30/09/2018
Sentence
L'enfant mange, le vieillard regarde. La sagesse est dans le regard et l’ouïe, l'avidité dans les autres sens. Et pourtant, ne voit-on pas des enfants contempler et des vieillards saisir avec avidité ?
L'enfant est souvent plus proche de la vérité par son innocence que le vieillard redevenu un enfant dans son instabilité.
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29/09/2018
Celui qui Est, transcendant, immanent et personnifiant
Qui est Dieu pour moi ?
Quelle question ! Cela relève tellement de la conviction intime que l’on ne peut échanger sur ce sujet. Mais comme personne n’a de réponse à cette question, peut-être faut-il se contenter de questions qui permettront de faire progresser notre connaissance ou notre expérience de Dieu au-delà des réponses des religions quelles qu’elles soient.
C’est à l’expérience que je veux faire appel et non pas à un savoir sur Dieu. Cette expérience s’appuie sur trois constats et une conclusion (non expérimentale pour moi) :
* Dieu est transcendant. C’est le Dieu dont commence à parler la science, l’initiateur du Bigbang. On ne sait rien de lui. Est-ce un être avec une volonté qui sait ce qu’il fait ? C’est probable. Mais certains parlent de hasard ou de nécessité. Quelle nécessité de créer l’univers à partir du néant ? Même cette idée suppose la volonté de créer. De plus, le néant peut-il engendrer ? S’il le fait, c’est qu’il n’est pas néant.
* Dieu est immanent. Il vit en toutes choses. Il est l’univers en même temps qu’il est hors de l’univers. C’est pourquoi l’univers est beau et nous tire des larmes de joie. C’est aussi pourquoi chaque être est unique, homme, animal, plante, voire planète et constellation. Mais pour le voir, il faut s’éduquer par expérience personnelle, retirer ses lunettes et se laisser réjouir par la vie.
"Prendre conscience de notre être véritable, c'est réaliser le sens de notre vie en relation avec le cosmos tout entier, c'est nous identifier à la divinité qui pénètre toute vie, qui est derrière chaque pensée que nous avons, chaque forme que nous voyons, chaque fleur que nous rencontrons."
Ma Anandamayi
* Dieu est personnifiant. Il nous entraîne à chercher toujours plus en nous, à nous personnifier. Il facilite ainsi le passage d’une idée abstraite de la nature humaine (l’homme est matière et pense par hasard) à l’idée de la personne humaine tendant à devenir personne divine (l’homme est esprit avec un corps matériel). Mieux, Saint Irénée n’affirme-t-il pas que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ? Cette personnalisation est l’œuvre de la vie d’un homme, chacun à sa manière. C’est ce que les orientaux appelle la réalisation de soi, bien que l’on ne se réalise jamais complètement, sauf peut-être (qui sait ?) au moment ultime de la mort. Mais seuls ceux qui sont de l’autre côté peuvent le savoir.
* Dieu est celui qui est plus nous-même que nous-même. Enfin, certains entrent en relation avec Dieu et font l’expérience de Dieu en tant que personne. Comment ? Seuls ceux qui en ont fait l’expérience le savent et peuvent en parler.
" Lorsque l'âme est libérée du temps et de l'espace, le Père envoie son Fils dans l'âme."
Maître Eckhart
"On atteint la perfection de la connaissance lorsqu'on voit Dieu en chaque homme."
Ramakrisna
_ _ _
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28/09/2018
Équerre
L’eau seule est d’équerre
Avec la verticalité du rêve
Le plan et … le vide
Où donc as-tu tenté ta chance
Dans l’eau qui glisse
Ou l’ombre qui se dérobe ?
Chaque ondulation te rapproche
Le saut se révèle-t-il ?
Ce n’est pas encore le moment
Laisse-toi charmer par l’étincelle
Enrobé de lumière, le soir
Dévide sa prestance et son souffle
Enfoui dans l’eau, perdu
Je contemple le coucher
Comme un gamin ensorcelé
« Approche… Approche… »
Mais la brise te pousse
Et t’empêche d’atteindre ce mur
Qui sépare la réalité du rêve
Le poids de ton corps dans l’eau
Ou la poussée de l’imagination
Qui te fait bondir
Au-delà du paysage
Et t’entraîne sur la pente
Des images qui défilent
Une à une d’abord
Puis ensemble, mêlées
Enlacées, superposées
Jusqu’à la rupture mentale
Parfois les gouttelettes te voilent
L’attrait du vide attirant
Mais t’empêche de dépasser malgré tout
Le trait de l’horizon
Qui ferme ton existence
Et t’ouvre à l’inconnu
Au sans nom
Aux formes doucereuses
A l’angle de tes remords
Et l’arrondi de ta chute
Tu passes la tête
Sans vraiment jeter un coup d’œil
Ton corps frissonne d’effroi
Ton cœur se soulève et pleure
Mais tu ne peux t’empêcher
D’éprouver le pincement
Du bonheur interdit
Et cette délicate assurance
Que donne le manteau bleu
Des jours sans nuages
Tu es prêt à sauter
A franchir la ligne de l’horizon
Pour t’envoler hors de toi
Dans l’azur libre d’objets
Peuplé de rêves et d’idoles
Tu quitteras le liquide froid
Pour l’air échaudé du virtuel
Et peut-être même
Pour l’indescriptible
Ce sera la fin
Dans la joie folle
D’une vie bien remplie
Où les paysages sont mouvants
Et les baisers si doux
© Loup Francart
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27/09/2018
Ephistole Tecque (6)
Aussi vivait-il toujours cinq ou six ans après son installation (s’était-il d’ailleurs installé) en face de la même glace, la même armoire, dans le même lit dont le côté droit était légèrement affaissé parce qu’il y dormait plus souvent que sur le côté gauche. Et sans doute cet affaissement involontaire était-il une des seules transformations de sa chambre et du mobilier, si ce n’est l’entassement continuel de revues techniques et de journaux spécialisés qui, après avoir encombré les placards, débordaient maintenant des extrémités de la pièce vers son milieu, enduits d’une légère couche de poussière.
