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30/06/2012

Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre (1593-1654), Artemisia Gentileschi, Musée Maillol

Au risque de décevoir tout le monde et de paraître iconoclaste, ignorant ou même inculte, je ne crie pas au miracle devant la peinture d’Artemisia Gentileschi. Sans nier son art, ni même son génie en tant que femme à cette époque, ce n’est pas pour autant que l’on peut l’assimiler aux plus grands peintres de l’époque, dont, bien sûr, le Caravage.
Mais avant d’aller plus loin, regardons ensemble quelques tableaux.

Autoportrait, 1637 (à l’entrée de l’exposition, à droite) :
Jamais je ne l’aurai imaginé ainsi. Dommage, elle s’est ratée. Ronde, presque sévère, l’œil noir, la main lourde et disproportionnée. Mais j’exagère sans doute !

La mort de Lucrèce.jpg

Le suicide de Lucrèce :
Lucrèce semble jouer un rôle. Elle est irréelle, l’air figé, en catharsis, comme une mauvaise comédienne. Passons !


 

Allégorie de la peinture, 1636 :
Belle peinture, belles couleurs, un tableau séduisant. Mais si l’on y regarde de plus près, on constate que le visage est tordu et les doigts malhabiles, ce qui est un comble pour un peintre.

 

Allégorie de la renommée, 1630-1635 :
Elle est belle, pour une fois, fine et d’allure aristocratique. Dommage que son œil droit diverge et soit plus fermé que le gauche. Quelle renommée a-t-elle pu avoir ?

 

Saint Jérôme :Orazio Gentileschi - Saint-Jerome.jpg
Enfin, un vrai et beau tableau. Le vieil homme regarde le ciel, à la fois reposé et tendu, serein, mais interrogateur. Ce qui frappe, c’est son cou de vieillard, épais, ridé, enchanteur de réalisme plutôt que de beauté. Il est fort, peut-être un peu trop sur le devant, mais il donne à la tête qu’il soutient élégance, majesté et ascétisme.

 

Autoportrait 2.jpg

 

Autoportrait au luth, 1617 :
Son visage reste lourdaud, le cou fort, le buste large. Elle a sans doute allongée ses doigts reposant sur les cordes du luth. Mais elle possède un petit air distingué qui donne à cet autoportrait meilleure allure que le premier.


 

 

Trois vierges à l’enfant (au 1er étage) :

Vierge à l'enfant 1.jpgartemisia-gentileschi-vierge-allaitant-1616-18.jpgMadonna_col_Bambino_(1610-1612).jpg


La première (1610, à gauche) nous montre un enfant charmant, blond, fin, éveillé, mais une vierge au visage lourd, presque commun. La seconde (au milieu) est belle, maternelle, préoccupée de sa maternité et son enfant est naturel, peut-être un peu confit de son futur. La troisième (à droite) est noble, élégante, un peu plus sévère, mais l’enfant est figé, presqu’hagard.

 

Oui, malheureusement, la plupart des tableaux contiennent des erreurs de dessins assez grossières ; formes parfois disproportionnées, membresN-G0009-003-st-catherine-of-alexandria.jpg mal placés, yeux dissymétriques, visages presque tordues, bouches décalées. Par exemple, Sainte Catherine d’Alexandrie est belle, mais son œil droit, trop sombre, semble infirme et glauque, voire aveugle et sans direction.

La religieuse (1613-1618) a une bouche qui n’est pas en face du nez et qui est peinte de face alors que le reste du visage est légèrement tourné.

 

peinture, exposition

 

De plus, et sans doute est-ce dû à l’époque, les femmes sont bien en chair, trop certainement, telle Cléopâtre (1620-1625), courtaude, les membres ramassés, à défaut d’élongation. C’est une forme de beauté qui devait être sensible en ce temps-là.


 

 

Cependant, admirons cette artiste-femme qui, à son époque, a su se trouver une place parmi les grands de la peinture. De plus, malgré les défauts indiqués, sa peinture est belle en couleurs, en drapés, en évocations historiques, à l’instar des grands peintres de l’époque.
Félicitations, Artemisia !

