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22/02/2016

La vente de livres

Que les livres s’étonnent
D’être ainsi rassemblés.
Même si aucun de détonne,
Pourquoi les vouloir mêler ?

Ils sont dans leurs cagots,
Au garde-à-vous des vaincus,
Sur la tranche, l’air vieillots,
A l’inventaire des invendus.

La couleur ne manque pas ;
Ils se repoussent bigarrés.
C’est leur manière d’élever la voix
Et de se désolidariser.

Les auteurs s’égrainent.
Inconscients, ils flottent devant vos yeux.
Chateaubriand côtoie Verlaine,
Hugo devient plus soyeux.

Les titres divaguent à pleins poumons.
Ils crient la chaleur du soir,
Les après-midis sans fond,
Les blancs matins d'espoir.

Seuls les éditeurs sont sans rébellion.
Ils s’alignent sagement, heureux
De figurer en couverture,
Même en bas, comme des peureux.

Derrière, à voix basse, fusent les éloges.
C’est si dithyrambique, que le silence règne.
Oui, c’est un bien triste épilogue
Que de finir en telle enseigne.

Pourtant, ce soir, à la veillée,
Vous ouvrirez l’un d’eux
Et du bon temps vous passerez
Pour oublier ce jour cafardeux.

©  Loup Francart

14/02/2016

Sous la lame

Sous la lame ronde du vent et de l’eau
Je glisse sur la planche en déhanché
Tel un fil dans le trou d’une aiguille
Qui ressort au bout de ce déroulé

Environné de gouttes et de paillettes
Mon esprit s’enchante de ce bain forcé
Qui nettoie la rouille de l’inertie
Et conduit heureusement  au bonheur

C’est vrai, la rosée n’est plus ce qu’elle était
Elle ouvre son parapluie et coule des jours heureux
Pendant que tu vis, petitement, en solitaire

Repu, tu cours sous la pluie froide
Et te laisses pénétrer des glaçons coupants…
Adieu. Le pôle m’attend, au centre de la croix…

©  Loup Francart

10/02/2016

Beauté

La beauté peut être tendresse
Comme le cou d’un enfant qui vous presse
Et s’endort sans pudeur dans vos bras
Pour encore dire son amour sans embarras

La beauté peut être innocence
Elle va pieds nus sur le sable des sens
Et éveille en vous l’effervescence fatale
Qu’éprouve le marin avant chaque escale

La beauté peut être frivole
Comme la femme avide qui se pose en symbole
Et va au-devant de la gente masculine
Revêtue du mouvement de ses crinolines

La beauté peut être profondeur
Elle vous suit de ses yeux enchanteurs
Et le brouillard divin de son regard offert
Ouvre en votre âme la porte de l’univers

La beauté peut être harmonie
Tel un château fantôme à l’ordre établi
Par la symétrie des sons, des lignes et des couleurs
Qui vous revêt soudain d’une insolite splendeur

La beauté peut être magicienne
Elle vous berce de surprises quotidiennes
Vous retourne d’un doigt habile
Et fait de vous un être étonné et immobile

La beauté peut être légèreté
Et seule vous conduire vers la pureté
Que vous respirez en coup de vent
Et qui vous détourne de vos serments

La beauté peut être vide
Elle installe en vous un poids avide
Et vous conduit dans les affres de l’absence
A la révélation de votre quintessence

La beauté c’est ce rien
Qui, par son parcours aérien
Vous conduit au plus que le tout
Là où l’humain se dissout

©  Loup Francart

06/02/2016

Suis-je réel ?

Suis-je réel ?

Cela vous arrive-t-il de vous demander
Si vous-même n’êtes qu’une seule conscience
Sans limitation ni précise consistance
Errant dans un univers sans finalité

Ou encore, avez-vous imaginé
Que ce que vous voyez est bien réel
Mais que votre personne, elle
N’est qu’une idée effleurant la vérité

Pire encore, ces deux chimères
Se côtoient-elles dans la danse charnelle
Tel un sucre dans la boisson mortelle
Qui refroidit au fond d’une théière ?

