non compréhension ?
Mais quand donc est survenue
La seconde idée : en un même lieu ?

Peut-être est-elle née d’un homme
Qui s’interrogeait sur l’existence
D’un autre homme, imaginaire
Et suffoquant de cette absence

Venu du fond des âges, lentement
S’est formé ce nuage impalpable
Qui recouvre l’homme de rosée

Et maintenant une planète s’en empare
S’entoure de rêves ou de mathématiques

Je suis et j’en viens à penser...

© Loup Francart

poésie,écriture,poème,littérature

 

 

 

C'est vrai, n'oublions pas ! Allez voir le 21 juillet... Parution du livre ...

21/07/2014

Petits bouts de rien

 

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 Les éditions du Panthéon vous font part de la parution du livre

Petits bouts de rien

le 21 juillet 2014

 

272 p. format 13x20cm

Prix de vente:

  • imprimé : 19,40 €  TTC;
  • numérique : en moyenne 15 €, selon les réseaux de distribution. 

Les commandes peuvent être passées :
- Sur le site internet : www.editions-pantheon.fr
- Par courriel adressé à : commande@editions-pantheon.fr  
- Par courrier adressé à : Les Editions du Panthéon
                                     12 rue Antoine Bourdelle  75015 Paris
- Par télécopie au 01 43 71 14 46
- Par téléphone au 01 43 71 14 72 
- Sur Amazon : http://www.amazon.fr/
- A la FNAC : http://livre.fnac.com/

 

Emmenez-le en vacances, lisez un récit et laissez-vous rêver...

18/07/2014

Dernier poème d'amour

Quelques poèmes encore, d’amour évidemment
Et nous partirons ensemble pour cet au-delà
Qui nous fit rêver les jours de désespoir…
Le rêve va s’achever, il va devenir réalité

Nous nous en irons la main dans la main
Les yeux sous le regard de l’autre
Les lèvres tendues vers l’autre visage
Celui de l’aimé(e) de toujours et de partout

Jamais je n’oublierai le poids de ton abandon
Jamais je ne retrouverai les plis de ta nudité
Tu resteras l’unique, fille et femme
De mes vingt ans et autres années passées

Je t’ai frôlée, j’ai approfondi l’inconnue
De ton corps et de ton âme, ensemble
Nous avons erré dans la vie noire
Et vogué dans une liberté éclatante

Quelle belle promesse nous nous sommes faite
Un jour de printemps sur le seuil d’une église
Savions-nous alors qu’elle nous engloutirait
Dans ces plongeons nocturnes de délivrance

C’est encore avec joie et des larmes d’abandon
Que nous partirons vers ce nouveau monde
Où les âmes n’ont plus de corps
Où les corps ont perdu leur gravité

Peut-être ne serons-nous ni homme ni femme…
Mais nous nous reconnaîtrons malgré tout
Par le tremblement de nos êtres
Au-delà du désir… Dans la transcendance…

© Loup Francart

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C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

14/07/2014

Oublier son moi ordinaire

Tiens ! Je l’ai perdu. Où est-il donc passé ?
Toute la nuit j’ai couru pour m’en séparer
Au matin, il a disparu, brusquement
Je me suis délesté et élevé, mais vers quoi ?

Je passe en rêve, regardant le monde
Quelle agitation extrême et délicieuse
Un lokoum au goût de miel poisseux
Et pourtant j’en suis détaché, allégé

Certes les paysages de cette absence
N'ont pas le charme de l’attachement
Leur brillance est plate comme l’horizon
Je piétine le macadam des certitudes

Mai où donc se trouve ce moi recherché
Peu importe ! Quelle absence de pensées...
Seul compte le lent glissement huilé
Du corps transparent sur l’horizontalité

Je ne peux le rattraper, il fuit vite
Je le regarde partir, comme un enfant
Et me dit : enfin, loin des inquiétudes…
Mais… Te souviens-tu de ton nom ?

© Loup Francart

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C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

 

 

  

10/07/2014

Le monde, qu’est-ce ?