Madame Irmide, sa logeuse, semblait avoir trouvé dans son bon sens de matrone affable, le véritable problème d’Ephistole. A quoi bon ! Tel était souvent son dernier mot. Pour quoi faire ? demandait-il également. Ephistole ne croyait pas à grand-chose comme beaucoup de ses congénères qu’il croisait chaque matin en se rendant à l’usine. Croire à quoi, disait-il, et d’abord qu’est-ce que croire ? Croyez-vous qu’il faille croire à quelque chose pour vivre. Certainement pas. Ce manque de croyance n’empêchait pas Ephistole de vivre, c’est-à-dire chaque matin de se lever à sept heures après avoir rêvassé dans son lit, de se raser et de se laver tout en faisant chauffer sur un petit réchaud de fonte l’eau dans laquelle il mettait un sachet de thé à infuser, puis d’enfiler son imperméable tout en buvant sa tasse de thé trop chaude, de traverser la ville, une partie de la ville dans la tiédeur du petit matin, pour ouvrir d’un geste décidé la porte de son bureau et se plonger dans d’invraisemblables calculs qui s’accumuleront dans des chemises entrouvertes sur une table.
Cette absence de désir ne l’empêchait nullement de prendre de bon appétit son déjeuner au self-service de l’usine en compagnie d’autres ingénieurs aussi peu bavards que lui. Ils échangeaient cependant, par politesse ou distraction, quelques mots sur le temps toujours aussi pluvieux et maussade ou sur des arrivages de matières premières, en retard comme à l’accoutumée. Enfin, chaque soir, malgré son absence certaine de croyance en quelque chose, il rentrait chez lui pour se déshabiller et plonger distraitement dans les draps fripés de la veille. Ainsi vivait, depuis huit ou neuf ans, Ephistole Tecque, ingénieur chimiste.
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26/09/2018
La vertu
Ce n’est que dans le renoncement que l’homme accède à la véritable vertu (accéder à quelque chose et non pas la posséder). S’il se tend perpétuellement vers la vertu, il finira peut-être par la posséder, mais il la perdra par le fait même de sa possession.
Quand l’homme faute, ce n’est parce qu’il est insuffisamment vertueux, mais parce qu’il ne renonce pas suffisamment à lui-même.
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25/09/2018
Pierres
Pierres et silence…
Un rapace se jette du ciel
L’insecte sous la feuille
Cache ses pieds multiples
L’eau a déserté l’espace
Qui se fait lourd aux pas
Rien ne bouge
Seule la tête ronronne
Tournant dans le vide
Hébétée par le poids
D’une existence réduite
Au cri obsédant de la buse
L’avancée ouatée craque
Sous la chaussure amortie
Le bois et le feuillage allégés
Fouettent ton passage taciturne
Le lézard te regarde
Et disparaît dans son trou
L’automne pourtant est là
La lumière s’estompe
Les bruits s’étouffent
Les moteurs se font discrets
La dormition programmée
Berce l’irréalité de la présence
L’homme n’est rien
Au sein du minéral
© Loup Francart
07:13 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
24/09/2018
Preuves de l’existence de Dieu (4)
Nombre d’arguments ont cherché à fonder rationnellement la croyance en l’existence de Dieu. On parle alors de « preuves de l’existence de Dieu », quoiqu’il en soit de leur réussite à appuyer cette croyance. Ces preuves peuvent passer par la déduction ou par les présentations de faits. Depuis Kant, on distingue habituellement :
* Des preuves ontologiques,
* Des preuves cosmologiques,
*Des preuves téléologiques.
La preuve ontologique part du concept de Dieu. L’analyse du concept de Dieu suffirait à prouver son existence, car il est dans la nature même de Dieu d’exister. Anselme a donné un argument célèbre de ce type en s’appuyant sur l’idée de grandeur (Proslogion, chapitre II). Descartes fait de même en utilisant l’idée de perfection (Méditation V). Depuis Kant, on considère généralement ce type d’argument comme fautif (CRP, AKIII 4016). Frege propose également une critique de l’argument dans les Fondements de l’arithmétique.
La preuve cosmologique part de l’existence du monde. Le monde existe, il lui faut donc une cause. On remonte ainsi à un Dieu comme cause première. La preuve téléologique voit une finalité dans la nature. Le monde porterait la trace d’un dessein qui doit être attribué à un être intelligent et personnel, et on remonte ainsi à un Dieu.
La preuve téléologique (ou physique) : La nature doit avoir ses fins comme l'humanité a les siennes, et cette double idée d'une finalité en nous comme hors de nous conduisit la pensée à la notion d'un Dieu, toute sagesse et toute justice, qui en serait l'auteur.
07:02 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : divin, divinité, absolu, déité, logos | Imprimer
23/09/2018
Ephistole Tecque (5)
Il était né dans une de ces rues rectilignes, anonymes malgré la plaque bleue sur laquelle s’inscrit un nom à moitié effacé, dans une de ces maisons de pierres moites qui laissent en automne couler quelques gouttes de sueur accumulées pendant les fortes chaleurs de l’été, peut-être dans un de ces appartements quatre pièces-cuisine-tout-confort, où le lavabo se trouve à côté de l’évier et la baignoire à proximité du vide ordure, à moins que ce ne fût dans une de ces chambres achevant la construction verticale de l’immeuble où s’entassent à côté d’objets hétéroclites, une table et un lit dans lequel s’enfonce le soir, épuisée, une de ces bonnes à tout faire qui font tout, même des enfants naturels. Sans doute est-ce d’une de ces filles quelconques dont la seule distraction est justement de recevoir des valets de chambre plus stylés qui, malgré l’abandon de la chambre, acceptent de partager leur lit, sûrement donc est-ce de l’une d’entre elles qu’il a eu le bonheur, ou le malheur, de voir le jour pour la première fois, ou plutôt une obscure lueur qui n’avait pas grand-chose à voir avec la véritable lumière du jour. Si j’avance une telle supposition (supposition de sa naissance dans une telle chambre, entre des draps défraichis, après une journée fatigante), c’est qu’il n’y a pas d’autres moyens d’expliquer son enfance à l’assistance publique, parmi d’autres gosses aussi éteints que lui.