Peut-être êtes-vous le non-être
Face à l’autre si plein de volonté
Ou cet autre est-il vierge de réalité
Une amibe transparente dans l’éther ?

Qu’importe ! Vous pouvez être seul
A vous heurter à la matière persistante
Ou, parmi la multitude chatoyante
N’avoir jamais été de chair et de gueule

Votre seule conviction, si floue
Est cette lumière, une petite fenêtre
Qui flotte autour de votre être
Et fait de vous l’unique dans le tout

©  Loup Francart

05/02/2016

Haïku

 

De retour chez toi
Le noir absolu
Elle ouvre. Éblouissement

©  Loup Francart

 

Noirs et blancs, l'éblouissement des mots éclaire l'âme qui erre en toi !

02/02/2016

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

29/01/2016

Renaissance

Qu’en est-il de lui-même ?
Elle bourdonne au fond de lui
La marche silencieuse de son être
Elle est bien là, enfouie au plus profond
Il rit toutes les larmes disparues
Des jours d’antan et des nuits rêvées

Oui, toujours il sut attendre
Ces instants divins et rares
Où derrière la peau si douce
Apparaît le bain chaleureux
De l’entente au-delà de la passion

Elle est partie la caresse des jours
Il ne tiendra plus l’enfant délicate
Et ne modèlera plus l’Ève première
L’être chérie ne bouillonne plus qu’en lui

Mais l’Autre est déjà née de lui
Évanescente et translucide
Comme une goutte d’eau pure

Elle étend son ombre sur l’existence
Et rompt la possession palpable

Oui, elle est Autre et plus que lui-même
Elle est… L’âme…

©  Loup Francart

25/01/2016

Fenêtre

Elle est ouverte
Sans filet sur le monde
Un grand vide, noir de nuit…

C’est de là que montent les bruits :
Feuillages fouettés par la bise
Craquelures d’arbres fatigués de droiture
Envol claquant d’un pigeon insomniaque
Tiens ! Là, une souris, derrière la plinthe...
Oui, la maison aussi peut se plaindre…

Je me penche sur ce trou noir et froid...
Au loin un ver luisant qui divague
C’est une voiture qui monte la colline
L’onde sonore s’épanche et vibre
Elle s’amplifie et frisonne d’aisance
Puis s’épuise derrière la côte, après le virage…

Restent les bruits non identifiables...
Ce grincement des dents d’une lourde porte
Le frottement des écorces dans la haie
Le clapotis tendu d’une carpe dans la mare

L’orchestre de la vie n’a plus le rythme du jour
Et les notes libérées se déchaînent en étincelles
Puis reposent à nouveau dans le caveau obscur…

Je passe une jambe derrière l’appui
Et je m’élance d’un pet sonore dans le silence…

Moi aussi, je ne sais plus ce que je fais !

©  Loup Francart

21/01/2016

Folie

Il a vécu et s’en est allé…
Il n’avait pas envie de partir
Mais son âge l’imposait…

Alors une dernière fois
Il regarda le vide
Se combla de nos visages
Et sauta par-dessus le bastingage…

Emporté par la houle
Pris dans le tourbillon
Des marées et des oscillations
Il fut entraîné au loin
Puis se laissa glisser
Dans l’onde chatoyante
Avec un dernier signe de la main…

Ce n’était pas une fin
Juste une dernière danse
Un pied de nez aux spectres
Qui peuplent l’orange bleue…

Maintenant, dans l’écume cosmique
Erre son image tremblante
Celle d’un petit d’homme
Qui but tout l’océan
Pour y trouver la clef
Ouvrant à l’éternité…

©  Loup Francart

17/01/2016

Derrière

Là, dans ma carapace, isolé
Je me revêts d’innocence
Et me gonfle d’absence…
Devenu univers
Par le trou de la serrure
Je me vois, si petit !

Entre en toi…
Retourne l’enveloppe de chair
Pour faire apparaître
Ton envers derrière l’endroit…
Il n’y a rien, oublie-toi
Et tu vogueras, allégé !

