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30/06/2018

Maîtrise des aspects du temps dans la musique

Au-delà des notions musicales élémentaires qui permettent de nommer les éléments d’écriture de la musique, il convient également de prendre en compte ce qui fait que la musique est musique et non pas bruits. Sa plénitude s’analyse au travers de plusieurs concepts qui pourront être utiles par la suite dans ses implications avec les opérations militaires.

* Euphonie (beauté de la mélodie, et plus)

Le terme euphonie trouve ses origines au XIVe siècle, du bas latin euphonia, « douceur de prononciation » et du grec euphônia, de eu-, « bien », et phônê, « voix, son ». Il désigne la qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre  (par opposition à Cacophonie). Également utilisé en linguistique où il signifie la qualité des combinaisons de sons considérées comme agréables à entendre ou faciles à prononcer.

. Certes, parler de la beauté d’une opération peut sembler excessive et inusité, mais certains historiens militaires se réfèrent à la beauté de l’opération du général Leclerc lors de la traversée des Vosges.

. Cette notion met également en évidence l’importance de la communication dans les opérations militaires qui donne du sens à tous ceux qui la suivent, s’y opposent, la subissent ou encore la commentent.

* Harmonie (beauté de l’harmonie ou du contrepoint, et plus)

Le terme harmonie vient du grec harmonia, « assemblage ; ordre harmonieux ; accord de sons ». Déjà cité, il signifie en technique musicale l’art d’accommoder les sons émis en même temps, mais il implique plus largement l’idée que ces sons se combinent d'une manière agréable à l'oreille. Par analogie et en élargissant la notion, l’harmonie désigne la concordance des parties d'un ensemble qui concourent à une même fin. L’harmonie implique donc un rapport d'adéquation, de convenance, entre des êtres ou des choses.

* Eurythmie (beauté du rythme, et plus)

Le terme eurythmie est issu, au XVIe siècle, du latin eurythmia, « harmonie dans un ensemble » et du grec eurhuthmia, « mouvement bien rythmé », de eu-, « bien », et rhuthmos, « mouvement réglé ». Il désigne la qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre. L’eurythmie est la beauté qui résulte de la combinaison harmonieuse des sons, des lignes, des formes, des mouvements. D’une manière plus générale, elle désigne la beauté des proportions, du rapport des parties entre elles et avec l'ensemble.

 

Éléments liés au temps

Diachronie :

succession des moments

Synchronie :

simultanéité des moments

 

Rythme :

Cadence des moments

 

Appréciation de la beauté

Euphonie : qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre

Harmonie : combinaison des sons simultanément émis, considérés comme agréable à entendre

Eurythmie : qualité de la répartition des ictus (succession de temps forts et faibles), considérés comme agréables à entendre

Technique

Mélodie

Harmonie ou contrepoint

Tempo : allure d’exécution

Fondement

Succession des notes dans le temps organisée en mode avec dominante et finale

Émission simultanée de notes en tenant compte des intervalles

Mesure : organisation de l’espace musical

 

28/06/2018

Paradoxe

 

Notre époque a le bonheur de s’apercevoir de l’insuffisance de la satisfaction du corps et de l’esprit. Elle redécouvre l’ascèse. Elle cherche la plénitude de l’être au-delà de la possession, c’est-à-dire l’accès à la beauté du monde. Son malheur est de croire que cette plénitude est un état second, une sorte de rêve éveillé que l’homme peut atteindre par des moyens artificiels.

 

27/06/2018

Au bout

 

Il n’y a personne. Et pourtant ?
Il est présent sans être là
Même son ombre n’imprime pas
Mais il m’accompagne cependant

L’autre jour non plus, personne
Et pourtant j’ai vu l’ombre du diable
Il y avait quelqu’un, là, derrière la forme
Invisible et présent dans le fourmillement des idées

Et depuis, chaque jour, je cherche le mirage
Qui se cache au fond des yeux clairs
Et donne au regard cet air halluciné
Qu’a celui qui contemple le bout de sa vie

© Loup Francart

 

26/06/2018

Constructions musicales directement liés au temps

* La mesure :

   . Elle utilise la dimension mathématique et intelligible.

   . Elle organise l’espace musical.

* Le tempo :

   . C’est l’allure d’exécution d’une œuvre musicale.

   . Le tempo peut varier au cours d'un même morceau.

   . Il lui arrive parfois même d'être purement et simplement suspendu (point d'orgue, récitatif, etc.).

* Le rythme :

   . C’est l’ordre du temps, fait d’élan et de repos, de temps forts et de temps faibles

   . Dans le rythme, comme dans la mélodie et comme dans la conscience, continuité et discontinuité se combinent.

   . Mesure et rythme sont nécessaires l'un et l'autre et l'un à l'autre, mais la musique ne devient vivante que grâce au rythme.

   . A la rigidité de la mesure métronomique s'oppose le jeu du rythme qui varie, contredit les prédictions, suscite une activité toujours neuve.

   . Gisèle Brelet : "Et précisément le devoir de l'exécutant est de retrouver le rythme par delà la mesure, l'être par delà le phénomène et la réalité vivante par delà l'intelligibilité schématique."

* L’ictus du chant grégorien ou accentuation :

   . Trois sortes d’accentuation :

     - accent de durée (qui allonge la durée de la syllabe),

     - accent d'intensité (en émettant la syllabe avec plus de force),

     - accent de hauteur (en faisant varier le ton de la voix), que ce soit vers le haut (accent aigu) ou vers le bas (accent grave).

Mais ces accents ne se posent pas à intervalle régulier, ils sont irréguliers et souples. C'est cet équilibre permanent qui doit conduire à un « legato rythmique » dynamique : une continuité perceptible du mouvement rythmique d'ensemble, s'appuyant à la fois sur les accents du texte ou de la mélodie, et sur la variation de vitesse qui permet de franchir ces irrégularités de manière harmonieuse.

25/06/2018

Penetration

 

 

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24/06/2018

La perception affective

La perception affective, c’est-à-dire cette faculté à la vue d’un objet de ressentir une certaine émotion qui, en quelques instants de communion avec l’objet suffit à nous donner de la joie pour une journée, n’est pas une valeur constante et varie en fonction d’un certain nombre de rapports avec l’humeur, l’espace, le temps et en particulier ce temps qui se renouvelle périodiquement, celui d’une journée.

Le matin, à cette heure où le jour est suffisamment levé pour avoir la possibilité de percevoir chaque détail, mais où le soleil n’est pas assez haut pour donner un volume de lumière aux objets et que l’esprit libéré pendant le sommeil de l’affectivité accumulée dans la journée précédente est prêt à recevoir et à emmagasiner un nouveau courant d’affectivité, nous percevons avec une émotion plus intense, plus aiguisée par la liberté de l’esprit, le détail de chaque objet et la beauté d’un paysage. A l’état de l’air plus léger et plus libre, donnant aux formes une netteté accrue, correspond un état d’esprit semblable qui permet une perception intense dans l’émotion purifiée au maximum puisqu’elle est dégagée au maximum puisqu’elle est dégagée de tous les facteurs affectifs accumulés pendant la journée.

