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21/03/2015

Conversion

Retourne-toi, retourne-toi !
Dans l’herbe tendre des jeunes années
J’ai longtemps cherché derrière
Ce qui pouvait guider les pas devant
Peine perdue…

Pourtant, parfois, je me suis fait tirer par la manche
Mais ce n’était que le temps pour ralentir mes ardeurs
Devant, toujours la même plaine
Rutilante de mirages,
Attirante comme le ventre d’un ogre
Où l’on coure et s’enfonce dans la lie
D’un bonheur à petits pas

Un soir, las d’un tennis de mots
Revenu solitaire dans l’antre de l’éveil
Je vomis le poids du cadrage moral
Quel soulagement ! Je ne suis plus tenu !
Cette peau principale et raide
Qui sert de frontière avec l’autre
S’est retournée et offre sa tendresse
Aux caresses des passants

Le vent frais y glisse
Et enivre le vieil homme
Redressé, il rage d’impuissance
Moitié dehors, moitié dedans
Il est crucifié par son initiative
Du ciel touché du doigt
Il garde la cloque de la connaissance
Du sol, empêtré, il ne peut s’extraire

Es-tu transformé ?
Ce retournement te satisfait-il ?
Un pas vers l’inconnu cette conversion
Je ne suis plus au centre
L’autre devient mon préféré
Je me cache derrière son ombre
Et poursuis ma quête le cœur dilaté

Un trou dans la poitrine
J’avance dans la troupe des vivants
Et attend l’extinction des feux

© Loup Francart

17/03/2015

La chute du mystique

Tourné vers le mystère de la vie et de la mort
Le mystique se regarde vivre sans participer
Au ballet de ceux qui goûtent à la pomme
Acidulée, elle laisse un arrière-goût dans la bouche
Qu’il avait tristement ressenti un jour
Lorsqu’il se laissa aller à contempler
A travers le trou d’une serrure, l’œil écarquillé
La blancheur diaphane des filles dénudées

De toutes les fibres de son bas-ventre
Il avait senti monter le désir et la fièvre des corps
Quelle amertume ! Aucun contrôle. L’élan même
D’une animalité qui sourit de sa victoire
L’esprit chéri, choyé et caressé, refuge
Eloigné de l’agitation démesurée du quotidien
S’évada d’un coup d’aile, laissant place
A la lourdeur de la pesanteur et des viscères
Il pleura des nuits entières, sans bouger
Perclus sur son lit de douleur et de remord
Il s’enferma dans la caverne de l’inexpérience
Mais toujours et sans cesse, la concupiscence
Le taraudait, le laissant désespéré et exsangue  
« Je ne peux cependant me défaire consciemment
De ce que Dieu m’a donné en toute volonté
Qu’en faire ? »

Il abandonna ses rêves de blancheur
Il se roula dans sa chair et sa flamme
Il embrassa tous les recoins des corps
Ronds, polis, adoucis de talc, fermes
Des femmes, des demoiselles, vertueuses
Ou débauchées, nubiles ou fatiguées
Il se repue de sensualité exacerbée
De parfums capiteux, de caresses tentantes
Il connut l’ivresse des jours couchés
Et des nuits dénudées sans sommeil
Jusqu’à ne plus pouvoir distinguer
La vie des corps de la mort de l’esprit
Alors il appela son âme à son secours

Elle vint sous la forme de l’innocence

Une femme, encore jeune, débordante de vie
Plantée naturellement sur le fil du juste milieu
Qui lui tendit la main d’un sourire débordant
Mais le retint de toute manifestation
Il ne put que se laisse traiter ainsi
Entre charme et refus, flot et assèchement
Jusqu’à ce que la séduction l’achève
Et lui fasse rendre son orgueil de mâle
Elle le prit dans ses bras, le caressa longuement
Lui dit toutes les douceurs du monde
Et ils s’envolèrent légers et décoiffés
Dans la fraicheur d’un hymen inespéré

Désormais ils vont main dans la main
Lui, délivré de ses cauchemars
Elle, enfiévrée de vies à venir

15/03/2015

La grammaire est une chanson douce, d’Erik Orsenna

Est-ce une grammaire, un conte, un roman, on ne sait. Mais ce que l’on constate, c’est cette fraicheur délicieuse que procure sa lecture. Les mots s’aèrent et se trémoussent, cherchant leurs adjectifs, leur article et toute la panoplie d’une phrase jusqu’au verbe qui transforme le tableau en action vivante. Comme on est loin de ces grammairiens prétentieux et imbu d’un savoir mort et glacial qui encombrent les bans des écoles en tant que soi-disant pédagogues, pratiquant la médecine légale sans aucun discernement. Et Madame Jargonos me souriait : « – Bienvenue, ma petite. Bienvenue dans notre stage. Tu te rends compte de ta chance ? » Rien que des professeurs. Une classe entière de professeurs qui suivent  l’une de ces fameuses cures de soins pédagogiques. Et Madame Jargonos reprit sa leçon. Sa chanson incompréhensible (elle explique la fable le loup et l’agneau) : « … Dans cette phrase narrative finale, le manque (faim de S2) introduit dès le début comme déclencheur-complication, se trouve elliptiquement résolu. Vous avez des questions ? ».

Deux enfants font naufrage et échouent sur une île. Ils ne peuvent plus parler, sans doute sous le coup de l’émotion de la perte de leurs parents. Ils vont errer dans cette île avec Monsieur Henri, le poète et musicien, pour découvrir la vie des mots, les uns se rengorgeant comme « analyse d’urine », les autres dansant à la face du monde  comme « soutien-gorge », d’autres vivant cachés pour vivre heureux comme échauboulure (petite cloque rouge qui survient sur la peau pendant les chaleurs de l’été). On trouve des célibataires endurcis, des adverbes invariables qui ne s’accordent pas, des pronoms qui cherchent à emprunter la vie des autres.

Ils rencontrent quelques écrivains dans une usine : Saint-Ex. Ses phrases sont courtes : Il n’y eut qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable. Marcel (Proust) : – Pourquoi tu fais des phrases si longues ? – Il y a des pêcheurs qui prennent des poissons de surface avec une ligne très courte et un seul hameçon. Mais pour d’autres poissons, les poissons des profondeurs, il faut des filets très très longs.

Cette promenade dans la ville des mots est emplie de poésie, de charme et d’humour. C’est parfois trop académicien, mais le naturel revient toujours au galop.

11/03/2015

L’inconnue d'avant-hier

Elle réfléchit, mais elle sait se moquer d’elle-même.
Elle n’a pas la beauté grecque, mais elle a un charme fou.
Lorsqu’elle sourit, son cœur s’entrouvre.
Elle ne se livre pas, mais se fait connaître.
Elle a fait mille choses et très sérieusement.
Elle est si naturelle qu’elle vous rend libre.
Elle voyage géographiquement et combien mieux en pensée.
Elle mêle la vraie vie et l’existence imaginaire
Et l’on ne sait si elle se trouve au recto ou au verso.
Elle s’évadera un jour des pages de son livre
Pour flotter dans l’azur, imperturbable et passionnée.
Elle attend tout de la destinée, mais elle a déjà tout,
Sauf, sans doute, ce double d’elle-même
Dans lequel elle pourra se mouler.