Le monde, qu’est-ce ? Un brin d’herbe
Entre les dents d’un ivrogne fou
Qui court dans les vagues de l’avenir
Sans savoir s’il ira jusqu’au bout

Une fracture entre les images
Comme une déchirure ouverte
Dans l’âme qui repose acide
Sans même une main rafraichissante

Le parfum d’une musique endolorie
Chatouille nos sens exacerbés
Il s’échappe de la fente terrestre
Et plonge dans l’ouïe engourdie

Le monde, c’est cet instant provisoire
Qui fait chavirer la vision connue
Et l’entraîne vers un caléidoscope
De sons, d’images et de parfums

Pour le plus grand bien
Des humains qui s’ennuient
Sur ce plancher fragile
S’ouvrant sur l’absence

Plonge dans l’ouverture
Trempe-toi dans l’étrange
Secoue ta lourdeur
Et flotte sur le rêve

Quel voyage ! D’abord le vide, puis le manque d’espace
Et bientôt l’arrêt du temps. Tout est figé
Je ne suis qu’un point dans l’immensité du monde
Et ce point est devenu l’univers, rêve d’un jour

© Loup Francart

06/07/2014

La couleur de l'avenir

Rouge, noir, blanc, jaune
Tels sont les hommes !
Pourquoi n’y a-t-il pas
Des messieurs verts
Et des femmes bleues ?

Sur le continent de l’imagination
Entre deux tasses de café
J’ai rencontré le prince doré
Dans la lumière de la ville

Il m’a dit sa rencontre
Avec l’élégant professeur
Son regard aviné et craintif
Devant la couleur de la vie
Pourquoi devoir dormir encore
Quand déjà arrive la fin ?

L’homme dans sa couleur
Garde sa transparence
Il est être humain
Vivant et pensant
Et rien ne pourra
L’empêcher de regarder l’autre
Avec des yeux de verre

Oui, nous sommes tous esclaves
De notre couleur de peau
Seuls les sentiments ont la couleur
Des baisers furtifs et odorants
Qui s’envolent certains jours
Dans les sables du désert

Depuis j’erre chaque nuit
Dans une mer de glace
Regardant les bateaux qui fuient
Les femmes qui s’envolent
Et les enfants qui rient

Et moi, seul, isolé,
Je me tourne vers moi-même
Entrouvrant mes plaies
Respirant l’odeur aigre
Des craintes ancestrales…
Qu’attends-tu pour partir
Vers les pays rutilants
Au baume acéré de l’oubli ?

Rien ne sera plus comme avant
Porte ton regard au loin
Lève le bras pour monter
Dans la caravane de la conviction
Et part au loin vers l’inconnu
Où l’homme ne porte
Que la couleur de l'avenir

© Loup Francart

02/07/2014

Atonie

Il pleut… Le ciel, chargé de noir et gris
Laisse tomber sa mauvaise humeur
Sieste, pour renouveler l’optimisme
Et faire un pied de nez à la morosité

Réveil des profondeurs, lentes et longues
Les connexions entre les neurones
Lumière et ombres entrelacées
On émerge, sans passion ni émotion

L’œil entrouvert vous dit l’atonie
D’un jour sans fin ni euphorisant
L’oscillomètre redevient plat
Nouvelle plongée dans la nuit

Enfin… Honteux de cette prolongation
Le corps vous pousse à sortir du terrier
La grisaille vous environne, molle
Debout, oui, mais pour quoi faire ?

Alors commence l’errance d’une après-midi
Que rien ne distingue d’un matin
Si ce n’est ce léger décalage
Des images imprimées dans le cerveau

Le chatouillement d’une vibration interne
Vous traverse l’épiderme en bataille
Quelle était bonne cette grotte irréelle
Où vous attendiez, impassible, l’instant

Subtil, révolu, inespéré, ensorcelé
De la soupe épaissie des sensations
En absence d’émotion et de sentiment
Comme le poisson dans son bocal

Allons, secoue-toi ! Remue tes souvenirs
Plonge dans l’eau froide du réel
Lance-toi. Fais jaillir l’étincelle
Et brûle tes réserves de sagesse

Cri…ss… tout se remet en marche…
Les couleurs se ravivent et rosissent
Le cervelet qui transpire, hilare
Les dernières gouttes de l’ennui