 

29/06/2012

Fanfan, roman d’Alexandre Jardin

 

Depuis que je suis en âge d’aimer, je rêve de faire la cour à une femme sans jamais céder aux appels de mes sens. J’aurais tant voulu rencontrer une jeune fille vertueuse qui m’eût à la fois adoré et obligé à contenir ma passion. Hélas, les femmes de ce siècle ont oublié l’art de faire piaffer les désirs. Il me fallut donc, au cours de mon adolescence, apprendre à me brider moi-même.littérature, roman, film

Ainsi commence le livre, et, pendant toute son adolescence, Alexandre Crusoé se retient. Jusqu’au jour où il rencontre Laure de Chantebise animée de désirs simples, posséder une belle maison et engendrer une grande famille. Laure l’a séduit. Il jura de n’épouser aucune autre femme.

Un jour, il rencontre Fanfan, une jeune fille qui vingt ans, mais en porte dix-huit. Il n’imaginait pas une fille capable de produire autant de désirs. Ne disposant que d’une seule chambre, elle lui propose de dormir ensemble, en tout bien tout honneur. Ce qu’ils font. Deux jours plus tard elle lui donne rendez-vous à minuit pour calmer leur faim. Mais la vie continue avec Laure et sa famille, très bon chic bon genre, trop, manquant de perspective. Alexandre se partage entre Laure, sa maîtresse, future femme, et Fanfan, son élu, qu’il s’efforce de rendre inaccessible. Il ne lui avoue pas sa passion et lui fait la cour sans le dire, d’une façon bien personnelle, drôle. Il cherche à lui faire croire qu’elle est plus une amie, une sœur, qu’une femme désirable. Il lui fait passer une soirée à Vienne où ils dorment dans un hôtel, mais elle découvre qu’il s’agit d’un décor de cinéma.

Il loue l’appartement côte à côte du sien, l’aménage à l’identique et la regarde dans un miroir sans tain. Elle lui présente son fiancé, en réalité un homme qu’elle a embauché pour lui faire la cour et rendre jaloux Alexandre. Mais il surprend leur empoignade et écarte ce faux rival. Il se glisse sous son lit et dort près d’elle. Le lendemain, elle lui parle :

Hier soir, j’ai perçu quelque chose de bizarre dans ce studio… J’ai été réveillé par un ronflement. Je n’étais donc pas seule… Ce qui serait merveilleux, ce serait que tu viennes enfin t’allonger près de moi.

Elle fait semblant de se noyer. Il la retrouve dansant avec des bohémiens, en jarretelles : Tous, ils seront tous à moi ce soir, lui dit-elle. Alors il lui dit : D’accord, je serai ton amant. Mais une seule fois dans notre vie. Je désire pour nous un amour parfait. Mais elle ne lui donne que son bras.

Enfin, son vieil ami de quatre-vingt ans, lui explique qu’il ne peut rester un éternel adolescent : L’amour exige le risque. C’est le prix à payer. Et la vie de couple est la seule véritable aventure de notre temps… Qu’as-tu fait jusqu’à présent de tes talents ? La seule chose importante en ce bas monde est de rendre heureuse une femme. Tout le reste n’est que vanité.

Le vendredi soir, Fanfan rentra chez elle, s’allongea sur son lit sans un regard en direction du miroir, et ferma les yeux. Je me tenais derrière la glace… Je me collais contre la vitre et, soudain, la fis voler en éclats à l’aide d’un tabouret. Nos deux studios se trouvaient réunis. Fanfan ne bougeait pas. Je pénétrai chez nous, m’approchai de son visage et lui baisais les lèvres. Ma princesse ouvrit les yeux. Veux-tu m’épouser ? murmurai-je. Oui, me répondit Fanfan.

 

Un livre plein de charme, d’espièglerie, de bonheur d’un amour naissant, cocasse, enjoué, insolite dans ces approches, résolument hors norme.

De ce beau roman a été fait un film que vous pouvez voir sur Youtube. Mais, il est décevant après avoir lu le livre.