Dans ce puits transparent
Tu plonges dans la nuit…
Dissoute dans le plasma
Ton absence devient présence
Jusqu’à ne plus distinguer
Si tu es dehors ou dedans

Extérieur et intérieur…
Confusion des sensations…
Y a-t-il vraiment une différence
Entre ce que vous pensez
Et ce que vous vivez
Dans ces tressaillements incessants

Contorsion de l’esprit…
Vous empruntez les tuyaux
De l’incertitude et de l’ignorance
Pour atteindre votre être réel
Celui que nul ne connaît
Ce trou d’air qui vous taraude

Alors vous vivez pleinement
Dans ce gaz léger et hilarant
Qui vous entraîne loin de vous
Sur les pistes blanches
Au bord du précipice

Partir, oui
Mais en soi…
Quel saut périlleux
Et quelle délivrance !

Es-tu encore là ?
L’absence devient présence…
Tu t’enflammes

Ton innocence dévoilée
Découvre le cosmos…

Je… suis…

©  Loup Francart

13/01/2016

Années

Tu attendais impatiemment ton jour
Celui, surprise, qui te prenait une année
Tu grandissais si vite ce jour-là
Que tu te situais au sommet de l’humanité
Perché sur une montagne d’années
En équilibre instable, miraculeusement
Défait d’une pesanteur insatiable
Le lendemain redevenait plat et lisse
Tel une tête de chauve un jour de grand vent
Mais ce jour-là, fier de tes années
Sur la pointe de tes petits pieds
Tu contemplais le monde avec ardeur
Partant à la conquête d’une vie future

Puis, les années passèrent, modestes
Enveloppées de souvenirs
Ils s’accumulaient tendrement
Derrière le masque reconductible
D’anniversaires et de paquets
Emmaillotés de papier doré
Il en était de même au premier jour
D’une année nouvelle, séduisante
Parce qu’inexplorée et méconnue
Progressivement le rêve devenait réalité    
Il s’épanchait en volutes frivoles
Conduisait à des impasses illuminées
Par les illusions si longtemps retenues
Et par les succès passés au cirage

Aujourd’hui, chaque jour est le premier
Ou peut-être le dernier
Le premier d’une vie encore vivante
Le dernier d’une vie sans avenir
Où l’on s’enfonce benoîtement
Comme dans un édredon de plumes 

©  Loup Francart

09/01/2016

Haïku

La lune plate

Embrase le lit...

Mort subite

 

06/01/2016

Nature

La nature a ses lois que n’a pas le rêve
L’eau se heurte au rocher sans méfiance
L’œuf casse sa tirelire sans retenir la sève
Seule la fiction agit sans défaillance

Oui, il n’y a rien qui ne vaille ce pincement
Que donne la rencontre de l’immuable
Tout est à sa place, au creux des fondements
Et le songe n’est qu’une évasion pitoyable

Parfois, s’ouvre la porte de la gratitude
La raison ne monte pas sans peine en altitude
Alors... Lâchez le lest et poursuivez nu

Là, un vent frais vous hérisse le poil
Malgré cela vous hissez la voile...
Dans ce monde, nature et fiction sont inconnues...

02/01/2016

Aube

Elle n’ouvre qu’une paupière discrète,
Un regard de biais, en faiblesse.
Elle étire un bras hors des draps
Et engage l’horizon au lever.
Les nuées lui font obstacle,
Un nuage barre l’accès à la transparence.
L’aube des matins d’hiver
Peine à se lever en fanfare.
Enfin, son visage s’éclaire,
Un rayon de feu sur la platitude
S’empare des formes vagues
Et leur donne une allure squelettique.
Ce doigt décharné déclenche
Un ruisseau d’or et de mauve
Qui déferle à vue d’œil
En éclats de diamant
Et paillettes de sang.
L’aube, de ses cheveux blonds,
Ébouriffée sur l’oreiller,
Contemple l’univers endormi,
Écoute l’avertissement des oiseaux
Et attend le retour du hibou.
Le voici ! Il s’engouffre, majestueux,
Dans le bois du vieux saule
Pour y cacher ses yeux béats.
Alors, en un moment divin,
L’espace prend ses dimensions.
Il enveloppe de son corps puissant
Cette aube aux yeux de biche
Et l’élève dans le ciel pur
À sa place de reine, un trône
Tendu d’une main égale
À la contemplation du mouvement.
Telle une femme de feu,
Elle lance la langueur du nord
À l’assaut de l’intercardinal,
Vers ce nord-est ouvert dans l’océan
Où déjà les vagues humaines
S’agitent et s’organisent.
Ont-elles pu admirer l’étrangère
Qui sortit du lit la marée
Et lui fit dire "l’heure est venue
De reprendre votre vocation".
Alors sous les derniers festons,
Encore colorés de pourpre,
L’espace infini du jour
Se revêt de son bleu virginal.