Quelques minutes plus tard, déjà l’esprit se remet en marche et remonte des fonds vers la surface les bulles de soucis, de préoccupations et de souvenirs qui; lui redonnant sa fonction normale, c’est-à-dire un filtre qui permet de passer de la perception sensorielle directe à la perception intellectuelle y ajoutant justement le courant qu’il a accumulé, lui retire cette faculté précaire, mais facilement éducable, de percevoir l’objet dans l’émotion directe de son contact. Et pendant la journée, au hasard des circonstances et des rencontres, d’autres bulles feront surface, créant une certaine tension entre les deux pôles du cerveau, celui de la sensation pure et celui de la sensation intellectualisée jusqu’à avoir perdu les références de la première impulsion des sens.

23/06/2018

Eléments musicaux en rapport avec les notions permettant d’approcher le temps

Penchons d’abord sur les notions musicales élémentaires

* La mélodie (appel à la notion de succession)

   . Phrase musicale, faite de succession de notes à intervalles et hauteurs variés tournant généralement autour d’une dominante et se terminant sur une finale ;

   . C’est une construction équilibrée dans le temps avec un commencement, un développement et une fin.

   . Un mouvement est plus vaste, il reprend la mélodie par imitation (rétrograde, inversée, etc.).

   . Une pièce comporte plus ou moins de mouvements, voire un seul.

*L’harmonie (appel à la simultanéité)

   . juxtaposition des notes ;

   . Règles de l’harmonie, évolutives selon l’époque.

* Le contrepoint (appel à la succession et la simultanéité)

   . superposition de plusieurs mélodies, appel au rythme (tension-détente) et à la métrique (mesure de la durée) ;

   . Origine au XIVe siècle, de contre et de point, au sens de « note ». Art de composer en superposant deux ou plusieurs lignes mélodiques.

* La durée d’une note et d’un silence :

   . temps d’émission d’une note et moment pendant lequel n'est émis aucun son.

* Enfin, deux derniers éléments qui jouent sur le rythme, ou plutôt l’ictus, c’est-à-dire sur le legato rythmique dynamique. Ce sont des variations de vitesse qui permettent de franchir les irrégularités voulues par le compositeur de manière harmonieuse. C’est une combinaison de la continuité et de la discontinuité qui donne à la musique toute sa valeur.

   . La nuance est un signe noté sur une partition qui indique l'intensité relative d'une note, d'une phrase, ou encore d'un passage entier d'une œuvre musicale. Les nuances permettent au musicien de restituer la dynamique de l'œuvre lors de son interprétation. Les nuances peuvent être générales (ppp, f, fff, ral) ou ne concerner qu’un ensemble de notes (crescendo).

   . le caractère désigne la façon d'interpréter une pièce musicale, indépendamment des indications concernant le rythme et l'intonation. Il était jusqu’à peu indiqué par des termes italiens tels que agitato ou cantabile ou encore dolce.

22/06/2018

Jardin du Palais Royal

Tout d’abord, le bourdonnement :
Une multitude de sons collés les uns aux autres
Qui forment une bouillie épaisse et pâteuse
D’où sort parfois une voix ou un cri

Puis, le soleil, chaleureux, accueillant
Trop, trop chaud, trop brillant, trop puissant
Peu restent en sa présence, préférant l’ombre
Bienfaisante, enjôleuse, caressante

Enfin, le vif, le cru, le rebelle, encombrant
Telle la verdure qui descend des rangs carrés
Ou ces deux amies bavardes et inconscientes
Du calme qui émane du jardin encerclé

Encore un fait, les ombres, sous les arbres
Fantômes avançant parcimonieusement
Coupés en deux par la haie, flottants sur les eaux
Et contemplant silencieusement l’épaisseur de l’après-midi

 

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© Loup Francart

21/06/2018

Jogging 2

Hier, je suis parti vers 5h30 du matin. Pas besoin de me motiver, j’étais prêt et content de courir. De la gare du Nord aller jusqu’au bois de Boulogne en passant par la gare Saint Lazare, l’Etoile, la porte Maillot, 4 km dans le bois et retour par la porte Dauphine, l’Etoile. 13 km, sans aucune gêne ni fatigue.

Aujourd’hui, toujours réveillé tôt et sentant les fourmis dans les jambes qui sans cesse vagabondent, je me rééquipe. Départ relaxe vers le parc de la Villette. Cela semble aller. Décontracté, je m’installe dans mes foulées habituelles. Je sens cependant une certaine gêne due à la course de la veille. Je pars en petites foulées, 7mn30 au kilomètre. Je tente de courir décontracté, mais je sens un point dans la cuisse gauche, au-dessus du genou. Ça tire ! Au troisième kilomètre, je me dis que ce n’est pas prudent, après avoir fait hier 13 km, de recommencer le lendemain. Je marche en me massant la cuisse. Ça passe ! Allez, on repart. Pendant ce temps, les trottoirs défilent, les gens passent, les mètres se déroulent sans le dire. Me voici arrivé au quai de la Seine sur le canal de l’Ourcq, dans cette splendide évasion des immeubles et l’horizontalité de l’eau qui s’étale avec douceur très loin. C’est beau cette oasis dans la ville, cette respiration lente dans l’agitation des voitures et des passants. Ceux-ci ralentissent d’ailleurs, marchent avec plus d’aisance, comme insouciants tout d’un coup. Ils regardent l’eau qui semble immobile, là depuis toujours. Je formule un vers, encouragé par l’aspect poétique du lieu, mais ne vais pas plus loin. Allons, que fais-tu ?

Je repars, courant le long du quai, regardant l’eau de très près. Un faux pas et je tombe. Brr… Elle ne doit pas être très chaude et de plus semble assez sale. Alors, attention. Ah… Franchir le canal qui va jusqu’à Saint Denys et poursuivre sur le canal de l’Ourcq, puis courir dans l’herbe fraiche, encore pleine de rosée du parc de La Villette, quel délice ! Mais voici la panne. Les muscles se tétanisent. Ils en ont trop fait hier. Marcher, seule solution ! Que c’est bon de flemmarder, d’écouter les oiseaux, de suivre leur vol. Même le ronronnement du périphérique semble un étirement d’une langueur de l’âme, comme un rappel d’un autre univers qui reste dans le lointain et qui n’ose se montrer. Je suis dans ces instants d’une course où l’on se réfugie en soi-même, où l’on se love dans son corps et où l’on oublie les sons, les mouvements et même la vue. On court le nez au plancher, mètre après mètre, sans même savoir où l’on est. C’est une euthanasie momentanée, un évanouissement de l’être qui permet de récupérer. Fermez les écoutilles, il n’y a rien à voir !

Sept kilomètres et demi. Sur le chemin du retour… Je transpire, pas trop, car je me suis arrêté pour marcher et me décontracter. Je tombe en arrêt sur une œuvre colossale, a street painting, le balancement d’une fille noire au-dessus d’un village de case, accompagné dans son élan par un panda et un éléphant. C’est d’un genre différent du street art habituel, une note de gaité dans le ciel bleu, comme la caresse d’un ange sur le corps fatigué. On peut repartir d’un bon pied, tout va bien. J’arrive dans la descente de la rue La Fayette et me laisse glisser benoîtement jusqu’à notre petite rue qui repart en montant. Ça y est ! 9 km. Pas mal après les treize kilomètres d’hier. Mais ce n’est pas autant la forme qu’hier. Je tire la patte, un peu courbatu.