Elle est française, bien sûr, et…
Parisienne évidemment !

 

© Loup Francart

07/03/2015

Tuyau

Un tuyau c’est ce nœud dans la gorge
Qui s’ouvre béat en un instant
Sur le mystère de la vie
Et t’assied là, seul
Face à face avec toi-même
Devant l’immensité du désert

L’air s’y engouffre, d’abord en filet
Puis en flots continus
Et te vide de tout sens
Jusqu’à l’innocence

Tu n’es plus qu’une frontière
Entre le monde palpable
Et ce rêve étrange et laiteux
D’un devenir sans objet

Dans ce passage étroit
Résonnent les harmoniques
Qui transforme toute couleur
En blanche lumière
Eclairant ta lanterne

Tu es seul et le Tout
Devenu parcelle du vivant
Parce que tu as accepté
De n’être plus rien

Pars, nu à la conquête de ce monde
Que tes yeux ne peuvent voir
Deviens cosmos et atteins
Les portes de l’immortalité

© Loup Francart

03/03/2015

Matinale 5

Avant de reprendre le chemin de la piscine, Emilie décida de faire de nouvelles recherches. Elle s’intéressa aux univers parallèles découverts par le physicien américain Hugh Everett en 1957. Elle se souvenait d’avoir lu un jour que quelques savants se posaient la question de savoir de quel lieu notre propre univers était issu et laissaient tomber la question plus subtile de l’existence d’une créateur démiurge. Le continuum se poursuivrait-il au-delà de ce que nous connaissons ? Y aurait-il des relations entre notre espace-temps-matière et d’autres spatialités-temporalités-matérialités ? Elle imaginait des trous noirs constituant des entrées dans ces autres univers, elle se sentait tout à coup prise dans le tourbillon attractif d’un grand vide qui conduisait vers un au-delà inimaginable, peuplé de créatures étranges ou même d’êtres humains semblables à nous ou sans doute nous-mêmes. Après un séjour sur terre, ils poursuivent leurs vies multiples en d’autres lieux et d’autres temps, peut-être sans matérialité. Insaisissable cette vision ! Mais elle aimait s’interroger sur cet aspect des choses. Feuilletant les pages d’Internet, elle découvrit que l’univers n’est plus seul et unique comme son nom l’indique. Grâce aux sciences mathématiques, nos savants ont découvert qu’il est très probable que l’univers soit multivers. De plus, elle lut que l’on commence à avoir des preuves de cette géniale intuition. Ainsi la bulle de notre univers, qui s’étend de plus en plus dans l’espace (mais peut-on encore parler d’espace ?), en expansion constante, côtoie d’autres univers qui naissent et meurent à côté de nous (tout est relatif, ce sont des milliards et des milliards d’années-lumière, immesurables !).

Andrei Linde, un des théoriciens de l’inflation, explique que notre univers est une bulle d’espace-temps noyée dans une mousse d’autres univers. Ainsi le big-bang n’est pas la naissance du cosmos à partir du rien, mais une expansion dans un « faux vide ». Ce faux vide se caractériserait par une énergie très élevée et un champ gravitationnel répulsif, une sorte de gravitation " négative " ou antigravitation : remplissez un ballon de faux vide, il se dégonfle ! Cette expansion de bulles donne naissance à des bébés univers possédant leur propre temps, espace et matière.

Elle dut arrêter sa lecture. La tête lui tournait, d’autant plus qu’elle se sentait à l’aise avec ces mondes multiples, ces temps qui se superposent, ces espaces qui gravitent ensemble, ces particules mouvantes qui arrivent à ne pas trébucher. Elle était attirée par ces champs gravitationnels, voire par des champs qui au contraire rejettent ce qui passent à proximité. Déjà, lorsqu’elle était petite, elle rêvait (mais était-ce du rêve ou une remémoration venant d’autres horizons ?) qu’elle pouvait se dédoubler, voler à hauteur du plafond, voire tenter de s’évader par la fenêtre fermée et voguer dans d’autres cieux, un monde différent qu’elle ne parvenait pas à reconstituer. Ce n’était qu’une question de volonté et d’entraînement. Mais ces rêves s’estompèrent au fil des ans jusqu’à ne plus être qu’un vague souvenir. Ils restaient au fond de ses souvenirs, tenaces et semblant toujours aussi réels.

Poursuivant ses investigations, elle s’intéressa à l’exploration de l’infiniment petit qui permettrait de comprendre l'infiniment grand. La théorie des cordes prétend que les particules fondamentales de l’univers sont des sortes de cordes vibrantes sous tension, à la manière d’un élastique. Leur degré de vibration engendrant des particules élémentaires qui sont à l’origine de notre univers. Dans ce concept (qui reste pour l’instant théorique), le monde serait non pas tridimensionnel, mais multidimensionnel. Et ces dimensions s’enroulent les unes dans les autres dans un tissu spatial dit espace de Calabi-Yau qui constitue une forme complexe de 6 dimensions. Ainsi, l'univers observable à quatre dimensions (la quatrième étant le temps) serait une sous-partie d’une Totalité disposant de dimensions supplémentaires, pouvant aller jusqu’à 11 pour certains.

La théorie des cordes suppose que l’univers est fondamentalement constitué de cordes d’énergie en vibrations constante. Elle voit l’univers comme une immense symphonie. Et cette comparaison sembla assez bonne à Emilie. Les dimensions de notre univers sont normalement décrites dans un système décimal (multiple et sous-multiple de dix) alors que la musique fonctionne autrement, de façon beaucoup plus complexe, et permet des variations et harmonies impossibles dans un système décimal.

Dans sa recherche, elle tomba sur un livre qui traitait de l’uchronie. Ce terme utilisé dans la fiction littéraire, fait appel à une réécriture de l’histoire à partir d’une modification d’un événement passé. Ce néologisme repose sur la similitude avec l’utopie, c’est-à-dire un U négatif et chronos. C’est donc un non-temps qi permet d’imaginer les différences conséquences possibles issues d’un effet domino influant sur le cours de l’histoire. C’est une histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être qui commence au point de divergence choisi par l’auteur. Mais elle se rendit compte que cette diversion ne pouvait l’intéresser dans ses recherches. Le problème n'est pas le fait d’une uchronie qui survient à un moment donné, mais le fait de l’existence de deux mondes parallèles qui se retrouvent présents au même moment et en un même lieu. J’y réfléchirai plus tard, se dit-elle.

La sonnerie indiquant la fermeture de la bibliothèque retentit. Elle mit un certain temps à la percevoir, l’esprit trop occupé par toutes ces hypothèses aussi insolites que bizarres. Elle se leva à regret, rangea son bloc-note et ses crayons, l’œil vague, le corps engourdi, le cerveau flottant dans une mare d’impossibles réflexions. Elle rentra chez elle, reprenant peu à peu conscience du monde qui l’entourait, sursautant lorsqu’une voiture la frôlait ou lorsqu’un camion klaxonnait. Elle se coucha tôt, la tête encore pleine d’univers s’entrechoquant et d’humains sautant dans le vide pour atterrir elle ne savait où.