 ©  Loup Francart

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

25/12/2015

Cette nuit de Noël

Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit

On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence

On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches

On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappaient les larmes de froid

Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon s’époumonant...

Plongée dans la nuit noire
qui dessinait des sourires ébahis...

Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir

Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés

Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin

Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »

©  Loup Francart

 

Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.

Denys l'Aéropagite

23/12/2015

Arbre

L’arbre est tenace
Coupez-lui les bras
Il repart à l’assaut du ciel

Sa tronche lui tient lieu de tête
Il sait se dresser sur la pointe des pieds

Mais quand vient la dernière saison
Ses jointures fatiguées se crevassent
Il rend grâce et ouvre son corps aux cieux

Il finit sous la scie, rétractant sa chair fendue
Et s’épanche désormais d’un cœur tendre en volutes de fumée

©  Loup Francart

19/12/2015

Mouche

Incongrue, elle se tient là, perdue,
Sur une assiette, comme morte.
Vu d’un peu plus près, en se penchant,
Elle vibrionne de toutes ses ailes
Et aspire à grandes goulées
Le jus sucré des restes du repas.

Voici la fine mouche du coche,
Parjure et insaisissable,
Fine mouche volant sur les idées.
Elle t’accompagne dans la nuit,
On ne l’entend pas voler,
Elle te pique l’occiput, mais…
Qui peut lui faire du mal ?

Certains ont peur des mouches :
Ce tas de poils dans mon assiette
Où donc a-t-elle traîné auparavant ?
Sortie d’un manuscrit serré,
Ses pattes deviennent illisibles
A celui qui les tente avec du vinaigre

D’autres les préfèrent sur le visage
En décor inusité et pointe d’asperge
Sur le nez ou la joue câline.
Ce grain de beauté sur le décolleté
Donne des ailes à la gent masculine.
Les mouches les attirent impitoyablement.
Quel aérodrome délicieux, se disent-ils.

Certaines peuvent servir de modèles
Aux bateaux parisiens qui se piquent
De montrer le meilleur de la capitale
En courant d’est en ouest ou inversement.
Artificielles, elles ne sont qu’un appât
Qui attire le touriste au centre de la cible.

La mouche devient indicatrice.
Elle espionne pour le compte d’un autre.
Portée sous la lèvre inférieure
Et dénommée la Royale ou l’impériale,
Cette petite boule de poils renforce
L’ardeur de l’éclaireur ou mouche d’escadre.
Elle ne peut servir à cacher le visage.
Juste faire mouche un instant d’égarement.

Dieu, que d’imagination pour cet insecte
Qui vaque et prend la rage
Sans qu’on ose lui faire du mal.
Mais que vaut-il mieux ?
Disposer d’un chasse-mouche
Ou être piqué par les mouchetiques…

©  Loup Francart

08/12/2015

Prière au Tout Autre

Toi, au-delà des mondes visibles et invisibles
Plus intime à moi-même que moi-même
Un et inconnaissable
Contenant le tout et contenu en tout
Merci à Toi, si proche et inconnu
Qui s’empare de mon être et le presse
Sur le vide intense de ta présence
Tu es là, hors de toute raison
Sans jamais te nommer ni te dévoiler
Et tu m’aspires en Toi, en toute liberté
Sur la seule foi de la confiance
Qui m’étreint et me bouleverse
Fais de moi ce qu’il te plaît
Permets que je me noie en Toi
Qu’encore et toujours, à chaque instant
Je n’oublie pas ta brise divine
Et avance les yeux ouverts
Sur la splendeur de ta création
En moi et hors de moi, entre le zéro et l’infini
Au-delà de tout toucher et de toute pensée
Dans ce lieu qui n’est pas moi
Et que je nomme Toi