Bon, demain, se ménager ! ça tombe bien, on prend le train.

20/06/2018

Sentence

 

Retraite dans le désert :

L’homme face à face avec lui-même.

Lieu de formation ou lieu de tentation ?

Le désert abaisse ou élève, peut-être en raison de son horizontalité.

 

19/06/2018

Le temps et la musique (1)

 

« Le temps est inintelligible dites-vous? C'est sans doute que vous ignorez le temps musical et ne concevez d'autre mode de connaissance que le mode conceptuel. Mais le temps, opaque aux concepts, est clair à la pensée pensante. »

Gisèle Brelet[1]

 

« Le temps est à la fois ce que l'on subit (on n'échappe pas au temps) et ce que l'on élabore, transforme. C'est en ce sens déjà que la musique peut nous aider à comprendre le temps. Loin de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »[2] Partir de la musique, c'est non seulement essayer de comprendre la musique, mais aussi tenter de comprendre le temps.

On le sait, le temps musical n'est pas le temps scientifique. Dans les sciences, on va de l'explication à la compréhension, dans l’art, c’est l’inverse. On a pu penser que le temps qualitatif de Bergson qui s'oppose au temps quantitatif de la science, correspondait au temps musical. Citons Bergson lui-même: « Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir – une impression aussi éloignée que possible de celle de simultanéité – et pourtant c'est la continuité même de la mélodie et l'impossibilité de la décomposer qui fait sur nous cette impression. Si nous la découpons en notes distinctes, en autant d'«avant» et d'«après» qu'il nous plaît, c'est que nous y mêlons des images spatiales et que nous imprégnons la succession de simultanéité : dans l'espace et dans l'espace seulement, il y a distinction nette de parties extérieures les unes aux autres. »[3] La musique joue sur la continuité et la discontinuité, sur les altérations temporelles : « phénomènes d'attente, de retard, d'étirement; de rappel, d'anticipation, de contraction; relations d'antériorité, de postériorité, de simultanéité ; jeux de la mémoire (annonces, réminiscences et retours) ; effets de vitesse, de surprise, de tempo. »[4]  

Le temps est au musicien ce que l’espace est au peintre, ou encore, comme le dit Stravinsky : « La musique est un art du temps… Elle naît d’une organisation du temps ».

 

[1] Gisèle Brelet, Le temps musical. Essai d'une esthétique nouvelle de la musique, P.U.F., Paris, 1949, p.481.

[2] Michel Cornu, www.contrepointphilosophique.ch, Rubrique Esthétique, 4 juillet 2009.

[3] Henri Bergson, La pensée et le mouvant, p.166. P.U.F., Paris, 1959.

[4] Christian Accaoui, Le temps musical, Desclée de Brouwer, Paris, 2001, p.108.

18/06/2018

Maxime

 

« Il arrive à un homme non ce qu’il mérite, mais ce qui lui ressemble. »
Jacques Rivière

 

La vie d’un homme est conditionnée par son caractère et sa volonté. L’action de l’homme en son intériorité n’est pas vaine, elle transforme sa vie en miroir de son âme.

 

17/06/2018

L'espérance

L’espérance est le ballon d’oxygène
Auquel s’accroche l’homme avec confiance
Et qui le ramène à la surface de la vie
Dans le désordre des bulles du destin

Elle est au-delà de l’espoir aveugle
En deçà de l’imagination délirante
Certitude absolue d’un bien à venir
Qui dépasse entendement et raison

L’espérance est bien plus que désir
Elle est fin supérieure à l’attente
Elle ne cherche rien de précis
Et ouvre à une assurance infinie

Elle n’est cependant pas fuite
Ni même refuge des incapables
Elle vous tire du marais quotidien
Et fait tomber le ciel sur la tête

Tout devient quiétude et verticalité
L’horizon ne fuit plus devant le regard
Ce n’est ni le rose de l’espoir
Ni le gris d’un triste ruminement

C’est une disposition de l’âme
L’ascenseur direct vers la joie
Qui vous donne la bouffée d’air
Et conduit l’être au bonheur

© Loup Francart

16/06/2018

Jogging

Je cours presque tous les jours depuis que j’ai trente-cinq ans, essentiellement le matin, tôt. J’aime me lever à l’heure où la plupart des gens dorment. Cela me procure une impression de liberté extraordinaire. Je suis libre et je profite de la vie. C’est une respiration quotidienne qui embaume le cœur, allège le corps et vide l’esprit. Cette heure de jogging, est l’élément déterminant d’une bonne journée, bien commencée. On part au travail relaxé, le cerveau vidé des soucis de la veille et on s’installe dans le quotidien avec une détermination sans faille.

La veille déjà, on se prépare en se réjouissant. On pense aux premières foulées dans la fraîcheur, on se demande si on a bien rechargé son i Phone  pour suivre sa course de bout en bout, on s’endort tranquillement, gommant la nuit à venir et l’on se réveille prêt à tout. Ah, tout de même, prendre un petit café avant de chausser les bottes de sept lieues et puis, profitons-en, aspergeons-nous le visage d’eau fraîche pour être vraiment réveillé.

Ça y est, je suis prêt, me dis-je avant de fermer la porte à clé et de mettre celle-ci dans la petite poche du short. Descente de l’escalier sur la pointe des pieds et la sortie. L’aube pointe ses premières lueurs. Il n’y a personne. Normal, il est cinq heures quinze. La plupart dorment à poings fermés. Ouverture de l’application NRC. Mise en route du GPS, affichage de l’application. La pastille Go s’affiche. J’appuie. C’est parti.

Les premiers cinq cent mètres constituent un échauffement, voire le premier kilomètre. Les muscles sont raides des joggings d’hier et d’avant-hier. Il faut les ménager et faire jouer toutes les cordes avant de commencer à les tendre. Les pieds se laissent peu à peu dérouler, puis les mollets et les cuisses. Descendre aussi son centre de gravité. Ne pas trop lever les genoux, c’est inutile. Peu à peu, je prends ma cadence, elle s’installe malgré moi, un, deux, un, deux… Je trouve mon souffle, calme, modéré, sans défaillance. Cette fois-ci c’est vraiment parti.

En réalité, jusqu’au premières rosées de transpiration, on n’est pas encore véritablement lancé. On se distrait comme on peut, regardant une boutique, évitant un commerçant qui monte son étale, écoutant les bébés qui pleurent d’être contraints de se lever si tôt. Je suis encore dans la phase préliminaire où la distraction empêche la concentration, où la concentration n’est pas motivée. Mais progressivement la foulée se fait plus souple, la respiration s’installe dans son rythme, si bien qu’on n’y pense plus. On se laisse simplement bercer par celui-ci, à la manière d’une compagne de course qui vous accompagne chaque jour  en prenant garde de ne pas vous opportuner.