27/02/2015

Premier instant

L’amour naît d’une impression subtile
Et le plus souvent ignorée…

Mais celle-ci se fraye un chemin
Dans les plis de la mémoire et de l’attention
Elle rampe derrière les émotions
Laissant un brouillard doré. Elle se cache dans la nuit
Mais résiste malgré tout à l’absence et à l’oubli

Elle resurgit à un moment, lorsqu’on s’y attend le moins
Sous l’effet d’une émotion ou sous la pression d’un spleen.
L’image envahit le rêve, le rouge de ses lèvres
Devient ardeur sur la joue blanche du paysage
L’arabesque de sa main dans le feu de ses paroles
Est danse dans l’air du matin.

Elle emplit l’univers d’une présence occulte
Et renverse les verrous d’une mémoire bousculée
Et chaque pas, chaque avancée dans la nuit
Devient un appel émoustillant le nuage doré
De ce premier échange au-delà des mots et des regards

Seule l’intonation, la vitalité d’une expression
Ramènent  à l’enclos de la découverte
Au cercle magique et centrifuge de la complicité

Fondu dans cette attraction brève et puissante
Vous dérivez, partez en glissade sur cet instant unique
Où le coin des lèvres envoûte le son de sa vivacité

Vous êtes pris, piégé, ensorcelé, apprivoisé
Et chaque pas fait dans l’espace de sa réminiscence
Vous rattache à ce moment sacré : une impression
Devenue obsession et autel de sa présence

© Loup Francart

23/02/2015

Quel but ?

¤Mon but n’est pas dans cette vie ²
Je ne crains pas la sortie de route…
Au fond de moi-même quelqu’un sait
Et me donne le coup de volant circonspect.
J’enrage de cette irruption dans ma liberté.
Mais ensuite, longtemps après,
J’approuve cette escapade démente.

J’ai vu des paysages et des visages.
Je ne m’y suis pas attaché ;
Toujours derrière surgissait l’ombre,
Profane disent les uns, mystère pour d’autres,
D’une existence au-delà de la vie.
« Ne fais pas cela », dit celui qui sait.
Et je lui obéis tenace et ridicule.
Ma fierté est dans cette étonnante fin
Qui n’est qu’un commencement.

Il m’arrive d’être angoissé et perclus
Devant un dilemme ratiocinant
« Dois-je dire oui à l’aimable caissière
Ou lui jeter au visage son offre inestimable ? »
Selon le côté de la barrière blanche,
Ce sera l’un ou l’autre ou même les deux.
Haut et bas, ou encore droite ou gauche,
Quels sont les choix dans cette vie ?
Tout est mobile, je tiens le volant
Mais c’est la route qui tourne
Et s’entrechoque avec le futur.
Le carrefour des espaces-temps
N’est pas pour les fainéants !

Je rêve d’une autre vie, plus lente
Où les eaux calmes de la nuit
Font briller sous la lune les mystères.
Le cœur secoué d’attributs désaxés,
Je contemple son déroulement
Avec indifférence, sans sentiment.
Seules importent les zébrures
De la vitesse des épanchements,
L’impact énorme du langage dans la bouche
D’un enfant roi qui ne dit mot.

Oui, mon but n’est pas dans cette vie,
Mais dans ce trou dans la poitrine
Que je palpe parfois, chaud et humide
Et qui fait s’envoler les rêves les plus fous.
Je nage en pleine confusion et rage
Dans un monde où rien n’est prévu
Pour noyer le poisson d’un trait de plume
Et s’envoler l’oiseau d’un geste las.
La vie ne se lasse pas de vous jouer des tours
Et je continue à chercher l’enjeu
De ses contours et maléfices,
Jusqu’au moment où tout redeviendra
Comme cet horizon plat de l’océan
Vers lequel je marche le cœur léger
Les poches pleines d’eau, en souriant.

² Michel Houellebecq, La poursuite du bonheur, Flammarion, 1997 (4. J’ai peur de tous ces gens…)

© Loup Francart

 

19/02/2015

Buzzy

Etre seul, ne voir personne et… créer
Le comble du bonheur et pour d’autres de l’horreur
Se lever à trois heures, se coucher à minuit
Laisser tourner les rêves dans sa tête
Ne rien entendre, que soi, en recherche
Cela bourdonne, c’est le buzzy
Les mouches tournent et tombent
Les morts s’entassent, à mon grand regret
Çà continue, çà chauffe, çà siffle
La pression monte et s’échappe
En volutes d’or, pointes de diamant
Dans le ciel bleu de l’imaginaire
La main tremble, l’esprit fourgonne
La peinture envahit l’espace
La musique le temps
La poésie la vie
L’écriture l’absence
Qui devient présence
Et l’existence se déroule respectueusement
Parce qu’il a dans sa tête
La calotte de l’irrespect
S’il se couche, il se relève
Pour noter les flots de paroles
Qui lui sorte de la boite
S’il est assis, il va peindre
S’il peint il va s’assoir
Et écrit son poème
Quelle folie, cela arrive
A tous ceux qui se regardent
S’expatrient dans la noosphère
Et y creusent leur nid
Avec l’aisance de l’éléphant
Et la souplesse du lynx
Quel cloaque…
Oui, sans doute l’expansion
A partir du point zéro
Vers un infini charmeur
Qui attire les hommes et les femmes
Vers l’inconnu jamais fini
Allez, finis ton verre,
Plonge dans ton lit et ferme la radio
Tu as entendu assez de délires
Qui te conduisent vers la frontière
Entre le visible et l’invisible

© Loup Francart

15/02/2015

Au-delà

Il a proféré la parole sacrée
Il s’est adonné au silence
Il a fermé les yeux
Il s’est retourné contre lui
Regardant son double
A la peau étrange
Transparente et grêle
Telle une pierre ponce
Et en une seconde plus rien
Il a rejoint un nouveau monde
Que personne ne connaît
Ni toi, ni moi, ni elle
Il ne sentait plus rien
Mais il était encore lui-même
Il était sûr de son esprit
Il n’a pas cessé un instant d’exister
Mais cette existence est autre
Privé de sens il flotte
Mais le sait-il ?
Peut-être est-il entre deux eaux
Sans doute est-il perdu dans le cosmos
Rien n’accroche son regard
S’il en a encore un
Mais son cœur déborde
Son esprit profère la parole
Son âme même sourit encore
Aux vagabonds qu’il croise
Sur la route inconnue
Des bienfaits de l’au-delà

© Loup Francart

14/02/2015

Une vie

Ce n’est pas une vie qu’il faudrait avoir, mais mille. Tant de choses à voir, à écouter, à toucher, à aimer. Tant de créations restant non exprimées. Tant de possibilités de faire toutes aussi passionnantes et enviables.

Comment se fait-il que la littérature ou la réalité nous content et nous montrent des vieillards qui n’ont plus d’envie, ni même de vie ? Quand bien même le corps ne suit plus, n’y a-t-il pas encore l’exploration de soi qui peut se poursuivre ? Le monde intérieur est plus grand que le monde extérieur. Parcourir les nombreuses pièces et paysages de cet autre univers qu’est le moi et même le dépasser pour atteindre le soi, quelle ambition à privilégier.

Il y a toujours à admirer, à réfléchir, à créer, à tout instant. Alors profitons-en au lieu de nous lamenter sur les incidents de nos courtes vies.