Dieu, que l’après-midi fut longue…

© Loup Francart

29/06/2014

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, roman de Haruki Murakami

Hajime est fils unique et ce fait lui donne un complexe d’infériorité. A l’école primaire, seule Shimamoto-san possède la même caractéristique, elle est également fille unique. Elle traîne légèrement la jambe gauche en raison d’une poliomyélite. Elle travaille bien. Très vite ils se sentent bien ensemble. C’était la première fois que chacun d’entre nous rencontrait un autre enfant unique. Nous nous mîmes donc à parler avec passion de ce que cela représentait. Nous avions l’un pour l’autre beaucoup à dire sur le sujet. Nous prîmes l'habitude de nous retrouver à la sortie de l’école pour rentrer ensemble. Avec Shimamoto-san, je ne me sentais pas nerveux comme en présence des autres filles. Ils aiment écouter des disques ensemble. Et un jour Hajime découvre une autre dimension dans sa vie : Elle enleva sa main du dossier du canapé et la posa sur ses genoux. Je regardai distraitement  ses doigts suivre le tracé des carreaux de sa jupe. Ce mouvement semblait empreint d’un mystère, comme si un fil ténu et transparent sorti du bout de ses doigts tissait un temps encore à venir. J’entendais au loin Nat King Cole chanter « South of the border ». Je ne sentais que l’écho étrange de ces mots: “Sud de la frontière”. … Je rouvris les yeux : les mains de Shimamoto-san s’agitaient toujours sur sa jupe. Une sorte de doux picotement s’insinua tout au fond de mon corps.

Peu de temps après, à nouveau : Shimamoto-san était une fille précoce, sans aucun doute, et je suis sûr qu’elle était amoureuse de moi. Moi aussi, j’éprouvais une vive attirance pour elle, mais je ne savais que faire de ce sentiment. Comme elle, certainement. Une fois, une seule, elle me prit la main… Nos doigts restèrent entrelacés à peine dix secondes, mais cela me sembla durer une demi-heure. Et, quand elle relâcha son étreinte, je regrettai qu’elle ne l’ait pas prolongée davantage…. Il y a avait, rangé à l’intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une mallette d’échantillons, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie… Peut-être avions-nous tous deux conscience d’être encore fragmentaires ; nous commencions à peine à sentir les prémices d’une réalité nouvelle qui nous comblerait et ferait de nous des êtres achevés ? Nous nous tenions debout devant une porte donnant sur cette aventure nouvelle. Seuls tous les deux, dans une vague clarté, main dans la main pendant dix secondes à peine.

Mais Shimamoto-san déménage et la vie passe. Il connaît une autre fille Izumi, qui l’aime, avec laquelle il se sent bien. Mais il la trompe avec sa cousine. Il s’en veut, d’autant plus qu’Izumi perd toute sa joie de vivre et sombre dans la dépression. Il se marie, il aime sa femme, il aime ses deux filles, il a un travail qu’il apprécie. Il a tout pour être heureux. Mais un jour, il rencontre shimamoto-san dans la rue, la suit jusqu’à ce que quelqu’un l’interpelle et le menace.

Quelque temps plus tard, shimamoto-san entre dans un de ses bars (il tenait deux bars où jouaient des jazzmen). Il renoue leurs conversations comme 23 ans auparavant. Il est à nouveau amoureux. Ils vont au concert ensemble. Un concert magnifique. Cependant, j’avais beau fermer les yeux et essayer de me concentrer, je ne parvenais pas à m’immerger dans ce monde musical. Un fin rideau se dressait entre de concert et moi. Un rideau si fin qu’on ne pouvait même pas être sûr qu’il existe vraiment. Pourquoi ? Parce qu’il manque le cr, crr, crr provenant d’une rayure du disque qu’ils écoutaient quand ils avaient douze ans.

Shimamoto-san disparaît à nouveau. Il ne sait pourquoi. Sa vie devient un cauchemar : Pourtant, depuis que Shimamoto avait disparu, j’avais l’impression de vivre sur la lune, privé d’oxygène. Sans Shimamoto-san, je n’avais plus un seul lieu au monde où ouvrir mon cœur. Pendant mes nuits d’insomnie, allongé& sur mon lit, immobile, je pensais encore et encore à l’aéroport de Komatsu sous la neige. Ce serait bien si les souvenirs finissaient par s’user à force de les voir et de les revoir, me disais-je. Mais celui-là ne s’effaçait pas, loin de là.