 

28/06/2012

“Choux a la Crème” par Hiromi Uehara

 

http://www.youtube.com/watch?v=1oz143PbnUo&feature=relmfu

 

Quelle virtuose! Possédée par le rythme, elle joue en ayant l’air de s’amuser, comme une petite fille, mais derrière ses doigts se cache un rythme époustouflant, inextinguible, enchanteur. Elle joue du piano comme on respire, avec la même facilité. Mais, ne nous y trompons pas. Cela demande des années de travail et une virtuosité naturelle que peu de gens possèdent.

Pendant la première minute, elle lance le thème principal, complexe, sautillant, rythmé en diable. Puis, elle se lance dans une improvisation impressionnante, attendrissante comme un chou à la crème que l’on mangerait sur le quai d’une gare au départ d’un train.

Elle transforme son piano en violoncelle (3ème et 5ème minutes), lui donnant un nouveau rythme, une nouvelle sonorité, et tout cela en riant, telle un enfant pris la main dans la confiture. Elle se donne à fond, usant de tous les artifices, glissando, attaque du clavier par les poings, tremblements, etc.

C’est du grand art pour une japonaise qui semble née à Chicago.

 

27/06/2012

Un jardin

Ce terrain clos qui abrite fleurs, fruits et légumes
Ou encore cet espace derrière la maison
Où les enfants s’ébattent, crient et pleurent
Lieu privé, à l’abri des regards inquisiteurs
Qu’a-t-il de si attirant, de mystère caché ?

Ces lieux peuvent être suspendus, emboitées
En d’innombrables escaliers enchevêtrés
Et constituer un labyrinthe de verdure
Devenir enchantés, bercés par les vagues
Ou s’organiser en grottes et cachettes
Dans lesquelles les amoureux s’épanchent

En certaines régions, il est d’hiver
Il y fait chaud, contrairement aux impressions
On se laisse aller respirant cet air moite
Comme on respire le cannabis, en cachette
Et l’on part en bateau, glissant sur les eaux
Les yeux sur l’horizon fermé des feuilles
Immenses des bananiers occultes

C’est mon domaine et il est secret
C’est ma connivence avec moi-même
Dont je possède seul la clé, petite
Dans la poche de mes souvenirs
Pour jouir en solitaire de bonheur retrouvé

Lorsqu’il se fait japonais, minuscule
Aux plantes petites, rares et chères
Et laisse aux passants l’exhalaison
Rentrée de méditation inconvenante
On peut s’interroger, inquiet
Sur la part de rêve et de délires
Qui attend le promeneur égaré

Mais lorsqu’il devient jardinerie
Où se mêlent enfants, chiens et passants
Dans un vertige de cris et de fureurs
Pour une tige en mal de fleur
Une fièvre s’empare de l’ensemble
Et le transforme en parvis bouillonnant
Même les plantes y perdent leur latin !

Il arrive que l’on y jette une pierre
La pierre de discorde, pommelée
Qui est lancée aux passants d’un air dégagé
La main droite ignorant la gauche
Un sourire de béatitude sur les lèvres
Comme le rosier au cœur des sentiments

Saint Fiacre est leur patron
Dont les Saint-Fiacrais sont très fiers
Irlandais en exil en Gaulle
Il devint ermite et cultiva son enclos
Bien qu’une femme contesta sa propriété
Il bâtit son hospice verdoyant
Et mourut environné de sa production

Chaque jardin est un royaume
Peuplé de vivants et de fantômes
Refuge du rêve et des souvenirs
Il vous conduit aux portes
De la délivrance et de l’ubiquité

 

26/06/2012

L’été, découvertes, elles flottent sur les trottoirs…

 

C’est l’été. Les femmes se sont découvertes. Quelle différence avec les hommes ! Les unes s’effeuillent, laissant leur peau s’emplir des rayons d’un soleil luxuriant. Les autres restent stoïquement inchangés. Seules les chemises se permettent quelques centimètres de moins à hauteur des bras. Chemisettes contre chemises, quelle différence ?