11/02/2015

Le parc Monceau, un dimanche après-midi

Ils courent, hommes et femmes confondus
Ils tournent en ovale, faisant le tour
Du parc encombré d’enfants et de vieillards
Jamais ils ne s’arrêtent. Inatteignables
Ils entrent en eux-mêmes, courant sans pensée
Le regard fiévreux, la jambe tressautant
Bardé de fils pour écouter, pour s’écouter
Pour communiquer, pour ne pas mourir
Quelle est ma tension, où bat mon cœur
Comment je respire, et, si cela m’arrive
Quelles sont mes pensées dans la course ?
Et l’appareil magicien va leur livrer
Une succession de chiffres et commentaires
Qui vont les rassurer : je peux continuer…
Alors ils repartent, pour un dernier tour
Se donnant le courage du vainqueur :
J’ai vaincu ma terreur, je n’ai rien perdu
Ils se donnent quelques distractions
Les hommes regardent les filles transpirant
Les femmes font semblant de ne pas les voir
Les enfants passent sur leurs trottinettes
Les vieillards sont assis, somnolents
Le gardien siffle pour montrer son autorité
Le gamin s’enfuit en courant et riant…

Ainsi va le monde, un dimanche comme les autres
Depuis que ce jardin existe, avec plus d’ombres
Mais toujours autant d’êtres sombres…
Paris éternel les regarde passer
Et rit sous cape d’un sourire chaud
Grâce à l’astre lumineux qui fait vibrer
Le cœur et trembler les sentiments

© Loup Francart

07/02/2015

Peur

Il courût longuement, poursuivi par un chien
Il fut le soleil et la lune et les étoiles
Le vent qui souffle sur les plaines et les collines
L’être suprême et le chien rampant
Qui se poursuivent sans cesser de se haïr
Il plana sur les eaux sacrées du Gange
Il survola la poussière des déserts de Tasmanie
Il s’engouffra dans les grottes de la Cappadoce
Et toujours il sema comme venant de lui-même
L’encouragement et la gloire sur les hommes
Qui peinaient dans la brume ou la chaleur
Dans l’obscurité tenace ou la clarté acide
Dans la soif et la faim des corps fatigués

Oui, il fut le tout et le rien dans ce monde
Sans âme, ni galoches. Il courait toujours
Sans relâche ni découragement, ni même
Une ombre de rancœur envers celui
Qui fit de lui cet animal bizarre
Un sphinx atone et purulent
Rejeté par ceux qui l’exploitent
Pour semer la terreur dans les foules

Peur, tu nous tiens sous ta férule
Et  tes barreaux sont doux
A ceux qui t’observent et te haïssent

© Loup Francart

03/02/2015

En parcourant les dunes

Quand nous partions libres et nus
Vers les lointains pays d’Orient
Et que nous rêvions de ces danses endiablées
Au pied des chameaux bleus
Nous parcourions les dunes
Et chantions inexorablement enlacés
Notre bonheur au ciel jaunissant

Tu me tenais par la main
Et je ne pouvais que te suivre
Prisonnier de ces battements
Que j’entendais dans la résonnance du moi
Nous parcourions les dunes
Assis sur la selle de l’évasion
Sous la nuit chaleureuse

L’ombre de la pure volupté
Nous enlaçait, peau frissonnante
Bouillonnement des enlacements
Le désert avait fait place à la luxure
D’un vert tendant vers le violet
Et de bruns tendres et chauds
Nous parcourions les dunes
Et nous rêvions d’eau en cascade
Et de fraicheur toujours honorée

Nous marchions dans la fange
Des vallées encombrées d’arbres
Aux feuilles persistantes et maigres
Et nous parcourions les dunes
Nous avançâmes plus loin encore
Jusqu’au repos dans les limbes
Après la mort des corps tendus
L’un vers l’autre, inexorablement
Dans la solitude de l’ardeur

Nous atteignîmes le non-retour
En parcourant les dunes  
Environnés du blanc brouillard
De nos joies nouvelles
Là nous fermâmes les yeux
Et virent défiler notre avenir

Nous agréâmes cette vision
Et nous nous laissâmes endosser
La responsabilité de cette vie
Que nous menons depuis
Entre la vie et la mort
Etroite, mais combien douce
De frôlements imperceptibles
De nos corps ensorcelés

Main dans la main, nous naviguons
Dans l’air pur de nos aspirations

© Loup Francart

30/01/2015

Destinée

Descendre les marches vers l’eau douce
Laisser tomber ses vêtements
Se présenter nu devant la reine
Celle qui choisit ton destin
En jaugeant les heureux bénéficiaires
Et courir se cacher parmi les joncs
Tout ceci en rêve indolore et sans saveur
Telle était la vie sur l’île de la Marquise
Morceau de terre acquis sur les flots
Inconnu des hommes du continent
Seules les femmes légères et sveltes
Se promenaient parmi les orangers
Respirant en petits halètements
L’odeur sacrée des fruits célestes
Et la reine tendant la main donnée
Vous indique celle qui sera vôtre  
Elle se présente charmante et vive
Souriant de ses dents blanches
Elle ne porte que sa liberté dévoilée
Quelques cheveux au bas du buste
Et ses pommes replètes entre les bras
Elle marche comme une princesse
Mais a déjà un sourire canaille
Et vous regarde comme une proie
Vous êtes celui qu’elle a choisi
D’un clin d’œil rapide et discret
Et votre nudité attire ses regards
Oui, c’est lui, le futur dévoilé
L’homme de mes rêves et envies
Sur qui je porte un œil prude
Il exprime ma vitalité et ma faiblesse
Il a le regard tendre et novice
Des hommes sortis de l’enfance
Un matin au soleil du printemps
Il luit de tous ses pores dilatés
Et enfonce sa présence
Au plus profond de ma passion
Ah, ma reine… Mariez-nous
Et partons pour ce voyage d’une vie
Tendus vers l’horizon
Haletant de baisers
Avant de nous mêler
A satiété

© Loup Francart

27/01/2015

Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, d’Eric-Emmanuel Schmitt

La Chine, c’est un secret plus qu’un pays. Madame Ming, l’œil pointu, le chignon moiré, le dos raidi sur son tabouret, me lança un jour, à moi, l’Européen de passage : nous naissons tous frères par la nature et devenons distincts par l’éducation. Elle avait raison… Même si je la parcourais, la Chine m’échappait. (…) 

La tête ronde 15-01-26 Les 10 enfants de Mme Ming.jpgd’une couleur éclatante, des plis nets sur la peau, des dents, aussi fines que des pépins, madame Ming évoquait une pomme mûre, sinon blette, un brave fruit, sain, savoureux, pas encore desséché. Mince, son corps semblait une branche souple. Sitôt qu’elle s’exprimait, elle s’avérait plus acidulée que sucrée car elle distillait à ses interlocuteurs des phrases aigrelettes qui piquaient l’esprit. En cette province de Guangdong, madame Ming trônait sur son trépied, au sous-sol du Grand Hôtel, entre les carreaux de céramique blanche et les néons éblouissants, dans ces toilettes à l’odeur de jasmin où elle exerçait la charge de dame pipi.