Enfin, Hajime la voit apparaître dans un de ses bars. Elle est revenue. Il va alors connaître une nuit d’amour, une seule, merveilleuse et unique. Le lendemain matin, elle n’est plus là. Elle est repartie, il ne sait où, pour mourir, pour fuir, pour revenir en notre monde ? Et pendant longtemps il va conserver ce souvenir en lui comme une plaie atroce et bienfaisante. Mais la vie repart, avec Yukiko et les enfants : je devais aller dans leur chambre, soulever leurs couettes, poser la main sur leurs corps tièdes et ensommeillés. Il fallait que je leur dise qu’un jour nouveau avait commencé. C'était cela que je devais faire maintenant. Pourtant je n’arrivais pas à quitter cette table. Toutes mes forces s’étaient écoulées hors de moi, comme si quelqu’un était passé derrière mon dos sans que je le vois et avait enlevé un bouchon quelque part en moi, tout doucement. Les deux coudes sur la table, j’enfouis mon visage dans mes paumes.

Un magnifique roman, un Murakami plus vrai que nature, une merveilleuse histoire d’amour. Ils sont peu nombreux ces romanciers qui savent nous faire rêver par la seule magie de leur verbe.

28/06/2014

Le langage universel

Si l’enfant qui tient son cône de glace
Savait qu’il porte le plus grand mystère
Celui de l’origine  et du devenir
De notre univers dont les galaxies
Filent dans le cosmos et s’éloignent
Toujours plus loin de notre compréhension

A sa pointe, rien, une poussière, si petite
Si ténue, si dépourvue de visibilité
Que l’homme la balaye d’un souffle
Qu’est-elle ? Nul ne le sait
Le mur de Planck cache la vérité
Si évidente, mais inatteignable

A l’autre bout du cône, le vide, le rien
Vers lequel se précipitent les astres
Certes il leur faudra du temps pour mourir
Leur vitesse augmente sans cesse
Ils fuient ce monde comme le prisonnier
S’évade en esprit et reste libre

Et plus ces objets, semblent-ils inanimés
S’éloignent et prennent de la vitesse
Plus leur propre temps ralentit
Plus cette fuite leur semble vaine
Ils courent, mais comme pour le vieillard usé
Chaque foulée est si courte qu’elle l’englue

La gravitation courbe leur propre temps !
Il s’entortille comme le fil de fer
Jusqu’à ne plus faire qu’un point
Puis s’évade vers un imaginaire pur
Que seules les algèbres déformées
Peuvent appréhender à l’échelle de Planck

Le temps devient espace, il ne coule plus
L’espace est immobile et mesurable
Le temps imaginaire et l’espace présent
Se mêlent, s’emberlificotent,
Jouent à cache-cache. Qui êtes-vous ?
L’univers n’est plus, il perd sa consistance

Quelle soupe étrange, une vraie tempête
Inappréciable, inabordable, un maelström
De particules invisibles et tenaces
Qui tiennent le monde entre leurs mains
Sans être soumises à sa loi habituelle…
Une énergie noire qui guide vers l’avenir !

Le temps s’arrête, c’est un trou noir
Il s’enfonce hors de l’univers, il fuit
Tous courent vers la mort assurée
Le sourire aux lèvres, la tête haute
Ils franchissent le mur de Planck
Ils ne sont plus, ils ont perdu l’espace-temps

L’univers est soumis aux mêmes lois
Que l’humain. Le trou noir de la mort
Ne serait-il pas gage de renaissance
Dans un autre univers sous une autre forme ?
Cette fuite du temps, cette accélération folle
N’est pas l’entropie, mais la surprise de la vie

Certes l’intelligence collective n’en est pas là
Elle creuse son sillon en inversant la loi
Plus elle avance, plus le temps se dévoile
Il est la clef de la compréhension du monde
Un jour viendra où le langage des savants
La mathématique universelle, dévoilera

La pensée de Dieu à la pointe du cône de glace

© Loup Francart

24/06/2014

J’étais et ne serai jamais plus

J’étais et ne serai jamais plus

Ce bébé qui hurle dans un lit de fer
Auquel sa mère est attachée
Et qui dort benoîtement
Au moment de sortir

Cet enfant frondeur et espiègle
Qui n’en fait qu’à sa tête
Et donne des coups de pied
Dans les portes du ciel

L’adolescent réservé et rêveur
Qui regarde les filles aimables
Et leur parle en onomatopées
Les yeux doux, il n’ose leur parler

Le jeune homme au premier pas seul
Qui rit du pouvoir nouvellement acquis
Et considère du haut de sa foi en lui-même
Tous les petits défauts des grands de ce monde