©  Loup Francart

05/12/2015

La nuit de feu, d’Éric-Emmanuel Schmitt

« A vingt-huit ans, Éric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée dans le grand sud algérien. Au cours de l’expédition, il perd de vue ses compagnons et s’égare dans l’immensité du Hoggar. Sans eau ni vivres durant la nuit glaciale du désert, il n’éprouve nulle peur mais sent au contraire se soulever en lui une force brulante. Poussière d’étoiles dans l’infini, le philosophe rationaliste voit s’ébranler toutes ses certitudes. Un sentiment de paix, de bonheur, d’éternité l’envahit. Ce feu, pourquoi ne pas le nommer Dieu ? » (Quatrième de couverture)

Un très beau livre qui révèle l’irruption de l’inconnu totalement autre à l’homme moderne qui15-12-04 La nuit de feu.jpg ne croit qu’en ce qu’il voit. L’auteur découvre l’infini en une impression plus forte que toutes les pensées apprises. En Europe, les intellectuels tolèrent la foi, mais la méprisent. La religion passe pour une résurgence du passé ; nier, c’est devenir moderne. (…) Un préjugé chasse l’autre. Jadis les gens croyaient parce qu’on les y incitait ; aujourd’hui ils doutent pour le même motif. Dans les deux cas, ils s’imaginent penser alors qu’ils répètent, qu’ils mâchouillent des opinions, des doctrines de masse, des convictions qui ne seraient peut-être pas les leurs s’ils réfléchissaient.

Au cours de ce voyage initiatique, il rencontre d’abord Abayghur, un touareg beau, élancé, magistralement vêtu de lin indigo, la tête ceinte d’un chèche blanc. Ses traits avaient été dessinés avec précision et distinction par la main inspirée de la nature, profil d’aigle, lèvres nettes, iris perçants, l’ensemble gravé sur une peau d’un brun calciné. Cet homme du désert n’est pas pressé à l’image de l’occidental. Il a le temps, le temps de l’éternité et de l’amour. Il passe devant celle qu’il aime sans un mot ni un regard sur elle. Et pourtant, tu es plus belle qu’un dattier chargé de fruits sucrés, plus touchante qu’une promesse de pluie, plus rayonnante que les cristaux de glace au cœur de l’hiver. Tous les hommes t’admirent. Tu es ma rose du Hoggar, la lune blanche, la fille de l’étoile, l’incomparable, l’uni que, ma montagne rose, mon amphore brune. Tu es la fille bleue.

Celui-ci, plus par son attitude que par un comportement ouvert, va le préparer à cette rencontre avec l’inconnu. Il passe en une nuit de l’angoisse, cette obsession de la pensée moderne, à la béatitude. Cette angoisse m’avait condamné à la solitude et l’arrogance, me propulsant comme seul pendant au milieu d’un univers qui ne pensait pas. A l’inverse de l’angoisse, la joie m’avait intégré au monde et mis en face de Dieu. La joie me conduisait à l’humilité. Grâce à elle, je ne me sentais plus isolé, étranger, mais fécondé, uni. La force qui tenait le Tout grouillait également en moi, j’incarnais l’un des maillons provisoires. Si l’angoisse m’avait fait trop grand, la joie m’avait ramené à de justes proportions : pas grand par moi-même, plutôt grand par la grandeur qui s’était déposée en moi. L’infini constituait le fond de mon esprit fini, comme un bol qui aurait contenu mon âme.

Et maintenant, il s’intéresse à la question de Dieu plutôt qu’à la réponse des hommes. Il ne veut pas être croyant ou athée, car ceux-ci se cramponnent à des solutions simples, croire, ne pas croire, montrant un appétit suspect d’opinions catégoriques. Ni l’un l’autre ne supportent le cheminement, le doute, l’interrogation. En affirmant leur choix, il ne voulait pas penser, mais en finir avec la pensée. Ils ne désiraient qu’une chose : se délivrer du questionnement. Un souffle de mort figeait leur esprit.