C’est à la suite d’un mensonge qu’il fit véritablement connaissance de madame Ming. Il avait laissé tomber une photo et elle lui demanda : Ce sont vos enfants, monsieur ? Par vanité, fierté ou pour rire, il répondit oui. Et vous ? J’en ai dix. Connaissant les conditions imposées par le gouvernement sur les naissances (un par famille), il n’en croyait pas ses yeux. Et au long de ces 44 pages, elle va raconter l’histoire de ses dix enfants : la sixième Li Mei, un peu voyante ; les jumeaux, Kun et Kong, acrobates au cirque national ; la petite Da-Xia, qui rêve d’assassiner madame Mao ; Ho, le joueur ; Ru, un monstre de mémoire, et Zhou, un monstre d’intelligence ; Wang qui fabrique des jardins chimériques, jardins de mots ; Shuang, le dixième, qui ne peut s’ »empêcher de claironner la vérité. Mais madame Ming se fait renverser par une voiture et c’est à l’hôpital qu’il fait la connaissance de Ting Ting, sa fille ainée. Celle-ci lui dévoile qu’elle n’a ni frère, ni sœur. Pour entretenir son rêve, sa fille met ses proches à contribution. Ils écrivent à madame Ming. Aussi celle-ci, croyant à ces derniers jours, lui demande de réunir ses frères et sœurs. Et sa fille y arrive : ils sont tous venus.

C’est un conte magnifique, écrit remarquablement, par petites touches, entrecoupé de séjours dans les toilettes et interrompu par les clients pressés. Chaque enfant y est dépeint en quelques mots bien placés, comme un tableau mobile où sa vie apparait en arrière-fond. Madame Ming reste la même, semblable à son pays, énigmatique. Et peu à peu, il se construit une personnalité chinoise qui devient réalité lorsque sa maîtresse parisienne lui annonce la naissance d’un fils. Elle avoue qu’elle ne sait de qui réellement. Mais sa réponse la surprend : la vérité m’a toujours fait regretter l’incertitude.

22/01/2015

Echo

Enfants, nous nous plaisions à crier…

Le bruit c’est la vie, puissante

Nous aimions cet étrange son
Qui s’étirait comme un chewing-gum
Et n’en finissait pas de mourir
Telle la queue d’un crocodile qui diminue
Et qui s’agite jusqu’au bout en soubresaut
De sons diffus, de plus en plus rares
Mais qui s’embellissent au fil du temps

Le premier son est oublié
Le dernier mis en valeur
Il peut être puissant comme le A
Il peut être ténu comme le E
Ou gratter l’oreille de sa pointe
Ou étouffer comme un plat de gruau
Il peut s’onduler comme le U

L’oreille suit cette course
Mais elle finit par perdre la trace
De ce ricochet entre les immeubles
De l’entendement et du bon sens
Ne reste que le silence, unique
La nuit après l’aveuglement du jour
Un instant de repos mérité
Comme un bain dans la chaleur de l’été

Les enfants aiment répéter à satiété
Alors repart un son inusité
Pour apprendre l’art de la répétition
C’est une sorte de poésie profane
Qui court le long de l’échine
Et se déracine dans l’espace
Jusqu’à mourir d’atonie

Vous vous sentez lessivé
Ce tremblement compulsif
Vous donne le vertige...
Marcher sur un fil à mille pieds
N’est pas un exercice commun

Parfois l’envie de plonger vous prend
Mais vous vous retenez sagement
Et avancez sur la pointe des pieds
Sans jamais, oh non, les mouiller
Le son meurt comme la vague
Au bord de la consistance
De ces grains de sable qui ornent
La côte de l’imagination délirante
Et qui boivent le hurlement
De la masse d’eau s’effondrant

Vous reprenez souffle et espoir
Mais rien ne vous empêche
De crier à nouveau votre désespoir
Aux anges et aux lutins ailés
Qui s’enchantent de ces débordements
Et s’enivrent de votre folie

Toujours crions encore
Ce qui passe par la tête
Et finit dans le ciel étoilé
Qui nous renvoie sa joie
De nous entendre hurler

© Loup Francart

21/01/2015

Un nouveau mardi littéraire de Jean-Lou Guérin

C’est toujours une surprise cette entrée dans la salle du haut, aux escaliers raides, environnée du brouillard de paroles qui descendent jusqu’au rez-de-chaussée. Saluer le maître de maison, Jean-Lou Guérin, un sphinx assis à l’entrée, blasé sans doute, mais présent et heureux de cet engouement pour sa création. Oui, ces mardis sont intéressants parce que très divers, peuplés de passionnés sincères, vieux et jeunes réunis dans la manducation insolite de mots qui s’égrainent et s’envolent pour le plus grand plaisir de tous.

Aujourd’hui, une poétesse, Linda Bastide (voir son site : XX), est présentée par le professeur Giovanni Dotoli, professeur de langues et de littérature française à l’université de Bari en Italie. Sa faconde efface quelque peu la poétesse, mais son attendrissement envers elle fait qu’il est pardonné. On ne peut penser qu’il est professeur, malgré la rigueur de sa tenue. Son propos n’est ni cadré, ni logique. Il parle de la Méditerranée où l’Europe a les pieds et la tête en Scandinavie et qui se résume en deux mots : l’eau (de la mer et des sources souterraines) et la pierre. Il devise sur le 7ème art qui englobe tous les arts, des films d’Abel Gance, dont « La roue » (il faut que je regarde si Internet ne nous le cache pas dans les plis de sa mémoire fabuleuse). Il devise sur la poésie bien sûr. La poésie doit foudroyante et fulgurante (quel programme !). Il met en évidence l’arrière-pays invisible qui se cache derrière le pays et que seuls les poètes contemplent au-delà de la pensée rationnelle et la font partager aux autres : le poète remonte à l’origine parce qu’il a besoin de pureté. L’histoire, elle, est impure. La poésie est éternelle parce que non liée au temps. Il nous fait part, d’une voix gourmande, d’un conte chinois : un empereur donne six mois à deux équipes de peintres pour faire le plus beau tableau. Il installe les deux équipes dans deux pièces côte à côte. Une équipe travaille sans cesse au cours de ces six mois, perfectionnant nuit et jour son œuvre. L’autre équipe ne peint pas. Elle ponce le mur et lui donne l’aspect d’un miroir. Le jour arrive du jugement de l’empereur. Il fait abattre la cloison existant entre les deux pièces. Le seul tableau apparaît deux fois. Le plus beau est le reflet de la seule œuvre existante. Son brillant séduit l’empereur. L’image reflétée est plus belle que la vraie image, c’est l’image de la poésie de la vie. Il ajoute qu’à Venise on ne commande pas en disant donnez-moi un verre de vin, mais en demandant une ombre de vin.

La pauvre poétesse sourit, assiste impuissante à cette faconde, mais malgré tout heureuse de n’avoir pas à s’exprimer elle-même. Elle lit d’une voix faible et fragile trois « poèmes verticaux » (c’est ainsi qu’elle les appelle). Elle a cependant le sens de la communication ou au moins celui de la publicité. Son amie ne cesse de nous présenter des photos de journaux datant des années 60-70 où elle fut mannequin, actrice et bien d’autres choses encore. Elle écrit plusieurs romans, de nombreux poèmes et elle est bonne aquarelliste. Une personne intéressante qui déclame ses poèmes lentement, délicatement, susurrant les mots comme un bonbon.