L’homme qui veille sur sa famille
Après avoir découvert une moitié
Promise depuis des lustres
A laquelle il a rêvé chaque nuit

L’homme mûr qui courre sans cesse
Pour faire valoir sa personne
Au marché des inégalités
Et à la surenchère surabondante

L’aguerri qui contemple son destin
Et l’approuve, même imprévu
Il partit marcheur sur corde raide
Et finit détrousseur de touristes

Le vieux beau plus tout jeune
Qui se berce d’illusion
Et tente toujours sa séduction
Auprès des égéries ricanant

Le vieillard qui contemple las
Ce monde écervelé et chahuteur
Auquel il a participé ardemment
Et qui perturbe sa somnolence
 
Le grabataire qui s’enferme
Dans ses souvenirs échevelés
Et radote sur ses désirs
Sans pouvoir les mener à bien

Le mourant qui s’interroge
Et tout bien considéré prétend
Que la vie vaut d’être vécue
Même si la moisson est maigre

Le cadavre enfoui sous terre
Qui du haut de l’éternité
Ne sait que penser
De ce séjour enchanté

J’étais et ne serai jamais plus
Ce nuage qui déleste sur la terre
La pluie de ses insuffisances
Et mouille de larmes son univers

© Loup Francart

20/06/2014

Passage d’une voiture dans la rue à minuit et quatre heures

Dans les seuls bruits de la nuit
Vient ce grand tremblement
Roulement sur les pavés
Il monte dans l’oreille
Il grandit, élégant
Et m’envahit
Impact…
Il s’éloigne
Il se fait oublier
Il se couvre de silence
Mais reste présent, encore
Jusqu’à la lointaine absence
De tout suspect… Il est minuit…

4 heures
Qui d’autre
Se tient éveillé
Contemple le monde
Au creux de l’œil parfait
Allumé dans l’obscurité ailée
Ferme tes oreilles, ouvre ton regard
Seul secours dans les ténèbres destructrices
Flash ! Tout se dévoile. J’ai saisi la fuite du temps
Peu importe l’espace qui court avec vivacité
L’être se dévoile dans ce mouvement
Il respire l’absence d’oxygène
Et s’enivre de ce mystère
Qui éclaire l’univers
La seule parole
Une lumière
Unique

© Loup Francart

16/06/2014

Alpha et Oméga

Derrière le cœur
Soupirent les mots.
Craquelure de l’apparence,
Chute du personnage.
Au-delà, l’apesanteur,
L’aspiration, la dissolution.

Tu es l’alpha de l’être,
L’appel du bonheur,
L’oubli de mes pauvretés.
J’aspire à m’éveiller
Et m’endors, lové,
Au creux de mes insuffisances.

Tu es l’oméga des inspirations,
Lieu de nos éternités rêvées,
Quand, épuisés par nous-mêmes,
Nous recueillons le vide
Au fond de nos mains ouvertes.
Je m’éveille à la nudité de l’âme.

© Loup Francart

12/06/2014

Une morte gisant dans la mousse

Une morte gisant dans la mousse des arbres
Comme un corbeau aux branches des palétuviers
Elle rit de ses ongles de chair, le marbre
De ses rides s’écrase sur ce noir ouvrier

Les oiseaux, une pie, ricanent de leur langage envieux
Et s’amusent à lui picorer ses dents recroquevillées
Le silence voile l’épais tremblement de chaleur
Qui s’allonge bruyamment sur ses flancs agenouillés

Un soleil rouge écarte ses doigts enflammés
Et sourit aux crevasses de l’écorce noircie par ses regards
Seul un insecte aux yeux verts comme des soucoupes fumées
Allonge ses pattes velues pour y prendre sa part

Et, pendant ce temps, elle rit de ses lèvres claires
Comme la chair des citrons sous la lune
Ses cheveux alourdis volent au vent de la colère
Et s’éparpillent en procession sur les dunes

L’air est sale et mauve et a le goût
De l’aurore aux antilopes sans sommeil
Qui glissent leur tête suspendue à mille cous
A la cadence des pendules aux poils vermeils

© Loup Francart

08/06/2014

Profusion ou confusion

Une telle profusion, un jour à la nuit pure
Le vol des corbeaux s’en est allé, remplacé
Par celui des idées folles d’un jour d’été
Emprisonnant le temps ailé dans sa pliure

