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16/10/2016

Littérature

J’ai parcouru les rues et les ruelles
J’ai lancé un regard aux poèmes
J’en ai conçu un enchantement cruel
Et une nostalgie bohème

Tous ces vers étalés, mal compris
S’observant face à face
Jusqu’à l’ultime duperie
Comme une imprévue volteface

La poésie ne peut se délasser
Prisonnière entre les pages enlacées
Elle ne s’échappe qu’à la lecture

Alors les strophes ouvrent leurs bras
La rime se fiance à l’opéra
Mais cela fait-il de la littérature ?

 ©  Loup Francart

08/10/2016

Inconscience

Silence pesant dans l’œuf de la personne.
Ne cherche pas à voir l’ombre tatillonne,
Surtout ne casse pas cette protection.
Que le globe oculaire stagne en création !

Le paysage caresse cet horizon.
Étrange est la ligne de conjugaison
Où se mêlent lassitude et patience,
Un trouble bouillon d’absence de conscience.

Maintenant, casse cette maigre protection.
Dévoile-toi, vierge de toute filiation,
Pour courir sans fin dans la lande convoitée.

Tu es de pierre et de sang, malveillant
Jusqu’au creux de ton personnage ignorant
Qui n’ose chevaucher ce nuage ouaté…

 ©  Loup Francart

05/10/2016

Pour écrire un poème

Pour écrire un poème, il faut tourner dans sa tête la première phrase. Elle doit être poétique… ou… non… Mais elle doit entraîner la suite, qui vient tranquillement comme les vagues sur la plage.  Saisir cet instant précieux où la phrase vous berce de son chant et vous force à écrire, où que vous soyez. Il faut trouver le crayon et le bout de papier qui traîne autour de vous. Ne le perdez pas, il ouvre la porte au poème qui découle naturellement de la phrase magique.

Mais comment trouver cette phrase ?

C’est un état d’esprit. Elle vient seule ou vous la malaxez. Elle jaillit du fond de soi ou elle se construit lentement en retournant les mots. La première manière est vivace, il faut la cueillir par surprise. La seconde est à bâtir avec les pierres des mots que vous assemblez une à une jusqu’à ce que sa musique vous parle, puis vous séduise. Les deux manières naissent d’une sensation, que celle-ci soit image, son, toucher, goût. La sensation, c’est l’instant où l’on saisit la beauté. On ressent, puis on admire et cette sensation crée en vous le vide fatal qui fait surgir la phrase ou les mots de la phrase que vous allez construire. Vous la tenez, vous la retourner en vous, vous en écoutez la musicalité ou la rudesse volontaire. Oui, elle peut être rude, piquante, intoxicante même ; mais vous savez que c’est celle-ci qui créera le poème. Il suffit de se laisser bercer. Vous vous la répétez et… Vous attendez, dans le silence de votre être. Et la seconde phrase apparaît, brutalement, sans bavure ni anicroche, puis la troisième. Ne perdez pas le fil, ne pensez surtout pas à autre chose, restez concentré, mais détendu. Laissez-vous glisser dans l’eau fraîche de l’inspiration. Chaque vague produit son vers, au même rythme, sans bouger, sans chercher. Bien sûr notez-le rapidement, sans réfléchir. Il vous passe par la tête, ne le perdez pas, sous peine de ne plus le retrouver.

Et vous marchez parmi les cailloux, la pointe des pieds fragile, évitant les écueils, extirpant les mots et les vers. Certains se cachent parfois sous un bloc de pierre, il ne veut pas se livrer. Vous sortez votre dictionnaire, cherchez le synonyme, le tournez dans votre mémoire et vous choisissez celui qui vous paraît le plus approprié. Ces instants peuvent vous couper de l’inspiration, le mot ne vient pas, vous vous épuisez à chercher et rien ne vient. D’autres fois, ils sont au contraire source d’un nouveau flot de vers qui viennent cogner à votre porte et que vous vous efforcez de noter, en vrac, quitte à les reprendre plus tard, à tête reposée. Vous poursuivez votre route, évitant les cailloux ou les retournant pour y trouver une image ou un son. Vous n’entendez rien, le silence du grand large sur une mer d’huile.