Voici un exemple de sa peinture :

11/01/2015

Les mots parleurs

Une leçon : "traducteur et passeur, les Mots parleurs révèlent l’écriture, son rythme, son intensité pour nous restituer, en quelque sorte, la gourmandise de l’écrit. (…) Le corps et la voix pour passer l’énergie de l’écriture, représenter l’écrit, sa structure, ses signes, sa syntaxe, sa forme grammaticale, ses silences, sa ponctuation, sa typographie ; pour faire résonner le texte et en libérer le sens." (From : http://www.motsparleurs.org/)

Deux femmes emplies de souffle, le souffle de l’esprit, qui disent le livre pendant presqu’une heure. On entend la parole, le silence, les sourires parfois, et rien d’autre. Elles parlent comme une corde tendue sur la vie qu’elles caressent de leur archet  qui se promène tantôt rapidement, tantôt avec une douceur ineffable, tantôt en dansant sur les mots. Pas un bruit autre. Un calme absolu, une tension détendue, celle de l’esprit, pas du corps qui s’enfonce dans sa chaise et laisse en paix l’esprit qui s’envole et qui vous emporte au loin sur une autre terre, celle de l’enchantement.

Deux femmes : Valérie Delbore, comédienne, fondatrice et lectrice des Mots Parleurs, qui s’anime et plane au-dessus des mots, avec gentillesse ou rage, et Carole Bergen, plus jeune, aérienne, intérieure, à la voix enjôleuse. Un duo inséparable, qui se passe la parole comme un jeu de tennis ; mais la balle vagabonde, reste dans un camp plus longtemps que prévu, puis passe dans l’autre en un soupir. Et ce jeu vous enchante et vous sort de vous-même.

Hier soir, elles dirent le livre de France Billand, Dans le noir du paradis, aux éditions Tituli, 142 rue de Rennes. Un récit magnifiquement écrit qui mêle une histoire vécue aux souvenirs d’enfance. Une grand-mère extraordinaire, Madame Faglia, tient la main de sa petite fille qui se souvient de ces instants qu’elle ne comprenait pas, mais qu’elle vécut avec toute la fibre de son être.

"Il y avait dans sa vie une décennie incertaine, une sorte de lac dormant d’où émanait sa personnalité indéchiffrable et dont la surface lisse, avec la précision aiguë d’un miroir, ne reflétait jamais que l’instant présent. À ceci près que, parfois, ridant le miroir, une légère discontinuité du temps laissait entrevoir la véritable Anne Faglia, celle qui fut jeune et houleuse. Après sa mort, quand j’ai découvert le carnage qu’elle s’était acharnée à me taire, j’ai déclaré à tout va que, non, rien ne m’étonnait ; que je la comprenais et l’absolvais. La tenir pour un monstre, comme certains l’ont fait, c’eût été l’abandonner, même morte. Je ne pouvais m’y résoudre. Au début, je pensais écrire sa défense. Il n’y avait qu’à suivre le fil chronologique qui courait droit devant lui, d’une Grande guerre à l’autre, jusqu’aux années 80."

Prochaine lecture : le jeudi 15 janvier 2015 à 19h à l'Hôtel Pont Royal
Carole Bergen et Valérie Delbore liront Les Absents de Georgia Makhlouf, aux Editions Payot & Rivages, prix Leopold Sedar Senghor du premier roman francophone et francophile 2014.
Renseignements: motsparleurs@wanadoo.fr - 06 12 08 66 6
Adresse: Hôtel Pont Royal : 5-7 rue de Montalembert 75007 Paris

Allez-y, vous monterez sur le cheval ailé des mots et galoperez pendant un moment magique sans espace ni temps.

10/01/2015

Fugue de mots

Une mèche de cheveux
Une flèche de camaïeu
Surtout ne dis pas
Le fourretout du repas

La bobèche des adieux
Empêche l’invincible insidieux
D'être dissout par l'épiscopat
Partout où règnent les béats

Reviens, ne t‘enfuit pas
Les Troyens ont leurs appâts
Qui les mènent jusqu’aux cieux

Plus rien ne t’interrogea
Au sein du conglomérat
Tu te promènes avec les dieux

© Loup Francart

07/01/2015

Le rendez-vous des poètes

Hier, je suis allé au rendez-vous des poètes. Je ne le savais pas, mais ils sont nombreux les poètes d’un soir, les auteurs d’un matin qui se réveillent versificateurs avant de partir au travail. Ils sont très divers : des petits bonhommes discrets au regard tendre, parlant d’une voix feutrée et susurrant leurs mots comme on suce un bonbon ; des hommes mâles à la voix rocailleuse, au regard enjoué, cherchant à séduire avant même de vous connaître ; des femmes parlantes, séduisantes de flots de mots chatoyants, enjôleurs et pédants ; d’autres femmes plus câlines, moins va-t’en guerre, mais cherchant encore et malgré tout à séduire.

Après plusieurs minutes d’attente apparaît l’élu : un homme d’environ soixante ans, faisant penser à un acteur connu, la voix ronde, le sourire parfois espiègle et toujours aguicheur, d’une bonhommie sympathique lorsqu’il parle de ses livres. Ils sont trois ou quatre, étalés sur la table devant lui, fluets et bon-enfant, comme des jouets à regarder et à ouvrir. Ils sont couverts de feuillets marque-pages. C’est pour le lecteur, un homme également, fort, sûr de lui, sans complexe. Il se tient devant l’éclairage très, trop lumineux, qui aveugle les spectateurs et lui donne l’air d’un spectre. Enfin, le troisième acolyte est une femme, également la soixantaine, petite, la bouche mobile. Oui, elle ouvre la séance pour le présenter, lui, l’écrivain : « Il n’est pas nécessaire de présenter XY… » Eh bien, si ! Il est psychologue. Il écrit des livres professionnels sur l’art de comprendre et réparer les nœuds du cerveau, des souvenirs, des malheurs, du sexe, des regrets et de la peur de l’avenir. Elle parle, elle parle et je vois trois feuillets devant elle. Elle n’en est toujours qu’au premier paragraphe. Combien de temps va durer cette présentation chewing-gum ?

Mais l’auteur, sentant déjà l’ennui dans les yeux du public béat, reprend l’initiative en laissant la parole au lecteur. Histoire d’un suicide : un sujet épineux, d’autant plus que c’est celui de sa mère. Il parle rapidement, accélérant la sortie des mots volontairement comme pour donner cette impression d’en finir avec la vie, les mots, le verbe. Parfois il fait une pause, la diction s’enroule autour d’elle-même, apaisée. Mais très vite la fièvre le reprend. Il faut en finir. Elle boit la mixture, nous regarde une dernière fois, puis ferme les yeux et se laisse mourir. Glacial ! Mais le public semble apprécier. C’est nouveau et original. C’est une forme nouvelle de récit semble-t-il dire. Il exprime les côtés inconnus de l’humanité, du parler vrai en quelque sorte. La présentatrice reprend son rôle de Monsieur Loyal, tutoyant l’auteur, le poussant dans ses retranchements, pas très fort pour éviter qu’il ne tombe. Il ne se démonte pas, toujours souriant, pas m’as-tu vu, répondant modestement avant, parfois, de glisser une confidence ou une anecdote qui amène un sourire exquis sur les lèvres des femmes présentes.