Seule l’eau coule encore au milieu du front
Le cyclope ouvre un œil béant et inquiet
D’où provient donc ce trou fixe et replet
Qui expose vertement son origine sans fond

L’air surchargé de lourdeur et de parfum abusif
S’envole en volutes gracieuses et vertes
Qui montent sans fatigue proclamer l’alerte
Attrapant au passage le turban du calife

Lumière et ombre, immobilisme et chute
D’un inconnu enfoui entre deux feuilles
En charge dernièrement d’organiser l’accueil
De l’éternité béante en pleine culbute

La pureté retrouve sa verte origine
Les reflets dansant la sarabande sur le feuillage
Ensorcellent notre entendement sans âge
L’âme s’ouvre, dévoilant le yang et le yin

© Loup Francart

04/06/2014

Elégance

Simplicité et grâce
Deux signes qui ne trompent pas
Et quand on pense élégance
On rêve élégante

L’élégant se distingue
Il dispose de vêtements
Et s’entoure de colifichets

L’élégante respire
Et son souffle vous enchante

L’un est un habillage
L’autre la vie même
Et cette manifestation légère
Ouvre à l’invisible

La grâce étend son ombre
Et découvre des paysages
Irréels et délicats
Un battement de cils
Et tout est dit !

Ce clic silencieux pénètre
La couche rugueuse de l’apathie
Un sifflement de surprise
S’échappe de cette ouverture

Touché, vous vous éloignez
En titubant, les yeux retournés
Sur l’harmonie délicieuse
Entrée un instant dans votre vie

Vous partez ragaillardi
Marchant avec sérénité
Empli de beauté intérieure


Gonflé à l’hélium, insouciant
Vous poursuivez en lévitation

© Loup Francart

31/05/2014

Equilibre

Vertu annoncée française, comme le cartésianisme
Souvent contredite par la réalité des faits
Elle soutient l’opinion et la conforte dans son arrogance.
Ne serait-ce pas de l’inertie dont parlent nos citoyens ?

Certes l’équilibre  des façades de nos châteaux altiers
Donnent un sens harmonieux aux apparences
La réalité n’est-elle pas toute autre, plus statique
Cet équilibre est fondé sur deux béquilles égales

Le véritable équilibre ne serait-il pas impression ?
Balance des sentiments, des émotions, des perceptions
L’équilibre de la terreur de l’égalité des cerveaux
Les poids seraient-ils la preuve de la même consistance ?

L’équilibre ne se trouve pas, il advient et s’impose !
Il est léger comme l’air au soleil, vapeur de bonheur
Un souffle et sa constance se brise, altérée
Il fuit la logique et le poids des mots recherchés

L’équilibre des pouvoirs contrebalance l’autorité
Est-ce une vertu française, un souhait non exprimé ?
Ici la vie est contraire à la parole, contradiction
Entre l’intégrité austère et l’amitié chaude

Aucune prédominance, pas de passe-droit
L’œil à l’horizon, la face non corrompue
Transpirant sous la bise de l’intégrité
Le citoyen ravive sa fureur révolutionnaire

Mais l’équilibre n’est-il pas harmonie ?
Comme deux sons emmêlés chers à l’oreille
Ils vont dans les chemins de la vie heureuse
Et se détendent sur l’herbe caressée de rires

Vraiment, quel avenir sans équilibre
De quel côté pencher : raison ou imagination ?
Le papillon noir s’élève dans l’azur
Il monte, vide, empli d’espoir, sans pensée

© Loup Francart

27/05/2014

L'arc de la nuit

De retour sur l’arc de la nuit
J’approfondis ton absence…

Un trou immense s’est ouvert
Sous les pieds de l’infortune…

Perdue la moitié consistante
Qui donne sa dimension
Au jour comme à l’obscurité…

Ici le noir remplace le vert
Le gris implique l’ombre
Courbant les branches
De lourdeur invisible…

Pourquoi chercher toujours
Au-delà de l’invisibilité
La lueur d’une autre
Quand déjà tu t’élances
Et romps avec l’habitude ?