Et maintenant je cours. Je me suis installé dans ma bulle, cette sorte de sphère invisible qui protège des distractions, qui étouffe les écarts de pensée, qui atténue les bruits et les sensations autres que la course. Je regarde le sol deux mètres devant moi, je ne vois que mes jambes et mes bras qui s’agitent en cadence sans avoir conscience de l’ensemble du corps et cet état devient reposant, apaisant, presque bienheureux. Je plonge dans la volupté anesthésiante du coureur de fond qui se laisse aller sans peine, déroulant son rythme (6’ 45’’) avec aisance. J’atteins le summum du plaisir avant de commencer à souffrir. Nous sommes au kilomètre cinq ou six et tout glisse dans l’air. Je m’évade psychologiquement et suis présent physiquement.

Mon maillot laisse percer la transpiration. Je dois m’essuyer les yeux sans cesse, éponger mon front, déplacer mon short qui m’échauffe l’entre-jambe. Je respire tout aussi calmement, sans effort, je poursuis au même rythme. C’est le moment de la course où il devient le plus élevé. Bientôt je faiblirai, il diminuera. Je le sens à la transpiration qui m’envahit, qui chatouille mon visage, là, sous les yeux, puis là-bas derrière le cou. Je m’essuie avec mon maillot, mais cela reprend aussitôt. Je lâche les grandes eaux.

Huit kilomètres. Je ressens les premiers signes de fatigue. Je me laisse distraire par les quelques passants qui vont chercher leur pain ou qui partent au travail. J’ai l’impression d’un changement de temps, moins allègre, plus pesant, presque oppressant. J’ai du mal à rester dans ma bulle, elle crève par endroit et me laisse sans soutien. Heureusement j’approche de la fin : 9,5 km. Je me rapproche de mon domicile, je reconnais l’environnement quotidien. Allez, on augmente la cadence, on se paye un petit sprint pour se prouver que l’on est en forme. Trois cent, deux cent, cent mètres. Laisse-toi courir jusqu’à l’arrêt. Je ne suis pas trop essoufflé, la cage tient encore la route. Simplement, un engourdissement progressif du reste du corps qui se relâche, encrassé, tentant d’évacuer les miasmes de la course. Faire comme si rien ne s’était passé.

15/06/2018

Impact

 

18-06-14 Parallélépipèdes entassés2.jpg

Le choc des atomes

dans le froid du néant

créa un monde épanouissant

Bienheureux ceux qui le savent !

14/06/2018

Parution du recueil "Poèmes pour une seule"

Il vient de paraître. C’est un recueil intimiste non diffusé dans les réseaux commerciaux.

1° couv Ppus.jpg« L’amour conjugal est un rêve délicatement entretenu qui toujours ramène à la première rencontre et au premier baiser. Pour celui ou celle tenant dans ses bras celui ou celle qui est sa vie, c’est cet instant ineffable qui devient la seule image à laquelle tout se rattache. 

Alors, toujours, l’amant ou l’amante contemple le monde avec les yeux de l’amour et sublime la réalité. Ils ont atteint l’ultime vérité du mariage et la vie les comblera quoi qu'il arrive.

Cet amour est au-delà de l'entente amicale, il est en deçà de l'amour-passion, il est la vaste plaine où l'on marche sans jamais se lasser, contemplant l'horizon et n'en voyant jamais le bout. Et cette marche enchante à tel point qu'elle devient danse, la danse de l'entente éternelle. »

L’amour a toujours été l’inspirateur premier de la poésie. Balzac disait : “L’amour est la seule passion qui ne souffre ni passé ni avenir”. C’est pourquoi seule la poésie traduit cet élan vital, ce cri du cœur, éprouvé en face de l’aimé(e). La poésie déchire le voile du temple et permet de contempler les yeux dans les yeux celui ou celle qui est plus que soi-même.

Ci-joint quelques extraits : Extraits de Poèmes pour une seule.docx

136 pages

Prix 7,90 € 

 

12/06/2018

Maxime

 

Si nous savions chaque jour prendre le soin de développer nos facultés d’étonnement et d’émerveillement, nous avancerions beaucoup plus vite sur le chemin de la réalisation de soi, c’est-à-dire d’une attitude qui n’est pas faite d’efforts sur soi, de raisonnement ou de lutte contre notre première impression, mais d’ouverture et de compassion.

 

11/06/2018

Souvenir symphonique

Couché dans l’herbe, l’œil vert
Le dos élargi du soleil pavoisé
Parmi l’insecte, parmi les tiges mortes
Le souvenir symphonique de notre enchantement
Assaille le grenier nocturne
De la mémoire

L’horizon limité de l’herbe rase
Troublé des marguerites de nos rencontres
Accueille d’une brassée émouvante
Le vide de nos doigts ouverts

La rose ébouriffée des pleurs du matin
Déplie lentement le velours de son incarnation
Pour découvrir la chaleur pâle
De son nombril profané par l’abeille
Volage, infidèle dans son exaltation
Elle déploie l’antenne de ses pouvoirs
Sur chaque cœur aux perruques poudrées

© Loup Francart

10/06/2018

Dieu, qu'est-il ? (3/3)

Qui est Dieu pour moi ?

Quelle question ! Cela relève tellement de la conviction intime que l’on ne peut échanger sur ce sujet. Mais comme personne n’a de réponse à cette question, peut-être faut-il se contenter de questions qui permettront de faire progresser notre connaissance ou notre expérience de Dieu au-delà des réponses des religions quelles qu’elles soient.

C’est à l’expérience que je veux faire appel et non pas à un savoir sur Dieu. Cette expérience s’appuie sur trois constats et une conclusion (non expérimentale pour moi) :

* Dieu est transcendant. C’est le Dieu dont commence à parler la science, l’initiateur du Bigbang. On ne sait rien de lui. Est-ce un être avec une volonté qui sait ce qu’il fait ? C’est probable. Mais certains parlent de hasard ou de nécessité. Quelle nécessité de créer l’univers à partir du néant ? Même cette idée suppose la volonté de créer. De plus, le néant peut-il engendrer ? S’il le fait, c’est qu’il n’est pas néant.

* Dieu est immanent. Il vit en toutes choses. Il est l’univers en même temps qu’il est hors de l’univers. C’est pourquoi l’univers est beau et nous tire des larmes de joie. C’est aussi pourquoi chaque être est unique, homme, animal, plante, voire planète et constellation. Mais pour le voir, il faut s’éduquer par expérience personnelle, retirer ses lunettes et se laisser réjouir par la vie.

"Prendre conscience de notre être véritable, c'est réaliser le sens de notre vie en relation avec le cosmos tout entier, c'est nous identifier à la divinité qui pénètre toute vie, qui est derrière chaque pensée que nous avons, chaque forme que nous voyons, chaque fleur que nous rencontrons."

Ma Anandamayi

* Dieu est personnifiant. Il nous entraîne à chercher toujours plus en nous, à nous personnifier. Il facilite ainsi le passage d’une idée abstraite de la nature humaine (l’homme est matière et pense par hasard) à l’idée de la personne humaine tendant à devenir personne divine (l’homme est esprit avec un corps matériel). Mieux, Saint Irénée n’affirme-t-il pas que Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ? Cette personnalisation est l’œuvre de la vie d’un homme, chacun à sa manière. C’est ce que les orientaux appelle la réalisation de soi, bien que l’on ne se réalise jamais complètement, sauf peut-être (qui sait ?) au moment ultime de la mort. Mais seuls ceux qui sont de l’autre côté peuvent le savoir.