Le deuxième acte, ou plutôt la seconde lecture, est d’un tout autre style. On part en rêvant sur les bords de la Seine, dans l’herbe haute des recoins perdus, pour découvrir l’amour, un amour caché aux yeux du monde, resté enfoui sur la terre meuble de ces bords de rivière. Parfois, il pleut, raconte-t-il. Alors on se fouille sous les imperméables, l’un dessous, l’autre dessus, on déboutonne les vêtements subrepticement, sans jamais laisser traîner une jambe ou un bras hors de la tente improvisée, tout cela dans l’odeur du foin et de l’exaltation de l’amour. C’est sans doute un peu trop descriptif, parfois un peu voyeur, mais cela a une certaine tenue malgré tout. Un bon point pour l’auteur. Evidemment Monsieur Loyal en rajoute, expliquant d’une voix sucrée les origines psychologiques de ces moments sublimes. Il avait quinze ans, il découvrait l’amour et celui-ci le lui rendait bien. Embrayant derrière ces explications, une femme prit la parole, s’éternisant dans des explications impatientes, mais sûres de leur profondeur, en rajoutant, plongeant plus profondément dans l’inconscient de l’écrivain, fouillant avec vigueur dans ce bric-à-brac sensuel.

Nouvelle lecture. De quoi ? Je ne me souviens plus. Je m’intéressais au public, deux jeunes femmes, trois couples d’une cinquantaine, des personnes seules, en mal de société, mais également des passionnés de l’écriture dont elles parlent avec un sanglot dans la voix. Je retrouvais, toute proportion gardée, la même passion que celle des sportifs de haut niveau : introspection et confession pour progresser encore et toujours. Seule la vérité compte, vaut la peine d’être analysée, disséquée et regardée à la loupe.

Quelle soirée ! Des gens curieux, mais sympathiques, se liant facilement, l’œil vif et la tête bien pleine, modestes de plus, se considérant loin des grands auteurs qui atteignent les sommets de la gloire, puisqu’écrivant pour les autres, ils laissent de côté la joie de l’improvisation.

« On n’écrit bien que lorsqu’on écrit pour soi ! » « Oui, mais on écrit également pour être lu, donc pour les autres ! » Quel dilemme !

06/01/2015

Quelques souvenirs de plus

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
De quoi nous parles-tu
Toi que rien ne touche ni ne broie ?

Hier tu m’as donné la leçon de vie
Aujourd’hui tu regardes l’effet
Rien n’est issu du tout
Il n’y a que le juste milieu

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Tu rêves en caleçon long
Perché sur ton trois mâts

Demain, que sera-t-il ?
Nul ne le sait si ce n’est
Celui qui parle pour ne rien dire
Ou qui se tait pour toujours

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Pourquoi te dessaisir
De quelques minutes de vie ?

Aujourd’hui tu n’es plus
Le temps et l’espace sont brouillés
Quand était-ce ce charivari ?
Où se trouve celui qui pense ?

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Il est parti dans ce lointain pays
Où plus rien n’occupe la pensée

 

© Loup Francart

02/01/2015

Heure

Je n’ai pas une heure à moi, s’exclame-t-elle
Et pourtant que de temps elle passe à rêver
Aux jours heureux où elle allait seule
Se promener au village, la jupe courte
Retroussée sur ses genoux dorés
Tous l’admiraient avant qu’elle disparaisse
Un jour de pluie, fondue comme neige au soleil

Depuis les hommes courent à sa recherche
Et ne trouvent que le vide sidéral
Qui recouvre sa vie désespérée
Rien ne viendra d’elle-même. Ni le lys
Ni la rose ne peuvent la sauver
Elle était pourtant belle comme la main
Qui caresse le ventre des phoques
Ou comme la joue odorante et câline
Des femmes en mal d’être et de vie

Mais l’heure est achevée, trompeuse
Elle a tourné la tête du patient
Et comme la mécanique céleste
A déposé l’annonce à la chambrée
Qui sonna cette cinquième partie du jour
Une heure, c’est soixante minutes
Une minute, c’est soixante secondes
En êtes-vous si sûr ?

Elle vivait les heures comme en suçant
Un bonbon à la guimauve
Elle pouvait s’allonger en ver de terre
Elle pouvait rapetisser en gnome
Chaque heure devenait la dernière
Au-delà de la seconde rien que le vide

D’ailleurs on constatait qu’elle errait  
Ignorante de son savoir à venir
Il lui venait d’un coup, comme une pioche
Qui cogne sur le sel et le rend mesurable
Elle n’était payée que cent sous de l’heure
Pour une œuvre de salut public
Regarder l’horloge et annoncer son écoulement
Dans un temps devenu brouillard

Il lui arrivait de passer un mauvais quart d’heure
Arcboutée sur la petite aiguille
Pour l’empêcher de franchir
Le cap fatidique d’une journée
Elle rentrait épuisée de ces séances
Où le froid et l’effort se conjuguaient
Et l’entraînaient dans la folie
Les heures devenaient mortelles
Elles ne s’écoulaient plus
Et rampaient sous ses pieds malhabiles
La faisant choir du haut de ses vingt ans

Elle connut l’amour sans le vivre
Elle mourut à vingt ans et une heure
Vécue son dernier quart d’heure
Lovée sur elle-même, en prière
La prière de quarante heures

De son corps on ne sait rien
Il s’est évanoui le lendemain
Lorsqu’on ouvrit la salle
Où elle reposait, seule et vierge…

Depuis la vie est un désert !

 

© Loup Francart

 

28/12/2014

Vous arrive-t-il de danser dans la nuit ?

Vous arrive-t-il parfois
En une nuit froide et verte
De courir à la pluie et danser
Nu dans le jardin du père

Vous lancez vos grands rires
Aux étoiles fraichement abattues
Et monte en vous l’ombre
Et le bruit du déhanchement

Du fond de votre boiterie
Vous laissez votre indifférence
Et pleurez en une fois
Sur vos illusions perdues

Mais ce néant qui vous entoure
Vous fait plus fort encore
Que le buis odorant et vieilli

Vous contemplez les eaux usées
Qui s’écoulent en silence
Et y jetez le caillou rageur
Pour emplir votre solitude
D’un plouf retentissant

Où vas-tu ainsi, criez-vous
A votre ombre mouvante
Qui vous entraîne vers le large

Vous ne pouvez résister
Et plongez dans l’eau noire
Irréel vous naissez dans la nuit
Seule une lumière vous guide
Vers la tranche des livres
Vous êtes derrière la bibliothèque
Et feuilletez le décor de la vie
Sans savoir ce qui s’y passe

Et les pages s’égrainent solitaires
Entre les gouttes de pluie
Et la chaleur exubérante
Des fous qui vous entourent

Mais sans doute est-ce vous-même
Qui divaguez dans votre cube
Même en levant les bras
Vous n’arrivez pas à sortir
De ce songe endiablé

Enfin naît le jour attendu
Vous retrouvez vos esprits

Envolée la peur de l’avenir
S’ouvre à nouveau l’espérance
D’une vie nouvelle et tendre
Auprès de celle que vous choyez
Parce qu’elle est le nord
Et le sud et l’est, et même l’ouest
De votre intuition ailée
 