Ensuite la trace d’Ephistole se perd jusqu’à l’acquisition de son diplôme d’ingénieur chimiste, quelques vingt ans après, peut-être un peu plus, peut-être un peu moins. Diplômé, Ephistole semblait partir d’un bon pied dans la vie, solidement armé pour la bataille individuelle, prêt à lutter à grands coups de chiffres et d’équations. Il manquait quelque peu d’ambition, comme si l’acquisition de son diplôme avait éteint en lui tout désir d’accéder à un niveau plus élevé dans l’échelle sociale. A quoi bon, disait-il. Peut-être était-ce là le drame d’Ephistole ? C’est du moins ce qu’avait cru comprendre sa logeuse, car à chacune de ses questions concernant l’aménagement éventuel d’une des parties des deux chambres qu’il occupait, il avait vaguement haussé les épaules et répondu : à quoi bon.
_ Vous serez mieux, Monsieur Tecque, avait rétorqué la vieille femme étonnée.
_ Croyez-vous que le fait de mettre une nouvelle glace au-dessus de mon lavabo va changer quelque chose à mon existence ? Je ne pense pas, répondait-il de sa voix lasse.
07:18 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
22/09/2018
Maxime
L’homme a besoin de soucis
Tant qu’il n’a pas réalisé
Le vide divin qui l’aspire
Les soucis sont une assurance
Pour éviter la chute dans le néant
07:47 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
21/09/2018
Cloche
Quelle cloche !
Pourtant mieux vaut se taper la cloche
Plutôt que de plonger sans cloche
A l’ombre de l’horticole cloche,
Coiffé d’un ridicule chapeau cloche
Et se pavaner de sa noblesse de cloche !
Face à une courbe en cloche,
Le mathématicien utilise la cloche à oxygène,
Quitte à se faire sonner les cloches,
Pendant que d’autres déménagent à la cloche de bois,
Préférant passer pour une cloche.
Oui, qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son.
Il n’est pourtant pas cloche à ce point,
Aurait-il perdu sa cloche à oxygène ?
Mieux vaut pourtant entendre un autre son de cloche.
Faire une bonne cuisine sans cloche
C’est sans doute avoir la cloche fêlée.
Seules, les femmes aux jupes cloche
Sont capables de faire fondre leur cloche.
Mais… Qui donc n’a pas la cloche fêlée ?
© Loup Francart
07:42 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer
20/09/2018
Le nom de Dieu (3)
Alors comment donner un nom à l’ensemble des concepts relatifs à l'existence du Tout Autre :
* Dieu, Père, Créateur, Protecteur, etc.
* La « monade », terme employé en métaphysique, qui signifie étymologiquement « unité » (μονάς monas). C'est l'Unité parfaite qui est le principe absolu. C'est l'unité suprême (l'Un, Dieu, le Principe des nombres), mais ce peut être aussi, à l'autre bout, l'unité minimale, l'élément spirituel minimal. Plus subtilement, la notion de monade évoque un jeu de miroirs entre l'Un, la Monade comme unité maximale, et les monades, les éléments des choses ou les choses en tant qu'unités minimales, reflets, de l'Un ; une chose une est comme un microcosme, un reflet, un point de vue de l'Unité ; une âme dit partiellement ce qu'est l'Âme, celle du monde, ou l'Esprit.
* Le logos, au sens de Héraclite « le Un unifiant le Tout », synthèse entre la pensée et l’être (chez Platon, les stoïciens, Hegel, etc.). C’est la raison divine, sort, raison organisatrice, explicatrice de l'univers. C’est le Logos, terme que Pythagore, Platon et les premiers philosophes chinois ont également employé pour exprimer la manifestation de l'être ou de la raison suprême (Maine de Biran, Journal, 1823, p. 381).
* "Je suis". Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis ». Et il ajouta : C'est ainsi que tu répondras aux enfants d'Israël: Celui qui s'appelle "Je Suis" m'a envoyé vers vous. (Exode 3).
Mais un nom permet-il d'englober un concept ou une vision aussi vaste que celle du Tout Autre ? Permet-il également d'avoir des certitudes ? Surement pas !
07:32 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : divin, divinité, absolu, déité, logos | Imprimer
19/09/2018
Ephistole Tecque (4)
Ephistole était donc un homme tranquille. Le dimanche, quand aucun travail ne venait troubler le repos qu’on accordait bien qu’en fait il n’en éprouvât pas la nécessité, il lui arrivait d’enfiler un imperméable sur son costume de flanelle après s’être rasé d’un peu plus près que d’habitude, pour se rendre chez un ami dont la femme avait préparé à son intention quelques plats mijotés qu’il appréciait en connaisseur. Il arrivait aux environs de midi et demi après avoir traversé une partie de la ville ou même après être descendu dans ses profondeurs pour prendre le métro, praticable à cette heure. Il sonnait à la porte en tendant un bouquet de fleurs acheté la veille chez la fleuriste qui fait le coin de sa rue avec le boulevard, ou d’autres fois soutenant à la manière des garçons de café un carton enrobé de papier gonflant dans lequel se trouvaient côte à côte trois ou quatre tartelettes de cerise rouge passée. Il ne confiait jamais à cet ami d’occasion, bien qu’en fait ils se connaissent depuis longtemps, ses pensées sur l’art de vivre ou l’incertitude de la mort. Ils discourraient tranquillement un verre à la main des derniers projets de l’usine, des travaux en cours sur les grands boulevards ou encore de l’accident de la route survenu la veille (il y a toujours de tels sujets de conversation qui semblent occuper l’attention des gens, mêmes si ce qu’ils disent, ne les concerne pas).