* Dieu est celui qui est, plus nous-même que nous. Enfin, certains entrent en relation avec Dieu et font l’expérience de Dieu en tant que personne. Comment ? Seuls ceux qui en ont fait l’expérience le savent et peuvent le dire.

" Lorsque l'âme est libérée du temps et de l'espace, le Père envoie son Fils dans l'âme."

Maître Eckhart

"On atteint la perfection de la connaissance lorsqu'on voit Dieu en chaque homme."

Ramakrisna

09/06/2018

Dieu, qu'est-il ? (2/3)

1. Le nom de Dieu

Alors comment donner un nom à l’ensemble de ces concepts :

* Dieu, Père, Créateur, Protecteur, etc.

* La « monade », terme employé en métaphysique, signifie étymologiquement « unité » (μονάς monas). C'est l'Unité parfaite qui est le principe absolu. C'est l'unité suprême (l'Un, Dieu, le Principe des nombres), mais ce peut être aussi, à l'autre bout, l'unité minimale, l'élément spirituel minimal. Plus subtilement, la notion de monade évoque un jeu de miroirs entre l'Un, la Monade comme unité maximale, et les monades, les éléments des choses ou les choses en tant qu'unités minimales, reflets, de l'Un ; une chose une est comme un microcosme, un reflet, un point de vue de l'Unité ; une âme dit partiellement ce qu'est l'Âme, celle du monde, ou l'Esprit.

* Le logos, au sens de Héraclite « le Un unifiant le Tout », synthèse entre la pensée et l’être (chez Platon, les stoïciens, Hegel, etc.). On peut l'appeler raison divine, sort, raison organisatrice, explicatrice de l'univers. C'est le logos, terme que Pythagore, Platon et les premiers philosophes chinois ont également employé pour exprimer la manifestation de l'être ou de la raison suprême (Maine de Biran, Journal, 1823, p. 381)

* Je suis à Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis ». Et il ajouta : C'est ainsi que tu répondras aux enfants d'Israël: Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous. (Exode 3).

                                                               

2. La connaissance de Dieu

 * Par la raison : Le dieu des philosophes ;

* Par le cœur : « C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce qu’est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison. » (Pascal, pensées, 278 Br).

* Par une expérience sensible, personnelle ou publique : les miracles

* Par une expérience mystique : l’amour divin

 

3. La preuve de l’existence de Dieu

Nombre d’arguments ont cherché à fonder rationnellement la croyance en l’existence de Dieu. On parle alors de « preuve de l’existence de Dieu », quoiqu’il en soit de leur réussite à appuyer cette croyance. Ces preuves peuvent passer par la déduction ou par les présentations de faits. Depuis Kant, on distingue habituellement :

* Des preuves ontologiques,

* Des preuves cosmologiques,

* Des preuves téléologiques.

La preuve ontologique part du concept de Dieu. L’analyse du concept de Dieu suffirait à prouver son existence, car il est dans la nature même de Dieu d’exister. Anselme a donné un argument célèbre de ce type en s’appuyant sur l’idée de grandeur (Proslogion, chapitre II). Descartes fait de même en utilisant l’idée de perfection (Méditation V). Depuis Kant, on considère généralement ce type d’argument comme fautif (CRP, AKIII 4016). Frege propose également une critique de l’argument dans les Fondements de l’arithmétique.

La preuve cosmologique part de l’existence du monde. Le monde existe, il lui faut donc une cause. On remonte ainsi à un Dieu comme cause première. La preuve téléologique voit une finalité dans la nature. Le monde porterait la trace d’un dessein qui doit être attribué à un être intelligent et personnel, et on remonte ainsi à un Dieu.

La preuve téléologique (ou physique) : La nature doit avoir ses fins comme l'humanité a les siennes, et cette double idée d'une finalité en nous comme hors de nous conduisit la pensée à la notion d'un Dieu, toute sagesse et toute justice, qui en serait l'auteur.

08/06/2018

Dieu, qu'est-il ? (1/3)

Que signifie le mot « dieu » ?

 Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » qui, élargie en deiwo- et 'en dyew-, sert à désigner le ciel lumineux en tant que divinité ainsi que les êtres célestes par opposition aux êtres terrestres, les hommes. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios.

Avec majuscule, la notion de Dieu s’insère dans le cadre des religions monothéistes. Dieu est un être transcendant, unique, à qui on attribue d’avoir créé l’univers. Son essence est obtenue en maximisant tous les attributs positifs. Dieu est omnipotent (il peut tout), omniscient (il connaît tout), éternel (il n'a ni début ni fin), suprêmement bon. On le dit également parfait et infini. Un tel Dieu est souvent dépouillé de ses attributs anthropomorphiques.

A côté de ce Dieu unique, on distingue l’existence des dieux, êtres supérieurs, plus puissants que l’homme et doté de pouvoirs surnaturels. On peut également distinguer également des dieux :

  • Créateurs du monde / non créateurs
  • personnels / impersonnels
  • matériels / immatériels
  • intervenant dans les affaires humaines / ou non

 

De quel Dieu parle-t-on ?

* D’un Dieu unique, défini par des textes révérés, gelé dans une théologie quelque peu emprisonnante. Ainsi parle-t-on de Yahvé, du Père, d’Allah.

* D’un Dieu moins défini, non personnalisé, plus intérieur peut-être, comme les religions orientales le décrivent : bouddhisme, hindouisme, taoïsme, confucianisme. Ce sont tout à la fois des religions, des philosophies, des morales

* Des dieux multiples de la Grèce antique ou de religions indouistes : s’y rattache le vitalisme tradition philosophique pour laquelle le vivant n'est pas réductible aux lois physico-chimiques. Elle envisage la vie comme de la matière animée d'un principe ou force vitale, qui s'ajouterait pour les êtres vivants aux lois de la matière. Selon cette conception, c'est cette force qui insufflerait la vie à la matière. Selon André Lalande, le vitalisme est une « doctrine d'après laquelle il existe en chaque être vivant un "principe vital", distinct à la fois de l'âme pensante et des propriétés physico-chimiques du corps, gouvernant les phénomènes de la vie ». Le vitalisme est donc le mouvement philosophique qui tend à poser un concept immanent dont le fondement est la conciliation du matérialisme avec l'idéalisme ; tous deux pris dans leur vision grossière: le primat de la matière ou le primat de l'esprit sur le sens des choses.

* Des esprits : L’animisme, (du latin animus, originairement « esprit », puis « âme ») est la croyance en un esprit, une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en des génies protecteurs. Ces âmes ou ces esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités animales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non. Il convient donc de leur vouer un culte. Ainsi défini, comme « croyance à l'âme et à une vie future et, corrélativement, croyance à des divinités directrices et des esprits subordonnés », l'animisme peut caractériser des sociétés extrêmement diverses, situées sur tous les continents.