© Loup Francart

23/12/2014

Le mal

Le mal se donne les apparences du bien
Il revêt ses habits sacerdotaux
Pour mieux séduire le passant
Il passe dans les rues illuminées
Et récite ses litanies ronflantes

Tout va mal, proclame-t-il
Vous êtes mal parti !
Il ne dit jamais où le monde va
Il s’engouffre dans sa diatribe
Et se gondole de plaisir malsain

De mal en pis il avance
A visage découvert, tête haute
L’œil égrillard, la jambe poilue 
Il danse une gigue déhanchée
Et sa musique de bastringue
Fait grincer les dents acidulées

Certains se laissent séduire
Ils courent à tout vent, en toute liberté
Ils suivent le danseur qui s’exhibe
Et pavane devant la foule extasiée

La voie du bien est barrée
Impasse peut-on lire difficilement
Elle est noire comme le ciel
Dans une nuit sans lune
Elle décourage les plus motivés
Qui soupirent à moindre frais

Mal vous en a pris
Vous êtes mal en cour
Mal aimé et mal cuit
Vous errez sans mal dans l’univers
Le cerveau enflé, l’œil désœuvré
Çà la fout mal cette scène
Vous vous sentez au plus mal
Diminué et mal entendant

Mais en vous-même, rayonnant
Vous chantez l’ave maria
Des roses sans épines
Vous regardez au loin
L’étoile du berger
Qui revêt sa lumière éblouissante
Et s’éloigne en catimini

Le mal se donne les apparences du bien
Mais le bien n’a pas de vêtement
Il est la vérité nue, discrète
Et embaume ce monde piquant
De subtils élans du cœur

Nettoyé et attendri
Vous repartez, délivré de cet héritage
Qui tourne mal et s’enfonce
Dans les souterrains de l’abandon

Le bien vaut plus, mais qu’il est mal !

© Loup Francart

20/12/2014

Avent

L’Avent, c’est le temps délicieux de l’attente
Quand l’obscurité demeure votre seul recours
Vous plongez en vous-même hors de tout discours
Jusqu’à ce que la vacuité vous tente

En un instant la main de Dieu vous prend, hagard
Et vous immerge dans l’abîme cosmique
Le rien devient le tout, vous régnez sur l’Arctique
Vous êtes ensorcelé par ce divin brouillard

Vierge vous devenez, comme la femme
Ouverte sur le monde sans même un requiem
Transfiguré, vous naissez à l’innocence

L’enfant naîtra en vous de l’esprit apaisé
Vous porterez sur les cimes un regard aisé
L’univers se parera de bienveillance

 © Loup Francart

16/12/2014

Entre en toi-même

Entre en toi-même et laisse couler le miel
De ton absence et ta détermination
Plonge entier et nu dans l’eau sacrificielle
Coupe-toi de ce monde sans hésitation

Dans ce vide abyssal deviens toi-même
Laisse résonner en toi le cri de la mort
Mais ne crois pas à la magie du baptême
Ni n’y cherche une sorte de réconfort

Parti sur le miroir de l’eau silencieuse
Laisse errer ta personne dispendieuse
Et va au large vers l’existence sans fin

Tel le fou exclu tu iras sans limite
Et poursuivra ce voyage en ermite
Tu n’auras plus à te soucier des aigrefins

 © Loup Francart

12/12/2014

Séparation

C'est en ton absence que je crois en toi
Lorsque tu baguenaudes au soleil et
Loin de tout et de tous te laisses enchanter
Par l'air pur et fragile de ta liberté

Alors je m'étire et m'imagine
La danse incongrue du vide sidéral
Qui te traverse, empli de souvenirs
Et fait de toi l'inclassable égérie

Dans mon lit, revêtu de froidure
Mon imagination se peuple
De passants drolatiques
Et de rêves ambigus

Je te rêve en paroles
Et t'étreins en pensée
Les paroles passent
Mais le rêve perdure, prenant...

 © Loup Francart

08/12/2014

La pauvre vieille

Elle tenait encore debout, mais comment faisait-elle ?
Dans la nuit tombante, j’ai failli marcher dessus
Petit tas de vêtements sans consistance réelle
Je n’ai vu de sa chair blême que sa main tendue

Les gens circulaient sans la voir, la pauvre vieille
Affairés dans leur tête, échangeant mille soucis
Jamais ils n’oseraient lui tenir la chandelle
Elle se tenait là, ferme sur ses jambes endurcies

Le noir des nuits se mêlait au deuil de ses vingt ans
Elle en paraissait dix de moins, fine tellement
Que son manteau lui tenait lieu d’habitation

Et sous la pluie aigre qu'elle endurait sobrement
Je ne vis jamais ses yeux vêtus d’un pansement…
Elle partit à pas menus, comme en méditation

 © Loup Francart

04/12/2014

Matin

Hier encore je marchais en rêve dans une rue sublime
Où la transparence de l’air  et le sourire du passant
Soulevait le cœur et rendait la marche alerte
Des femmes au regard profond passaient devant les vitrines
Les enfants courraient de ci de là sans un cri

L’homme seul allait pied nu dans la poussière
Pesant le poids du monde dans sa démarche lourde
Il avançait sans s’arrêter un seul instant
Sans même admirer le sourire maternel
Et le rire joyeux et tendre de l’enfance délivrée
Il poursuivait sa route les pieds poudreux
Le regard fiévreux, le front empli de mille soucis

Elle avança altière dans la lumière du matin
Tenant haute sur ses chevilles sa jupe plissée
Dévoilant ses mollets de verre sur ses bas étirés
Portant son ombrelle comme un casque vainqueur
L’amour n’eut pas pu être plus convainquant
Avançant sans traîtrise dans la brume du matin
Elle portait sa tête blonde sans ostentation
Et ses cheveux de paille flottaient dans la brise

Elle allait passer près de lui quand elle s’arrêta :
– Qu’est donc cet être sans vie qui passe à ma hauteur ?
Lève donc les yeux et admire ma poitrine
Baigne ton souffle dans mon haleine tiède
Respire le parfum qui m’entoure, frais et vivifiant
Et revit ses instants inoubliables et décoiffant
Où la fine brillance de la rosée sature la pensée
Et la laisse s’échapper dans la vanité du moment
Tu ne reverras jamais plus cette échappée folle
Et ma marche assurée par la franchise de l’heure

L’homme alors leva son bras décharné et anxieux
Et condamna irrémédiablement la femme d’un geste vif
Et se faisant il partit en fumée épaisse et pesante
Jusqu’à ce que la clarté dissolve son odeur pestilentielle

Alors, délivrée de son reproche silencieux
Elle se mit nue dans la rue et entraîna les enfants
Dans une ronde infernale, virevoltant sans vergogne
Entre les pavés où l’intention n’était pas à la hauteur
De son cynisme encanaillé entre ses dents jaunis

Elle poursuivit sa route, sautant les caniveaux
Riant de sa folie, emmenant les enfants dans la moiteur
D’un jour qui n’avait rien d’humain...
La sorcière a posé son emprise sur la rue si calme
D’un matin ordinaire peuplé de fantômes sans vie

© Loup Francart