Il repartait ensuite vers quatre heures, l’imperméable sous le bras ou légèrement entrouvert parce qu’il avait cessé de pleuvoir en début d’après-midi. Il rentrait chez lui à pied, lentement, grossissant le flot des promeneurs du dimanche qui ne se promènent que parce que c’est une nécessité ce jour-là, n’en ayant pas réellement ressenti le besoin. Si le temps était véritablement clément, il se dirigeait vers les jardins du Centre, sans doute pour voir quelques arbres à demi effeuillés ou pour sentir la terre meuble s’enfoncer sous ses pieds, ou encore pour regarder courir les enfants que les mères affolées appellent continuellement et qui paraissent sourds à toute réprimande. J’ai même pu voir Ephistole, un de ces dimanches où le soleil apparaissait pendant quelques minutes avant d’être à nouveau voilé entre les nuages, renvoyer à quelques gamins bruyants une balle venue s’égarer sous ses pieds. Mais jamais, si par hasard un des gamins renvoyait la balle dans sa direction, pour s’amuser, je ne l’ai vu renouveler ce geste du pied droit suivi d’un balancement du buste.
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18/09/2018
L'arbre des possibles (2/2)
Et au fond, peut-on prétendre que l’une ou l’autre hypothèse (le séquoia ou le chêne touffu) est préférable, plus noble, plus humaine même ? Qui peut dire quelle est la meilleure part : persévérer jusqu’au triomphe (atteindre la place la plus élevée en fonction de son aptitude préférée) ou développer le maximum de possibilités en abandonnant la montée par lassitude ou envie de changement ?
Notons tout d’abord que, d’une manière générale, les attendus d’un homme ou d’une femme sont différents selon son âge. Il est possible de distinguer trois grands temps dans la vie d’un humain. Tout d’abord le temps de l’aventure, celui qui correspond à l’adolescence et au jeune adulte (16-35 ans). C’est le temps de la folie, où l’homme veut se distinguer des autres, accomplir son rêve quel qu’il soit. Cette aventure peut être orientée vers le sport, l’exploration, la mystique, la conduite des hommes et bien d’autres choses encore. Ce qui compte, c’est avant tout la passion que la jeunesse met à cet engagement. Il veut montrer de quoi il est capable. Cela marche ou non. Il s’est fait les dents aux dures réalités de la vie, mais il a pu s’exprimer et donner libre cours à ses envies. Progressivement vient le temps de la méthode, qui correspond à l’âge mûr (environ 35-60 ans). L’acquisition de la réflexion et d’une certaine connaissance conduit l’adulte à évoluer dans sa façon d’aborder le monde et de s’y distinguer. Il ne s’agit plus d’imposer sa fougue, mais de mettre en évidence sa méthode pour conduire vers une meilleure société, quel que soit son domaine d’activités. Cela lui permet de s’imposer socialement et familialement, de fabriquer son personnage social et de tisser des liens qui l’aideront à monter dans l’échelle sociale. Enfin, doit venir, plus tard, le temps de la créativité personnelle, mieux même, celui de la réalisation personnelle, c’est-à-dire le ou les grand(s) projet(s) qui ont muri progressivement au cours des temps précédents. Ce temps arrive vers 55-65 ans, peut m’être qu’un passe-temps, un hobby, la mise en valeur d’une vocation cachée, dans tous les cas un type d’engagement personnel et non plus sociétal, dans lequel l’homme exprime son être intime et le pose comme étant sa marque sur le monde. Les uns se mettent au service de leurs semblables, les autres au contraire s’enferment dans leur projet en se désintéressant de la société dans laquelle ils vivent. Ils peuvent se lancer dans des activités artistiques, des engagements dans des associations, se mettre au service d’activités familiales. C’est un monde très ouvert où il se réalise personnellement dans un domaine qui l’attire, l’occupe et lui donne un but dans sa nouvelle vie dégagée de la construction de son avenir dans la société.
Remarquons qu’il en est différemment pour la plupart des femmes pour lesquelles la nature s’impose plus vite que les hommes. Oui, de nos jours, elles vivent plus ou moins le temps de l’aventure, elles attendent et vivent avec intensité le temps de la méthode (jusque vers 45 ans) dans laquelle la réalisation sociétale passe le plus souvent par la construction d’une famille, le temps de la réalisation personnelle ne venant que lorsque les enfants ont également trouvé leur voie et se sont lancés dans leurs premières aventures individuelles.
Chaque homme et chaque femme vivent plus ou moins ces trois temps. Certains ne vivent que le premier, engagés dans leur fougue et l’aventure. D’autres esquissent ou même zappent le premier temps, s’engageant au plus vite dans le second, par manque d’intérêt pour le premier ou poussés par leur environnement social ; enfin, le troisième temps ne peut être vécu que par une préparation personnelle, encouragée au cours des deux temps précédents. Combien de personnes à la retraite voit-on démunies d’intérêts intimes qui les conduisent à une fin à la fois sociétale, sociale et personnelle.
Vivre ces trois temps à leur rythme, sans impatience ni excès, accepter le passage de l’un à l’autre comme faisant partie d’une vie bien remplie, se préparer même à ces changements en les anticipant sans cependant les déclencher en avance et choisir le moment du passage de l’un à l’autre en toute quiétude, telles doivent être la sagesse et finalement la joie d’une vie humaine bien remplie. Peu importe le barreau atteint dans l’échelle permettant de comparer les vies entre elles. Ce qui compte, c’est notre capacité à s’enrichir intérieurement de tous ces temps qui nous sont donnés pour devenir pleinement homme ou femme accompli(e).