Et, d’un coup, le cri de la baleine, profond, lointain, mystérieux. Il vient de vous-mêmes, vous le crachez, l’emprisonnez, l’attachez et le notez. Oui, c’est le mot de la fin, percutant, résumant votre histoire, l’ouvrant à d’autres histoires ou, au contraire, fermant la page d’un trait de plume que vous clamez dans le silence du contentement. Il est fini le poème, vous ne savez ce qu’il contient, combien il a de vers, mais vous savez aussi qu’il est fini. Vous êtes asséché. Vous avez beau vous pressurer, rien ne vient. Adieu poésie, seul reste le poème.

04/10/2016

Concentre-toi

Une tête d’épingle. Rien d’autre
Ne la cherche pas dehors
Elle est en toi, là où tu n’es plus toi
Là où l’infini te pénètre
Et te prend comme une proie
Concentre-toi !

Ton corps n’est plus qu’enveloppe
Une feuille légère que tu ne peux saisir
Ta raideur devient souplesse
Ton inertie devient attente
Au bord du précipice, tu guettes
Espérant la venue du Tout Autre
Concentre-toi !

Noirs, puis rouges, puis blancs
Entre tes yeux clos se pressent
Les grains vivants de l’attention
Qui s’amassent en toute liberté
Tel un nuage lumineux qui te prend
A la jonction des pensées et des sensations
Et t’aspire, là où Tout est en Tout
Concentre-toi !

Sans poids ni durée, tu flottes
Entre les eaux primordiales
Tu gouttes sur la pointe de ta langue
Cette saveur étrange et méconnue
D’un infini qui t’est familier
L’ouverture vers une absence
Plus aimante que la présence
Le rien devenu Tout
Concentre-toi !

Tout est vide
Le vide est Tout
Le Tout n’est rien
Et, derrière, Il Est...

ou peut-être Je Suis...

Concentre-toi…
Et… va…


 ©  Loup Francart

30/09/2016

Parapluie

Pour la pluie, quel instrument !
Rond de tête et fin du bec
Terminé par un tire-bouchon
Enfouir la main sous ses jupes
Pour déployer sa corole
Et lui faire dire, avec béatitude
Que son don est bénéfique
Que tous les poils sont secs
Que le cerveau peut continuer
A propulser ses vers de mirliton
Sans risque de noyade

Parfois ses baleines gémissent
Ou sautent et retombent
A plat sur une giboulée mortelle
Ce qui n’empêche pas
De se mouiller les pieds
A l’ombre de son auvent
Mieux vaut chausser les caoutchoucs
Que portent les hommes frileux
Pour éviter un rhume indécent

Certains en font un argument
Pour vendre son ventre replet
Empli de foulards et chemises
Si la police survient, on ferme
Et on part sans avoir l’air de rien
Sinon qu’il ne pleut pas sous un parapluie
Alors que mouillé est celui qui le porte

Après utilisation, le laisser
Étendu, retourné, comme un escargot
Sur le dos, bavant modestement
Répandant sa rosée sur le sol
Qu’il dise sa satisfaction
D’offrir un abri à l’être mouvant
Qui le tient bravement
Comme un cierge dont la cire
Coule jusque sur la main fermée

Oui, un parapluie, ça brûle
Et l’eau ne l’éteint pas...

 ©  Loup Francart

27/09/2016

L'accomplissement

Je me souviens de ton rire, frais et joyeux
De tes mains comme des moineaux qui s’envolent
De ce visage levé vers le soleil qui happe ta blancheur
Et entraîne tes paillettes d’or dans une danse d’éventail

Ta face tenue entre mes mains, mouvante de vie
Suspendue à ce cou où j’enfouis mes baisers
Senteur de printemps au sortir de l’hiver
Exhalant douceur et désir, lentement

Tu me regardes l’œil vif, heureux et lumineux
Je vois en lui le reflet de mes rêves amoureux
Un ciel sans partage, vide de tout mouvement
Échangeant le bonheur de vivre un tel moment