* D’un Dieu concept, sans prise sur le réel, créateur d’un monde cartésien, tel celui du siècle des lumières et de la révolution française, opposant au Dieu d’une société figée la liberté par le rationalisme, allant du déisme de Voltaire et de Rousseau à l’athéisme de Diderot et d’Helvétius. L’homme devient le seul Dieu.

* D’un Dieu inconnu, le logos ou la monade indescriptible, indéfinissable parce que dépassant la pensée humaine, et qui est immanent et transcendant.

* De l’inconnaissance : l’inexprimable, qui laisse entrevoir à certains moments la porte d’une autre existence, l’indescriptible, qui ne peut être connu, l’inconnaissable, qu’on ne peut connaître conceptuellement, mais bien réelle et expérimentale par la révélation d’une expérience intérieure. On peut l’appeler le divin, sphère enveloppant le Tout et lui donnant existence et sens, ou encore, la déité, comme le dénomme maître Eckhart.

Alors comment l'appréhender, le connaître et entrer dans son intimité ou plutôt, comment faire en sorte qu'il accueille notre intimité ? Nous en parlerons la prochaine fois.

07/06/2018

Grandeur et fragilité de l'homme

Ce n’est que lorsque l’homme a pris conscience de sa vulnérabilité qu’il peut concevoir la fragilité des autres et ressentir de l’amour pour eux. Ayant découvert l’universelle fragilité du monde intérieur, il prend conscience de son appartenance à l’humanité et reconnaît  en autrui un autre soi-même. Vulnérable comme lui à la dégradation, à l’inaction, au temps qui coule et se disperse, l’autre devient un égal, un proche à aimer. On n’aime que les gens dont on a pu mettre à jour la fragilité. L'homme qui nous semble invulnérable est craint, peut-être idolâtré, mais n’est pas l’objet d’un amour humain.

C’est à travers cette fragilité maladive de l’homme que se conçoit sa grandeur et si sa fragilité n’est qu’une menace, sa grandeur n’est qu’une promesse qui reste à réaliser. L’amour est la force intérieure qui nous aide à tendre vers ce but.

06/06/2018

Le temps politique (5)

L’usage du temps n’est pas seulement social et culturel, il est aussi, dès l’origine, politique.

 

1. Le temps comme facteur de légitimation du pouvoir

La maîtrise du temps revêt indéniablement quelque chose de démiurgique. A l’origine, le temps est lié au divin, que ce soit pour sa création (mythe fondateur, création du monde) ou pour la mesure du temps (souvent en lien avec les fêtes religieuses). En Mésopotamie, seul le roi pouvait décréter l’ajout d’un mois supplémentaire. Mircea Eliade explique ainsi le caractère sacré du temps : « Le mythe est donc un bref récit fictif qui, mettant en scène des créatures surnaturelles, renvoie à un Temps originel, celui de la Fondation de la communauté, un Temps Sacré : le mythe est censé exprimer la vérité absolue, parce qu’il raconte une histoire sacrée, c’est-à-dire une révolution transhumaine qui a lieu à l’aube du grand temps, dans le temps sacré des commencements. Étant sacré et réel, ce mythe devient exemplaire et par conséquent répétable, car il sert de modèle et conjointement de justification à tous les autres humains[1] ».

Très souvent, la motivation d’entrée en conflit est liée aux mythes, c’est-à-dire à une vision plus ou moins idéologique de la réalité. Un des objectifs du politique sera donc la démystification de l’idéologie adverse. Cette démystification demande du temps, des moyens, et une volonté. La démystification peut se faire de manière brutale, dans le cadre d’engagements en coercition (le mythe du démiurge tombe brutalement dans l’esprit de ses partisans) mais inversement, dans le cadre d’opérations de stabilisation, seul le temps permet l’évolution des esprits et l’évacuation du mythe.

Tout système dynastique fonde sa légitimité sur la durée.

 Désormais, la légitimité est plus complexe, car le changement est aussi perçu comme positif. Le pouvoir peut donc se prévaloir du changement, de la rupture, comme facteur de légitimité. La philosophie des Lumières a particulièrement contribué à véhiculer l’idée de progrès, que la Seconde Guerre mondiale et la barbarie du nazisme, en particulier, ont fait voler en éclat[2].

Les sociétés modernes sont donc sans cesse traversées par la dialectique rupture / continuité. En France, les débats autour du passage du septennat au quinquennat ont illustré ces deux légitimités possibles. Comme le décrivait Raoul Girardet[3], on peut désormais lire la vie politique comme une opposition permanente entre les « héros de la normalité » et les « héros de l’exception ».

 

2. La rupture : le temps du changement

Le temps des médias est un temps du changement permanent et de l’urgence : en effet, il est plus facile de retenir l’attention des lecteurs en traitant de ruptures qu’en parlant de continuités. Rony Brauman, ancien Président de Médecins Sans Frontières, constatait ainsi que la connivence existant entre médias et acteurs de l’humanitaire d’urgence pouvait s’expliquer par une similitude de tempo.

Il est intéressant de noter que la fonction du politique aujourd’hui diffère grandement des fonctions coutumières du pouvoir. En effet, dans la plupart des civilisations anciennes et même récentes, la fonction du politique est de préserver la stabilité. La Chine se pense par exemple sur ce mode et ne commencera à en changer qu’avec la révolution maoïste.

C’est que le changement court le risque de la trahison : si l’avenir ne ressemble pas au passé, la société est en danger. Préserver la tradition, c’est préserver le message et l’ordre voulu par les Dieux. Le passé est l’exemple.

A contrario, dans les sociétés modernes, le changement est perçu comme une qualité en soi. Le rapport au temps, qui a à la fois perdu son lien avec le sacré et avec la nature (il est dé-naturé, au sens propre), est un rapport de propriétaire et maître (« j’ai du temps », « du temps libre »). Que le temps des saisons ou que le temps des autres, vécu sur un rythme plus lent, viennent interférer avec le temps tel que nous l’avons planifié, et cela est vécu comme une ingérence insupportable dans le quotidien si maîtrisé, à tel point qu’on en appelle au politique au plus haut niveau pour résoudre les contrariétés résultant des effets de la nature (neige, grêle, inondations, etc.). On parle d’ailleurs de « caprices » météorologiques, comme si les saisons, ne respectant pas les besoins humains, s’obstinaient à les contrarier…

  • La crise peut ainsi être due soit à la nécessité d’un changement et, dans ce cas, elle semble légitime, soit à des troubles extérieurs qui risquent de dérégler le système qui a besoin en réalité de stabilité.
  • Le rôle des forces (armées ou de sécurité) peut donc être soit d’assurer la stabilité face à des acteurs de violence, soit, par la coercition, d’introduire le changement dans un système politique en crise.

 

[1] ELIADE, Mircea. Mythes, Rêves et Mystères. Paris, Gallimard, 1957.

[2] STEINER, Georges. Dans le château de Barbe-Bleue. Gallimard, 1986.

[3] GIRARDET, Raoul. Mythes et mythologies politiques. Seuil, 190.

05/06/2018

La fine pellicule du temps


La fine pellicule du temps engendre l’inconstance

A cet instant, là où je suis, où aller ?
En haut, en bas, à droite, à gauche
Droit dans le mur ou contournant les monts ?