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17/09/2018
L'arbre des possibles (1/2)
Dans son livre L’identité (Gallimard, 1997), Milan Kundera évoque Chantal, l’héroïne du livre, qui reçoit des lettres anonymes aux réflexions philosophiques : En bas, elle ouvrit la boite où une nouvelle lettre l’attendait. Elle trouva un petit jardin public où elle s’assit sous l’immense ramure automnale d’un tilleul jaunissant, embrasé par le soleil. « …vos talons qui sonnent sur le trottoir me font penser aux chemins que je n’ai pas parcourus et qui se ramifient comme les branches d’un arbre. Vous avez réveillé en moi l’obsession de ma prime jeunesse. J’imaginais la vie devant moi comme un arbre. Je l’appelais alors l’arbre des possibilités. Ce n’est que pendant un court instant que l’on voit la vie ainsi. Ensuite, elle apparaît comme une route imposée une fois pour toutes, comme un tunnel d’où on ne peut sortir. Pourtant, l’ancienne apparition de l’arbre reste en nous sous la forme d’une indélébile nostalgie… »
Cet arbre des possibles de la vie d’un homme ou d’une femme naît en réalité avant même la naissance de la personne à laquelle il est associé. Il est déjà chargé du poids de l’histoire de la société et de la famille. Les possibles ne sont pas les mêmes selon les lieux, l’époque et les événements vécus autour de la personne. Ils ne sont pas non plus semblables selon le caractère hérité de sa famille. Enfin, ils dépendent de l’histoire de sa jeunesse et de ses réactions face aux aléas de la vie avant cet instant fatidique où elle se demande ce qu’elle va faire de sa vie. Kundera suggère, sans l’expliciter, que la vision de cet arbre est éphémère et que l’arbre n’atteint jamais sa maturité, restant cette perche droite et unique qui devient un tunnel, donc une prison. Est-ce si sûr ? N’avons-nous qu’un seul destin ?
Constatons d’abord que cette affirmation semble vraie. La plupart des gens choisissent un métier et s’y tiennent, malgré les déceptions et l’attrait d’autres possibilités. Cela leur donne une stabilité qui leur semble nécessaire pour accomplir leur vie dans un calme relatif, à l’abri des aléas toujours possibles. Sans doute est-ce pour cela que le fonctionnarisme a tant d’adeptes dans la population française. Dans cette prison qu’ils s’imposent à eux-mêmes, ils tentent de trouver leur liberté, se fermant progressivement les portes par leurs choix professionnels, familiaux (le mariage, les enfants…), les loisirs qu’ils pratiquent, les amis qu’ils fréquentent, etc. Pour les uns, ces choix sont libres, ils s’y tiennent et cela leur permet de construire leur vie selon leurs désirs. Pour d’autres, ces choix deviennent ligne droite, une route qui conduit vers la fin, inexorablement. Certains en sortent fiers de n’avoir pas variés, d’autres contemplent leur arbre avec nostalgie, comme le remarque Kundera.
Remarquons néanmoins qu’il existe d’autres perspectives et que certains arrivent à déployer les ramures de leur arbre sans scier les branches sur lesquelles ils sont assis. Un exemple ? Jacques Brel. Son nom me vient à l’idée parce que j’ai vu hier une émission de télévision qui racontait sa vie. Il refuse la carrière industrielle et familiale préparée par sa famille, il part à Paris et peine à s’imposer comme chanteur. Lorsque le succès est là, il abandonne la scène et tourne des films. Puis, il décide faire le tour du monde en voilier et devient, dans le même temps, pilote de bimoteur. Enfin, atteint d'un cancer du poumon, il se retire aux îles Marquises où il fait l’avion-taxi pour les populations. Nombreux sont les exemples de personnes ayant empruntées des embranchements très différents au long d’une vie chargée de rebondissements passionnés. Lesquels faut-il admirer : ceux qui n’ont qu’une route, imposée une fois pour toutes, ou ceux qui vagabondent de branche en branche et s’assiéront le soir de leur vie à l’ombre de leur chêne touffu ?
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16/09/2018
Jean-Marie Drouet, à la galerie 26
Une explosion de couleurs et de mouvements ! Et pourtant, le temps ne coule pas, c’est un perpétuel été dans le bruit des conversations et l’odeur du goémon. Un flou fondé sur les détails : une attitude, un geste, une maison isolée dans un paysage non identifié.
A quoi cela tient-il ? Des ciels uniformes, sans nuages ni éclaircies, des sols (sable ou macadam) homogènes, une mer grise ou bleu ou verte, mais des personnages mouvants, animés, même lorsqu’ils sont représentés immobiles, dus à la succession de coups de pinceau côte à côte, donnant l’impression d’images de film presque saccadées qui procurent un tremblement léger ou l’illusion de mouvement. Un spectacle serein qui calme l’esprit et procure une vraie détente.
Dans cette nouvelle exposition, pas de scènes de plages (quoi que...) mais la côte Est des États-Unis ; le Maine, le Massachusetts, Boston, Cape Cod, des pontons et des maisons en bois ...
Son site internet (http://www.jeanmariedrouet.com/bio/) nous donne une biographie succincte et même absente : Le sujet principal de ses peintures reste la peinture elle-même, car c’est en nous donnant à voir une réalité aux visions multiples que son travail nous parle du quotidien sans nous l’imposer. Chacun y verra ce qu’il veut y voir, car ce n’est pas la réalité qui compte, mais ce que l’imagination peut en faire.
Alors rendez-vous la galerie 26 place des Vosges 75003 Paris.
Vous serez bien accueilli !