Tu me tends la main que j’ose à peine prendre
Elle brûle mes doigts et m’envahit le corps
Ah, si toujours je pouvais ressentir cette douleur
Et marcher vers la mort la tête haute d’accomplissement

 ©  Loup Francart

23/09/2016

Métropole

File entre les arbres !
Prends garde aux passants !
Ivres, ils ne lèvent pas le regard
Ils ne te voient pas, ne t’entendent pas

Leur seul horizon, le toit des voitures
Qui piétinent sur le canal
Encombrent l’entendement
Et bouchonnent de fièvre retenue

Tu files, tu te faufiles, dans l’étroit fil
Entre les fantômes qui devisent
Et s’égaient sur la chaussée
Surpris dans le courant de folie

Agitation à la surface
Calme olympien des sous-terriens
Comme un bol d’offrandes
Afin de revêtir le seul silence

La pâle lueur du jour
Se révèle encore trop rude
Pour les habitants désenchantés
Qui dansent dans les pots d’échappement

La ville fuit son ombre noire
Les rayons solaires glissent sur l’eau
Encombrent les rêves des plus fous
Et déjantent les roues de l’imaginaire

Passe au loin, de peur de mourir
Que rien ne te retienne
Dans ce bazar crieur et râleur
Envole-toi et contemple, solitaire
L’œil lunaire face à face !

 ©  Loup Francart

20/09/2016

Cousinade

Une poussière de têtes s’entasse
En attente de reconnaissance
La mémoire flanche, puis revient
Chaque visage remonte à la surface

Vacarme des conversations
Comme un brouillard de mémoire
Qui monte du sol de l’enfance
Et se couvre de souvenirs délicieux

Dans l’obscurité, je courrais, perdu
Cherchant vainement les portes de la réminiscence
Je me prends les pieds dans ma jeunesse
Et trébuche de bégaiements innocents
 
La brume se dissipe, l’horizon s’éclaircit
De grands blocs de commémoration émergent
Et barrent le chemin des rencontres d’hier
Ils sont là, bien en chair, fantômes vivaces

Que ce monde passé est empli de trous noirs
Par bonheur quelques naines blanches illuminent
Le grenier poussiéreux du théâtre antique
Des souvenirs d’enfance montant à pas menus

Oui, chaque stèle se couvre d’un nom
D’un visage, d’un geste, d’un rire ou d’un délire
D’enfants heureux, de bébés pleureurs
De cousins ressurgis, de parents disparus.

Allons, plongeons dans le bain des vestiges
D’un passé révolu et pourtant bien vivant !

Quel rafraîchissement !

 ©  Loup Francart

19/09/2016

Regard

Glisse-toi dans ton ombre
Epouse cette sombre pénombre
Qui traverse ta vie
Et l’enchante sans avis

Entre dans la tente
Et couvre ta tête imprévoyante
Assainis ton être démuni
De la caresse des nuits

Seras-tu la mort voilée
Ou la transparence étoilée
Tu glisses entre les gouttes
Et seul poursuis ta route

Parti dans l’atmosphère
Tu n’es plus sur terre
Ta légèreté t’entraîne
A la rencontre de la reine

A genoux à ses pieds
Tu contemples sa majesté
Et ton âme s’élève
Frappée par le glaive

C’est fini, absence
Sans aucune réticence
L’air égaré, vide de pensées
Tu fuis au-delà de la jetée

Rien ne sera plus jamais
Comme avant, tu l’aimais
Cette vie douce et espiègle
Qui te donne la vision de l’aigle

 

18/09/2016

Premières pluies

Le rien du sommeil
Et le tout du tonnerre
L’infini sans pensée
Le fini encombré
Tu te dresses sur ta couche
Et oses prononcer Dieu

Qu’ai-je fait ?

Tu reprends conscience
Ce trou dans ton être
Est-il le cri primordial
Ou cours-tu dans l’absence
Pour te convaincre d’aimer ?