Sa conclusion : lorsqu’on a rencontré la sollicitation de l’invisible, on se débrouille avec ce cadeau. Le surprenant, dans une révélation, c’est que, malgré l’évidence éprouvée, on continue à être libre. Livre de ne pas voir ce qui s’est passé. Libre d’en produire une lecture réductrice. Libre de s’en détourner. Libre de l’oublier.

04/12/2015

La légèreté

Quel curieux mot… Légèreté…

La légèreté peut être habileté
Elle signifie la souplesse et l’aisance
De l’homme dans le monde et la vie

Mais elle exprime également
Le peu de poids à lui accorder
Le manque de consistance
L’étourderie et la désinvolture

Peut-elle être à la fois
Synonyme d’élégance
Et manquer de consistance ?

Notons qu’elle ne passe pas
Du positif au négatif en utilisant le zéro
Non elle saute à pied joint
D’un côté à l’autre de la ligne
Sans disparaître ou manquer d’être

La légèreté et un rêve réel
Une vision de l’invisible
La brume du vécu
Dans l’absence de mémoire

Curieux comme cette légèreté
Donne de la profondeur

©  Loup Francart

25/11/2015

Elle

Elle est là, maigre et misérable :
« Qu’as-tu, petite, à demander ? »
« Je cherche l’homme responsable
De ma vie et de ma pauvreté. »

Elle poursuivit sa route, clopin-clopant,
Les yeux fixes et l’haleine fétide,
Regardant ses pieds, penchée vers l’avant,
Tendant un doigt fragile vers le vide.

Le lendemain on la vit revenir,
Fière jeune fille sans un soupir,
L’œil vif et la chevelure brillante.

« Qu’as-tu, belle enfant, à nous donner ? »
Elle entraîna derrière elle le village entier
Pour un baiser supposé sur ses lèvres glaçantes.

©  Loup Francart

19/11/2015

Attentat

On a trois attitudes : la compassion, l’indifférence ou la rage

Le choix de la compassion est un choix simple et naturel
Celui de l’indifférence peut être personnel, mais ne pas le dire
Celui de la rage est pour les accros de la politique
Rage contre l’action, rage pour l’action, sans réflexion

C’est ainsi que la France se réveille ce samedi matin
Sans trop savoir quoi faire sinon mobiliser
Pour quoi, pour qui, contre quoi, contre qui ?
Seules les forces de l’ordre sont là et agissent

Chacun a son point de vue, c’est comme une explosion
Et plus l’on s’éloigne dans l’espace et le temps
Plus les divergences se font sentir pesamment

Ce ne sera plus le rassemblement, mais l’antinomie
Dans la passion des opinions et des réactions
Hors de toute analyse, recul et discernement

La seule union est autour des victimes
Vers qui affluent les pensées de tous
La France reste la France, le pays des troublions
Qui, en un instant, se relève et chante la Marseillaise

©  Loup Francart

16/11/2015

Dédicace et exposition

Dédicace :

Loup Francart présentera, lira des extraits et dédicacera ses deux derniers livres le samedi 21 novembre 2015 à l’Espace culturel Leclerc de Saumur entre 14 et 18 heures.

 1ère Couv Dictionnaire poétique.jpgPetits bouts de rien couv1ère-2.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 Exposition :

Invitation salon Meslay.jpg

15/11/2015

L'autre

Qu’es-tu toi pour me dire
La vanité des rencontres
La futilité des réunions
L’inanité de tout débat ?