07:25 Publié dans 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, huile, etats-unis, hopper | Imprimer
15/09/2018
Délivrance
Il est là, assis, tranquille, en idylle
Insensible aux mouvements du monde
Le cœur ancré dans la légèreté velue
De son moi proéminent et chéri
Il rumine sa faconde, disserte
Raconte par le menu les détails
De son errance insolite parmi les étoiles
Il exalte le bien-vivre et la rondeur
Et passe parmi les hommes
Sans même les regarder
Soudain, un trou d’air, une dépression
Qui bloque son cœur et ouvre l’être
C’est une explosion sans précédent
Qui s’engouffre dans son enveloppe
Et déchire la façade de l’apparence
Les lambeaux de souvenirs s’échappent
Soulevés par le vent de la déraison
Ils tombent à terre, desséchés
Comme la mue fripée du serpent
Le vent grossi, c’est une tempête
Qui balaie les poussières collantes
Gratte, gratte encore et toujours
Ces déchets mémorables et sordides
Jusqu’à la transparence immaculée
Qui se cache au fond de ta créature
Délivre-la de ses concessions
Et affiche ta désinvolture aux dieux
D’une société ignorante du frisson
Qui te glace chaque matin
Et t’enferme le soir, perdu
Ouvert à tout vent, nu
Devant ton émerveillement
D’être présent et vaillant
Pour contempler la beauté
La vérité et la bonté
D’un monde où le vide
Devient le plein, empli de rien
Sauf de chaleur poignante
Qui étreint le cœur, dilate l’esprit
Écrase le corps, le laissant exsangue
Mais délivré du poids de l’existence
Et heureux de n’être rien
© Loup Francart
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14/09/2018
Ephistole Tecque (3)
Si vous l’avez donc vu dans l’une quelconque de ces circonstances, sans doute ne vous en rappelez-vous que très vaguement et éprouvez-vous des difficultés à faire renaître l’image de son visage devant vos yeux. Etait-il petit, grand, maigre, étoffé ? Si, comme vous, je ne l’avais connu que par hasard (et on ne prend jamais assez garde aux faits qui arrivent par hasard), si je n’avais fait que le croiser, parmi d’autres personnes sans doute plus originales et par conséquent plus attirantes au premier regard, j’éprouverais également une certaine difficulté à retracer les traits réguliers de son visage, ce nez qui n’est ni trop droit, ni trop courbé, cette bouche symétrique aux lèvres vives, ce menton enfin qui donne à son visage une douceur enfantine. Peut-être me serais-je souvenu, et ce doit être votre cas si vous avez un tant soit peu levé les yeux sur lui, d’une certaine lucidité du regard, une lucidité parfois cinglante, à la limite de l’ironie. Il est possible que vous n’ayez rien vu, soit qu’il fut alors absorbé par un problème intérieur, soit qu’il fut occupé à lire son journal. Dans ces circonstances, il est de règle générale que le regard des gens ne semble pas exprimer grand-chose, si ce n’est l’attention dans le second cas, ou l’inattention dans le premier (inattention aux événements extérieurs, j’entends). Ainsi, lorsque je veux évoquer le visage d’Ephistole Tecque, ce n’est pas ce visage qui m’apparaît en premier, mais un objet qu’il regarde, un objet ordinaire qui peut être une casserole, un cendrier ou une affiche. De cet objet, je déduis le regard qu’il peut avoir, qu’il a normalement en le contemplant, bien que ce ne soit pas une véritable contemplation, mais plutôt une sorte d’arrêt dans la permanente mobilité des yeux. Puis, peu à peu, se dessine autour de ce regard le reste de son visage en commençant par les lèvres qui sont sûrement le second trait sur lequel se fixe le souvenir.
En fait, pour être franc, et je suppose qu’il en est de même pour vous, ce n’est pas son visage dont j’évoque l’image, mais plutôt une de ses attitudes, une de ces multiples photographies que nous possédons en nous-mêmes d’un être que nous connaissons un peu où même dont la connaissance semble très ébauchée ; une de ces photographies privées de décor comme si l’être évoqué avait été transporté en plein ciel, en dehors de toute matière visible, ou encore plongé dans l’eau claire d’une piscine où il évoluerait avec aisance. Et encore, est-ce vraiment une attitude ? Ne serait-ce pas plutôt l’ébauche d’un mouvement, ou son achèvement, ou même cet état de tension musculaire et rythmique qu’impose le mouvement pendant son accomplissement. Il est possible enfin d’évoquer plusieurs phases continues d’un même mouvement, par exemple Ephistole écrivant à son bureau et dont la main après être arrivée à l’extrémité droite de la feuille sur laquelle elle trace d’irrégulières lignes revient d’un mouvement périodique à l’extrémité gauche ou plutôt à l’endroit où la marge cesse.
04:47 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
13/09/2018
De quel dieu parle-t-on ? (2)
Lorsqu'on parle de Dieu, de quel Dieu parle-t-on ?
* D’un Dieu unique, défini par des textes révérés, gelé dans une théologie quelque peu emprisonnante. Ainsi parle-t-on de Yahvé, du Père, d’Allah.
* D’un Dieu moins défini, non personnalisé, plus intérieur peut-être, comme les religions orientales le décrivent : bouddhisme, hindouisme, taoïsme, confucianisme. Ce sont tout à la fois des religions, des philosophies, des morales
* Des dieux multiples de la Grèce antique ou de religions indouistes : s’y rattache le vitalisme tradition philosophique pour laquelle le vivant n'est pas réductible aux lois physico-chimiques. Elle envisage la vie comme de la matière animée d'un principe ou force vitale, qui s'ajouterait pour les êtres vivants aux lois de la matière. Selon cette conception, c'est cette force qui insufflerait la vie à la matière. Selon André Lalande, le vitalisme est une « doctrine d'après laquelle il existe en chaque être vivant un "principe vital", distinct à la fois de l'âme pensante et des propriétés physico-chimiques du corps, gouvernant les phénomènes de la vie ». Le vitalisme est donc le mouvement philosophique qui tend à poser un concept immanent dont le fondement est la conciliation du matérialisme avec l'idéalisme ; tous deux pris dans leur vision grossière: le primat de la matière ou le primat de l'esprit sur le sens des choses.
* Des esprits : L’animisme, (du latin animus, originairement « esprit », puis « âme ») est la croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des génies protecteurs. Ces âmes ou ces esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités animales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non. Il convient donc de leur vouer un culte. Ainsi défini, comme « croyance à l'âme et à une vie future et, corrélativement, croyance à des divinités directrices et des esprits subordonnés », l'animisme peut caractériser des sociétés extrêmement diverses, situées sur tous les continents.