Oui, le silence t’atteint
Et tu pars, vertueuse
Au long de la route,
Inaccessible et distante

Moi, vide et errant
Je reste sur la plaine
Et feuillette le livre
Des jours sans partage

© Loup Francart

23/05/2014

Sous la pluie

Sous la pluie de notre déraison
Les regards abrités de tes paupières
Abordaient la venue des saisons
Du métal de leurs facettes altières


L’image vide,
Les mains à la pesanteur de l’âme
Je rêve parfois...

© Loup Francart

15/05/2014

Monde(s)

Il y a deux mondes
L’un, extérieur, s’ouvre sans difficulté
Il apparaît à l’œil
Au sortir de la nuit
Et vous vous y agitez
Comme un poisson dans l’eau

L’autre, intérieur, se cache en vous
Vous ne le savez pas
Et le jour où vous prenez une longue-vue
Pour admirer votre moi
Vous trouvez un monde inconnu
Derrière une barrière franche

Comment l’avez-vous enjambée ?
Vous l’ignorez
Ce nouveau monde est là
En vous, ouvert lui aussi
Tel un puits sans fond
Vous tombez sans parachute
Vous errez dans votre propre moi
Sans connaissance du paysage

Et un ange s’empare de vous
Vous prend dans ses ailes
Ralenti votre chute
Vous aide à contempler
Ce vide immense et lumineux
Où vous respirez l’air chaud
Qui s’échappe du brûleur
Par petits à-coups

Vous vous élevez dans l’air
Surchauffé de bonheur
Jusqu’à vous diluer dans l’azur
Et oublier ce moi
Qui vous encombre
Dans l’autre monde

Désormais plus besoin des béquilles
Du savoir et de l’expérience
Tout vous est donné
Dans cette ascension
Qui commence par une chute

Le tout et le rien se rejoignent
En un équilibre miraculeux

Vous êtes libre
Sans vous soucier de liberté

© Loup Francart

11/05/2014

L'élégance

L’élégance est-elle synonyme de nostalgie ?

L’élégance trahit-elle un manque de confiance
Ou permet-elle de vivre dans l’ombre du recul ?

Elle est la grâce sans fioriture, froide et altière
Elle regarde le monde sans dédain caché
Mais elle rassemble une indifférence hautaine

Elle est la marque des hommes et des femmes
Qui respirent différemment, plus sûrs d’eux
Et qui vont dans la vie avec l’apparence
Du chat qui tombe d’une fenêtre ouverte

L’élégance, c’est ce geste de la main gantée
Qui dessine dans l’air des volutes parfumés
On sent d’instinct cette odeur sans faille
Fraîche, veloutée, sans faux pli ni faux col
Qui transforme l’être en encens inconnu

L’élégance se cache sous ce regard aiguisé
L’œil franc et solide de l’innocence retrouvée
Elle flotte sur la brume des impressions
Sans s’entacher d’attitudes et de poses
Elle se réfère à une vision lointaine
Et marche sans souci vers ses derniers jours

Certes, l’élégance a des échasses dorées
Elle se tient sans autre forme de procès
Raide et souple, vivante et lointaine
Elle ne soupçonne pas ce vide immense
Qui la différencie des habitudes sauvages
Elle ne cherche pas à communiquer son bien
Elle procède d’un tremblement léger, sans défaut

Et chacun, à voir cet aplomb de marbre
Cette démarche ailée coulant sur le trottoir
Ce sourire désarmant, sans arrière-pensée
Ce remuement du bras en souplesse naturelle
Cette mèche de cheveux jaillie du chapeau
Ce basculement des hanches nourri de certitude
Ressent encore au fond de l’être échaudé
Ce pincement subtil envers la féminité

Car l’élégance est féminine, ronde et avisée
Elle se targue de caresses non dites
Elle s’ouvre sans le dire aux autres
Elle va dans le monde les yeux ouverts
Marche sans faille jusqu’à l’ultime théâtre
Sans crainte et sans reproche, vivante et vraie
Avec l’assurance et l’ambivalence sereines
Du passant qui va et vient sans voir l’autre
Coulant son regard sur l’objet de ses rêves

Oui… L’élégance, c’est ferme et doux…

© Loup Francart

10/05/2014

Le mal noir, roman de Nina Berberova (Actes Sud, 1989)