Fracas du verre

La pluie tombe, grossière
Sur les toits de tôle
Et les rêves de geôle

Tu te lèves en tâtant
Et oses un regard
Sur le rideau des eaux
Qui coulent des cieux
Et lavent ton cerveau

Le fini encombré
T’enlace dans le temps
Et te disperse dans l’espace

Tu es vivant, oui,
C’est certain !

 ©  Loup Francart

17/09/2016

Queue

Ils étaient là depuis trois-quarts d’heure
Pressés les uns contre les autres
Personne ne voulant céder sa place
Et la queue s’étirait, mollement

Mon voisin écoute nos conversations
L’oreille en capuchon, le nez en vrille
Qu’a-t-il reconnu qui l’ait fait trémousser
Un reste d’affection ou d’opprobre ?

Je me  retourne, c’est long
Long comme un jour sans pain
Les têtes dodelinent, sereines
Et boivent leur inquiétude, sans fin

Une femme avance et longe le cordeau
Elle marche à pas menus, sans bruit
Mais déjà les cris s’élèvent
A la queue, mécréante et tricheuse

Elle trouve une autre femme
Et lui parle, mine de rien
Et celle-ci entre dans son jeu
Et l’agrège en catimini

L’homme rase les murs, col relevé
Il a pris son parti et plaide
J’ai tout tenté et n’ai rien
Où donc puis-je aller ?

La queue n’a pas de cœur
Elle n’a que des émotions
Elle coure sur place sans mot dire
Et fuit toute forme de civilité

On avance, oui, on avance
Vous faite un demi-pas, devant
Et deux sur le côté, bouche-bée
Pour retrouver votre équilibre

Oui, une queue c’est un calvaire
Qui s’enroule autour de la croix
Et rompt de toute part
Le ciment de la civilité

©  Loup Francart

16/09/2016

Poète

Il est poète pour ne rien dire
Il n’en pense pas moins
Et lui non plus, pire
Il n’en prend aucun soin

Avez-vous déjà vu
Ceux qui n’ont qu’un grain
Pour devenir fétu
Et vaquer en pèlerin

Ils s’enfoncent en votre chair
Et ricanent de votre effarement
Plus rien ne les libère
Même leur enfermement

Alors ils marchent sûrs d’eux
Tête haute et chapeau bas
Sans un regard sur l’autre laborieux
Qui peine en contrebas

Le poète fouette le soviet
Et exhale le rire en cachette
La vie est drôle et belle
Lorsqu’on erre dans le djebel !

©  Loup Francart

15/09/2016

Canicule

La rue est ronde de la chaleur
Qui tombe du ciel lentement
Avec la douceur d’un agneau
Et la berce d’apesanteur

Les voix traversent l’air densifié
Elles pépient en oiseaux polis
Pénètrent l’oreille voluptueusement
Et montent en vrille dans la nuit

Toutes fenêtres grandes ouvertes
Comme un pois chiche vous flottez
Aucun souffle ne vous chasse
Vous êtes là, patients, sans force

Vous n’avez même plus un fil
Pour vous protéger de la fournaise
C’est un sauna permanent
Auquel il manque le liant de la vapeur

O mon corps, Peux-tu fondre
Et me laisser seul et dénudé ?
Non, le poids te rattrape
Couche-toi sur le sol vierge

Et désormais ne va plus chercher
L’ombre de ta consistance
Au pied des immeubles luisants
Mais dans la fraîcheur du rêve

©  Loup Francart

09/09/2016

Fanny

Verte Fanny, crie la jument bègue
Où cours-tu donc de si matin ?
Ne sais-tu pas que le colimaçon
Est jaune, visqueux et grelottant
A quoi sert cet esthète aux poils luisants
Qui souffle sur la lune tiède
Et étire son langage au fil de la nuit
Rien ne trouble le silence doré
D’un noir immense et sans vie
Qui s’ouvre sur le lac débordant
Des jours d’été, fluides et sveltes
Il n’y a rien qui ne s’envole
Au large des îles Paracel
Protégées par le vent ébouriffant
Et les embruns chatouillants
De la mer insaisissable et bleu
Comme l’assiette des marins
Rentre dans ta purée de poix
Regarde échevelée la main qui court
Sur l’ombre de la vie en fleur
Et qui pousse lentement son coude
Dans le vide qui casse net
Le rebord rouge de la table formiquée