* D’un Dieu concept, sans prise sur le réel, créateur d’un monde cartésien, tel celui du siècle des lumières et de la révolution française, opposant au Dieu d’une société figée la liberté par le rationalisme, allant du déisme de Voltaire et de Rousseau à l’athéisme de Diderot et d’Helvétius. L’homme devient le seul Dieu.
* D’un Dieu inconnu, le logos ou la monade indescriptible, indéfinissable parce que dépassant la pensée humaine, et qui est immanent et transcendant.
* De l’inconnaissance : l’inexprimable, qui laisse entrevoir à certains moments la porte d’une autre existence, l’indescriptible, qui ne peut être connu, l’inconnaissable, qu’on ne peut connaître conceptuellement, mais bien réelle et expérimentale par la révélation d’une expérience intérieure. On peut l’appeler le divin, sphère enveloppant le Tout et lui donnant existence et sens.
07:07 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : divin, divinité, absolu, déité, logos | Imprimer
12/09/2018
La beauté
La beauté me sort de moi-même
et me donne d'aimer sans réserve
10:34 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
11/09/2018
Existence
Il était là et mourait de ne pas savoir.
Mais que cherchait-il encore à connaître ?
La vie, seule, qu’il chérissait, sans jamais pouvoir
En être malgré tout le véritable maître.
Oui, la vie ne lui offrait plus assez d’espace
Pour expérimenter la connaissance acquise.
Il naviguait sans oser regarder en face
Les trésors chinés et les rêveries conquises.
Il savait que la vie n’est affaire que de temps ;
Que quel que soit le lieu, elle s’appuie sur la durée,
Et que l’existence fonctionne à contretemps,
S’amenuisant sans même pouvoir murmurer.
Alors il fit aux dieux ce constat sauvage :
« Vous m’avez doté d’un immense territoire.
Je termine sur un glaçon sans rivage
Et me noyer devient ma seule échappatoire ! »
© Loup Francart
07:49 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, écriture, poème, littérature | Imprimer
10/09/2018
Ephistole Tecque (2)
Il est cependant peu probable, je n’irai pas jusqu’à dire impossible, que vous ayez eu une véritable conversation avec lui, une conversation mettant en jeu de grandes idées, telle qu’une discussion sur la solitude de l’homme ou la nécessité des rencontres sociales. Ephistole n’était pas un grand parleur. Il n’aimait pas vraiment parler, sauf de son travail qui paraissait l’intéresser jusqu’à ces derniers temps. Fréquemment, et peut-être était-ce pour cela que vous ne l’avez pas rencontré si vous avez l’habitude de sortir à l’heure de fermeture des bureaux, il restait assez tard à l’usine pour parfaire la mise au point d’un nouveau projet ou pour exploiter une idée qui lui était venue avant la fin du travail. Il ne retenait personne, pas même sa secrétaire. Il préférait de beaucoup l’immobilité et le silence du bureau après les heures de travail aux moments agités qui en précédaient la fin. Renvoyant donc Sigalène, sa secrétaire, il s’installait à son bureau de bois blanc sur lequel étaient posés ses instruments de travail : quelques feuilles de papier, des classeurs contenant les projets en voie d’achèvement et plusieurs revues concernant de récentes découvertes pouvant l’aider dans ses recherches. Il s’asseyait et restait là plusieurs heures, le front soutenu par la paume tiède d’une de ses mains tandis que l’autre couvrait la page blanche de mots et de chiffres. Puis il enfilait son imperméable beige et refermait la porte derrière lui.
Certains jours où une nouvelle idée concernant les projets entassés sur son bureau n’avait pu éclairer l’après-midi, il partait en même temps que le reste des employés de l’usine. Vous l’avez peut-être vu sortir un jour par la grande porte métallique enfoncée dans le corps du bâtiment principal, perdu dans la foule des employés qui le bousculaient pour attraper le premier autobus qui passerait à proximité. Importuné, Ephistole prenait le chemin des écoliers. Il remontait lentement le large boulevard bordé d’arbres, s’arrêtant en face de quelques boutiques plus alléchantes que les autres, s’arrêtant aussi dans un bar quand il faisait plus froid pour commander le café qui lui permettrait de continuer plus agréablement cette promenade vers son domicile.
07:01 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
09/09/2018
Que signifie le mot "Dieu"
Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » qui, élargie en deiwo- et 'en dyew-, sert à désigner le ciel lumineux en tant que divinité ainsi que les êtres célestes par opposition aux êtres terrestres, les hommes. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios.
Avec majuscule, la notion de Dieu s’insère dans le cadre des religions monothéistes. Dieu est un être transcendant, unique, à qui on attribue la création de l’univers. Son essence est obtenue en maximisant tous les attributs positifs. Dieu est :
* omnipotent : il peut tout
* omniscient : il connaît tout
* éternel : il n’a ni début ni fin
* suprêmement bon
On le dit également parfait et infini. Un tel Dieu est souvent dépouillé de ses attributs anthropomorphiques, bien qu’ils restent latents.
A côté de ce Dieu unique, on distingue l’existence des dieux, êtres supérieurs, plus puissants que l’homme et doté de pouvoirs surnaturels. On peut également distinguer également des dieux :
* Créateurs du monde / non créateurs
* personnels / impersonnels
* matériels / immatériels
* intervenant dans les affaires humaines / ou non
Attention, ce n'est qu'une première approche, bien insuffisante ! La suite en dévoilera plus.
07:30 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dieu, définition, attributs, ce qu'on en sait | Imprimer
08/09/2018
Le bonheur
Le bonheur se vit dans le silence de l'âme.
L'homme qui ne connaît pas le bonheur en parle sans cesse.
L'homme heureux est heureux et cela lui suffit.
