Le temps et la musique (1) (19/06/2018)
« Le temps est inintelligible dites-vous? C'est sans doute que vous ignorez le temps musical et ne concevez d'autre mode de connaissance que le mode conceptuel. Mais le temps, opaque aux concepts, est clair à la pensée pensante. »
Gisèle Brelet[1]
« Le temps est à la fois ce que l'on subit (on n'échappe pas au temps) et ce que l'on élabore, transforme. C'est en ce sens déjà que la musique peut nous aider à comprendre le temps. Loin de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »[2] Partir de la musique, c'est non seulement essayer de comprendre la musique, mais aussi tenter de comprendre le temps.
On le sait, le temps musical n'est pas le temps scientifique. Dans les sciences, on va de l'explication à la compréhension, dans l’art, c’est l’inverse. On a pu penser que le temps qualitatif de Bergson qui s'oppose au temps quantitatif de la science, correspondait au temps musical. Citons Bergson lui-même: « Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir – une impression aussi éloignée que possible de celle de simultanéité – et pourtant c'est la continuité même de la mélodie et l'impossibilité de la décomposer qui fait sur nous cette impression. Si nous la découpons en notes distinctes, en autant d'«avant» et d'«après» qu'il nous plaît, c'est que nous y mêlons des images spatiales et que nous imprégnons la succession de simultanéité : dans l'espace et dans l'espace seulement, il y a distinction nette de parties extérieures les unes aux autres. »[3] La musique joue sur la continuité et la discontinuité, sur les altérations temporelles : « phénomènes d'attente, de retard, d'étirement; de rappel, d'anticipation, de contraction; relations d'antériorité, de postériorité, de simultanéité ; jeux de la mémoire (annonces, réminiscences et retours) ; effets de vitesse, de surprise, de tempo. »[4]
Le temps est au musicien ce que l’espace est au peintre, ou encore, comme le dit Stravinsky : « La musique est un art du temps… Elle naît d’une organisation du temps ».
[1] Gisèle Brelet, Le temps musical. Essai d'une esthétique nouvelle de la musique, P.U.F., Paris, 1949, p.481.
[2] Michel Cornu, www.contrepointphilosophique.ch, Rubrique Esthétique, 4 juillet 2009.
[3] Henri Bergson, La pensée et le mouvant, p.166. P.U.F., Paris, 1959.
[4] Christian Accaoui, Le temps musical, Desclée de Brouwer, Paris, 2001, p.108.
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