Alia est jeune. Elle s'est installée pendant plus d’un mois dans la chambre d’Evguéni qui ne désirait qu’une chose, se rendre aux Etats-Unis. Si quelqu’un habite pendant un mois au moins avec quelqu’un d’autre, il peut poursuivre la location sans nouveau bail et sans augmentation de loyer. Alors elle n’hésite pas et s’installe chez Evguéni. Ils s’observent : Elle fumait pensive et silencieuse. Je la regardais. Tout son corps semblait allongé, comme si on l'avait tiré vers le haut. Elle avait des cheveux lisses et courts, des oreilles étroites, un visage ovale, un cou légèrement trop long. Son teint, blanc ou plutôt pâle, était d’une pureté, d’une netteté particulières, et tout entière elle paraissait limpide : ni ses yeux ni son sourire ne laissaient place à l’ambiguïté ni à l’énigme. Sans doute, cela venait de ses yeux noirs, de ce regard clair qu’elle posait sur les choses et, par moment, sur moi.

Et il part pour l’Amérique, sans un regard en arrière. Oui, il regrette Alia, mais rien ne le ferait rester.

Aux Etats-Unis, il trouve un emploi de secrétaire : Votre travail (…) consistera à taper à la machine ma correspondance, en deux langues, et à vous occuper de mes affaires. J’ai deux procès, l’un ici, l’autre en Europe. Ma femme vit en Suisse, je paie toutes mes notes. J’écris mes mémoires. Il faut trier mes archives, classer, ranger dans des dossiers… Ma fille qui vit avec moi refuse de m’aider.

Il fait connaissance avec Ludmila. Elle se livre peu à peu. Elle l’invite à monter chez elle. Ils parlent. Ils se revoient. Je pensai à elle, à cette féminité qu’elle n’avait jamais dévoilée, enfouie au plus profond de son âme, et qu’elle me montrait à présent. A quoi bon ? Qu’allais-je en faire ? Ils se voient chaque jour. Elle se transforme, s’épanouit : Vous savez, Evguéni Petrovitch, avec vous je ne suis plus la même. Personne ne me reconnaîtrait à présent. C’est parce que vous n’avez pas du tout peur de moi. Vous n’imaginez pas le bonheur que c'est de ne pas faire peur.

Et pourtant, elle aussi, il va la laisser partir. Elle lui demande de l’épouser : Epousez-moi, épousez-moi pour toujours. Ne voyez-vous pas que je suis bien avec vous ? Et vous savez pourquoi ? Parce que je change, je deviens authentique comme jamais je le fus, et drôle, surtout maintenant, en cet instant. Ne dites pas non. (…) Vous n’avez peur de personne, pas même de moi. Et vous êtes très heureux.

Une histoire banale, terriblement banale. Un homme qui ne sait pas ce qu’il veut. Deux femmes qui apprécient sa présence. Et pourtant, il part sans regret. Il part trouver la vraie vie. Il pense ne pas la vivre. Je vais vivre pour voir ce que ça donne. Puisque même les morts ressuscitent parfois, alors pourquoi pas moi, qui suis vivant ?

Ce petit livre d’une centaine de pages a un parfum subtil d’innocence, de bonheur caché, de rencontres malicieuses. Le parfum d’une vie banale, d’une vie dont le charme se résume à l’écoulement du temps. C'est vrai, Nina Berberova, pourtant née en 1901 à Saint Petersburg, est très actuelle dans sa manière d'écrire.

07/05/2014

L'enfant rieur

Assis, à genoux ou encore debout
Ils attendent comme les lapins à leur terrier
Le dernier rayon de soleil de cette journée
Ignorants et béats ou bien proches d’être fous

Pourtant le jour fut actif, même endiablé
Tout fut fait pour te retourner
Le pivert te cassa la tête sans rien trouver
Tu poursuivis sans même nous regarder

Merci aux farfadets, aux lutins et aux gnomes
Ils choisissent leurs grands électeurs
Parmi la population de leurs grands hommes
Et que choisissent-ils : l’enfant rieur !

N’oublie pas, Marie, le bain bouillonnant
Pris au matin du troisième et dernier jour
Libérée de ton ombre, tu t’avançais en chantant
T’adressant au peuple en dernier recours :

Fraiche, jolie malgré tout, jeune encore
Je vous avertis du grand danger
Tous nous redeviendrons la terre foulée aux pieds
Alors pourquoi tant d’efforts ?

Merci à tous pour ce séjour amincissant
 La lame du rasoir a tranché
Plus ne sera comme avant.
Alors quel enfant rieur accepte de nous guider ?

 © Loup Francart