Certes, l’on rencontre bien des hommes en short. Vous savez, de ces pantalons sans jambes qui ont souvent l’air de combinaisons de travail mal repassées, généralement accompagnés de ces chaussures de sport aux semelles de plus en plus impressionnantes et visibles à cent lieues à la ronde. Mais ces hommes sont vacanciers. Ils se promènent la carte à la main, explorant du regard les rues parisiennes, noyés dans le brouhaha des voitures et des passants. Il convient de leur parler en anglais, seule langue qu’ils comprennent, après bien des explications, commencées en français, poursuivies dans la langue de Shakespeare, puis dans le sabir habituel aux sites touristiques. On trouve aussi des femmes en short. Certaines, aux côtés de leurs maris ou en bande de célibataires chargées de sacs à dos impressionnants. Celle-ci sont unisexes, touristes et proches des garçons, si proches qu’il faut y regarder à deux fois avant d’en faire le tri.

La parisienne a une autre allure. De longues jambes, si longues qu’il est difficile de ne pas y perdre son regard, certains jours de pluie société, Paris, femme, cultureapprêtées de bas ou de jambières. Vous connaissez ! Ces ronds de chiffons que l’on se met aux jambes pour éviter les flaques d’eau. Un short taillé par un expert en fantaisie, bleu clair, rouge vermillon, jaune canari, le tout surmonté d’un chemisier taillé à l’extrême, par un autre expert en ciseaux et coutures. Elles mènent leur combat toute la journée, impeccables, rutilantes même, comme des Chrysler aux enjoliveurs chromés. Munies d’un sac débordant, impressionnant de fond et d’objets, elles se remettent du rouge aux lèvres fréquemment, devant la devanture d’un magasin ou la vitre d’une voiture de luxe non décapotable. Elles ne fréquentent que les hommes bien mis, c’est-à-dire toutes saisons, costume noir, chemise rose, cravate colorée ou sans, les poches généralement bien remplies de beaux billets bien pliés, les cheveux au vent, en arrière, bronzés comme il se doit, la bague au doigt parfois. Et, ensemble, ils laissent leur voiture en double file, vont prendre un verre au Flore ou encore s’arrêtent devant une galerie pour admirer une couverture grise recouverte de poussière élégamment posée sur un vieux pneu, chef d’œuvre de l’art contemporain.

Mais on rencontre cependant des femmes élégantes, sanssociété, Paris, femme, culture sophistication, fraîches et tendres comme une escalope de veau que l’on mange à la terrasse d’un restaurant chic entre deux messieurs bedonnants. On les reconnaît à leur sourire surprenant, fait de mystère caché et de naïf étonnement. Elles sourient à tous et toutes, spontanément, sans arrière-pensée, parce qu’elles sont heureuses de ce jour ensoleillé, de cette matinée chaude ou de cette après-midi à la brise légère. Elles sont parfois seules, affairées d’un sac cartonné sortant d’une boutique bien achalandée, ou encore accompagnées d’une autre personne semblable à elle-même, toute aussi fraîche et simple.

 

Oui, Paris est bien autre chose quand arrive l’été. La ville devient lumineuse, lavée de ses grisailles, magnifiée de ses habitants élégants comme sortis d’un film, qui vont la tête haute parmi la foule des obscurs figurants plus anonymes. Ce n’est ni Londres avec ses parapluies et melons, ni Rome avec ses élégants costumes d’une légère note fantaisiste. C’est bien Paris, la fleur des capitales, où il fait bon vivre et où les femmes flottent sur les trottoirs, admirables d’élégance et de charme.

 

25/06/2012

La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988 (suite et fin)

La troisième partie du livre est assez complète et se suffit à elle-12-06-12 La mort est un nouveau soleil.jpgmême. Voici ce qu’en dit Elisabeth Ross : « Chaque jour des hommes meurent partout. Et néanmoins dans notre société qui a réussi à envoyer un homme sur la lune et à le faire revenir sain et sauf, aucun effort n’est entrepris pour étudier la mort et arriver à une définition actualisée et universelle de la mort humaine. N’est-ce pas étrange ? »

Alors elle nous raconte comment dans son équipe médicale, les expériences au seuil de la mort se multiplient. Elle constate même qu’au cours des dix dernières années on a rapporté dans le monde entier plus de vingt-cinq mille cas. Qu’on-t-il vécu ?