07:02 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
07/09/2018
Prière
Ô Seigneur, Toi l'Unique, le Parfait
Qui se tient au-delà de tout
Et au plus profond de nous-mêmes
Que ta lumière guide nos pas
Que tout être t’exalte
Et chante en toute justesse ta présence
Donne-nous la transparence du soi
Et la droiture de nos pensées et de nos actes
Insuffle-nous le vrai, le bien, le beau
Incite en nous l’amour du cosmos
Et accorde-nous de participer à ta création
© Loup Francart
07:40 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prière, demande, ouverture, vide | Imprimer
06/09/2018
Ephistole Tecque (1)
Ephistole Tecque était un de ces hommes tranquilles que vous pouvez voir chaque jour déambulant sur les trottoirs d’une ville. Vous l’avez peut-être rencontré un jour de promenade ou quand vous vous rendiez à la boulangerie pour acheter la baguette dont vous vous nourrissez avec quelques autres mets plus ou moins bien préparés, de votre main ou d’une autre. Vous l’avez peut-être croisé dans les couloirs de porcelaine sale du métro, dans l’escalier étroit qui mène au bureau de la perception des impôts ou encore en maillot de bain, affublé d’une peau blanchâtre laissant apparaître des touffes de poils à des endroits imprévisibles, alors que vous-même remontiez un peu plus vêtu, à peine, de l’étendue de sable doré où se meurent quelques vagues insuffisamment chaudes.
Il est possible également que vous ayez échangé avec lui quelques mots, peu, et sûrement sans signification, un jour où un petit déjeuner plus consistant qu’à l’accoutumée, vous avait rendu gai et sociable (c’est fou au fond ce que la nourriture peut changer un homme). Peut-être avez-vous échangé deux ou trois phrases dans le métro sur un titre de journal qu’il tenait à la main, qu’il tenait même ouvert entre ses deux mains écartées, et vous avez continué cette ébauche de conversation en parlant du temps pluvieux qui n’était plus le même qu’autrefois. Il est encore possible et sans doute probable, à moins que vous n’ayez pas eu ce soir-là à votre disposition ces petites boites à sons qui diffusent tant de phrases inutiles, que vous l’ayez entendu lors de l’explication qu’il a donnée au ministre de l’industrie qui visitait l’usine chimico-textile dans laquelle il travaillait.
07:51 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle, récit, vie, vacuité, mal-être | Imprimer
05/09/2018
Fin
Il chut sans crainte
Le blanc de l’éternité
Et la mort du noir
04:35 Publié dans 46. Haïku | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : haïku, opposition, contraste, réconciliation | Imprimer
04/09/2018
Un professeur remarquable
Ce professeur était un homme remarquable, à la fois professeur de philosophie et de physique dans les classes de terminale. Il maniait les concepts scientifiques avec autant d’aisance que ceux de philosophie. Sa salle de classe était une toute petite pièce disposant d’une fenêtre qui donnait sur un puits de lumière, sans autre paysage que le mur d’en face à 2 m de distance. Les élèves étaient serrés ; des tabourets permettaient de s’assoir derrière des tables en fer gondolées. Mais peu leur importait, ils entraient dans le salon de Mme de Sévigné, dans la chambre d’un philosophe ou dans le laboratoire d’une université américaine.
Ils l’avaient surnommé Einstein. Il s’appelait Monsieur Moréas. Il portait comme le célèbre savant des cheveux crépus en envol autour de sa tête et se laissait pousser une petite moustache. Il marchait lentement en raison de son âge, un peu courbé, mais ses réparties étaient fulgurantes et drôles. Nous l’écoutions religieusement, subjugués par son verbe. Il disserta un jour sur la femme enchanteresse du monde : « La femme est une amphore, serrée à la taille, s’élargissant aux hanches, sans angles droits, une courbure parfaite, façonnée pour la procréation. La femme est la poésie de la terre, elle nous donne le goût de vivre par sa simple beauté naturelle. » Ses camarades jeunes filles en rosissaient, quelque peu gênées, mais fières de cet hommage du vieux professeur. Il éclairait sur l’origine du monde, leur parlant du Big Bang, étrangeté à l'époque, tout en gardant le mystère de la création présent dans son discours. Il les initia à la pensée logique, à l’imagination créatrice.
Homme complet, il avait un sourire charmant dont il usait lorsqu’il disait quelque chose de personnel et le plus souvent en plaisantant. Sa pensée était profonde, mais il parlait comme s’il disait des choses banales et ses élèves ne soupçonnaient pas les trésors qu’il leur divulguait. Ils l’ont tous remercié à la fin de l’année. Jérôme n’a qu’un regret, c’est de ne pas l’avoir revu. La jeunesse oublie, préoccupée par son entrée dans la vie adulte.
07:50 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enseignement, jeunesse, mystère, cosmos | Imprimer
03/09/2018
Fuite
Fuite des cerveaux
Enveloppé de brouillard
Il fut l’horizon
07:21 Publié dans 22. Créations numériques, 46. Haïku | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin numérique, haïku, au-delà | Imprimer
02/09/2018
Transparence
Être passivement lucide :
Se contenter de l’instant pur
Sans aucun regard
Sur le passé ou l’avenir
04:31 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maxime, sentence, méditation, paradoxe | Imprimer
01/09/2018
Crainte
Il était là et mourait de ne pas savoir.
Mais que cherchait-il encore à connaître ?
La vie, seule, qui embrasse tout le pouvoir
Et qui déploie l’échelle au-delà de son être.
A certains moments, il sentait monter en lui
Le vide de l’espérance et la part de rêve
Que tout homme doit affronter sans sauf-conduit.
Mais il ne pouvait laisser seule son Eve.
Alors il tendait les bras vers sa bien-aimée.
Il la couvrait de caresses amènes et prodiges
Et lui dévoilait la cause de ses vertiges.
Elle ouvrait ses grands yeux et ses lèvres enflammées.
Lançait son cri de désespoir, avec crainte,
Et refusait la joie d’une tendre étreinte.
© Loup Francart
07:33 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poème, écriture, poésie, littérature | Imprimer