Enfin…

Le ciel se fait plus gris, moins chaud
L’air s’engouffre dans la pièce racornie
Un souffle passe, lourd d’odeurs
Les premières lueurs s’ouvrent
Tu reprends ta place d’humain
Le cœur vierge, le corps souple
La tête sans poids, le pied adroit
Tu ouvres un œil paresseux
Car rien ne te permet de rêver
A Fanny, la belle sorcière effarouchée
Qui danse chaque nuit sans lune
Dans le vide étoilé du ventre de la terre

Pouah ! Quel éveil me presse…

©  Loup Francart

08/09/2016

Rêve ou réalité

 

Par la lecture on vit plusieurs vies
Jusqu’au jour où la vie est enlevée
Elle rejoint les vies lues et rêvées

Beaucoup pensent vivre alors qu’ils ne font que rêver.

06/09/2016

Ouverture

Une ouverture, c’est un accès subtil
Autour d’un lieu clos, pratiqué indifféremment
De l’extérieur ou de l’intérieur
Attention, si elle devient trop grande
L’extérieur peut devenir l’intérieur
Il y a une frontière maléfique
Qui ne se dévoile qu’à l’occasion
Alors vous basculez et marchez sur la tête
Vous franchissez le Rubicon
Et l’envers devient l’endroit
Mais, votre tête où est-elle ?
Vous n’avez plus de repères
Les femmes ne s’y trompent pas
L’homme ignore les délices de la nature
Les accroche-cœurs du temps et de l’espace
Il ne voit que l’horizon, au loin
Alors qu’elles contemplent l’immensité
Des émotions, les larmes et les rires
Des vagues éclatant en gouttes
Contre la coque de leurs charmes
Il ne sait pas ce qui se passe
Il est apprivoisé et, d’émoi,
Franchit l’ouverture du merveilleux
Un monde inconnu de douceur
Et de folie également
L’électro plat, il va
Et rien ne saurait le dissuader
De ne pas courir derrière le vent
Qui laisse le parfum suave
Des nuits enfiévrées par le vide
Qui vous fait devenir contenant
D’un contenu impalpable
D’une absence qui remplit le tout
Et ouvre à la solitude bienheureuse
Où il n’y a plus ni dedans ni dehors
Êtes-vous ou n’êtes-vous pas ?
Vous ne savez et ne vous en souciez pas
Seul le rayonnement incandescent
Emplit le vide immense et chaud
De votre être qui n’est plus…

 ©  Loup Francart

04/09/2016

Choix

Descend dans ta cave, et même… au-delà
Ferme les yeux sur ta poche secrète
Reste dans ce frigidaire bon marché
Et attend que s’éclaircisse ton destin
Un souffle d’air frais te pénètre le crâne
Tel le vilebrequin, il pénètre en toi
Il te remue, t’étrille, te bouscule
Tu refuses son pouvoir d’évanescence
Tu tiens à toi, cet être magique
Qui te donne satisfactions et soucis
Tu te raccroches aux branches de l’émotion
Et t’enfermes dans ta rationalité
Mais ce souffle d’air devient tempête
Et t’enlève de ton socle de certitudes
Laisse descendre le poids de ton égo
Qu’il atteigne la mer primordiale
Et parte au gré des vagues et des courants
Là, nu, dans l’air léger du matin
Tu nettoies tes lunettes de l’opacité
Des souvenirs et désirs éperdus
Pour voler en toute liberté
Dans le gaz hilarant de l’absence d’être

Quel agréable chatouillement
Te gratte le gosier, élargissant le trou
Du passage à l’invisible
Tu entres dans l’autre monde
Que tu ne peux nommer
Mais que tu connais par ailleurs
Car il a bercé ton enfance
Marqué ton adolescence
Blessé ta vie d’adulte
Et te rend hommage en ces jours
Où l’œil du destin attend ton choix
Se laisser vivre pour finir par mourir
Ou mourir à soi-même pour vivre