Au moment de la mort, nous vivons tous la séparation du vrai moi immortel de sa maison temporelle, c’est-à-dire du corps physique. On se voit mort physiquement et on se sait entité intégrale malgré tout. (…) On perçoit la présence de nos guides spirituels, généralement un être mort que nous avons particulièrement aimé. (…) On passa alors par une transition symbolique qui est le plus souvent décrite comme une sorte de tunnel et on approche d’une source lumineuse dans laquelle nous réalisons ce que nous aurions pu être, la vie que nous aurions pu mener. (…) Nous devons juger nos pensées, nos paroles et nos actes.

Elisabeth Ross fait alors part de sa propre expérience. Cette expérience a changé sa vie. Alors ne jouons pas les sceptiques à priori. Interrogeons-nous sur ces expériences qui furent suffisamment nombreuses pour qu’elles disposent d’une certaine légitimité. Nous ne trouverons pas la réponse tout de suite, mais cette méditation ne sera pas inutile.

C’est un beau défi, ne trouvez-vous pas ?

 

24/06/2012

Séraphine Louis, dite de Senlis (1864-1942)

Séraphine est la femme de ménage de Wilhem Uhde, marchand de tableaux. Ils habitent Senlis. Il voyage, elle peint. Et, un jour, il découvre sa peinture. Emerveillement ! Allez voir au musée Mayol, à Paris, 61 rue de Grenelle. C'est sous les combles, mais montez-y, cela en vaut la peine.

peinture, naïf

Peinture naïve sans doute, mais dans un style italien du 17ème siècle. Belle de fraicheur, spontanée, lumineuse, de couleurs vives et bien mariées. Ce ne sont que des fleurs, mais elles font rêver car toutes imaginaires, sorties tout droit de la tête de Séraphine qui peint pour égailler sa vie, pour illuminer son regard. Et c’est beau d’innocence, de charme, de fraicheur, sans recherche académique, sans réminiscence.

peinture, naïf

Séraphine valorise la nature, lui redonnant la vision de la Bible, débordant de bon, de bien et, bien sûr, de beau. Le dessin est précis, lesFeuilles.jpg couleurs ajustées, ornant les feuilles et les fleurs de pointillés de couleurs vives, chaque tableau représentant une sorte de bouquet exaltant, plongeant le spectateur dans une vision onirique, d’une volupté chatoyante qui enchante l’esprit. Les feuilles semblent avoir des poils multicolores, des nervures rouges ou bleues, des pois comme des points d’interrogation sur leur surface. La feuille devient fleur elle-même ou même plume, à l’égale de celles du paon.

 

La plupart de ses œuvres peuvent être divisées en deux ou trois zones à peu près égales.

L'arbre de vie.jpg

 

La première zone, au bas du tableau, comprend la naissance du tronc des arbres ou des tiges des plantes. Les couleurs y sont relativement foncées. Elle forme un arrière-plan symbolique, la racine de l’être et de la terre. Dans la seconde zone, au milieu de la toile, les feuilles, les fruits et les fleurs aux couleurs plus claires, s’étalent, lumineux, envoutants, exotiques, gorgés de tonalités très variées, mais toujours en harmonie. Cette surface semble une montée vers le sacré, vers un monde empli de parfums célestes. Parfois apparaît une troisième zone, en haut du tableau,  encore plus lumineuse, comme une aspiration vers un monde meilleur, vide de toute représentation terrestre.

 

On pense aux peintures africaines, débordantes de teintes, de nuances qui s’ordonnent pour former un langage de ravissement devant une création entièrement imaginaire.

Elle préparait elle-même ses couleurs, faites de toutes sortes d’ingrédients dont l’huile d’éclairage utilisée dans les églises. Elle peignait à genoux, la toile posée sur le sol, sans s’arrêter, jusqu’à l’épuisement.