A chacun sa stratégie

Il en est qui se lient au destin des autres
Tirant à eux leurs désirs et rancœurs

D’autres naviguent seuls dans leur bateau
Et voguent sur l’eau au gré des vagues  
Ils abordent les îles lointaines
Et chantent leurs amours à la lune

D’autres encore, la tête dans la terre
Préfèrent ne pas savoir où ils vont
Ils marchent ou se laissent aller
Tâtant du bout des pieds l’incertitude
D’un avenir inconnu et inenvisageable

J’ai connu ceux qui vont droit devant
Sans se poser de questions
Ils vont, viennent et reviennent
Tournant en rond sans avancer
Croyant avoir fait le tour du monde
Les yeux clos, ils se promènent
Dans l’avenir incertain du brouillard

Il y a aussi ceux qui savent
Ceux-là sont dangereux, voire malsains
Ils expliquent à tous où se trouve le chemin
Mais se gardent bien de l’emprunter eux-mêmes
Ils amassent leur magot et se moquent
Des benêts qui les suivent, haletants

Les pauvres diables sans aide
A qui il manque un sens
Ne s’orientent qu’avec d’autres
Se tenant par la main droite
Et cherchant de l’autre le vide
D’un calvaire qu’ils sont seuls à porter

Il arrive parfois qu’au détour d’un chemin
On trouve l’esthète aux cheveux roux
Qui ronronne de douceur et d’amour
Mais qui ne découvre que l’absence
D’émotions et sentiments
Rendant son cœur sans consistance
Et le laissant sans voix ni contentement

Où donc aller sur ce chemin sans faille
Qui ne conduit qu’à la fin des temps
Quand tout sera consommé, y compris la mort
Que verra-t-on alors au bout de la peine ?
Le sais-tu toi qui contemple chaque jour
Les humains qui se démènent et s’invectivent
 Ou encore qui s’entraident et se bénissent
Apportant lumière ou obscurité
Dans la pâle lueur du jour qui se lève

04/06/2018

Paradoxe

 

Chacun porte en lui la contradiction du désir de solitude et de la soif de partage.

Partage de la solitude, ce pourrait être le titre d’un livre, l’ébauche d’un rêve,

Mais est-ce possible dans la réalité quotidienne ?

 

03/06/2018

Les approches culturelles du temps (4)

1. Trois conceptions du temps

* Le temps sinusoïdal

La première représentation du temps connue est celle produite par les Mésopotamiens. Cette conception est proche de celle du temps cyclique, à la différence que les « cercles » du cycle ne sont pas fermés. Les cycles se succèdent dans le temps, et parfois même, se chevauchent, car un cycle peut commencer avant la fin du précédent. Ce n’est donc pas exactement un nouveau monde qui se crée à la fin d’un cycle.

* Le temps cyclique

Il est immédiatement perceptible aux sens. C’est le temps biologique qui est lié au temps astronomique. Il se découpe en :

  • Jour-nuit ;
  • Saison ;
  • Age de la vie ;
  • Cycle de vie selon les espèces ;
  • Cycle de vie des cultures et des civilisations ;
  • Cycle de vie des planètes.L’homme ne peut qu’harmoniser son action dans ces cycles pour la rendre plus efficace.

La conception du temps cyclique impose souvent de penser le temps très long, souvent en lien avec des mythes. La plus ancienne des conceptions cycliques, celle des Védas (et dont héritèrent par la suite le brahmanisme, l’hindouisme et le bouddhisme) fonctionne ainsi sur les cycles de 12 000 ans. Mais cette conception d’un temps cyclique se retrouve aussi à l’échelle de l’homme, lequel serait condamné à se réincarner (ou à transmigrer d’une façon plus générale).

La cyclologie se retrouve dans nombre de sociétés archaïques, voire plus modernes. Dans cette théorie du temps cyclique, l'écoulement du temps n'est pas linéaire. L’histoire est conçue en cycles immuables pour ramener l’humanité face aux mêmes situations. La durée de ces cycles varie selon les traditions. La philosophie holiste dérive plus ou moins de la cyclologie. Elle explique les parties à partir du tout et devient synonyme d’approche systémique, de pensée complexe, et, de manière dérivée, d’approche globale. C’est un système de pensée pour lequel les caractéristiques d'un être ou d'un ensemble ne peuvent être connues que lorsqu'on le considère et l'appréhende dans son ensemble, dans sa totalité, et non pas quand on en étudie chaque partie séparément.

* Le temps linéaire

Le christianisme a véhiculé une conception linéaire du temps, qui va de la Création à l’Apocalypse. Avant la Création, le temps n’existe pas : Dieu crée le temps pour l’usage de l’homme. Le temps est à la fois linéaire et fini, et l’histoire se dirige vers une fin, ou au moins, une finalité. Cette conception du temps finira par l’imposer, au moins de ne même plus prêter à discussion. Elle sera ainsi reprise par des penseurs aussi divers que Condorcet (idée d’un avènement de la raison), Hegel (avènement de l’Etat comme manifestation suprême de l’Esprit et idée d’un progrès de l’Histoire), Marx (progrès à travers la lutte des classes et avancée vers la suppression des classes).

Cette conception du temps s’est accompagnée d’une vive dépréciation du « temps cyclique », considéré comme archaïque, anti-scientifique, opposé au progrès et politiquement réactionnaire.

2. Le temps calendaire et mathématique

Le temps calendaire est mesuré par division : siècle, décennie, année, mois, semaine, jour, heure, minute, seconde, nanoseconde. Les disciplines diverses se réfèrent généralement  à l’une de ces mesures, avec des visions cycliques différentes qu’il appartient au politique et à toute autorité d’homogénéiser.

Cette division du temps en unités d’égales valeurs remonte aux origines de l’histoire de l’humanité. Ainsi, les premières civilisations connues de Mésopotamie utilisaient-elles un calendrier de type luni-solaire de 12 mois et des semaines de 7 jours pour marquer le décompte de la durée, comme son étymologie l’indique (« calendrier » est issu du latin calendarium, « livre de compte »). Dans toutes les civilisations, la mesure du temps se base sur des phénomènes naturels observables : la lune (calendriers lunaires), le soleil (calendriers solaires) ou une combinaison des deux (calendriers luni-solaires).

Le temps calendaire n’est incompatible avec aucune des représentations du temps évoquée plus haut (cyclique, linéaire et sinusoïdal) : il est cyclique au départ puisqu’il se base sur les cycles de la nature (cycles solaires et lunaires), il est aussi linéaire dans le comptage des années, et il peut même être sinusoïdal lorsqu’il doit être aménagé pour mettre en adéquation les cycles solaires et lunaires (rajout d’un jour tous les quatre ans dans notre société, d’un mois tous les trois ans environ en Mésopotamie et en Chine).

De ces décomptes du temps naissent la conception mathématique du temps, conception défendue par Newton. Il envisage le temps comme un absolu mathématique, homogène, indépendant et linéaire. Aristote se demandait déjà si le temps dépendait de la conscience humaine ou s’il était indépendant. Le mouvement des choses, qui marque leur changement et leur corruption, est la preuve de l’écoulement du temps même en l’absence d’une conscience humaine pour l’observer.