©  Loup Francart

31/08/2016

Fétu

Je suis sans être rien… Qu’un fétu…

Je me cache sous le lit des amants
Je m’ouvre à leurs histoires sur l’oreiller
Et, décontenancé, leur renvoie en vers
Leurs espoirs et leurs larmes

Ils ignorent ces salutations éplorées
Et me saluent, sans un mot des évocations
La mondanité les empêche de penser
Plus longuement qu’une demi-minute

Tant pis ! Je poursuis mon rêve
D’un monde où le vent des amants
Devient un vent d’automne
Chargé de feuilles et de blondeur
Qui court sur la lande desséchée
Et tourbillonne dans le soleil déclinant

J’écris sans savoir pourquoi  
Laissant les mots libres de partir
Entre les corps qui se touchent
Et s’étreignent en vaines roucoulades

Alors apparaît la zone si sensible
Qui aspire à la solitude éperdue
Et s’envole enfin vers les espaces
Où l’air a le son et l’ampleur des notes

J’ai perdu toute humanité et retenue
Et me régale d’absence devenue présence

©  Loup Francart

28/08/2016

Echec

Reviennent, lancinants, les souvenirs de tes échecs
Réveil transpirant, l’incertitude sur les lèvres
Un trou brutal à la place de l’entendement

Et je revis en boucle ces moments que je n’ai pas perçus
Car l’échec ne se vit que plus tard, lorsque tout est joué
Et que plus rien ne peux changer ce passé peu glorieux

Je carambole dans l’escalier, encombré d’objets
Ils ne veulent pas me quitter, ils sont bien
Dans ma conscience empaquetée de papier rose
Ils grattent un peu, pas trop, à la surface
Ne se manifestent que par à-coups, indolents
Et creusent le sable de l’ignominie avec persévérance

Il arrive qu’ils se pressent comme des rats
A la surface de ton rêve qui pourtant sonnait juste
Et débouche, tête nue, froidement, à la conscience

Je me trouve face à un puits sans fond qui remonte
Des entrailles de ma chair et déborde parfois
Pour m’assaillir des remords de mon inconséquence

Cette éruption soudaine me projette vertement
Dans des jurons proclamés à mon adresse
Un flot de bile et de cris sans foi ni raison
Résonnant dans le désert sans fin des jours
Qui commencent en conclusion dénuée de paroles
Et finissent dans le vide d’un avenir inconnu

Et comment profiter de ces leçons de vie gratuites
Lorsque seule la méditation te ramène à l’existence
Qui déroule son film dans le désordre, à la folie

Tu te réfugies dans ton ballet mental, repu
De vies échevelées, fragmentées, esseulées
Pour atteindre le nirvana de l’absence, sans succès…

 ©  Loup Francart

24/08/2016

Inexistence

Le moteur ronronne, même la nuit…
Il tourne dans le vide et s’emballe
Sans produire paix et sérénité
Retirée, la conscience aiguisée l’entend

Les poils se hérissent sur les bras
La tête devient lourde et inerte
Seul pensent encore les pieds
Qui marchent sur un trottoir nu

Où va-t-il l’homme ainsi exposé
A la vindicte de ses pairs
Montré du doigt par la population
Repu de conseils et d’aveux

Il avance en souffrance, sans un mot
Arrive à l’eau infinie des mers
Et se jette de la jetée sans hésitation
Il ne fait pas un geste avant de couler

Il est mort en héros de la solitude
Rejeté par les autres et par lui-même
En inconnu, car ignoré ou exécré
Par les puissants de la société
Qui se regardent sans broncher

©  Loup Francart

18/08/2016

Destin

Le destin a ses limites.  Qu’est-il ?