 

"Séraphine" a eu son heure de gloire avec le film de Martin Provost.Film.jpg Il relate le tragique destin d'une femme du peuple un peu illuminée, domestique puis peintre autodidacte, et a triomphé vendredi soir aux 34e César, en raflant sept prix dont ceux du meilleur film et de la meilleure actrice, décerné à Yolande Moreau. Mais, arrive-t-on à comprendre son art dans les images qui relatent sa vie plutôt que sa passion ?

 

23/06/2012

Mars

 

Pluie et soleil ! Le mois de Mars en tête, tu revendiques ton appartenance à l'abstraction. Tu penses aux bruits de la pluie sur une véranda, à la clarté de l'astre dans une éclaircie. Et tout cela frissonne dans ton cerveau comme les petits poissons dans une friture. Et qu'en sort-il ? Cela. Un dessin où l'angle et la rondeur se mêlent, où le pointu et l'aplat se mélangent. Et cela fait froid dans le dos et réchauffe la pensée. Ce n'est pas le juste milieu, mais le côtoiement des extrêmes.

 

12-06-14 E34 carréscercle.jpg

22/06/2012

Labyrinthe

Quel dédale de pierres froides et grises !
Avance, te dis-je, ou l’on n’en verra pas le bout !
Et vous marchez, marchez sans cesse
Le nez levé, sans voir rien d’autres
Que ces murs qui tournent et passent
Toujours les mêmes, ronds à force de tourner
Pris dans les volutes de l’illusion
Partant en fumée dans votre imagination

Serais-tu perdu, homme sans horizon ?
Ces corridors, escaliers, chambres, galeries
Salons de brocart, couloirs de la mort
Ne t’ont-ils pas aguerri, élevé l’âme ?
Tu cherches sans trêve dans la solitude
Ton double dont tu perçois les ombres
Là, il est là ! Et tu cours derrière lui
Sans savoir qui tu vois réellement

Vous connaissez bien sûr le labyrinthe des mots
Celui de la chicane et de la jurisprudence
Et vous vous laissez noyer de lettres
Comme le mathématicien de chiffres
Il n’y a pas de nombres premiers
Dans les lois sans cesse faites et défaites
Il n’y a pas de nombre d’or, mais des rideaux
De papier, d’abjuration, de supplication
Et lorsqu’on les ferme, sous les applaudissements
De vieux relents d’incompréhension
Vous pilonnent de leur aigre rancœur

Les labyrinthes de la passion, de cœur ou de corps
Sont plus excitants. Vous vous heurtez
A la sensibilité d’autrui, en reflet
Et votre ombre devient mirage, multiple
Et vous courrez derrière, là aussi
Mais ce n’est qu’impression, engouement
Et vous courrez, exalté, fiévreux, ivre
De ces baisers de chair qui se laissent
Goûter derrière les orangers
Quel fruit délicieux que ceux-ci, n’est-ce pas ?

Un labyrinthe, qu’est-ce ?
Une machine à laver brassant le cerveau
Un coup à l’endroit, un tour à l’envers
Jusqu’au tournis conceptuel
Avec perte de la rose des vents
Vous marchez sur la tête
Vous courrez au plafond des visions
Et tombez raide, sans fard
Aux pieds de la bien nommée
Belle dans sa robe de taffetas
Souriant au benêt qui court
Croyant palper la vie
Alors qu’il n’embrasse que le vent

21/06/2012

Dream images, de George Crumb

http://www.youtube.com/watch?v=7HngOQIO2T4&feature=related

 

Réminiscences… Est-ce réellement un rêve ou un manque de mémoire, des trous dans la vie entrecoupés d’absence. Vous passez du souvenir ambigu au remplissage du temps.

Chopin passe, comme une ombre chinoise, écrasé ensuite par le silence et l’obsession d’une folie passagère ou d’un voyage spatial. Les gouttes d’eau retombent, éclatent, se pulvérisent avant de redonner vie à Chopin.