J’y vois au contraire
Le propre de l’humain
La parole libre de l’être
Qui condense en un mot
Ce qui le met en joie
Le terrifie ou l’encourage

Seule, la créature s’étiole
Se réduit à elle-même
Et meurt d’absence

Ne te retire pas de toi-même
Tu y perdrais le meilleur
C’est-à-dire ce double
Que l’autre regarde
Avec concupiscence
Et que toi-même ignore

©  Loup Francart

11/11/2015

Vide

Se dit d’un contenant qui ne contient rien…
Le rêve de l’astrophysicien, les jours de pluie
Qui est de définir le vide sans lui donner du plein
Et dans lequel le zéro ne peut être déduit

La quatrième dimension peut-elle être vide ?
Est-ce à dire qu’aucun événement n’y apparaît ?
Le temps s’en va et ne circule nul fluide
L’univers s’écroule et tout devient muet

L’espace peut-il sévir s’il ne peut être mesuré ?
Le vide peut-il être limité par un contenant ?
Même le mot rien ne peut le délimiter
L’imaginer c’est déjà lui donner un lieu accueillant

Alors Dieu serait-il vide et sans saveur
Ou serait-il l’ultime recours de l’imagination ?
Au fond le vide est-il un alibi contre la peur
Ou une huile pensante à manier avec précaution ?

©  Loup Francart

07/11/2015

L'oiseau

L’oiseau, vert et cadencé, s’en est allé
Depuis, la pluie couvre les bois en silence

Une goutte se glisse et pénètre le col
Le frisson rappelle l’âme à elle-même

Envolée la luxure de l’automne
Qui tournait la tête aux biens intentionnés

Désormais le feu de l’hiver enchaîne
Le corps aux mouvements du cœur

Quelle est bonne cette odeur subtile
De salaisons et fumigations à ressortir
Lorsque la bise enlace la maison
Et vous force à rester là, tranquille
Dans l’attente imprévue d’une éclaircie
 
Et l’oiseau, vert et envolé, reviendra
Chantant pieusement le rayon de lumière
Qui frappe l’œil et fait fondre le cœur

©  Loup Francart

04/11/2015

Les mardis littéraires

Je présenterai, avec Lann Bellat, directrice littéraire des éditions du Panthéon, mes deux livres, Dictionnaire poétique et Petits bouts de rien, le mardi 10 novembre aux Mardis littéraires (café de la Mairie, 1° étage, place Saint-Sulpice, Paris 6°) entre 20h30 et 21h15.

Au rendez-vous : lectures et impressions, échanges avec le public et dédicace.

Vous êtes invités, venez nombreux !

Prés Mardi 10 nov blog.pdf

15-11-10 Présentation mardis littéraires.jpg

03/11/2015

Eternel

Toi, revenu sur ta parole
De la tête à la queue
Tu refuses pourtant le cercle
Et te projettes sur la ligne

Elle s’enfonce dans l’espace
Et s’enfuit dans le temps
Tu es là, seul, innocent
Perdu sur ta branche

Tu agites les ailes de la tentation
Et tombes les bras en croix
Tu es saisi par le vide
Qui courre sous tes pieds

Suis la corde de ta trajectoire
Prends la tangente de ta peine
Et parcours la moitié
Du paradoxe d’Achille

Toujours tu seras derrière
Et la course dure mille ans
Plus tu avances, plus tu ralenties
Jusqu’à t’arrêter au bord de l’éternité

Alors seulement tu pourras revisiter
Ta destinée dans l’éternel retour

26/10/2015

Vivre

Je vis mille vies
Et pourtant je n’en ai qu’une
J’habite à l’autre bout du monde
Et pourtant je ne suis jamais sorti de chez moi

Je suis ermite
Et pourtant élastique

Même le temps ne peut rien contre moi
Aussi à l’aise chez le boucher qu’à l’église
Je suis tout ce qui n’est pas moi
Je ne suis rien de tout ce qui est moi

J’ai trouvé la paix un jour de marché
Lorsque j’ai vu les œufs en gelée
Descendre les escaliers dorés
Et rebondir encore à mes pieds

Oui, rien de tout cela n’existe
Sinon dans l’imagination
D’un cafard alourdi par le rêve
Et d’une grenouille sans voix

Merci chers auditeurs
D’écouter à nouveau
L’histoire sans fin ni passion
D’un pauvre vagabond
Qui vit mille vies
Et pourtant n’en a qu’une…

©  Loup Francart