L’inéluctable tombe en extase
Rien ne vient tout seul
Il est poussé par son destin
A commettre des crimes abominables
Et pourtant quel doux garçon
Lorsqu’il tenait la main de sa sœur
Et partait à la plage, souriant

Il connut la joie des baisers
La jouissance des unions
La solitude des reclus
La fidélité de certaines femmes

Mais rien de tout cela
Ne lui permit un jour
D’atteindre un réel nirvana

Il louchait vers autrui
Et contemplait leurs possessions
Sans pouvoir détacher son regard
De ce qu’il n’avait pas

Alors, un jour, il fut tenté
De prendre ce qui lui était interdit
Parce qu’appartenant à autrui

L’objet exerçait son envoûtement
Il s’en saisit d’un geste brusque
Fut rejeté par l’autre
Qui chercha à l’en empêcher
Il répondit de la voix, puis du poing

S’ensuivit le méli-mélo
Qui consacra sa victoire
Et la mort du possédant

Non, ce n’est pas de sa faute
Cette envie de possession
Qui le conduit au pire
Dans l’obscurité d’un cachot

©  Loup Francart

12/08/2016

Profil

Encore un jour, toujours je te regarde
Et te contemple, frêle et magnifique
Un profil si visible en ma mémoire
Dont au fil des années je déroule l’espace.

Je possède un coin de souvenirs réservés,
Un château dans la lande et des rires envolés
Dont j’ouvre les fenêtres pour une veillée
Devant ce profil qui fit longtemps rêver.

Je te revois ce premier jour, enluminée,
Tête haute et seins fermes, apprivoisée,
Ne sachant que tu allais devenir mienne.

Devant ce même profil les années ont passé
Et ce dessin chéri est un rêve comblé,
Un paradis dont tu es la gardienne.

©  Loup Francart

09/08/2016

Fidélité

Un cœur a sauté dans l’arène

Le sang est d’or

Et le sable d’argent

Le sang tache le sable

Et le sable boit le sang

C’est la fidélité

Mais le vermeil du sang s’est craquelé

Le soleil luit si bas sur nos têtes

Et le vent a emporté le sang

Qui s’accroche aux derniers grains de sable

La nuit, le silence et la lune

Hante cette marée noire

Le lendemain

D’une corrida

Sans mort

©  Loup Francart

04/08/2016

La chambre verte

Dans ce jardin immense où piaillent les enfants,
On trouve une petite chambre dissimulée
Sous des arbres menteurs et bien vêtus
Qui cachent un paradis de douceur ignoré.

Il faut s’enfoncer sans peur
Dans cette noire épaisseur
Que borde le soleil
Sans jamais la pénétrer.

S’ouvre alors devant vous,
Après un instant prolongé
D’obscure ambiance moite,
L’écoulement des eaux.

Elle franchit ses bassins
En roucoulant de joie,
Glougloutant sauvagement
Et pressée d’en finir.

L’architecte des liquides
Sournoisement a conçu
Un cheminement tortueux
Bordé d’arrêts obligés.

Et là vous méditez
Dans ce concert ailé
Sur le temps qui passe
Et l’espace qui s’enroule.

Cette chambre en plein air
Est le refuge des bien-portants
Qui y viennent ruminer
Leurs erreurs pardonnées
Et leurs espoirs d’un devenir meilleur.

©  Loup Francart

01/08/2016

Emprise

Et toujours tu me suis
Où que je sois parti
L’ombre a son emprise
Et dit sa traîtrise

Elle se lève aux rayons
D’un soleil tatillon
Elle englobe le jour
Et se veut sans retour

Tout sauf l’émergence
D’une folle connivence
Au jour anniversaire

Nul ne peut prédire
Le radieux avenir
De son propriétaire

©  Loup Francart

28/07/2016

Bille

Entre en toi-même, mais où ?
Je ferme les yeux
D’où vient ce fourmillement ?
Le haut du crâne me semble un lieu précis
Mais il ne différencie pas le dehors
Du dedans qui résonne dans la tête
Ce n’est qu’une bille de bois
Qui se cogne aux limites du vouloir
Et se heurte aux événements réels
Entre dans la bille et secoue-toi !
Tu tombes vers le néant
Est-ce tout ce que tu contiens ?
Mais bientôt les images t’envahissent
Tu es submergé.

Stop !