Trois notes de la gamme suffisent à créer le dépaysement. Elles reviennent obsessionnelles, comme la seule chose sur laquelle l’esprit arrive encore à de raccrocher. Trois notes dont la première jouée trois fois.

Est-ce beau ? Oui, sans doute, mais d’une beauté troublante, ambiguë, moins charnelle et vivante que monomaniaque et taillée dans le vide de la mémoire. Cela fait un peu froid dans le dos ces cloches qui résonnent derrière les trois notes fétiches. Après l’audition, on a envie de secouer son corps pour le débarrasser d’une poussière imaginaire.

  

La musique de George Crumb, américain né en 1949 en Virginie, est concise, rigoureuse, voire austère, influencée par Webern, mais aussi Debussy. Il s’inspire également des traditions orientales et populaires. C’est une musique mystique, quasi initiatique, agissant par des effets de timbres et de silence. Il fait référence à de nombreux poèmes, dont ceux de Frédérico Garcia Lorca et parsème ses œuvres de réminiscences de musique classique comme dans ce morceau Dream Images.

 

20/06/2012

Coronado, à la galerie Ariel Sibony

 

12-06-07 Silhouette d'enfant.png

L’innocence sous un regard malhabile, voilé de taches de souvenirs disparus dans la tempête du temps. Tels apparaissent les portraits, silhouettes et paysages des tableaux de Coronado. Il est espagnol, mais il pourrait être d’autres nationalités, puisque ses évocations sont intemporelles, sans marque distinctive  d’un attachement à un lieu. Le vert des jardins ou le bleu des piscines, tels sont ses encrages où se promènent, libres, les attitudes de ses réminiscences.

 

 

 

 

Les fonds bleus des piscines ou de la mer, conviennent particulièrement au style du peintre : à plat au couteau, parfois au-dessus d’un dessin au crayon, comme extrait de la buée de chlore habituel à ce décor. C’est beau d’inachèvement, de suggestion, d’impressions.

12-06-07 Enfant.png

 

La galerie Ariel Sibony se trouve au 24, place des Vosges, 75003 Paris

http://www.arielsibony.com/

19/06/2012

Déclaration d’impôts

 

Cela vous tracasse depuis plusieurs jours. La date approche, il serait temps de s’y mettre. Et puis, vous avez laissé couler. Jusqu’à aujourd’hui, avant dernier jour. Vous avez bien rassemblé quelques documents nécessaires tels que déclaration de dons ou encore montant des avoirs fiscaux. Papiers inutiles, car pour la plupart munis de zéro. Ce petit tas devra être trié, comme on sépare l’ivraie du bon grain. Mais l’essentiel reste à faire. C’est pourtant plus simple depuis qu’il y a la toile. On ouvre l’ordinateur, on a préparé sa page excel et on y met les chiffres, ceux que l’administration elle-même vous a donnés. C’est bête comme chou, mais qu’est-ce que c’est ennuyeux.

Alors, ce matin, courage. Vous vous levez du bon pied, prenez un bon café avant de vous plonger dans les chiffres. Colonne ou ligne, 2AB, 3BH, 7UF. Surtout ne pas se tromper. Mais où ai-je bien pu mettre le papier de la banque ? Vous vous faites une comédie, voire une tragédie, d’une demi-heure passée devant votre ordinateur à aligner quelques chiffres, à faire des totaux maigres et pâlichons. Vous en ressortez exsangue et défait, alors que ces quelques additions ne vous ont prises que quelques minutes. Et tout d’un coup, vous avez fini. C’était donc cela, toujours aussi simple, mais toujours aussi fâcheux d’ennui accumulé ! Après l’envoi au centre des impôts, vous vous sentez en vacances, allégé. Les nuages noirs sont partis, le ciel bleu vous aide à vous alléger du superflu.

A quoi peut bien servir tout cet argent accumulé en une année, vous dites-vous ? Et pourtant chaque mois le laisse filer doucement, mais sûrement. Une petite signature par ci, un code glissé par là, deux ou trois billets sortis de votre poche, encore frais et plein d’encre. L’argent a-t-il une odeur ? Oui, celle de vos journées à votre table de travail, celle de réunions avec d’autres pauvres imposables qui comme vous se sont arrachés les cheveux plutôt que de remplir leur déclaration sur une musique de Haydn, enjouée, espiègle, mais reposante.