3.  Le temps comme intuition et durée

Pour Bergson, cette conception mathématique qui découpe le temps en séquences identiques et séparées les unes des autres, est une conception strictement quantitative qui est trop limitée.

La perception du temps n’est en effet pas une évidence. Par exemple, si la plupart des civilisations se représentent l’avenir devant eux et le passé derrière, c’est l’inverse pour les Mésopotamiens comme pour certaines populations d’Amérique Latine (Aymaras en Bolivie, Quechuas) ou les Polynésiens. En effet, pour les premiers, la perception du temps à l’aulne de l’espace transparait à travers l’usage des adverbes ou prépositions : devant et avant sont liés, de même que derrière et après. Quand vous êtes devant quelqu’un, il est avant vous, quand vous êtes derrière quelqu’un, il est après vous. L’avenir étant après vous, il est derrière vous. L’alignement des notions d’espace et de temps est inversé. La manière de parcourir le connu et l’inconnu diffère donc grandement, puisque dans cette conception, on tourne le dos à l’avenir, parce qu’on sait le passé et qu’on peut le voir, alors qu’il est beaucoup plus difficile de concevoir et de visualiser l’avenir.

Il n’empêche, dans toutes les civilisations, le temps reste orienté, allant du passé vers le futur.

02/06/2018

Rêve vide

Quelle est cette part de rêve qui te prend comme la mort ?
Transpercé d’inconnus, j’erre dans un vide sans fin.
Il est certes plaisant, cet espace sans tort.
Peut-on imaginer un néant aussi plein ?

Le réveil est glacé, où va donc ton esprit ?
Il est parti si tôt, que fait-il entretemps ?
C’est donc cette part de rêve qui comble tes nuits
Et t’empêche de vivre le jour plein ?

Aussi demain c’est promis, je ne viendrai plus
Tourmenter tes journées de rêves insensés ;
Je resterai bien calme sans oser ces abus
Qui ont comblé mes nuits et mes jours enchanté.

   ©  Loup Francart

01/06/2018

Des étoiles, livre de Jeanne Guizard

C’est bien une lettre ouverte à la mère de l’auteur, tellement intime qu’on est parfois gêné de la lire. Elle débute par trois coups de crayon. On entre tout de suite dans le sujet : toi, ma mère, celle qui m’a mise au monde. On s’attend à une certaine gaité, tout au moins de chaleur, dans cette description. Mais on ne nous parle que de ses peines : Toi, Maman, qui as eu mal toute ta vie sans savoir pourquoi. L’amour gouverne sa vie, mais cet amour ne l’a pas rendu heureuse. Une enfance triste, un mariage sans joie, des hommes égoïstes, le père, le mari, le fils. Tu fais partie de l’immense majorité des femmes qui ont été sacrifiées, qui ont vécu sans qu’on les voit. Ces femmes sont l’ombre des hommes, elles sont leur faire valoir. Enfin, elle revient. Elle a mis beaucoup de temps pour atteindre son but : l’amour qui vise le bonheur de ceux qu’on aime.

Le chapitre 2 traite de son père (le grand-père de la narratrice). Un homme de rigueur, et même rigoriste. Il décide et ne veut que la paix. Tu étais jolie, il était fier et heureux de marcher à tes côtés. C’est tout ce qu’il demandait. L’auteur place là son aversion pour la conception de la femme du début du XXe siècle : soumise et triste, rassurant modèle pour un home craignant de perdre ses prérogatives de mâle.

Son mari (chapitre 3) est le même homme : trop à faire pour pouvoir s’occuper des autres. Aucune tendresse, aucune douceur. Il t’a transformé en objet. Elle le choisi contre l’avis de ses parents, parce qu’elle porte le même malheur que lui au fond d’elle-même. Elle a lâché prise, elle est devenue triste, mais elle n'a pas perdu son âme. Il la terrorise, mais maintenant ne peut plus se passer d’elle.

Son fils maintenant (chapitre 4), attendu onze ans après elle, la narratrice. Elle le bichonne, le couve, sans que son père s’en occupe un seul instant. Il n’assure pas la relève de la mère. Pourtant l’enfant doit se sentir le fruit d’un projet à deux. En conséquence, ce fils n’eut pas d’enfant. Il n’en voulait pas.

Toi, l’étoile qui me fait rêver enfin (chapitre 5) qui veille et qui n’existe que par l’attente et la passivité, infirme de trop d’amour. Tu es de ces mères qui donnent tout, même ce que tu n’as pas reçu et tu essayes de faire mieux, toujours. Un mal profond t’empêche d’être vraiment dans le bonheur. Souffrante, tu es cette force qu’on a fait taire.

Le long des jours (chapitre 6), tu sais que tu as fait ce que tu avais à faire. Comment la souffrance t’atteindrait-elle encore ? La colère a disparu, tu ne souffres plus dans ton cœur. Tu n’as pas peur de la mort. Mais tu t’occupes de ton mari, tu le transforme et il t’offre sa vie. Tu le sauves et tu donnes sens à ton mariage.

Vous allez ainsi vers une autre vie (chapitre 7), parlant une nouvelle langue, celle de l’amour. Tu as réalisé ton rêve, tu as réussi à lui donner tout cet amour dont il a manqué. Mais la fin reste pessimiste. Ils se tiennent les mains : les tenir ainsi jusqu’à la fin finale, les serrer, ensemble, jusqu’au froid, le froid final.

Que dire ? Peut-on parler d’une telle lettre, dite dans l’intimité familiale, avec ses non-dits et ses trop-dits ? C’est avant tout une belle confession de la part de l’auteur. Se mettre à nu devant tous et oser dire ce que l’on garde dans son cœur jusqu’à la fin parce qu’on n’a pas su ou voulu l’exprimer. C’est un acte d’amour sans nul doute.

Mais cet amour concerne-t-il ceux qui lisent ce recueil ? Peuvent-ils accéder et adhérer à cette description acerbe qui devient plaidoyer pour les femmes et attaque de la société patriarcale du XIXe et première moitié du XXe siècle ? Oui, sans doute. Mais n’existe-t-il pas, au moins en parallèle, une vie autre, un refuge qui donne à ce passage sur terre un souffle de libération malgré les embûches et les contraintes de la vie en société ? N’y a-t-il pas eu en cette femme des moments de joie intense, d’exaltation bienheureuse, des instants où elle sut sortir d’elle-même et s’élever en pleurant de bonheur ?

Le style est beau, parfois poétique : L’automne est arrivé, c’est la saison que tu préfères. Les jaunes, les rouilles, les rouges fleurissent et commencent à descendre vers le sol dans un ait légèrement frais. C’est un festival de couleurs qui lâchent prise, qui s’effondrent. Le ton peut aussi être revendicatif, principalement envers les hommes. Il y a deux mondes : celui de la vie publique, celui des hommes, et celui du cœur qui appartient aux femmes. Peut-être un peu manichéen, malgré tout. Les êtres vrais participent aux deux par transformation progressive d’eux-mêmes.