Rien, un voile noir te recouvre
Tu ne peux respirer ni penser
Progressivement l’étau se desserre
Ton souffle s’allonge et glisse
Entre toi et ce monde
Un feuillet blanc et vierge
L’œil rejoint le fond des globes
Et repose, innocent, sans frayeur
Tu te contemple, étranger
Dans ta propre consistance
Non, ne pas s’endormir
Rester éveillé et tendu
Vers le but suprême et ignoré
Le trouveras-tu aujourd’hui ?
Tais-toi et ne pense plus
Mais comment ne pas penser sa pensée ?

Tiens, ça y est !

Je perçois la limite
Elle est floue et me fuit
Elle s’évapore et me dissout
Dans le brouillard blanc de l’absence
Je n’ai plus de corps
Encore une tête ? Oui
Mais elle se liquéfie doucement
Je baigne dans le jus de l’ignorance
Et m’en trouve bienheureux
Quel repos ! Rien qu’un nuage incolore
Sur lequel repose la bille de bois
Elle ne résonne plus, ne bouge plus
Elle semble sans vie, mais énergique
Elle fonctionne à plein régime
Mais ne brasse que l’absence
De perceptions et sensations

Silence !

Le va et vient purificateur
S’installe en ta présence sereine
Le souffle devient ruisseau
Qui purifie ta grotte intérieure
Attention, tu t’endors
Et pourrais ne pas te réveiller…
Quel brouillard bienfaisant…

Dors sans souci…

©  Loup Francart

24/07/2016

Féminité

Il partit un jour, lequel ? Elle ne sait pas
Elle resta seule, perdue dans ses rêves
Jusqu’à ce qu'il revienne faire son mea culpa
Il était mort, piégé par les attrape-rêves

Rien de plus logique, pensa-t-elle, charmée
Il s’en va sans savoir et revient sans rien
Avec un mot proféré d’une voix sucrée
Innocent et digne d'un propre-à-rien

Ainsi le beau parti s’en est allé ce jour
Sans savoir pourquoi et même dans quel séjour
Jusqu’aux confins lointains au-delà des pensées

Elle resta seule, prisonnière des mots
Regardant ses rêves, séparés et jumeaux
Jusqu’à sa décision ferme de s’offrir un thé

©  Loup Francart

21/07/2016

Baptème

Il réalise à cet instant ce qu’est l’être.
Il le vit dans son corps et se sait épanoui.
L’être qu’il est, regarde par la fenêtre.
Est-il consistant comme ces nuages gris ?

Détaché de lui-même, il parcourt sa vie.
Qu’ai-je fais aux autres et pas à moi-même ?
Jeune, il erra longtemps possédé d’envies ;
Puis, assagi, il osa l’autre baptême.

Il rompit les amarres et s’en alla nu.
Il laissa derrière lui toute déconvenue,
Signant son destin d’être muni d’une âme.

Elle le porta au large sans appréhension.
Il flotta dans les cieux de la méditation
Et se divinisa dans les bras d’une femme.

©  Loup Francart

10/07/2016

Le grain de poussière dans l'oeil

Ce n’est parfois qu’un grain de poussière
Mais ce peut être l’aveuglement
Ou même le refus de voir et constater
Alors on laisse l’image fuir
Et on l’empêche de gigoter dans le cerveau
Elle revient cependant, forte et vivace
S’insinue derrière l’entendement
Et bouleverse subitement la compréhension
Naît alors la confusion et dérision
Oui, c’est bien lui ou elle, pourquoi ?

©  Loup Francart

01/07/2016

Grisaille

Le temps s’est arrêté, ce matin tout est gris.
Étonnant de couleur fade, le royaume
Quotidien est parti, tel un vieillard aigri.
Quel brouillard encalmine ce vaisseau fantôme ?

Referme tes paupières ! Bouche tes oreilles !
Ouvre tes bras à l’air tiède et sans odeur,
Secoue la couverture pesante du sommeil
Et trempe tes doigts dans l’inutile froideur !

Dors encore ma belle, emplis ta virginité
De cette mémorable vacuité.
Cours vers le fleuve immobile et béant.

Un jour de plus ou de moins, est-ce possible ?
Dans la grisaille du temps admissible,
Tout vous attire vers un éternel néant.

©  Loup Francart