Ah, quelle demi-heure ! Epoustouflante et traitresse. A l’an prochain, pour le même devoir, incestueux, comme un mal nécessaire et utile.

 

 

18/06/2012

A cette heure où plus rien ne bouge

A cette heure où plus rien ne bouge
Quand encore la lourdeur des paupières
Et le froid des draps écartés
Vient vous frapper d’un coup
Et réveille en vous le souvenir
De la vie et de la mobilité des choses

Quand l’esprit englué,
Tourne en rond, en ratée
Et le corps recroquevillé
Se serre contre celle, amour
A qui l’on doit la vie et les pensées

Lorsqu’enfin ouvrant un œil
On ne voit que le noir sans fond
Et l’on se demande, éperdu
Où se trouve notre corps
A défaut de savoir
D’où notre esprit divague

Rupture ! Plus rien n’est comme avant
Assis au bord de l’océan
De draps et de couvertures
Je tends les bras vers l’oubli
Tente de me relever, hagard
Puis retombe, inerte
Et me rendors en toute innocence
Devant les spectres de la nuit
Et les fantômes silencieux

Puis vient le temps des rêves
Partir sur son nuage
Et laisser errer sa pensée
Sans odeur ni caresse
Pour le seul plaisir virtuel
D’un refuge chaleureux
En rond autour d’une chimère
Qui vous embrase un temps
Le temps d’un nouveau sommeil

Et, à nouveau, embarqué
Sur le navire de vos incertitudes
Vous laissez votre être
Partir à la dérive, en pluie
Inondant la chambre d’illusions
Pour, encore, le rassembler plus tard
Quelques heures… Encore
Comme le naufragé qui cogne
Sur la coque du bateau
Pour alerter les ondes
De l’absence de l’humain
 
Enfin, lorsque le matin vient
Que le feston amarante apparaît
Que l’oiseau malhabile crie sa douleur
Que l’enfant pleure le ventre vide
Vous émergez des brumes adoucies
D’une veille nocturne, engourdi
Le cœur encore enfermé
Dans ce brouillard fragile
De l’imprécision des gestes
Vous remettez en route
La machine à survivre
A moudre des impressions,
A concocter des sentiments,
A modeler des intentions,
A sculpter l’entendement

Merci mon Dieu,
Encore une fois
J’exerce de plein droit
La faveur d’entamer
Une nouvelle journée de bonheur

17/06/2012

Nos vies désaccordées, roman de Gaëlle Josse

 

On met du temps pour entrer dans ce roman. Il traîne en longueur au départ et ne finit pas réellement. Sophie, l’héroïne involontaire delittérature, roman l’histoire, ne prends pas de décision. On ne sait si elle retournera avec son pianiste ou non.

L’écriture est parfois banale, mais la forme du roman implique pour chaque chapitre un final en italique qui devient une méditation, avec des réflexions intéressantes sur ce qui s’est passé. C’est à la fois impersonnel et très intérieur, à la surface de l’âme. Ces récitatifs, à la manière d’un opéra, sauvent le livre, car l’histoire en elle-même manque d’intérêt.

François Vallier, pianiste célèbre, part retrouver Sophie, celle qu’il a aimée, qu’il aime toujours et qui est internée dans un service psychiatrique. Elle ne parle pas et ne fait que peindre en noir un immense tableau blanc, puis en blanc l’immense tableau noir. Et pourtant, elle était vive, drôle, inattendue, imprévisible.  Mais un jour, elle fut enceinte. Elle en fut heureuse, jusqu’au moment où elle apprit qu’elle attendait un enfant trisomique. Ils décident d’interrompre la grossesse.

Nous sommes entrés costumés dans le bloc opératoire où nous attendaient médecin, anesthésiste et infirmières. Oui, nous étions sûrs de notre décision. Un appareil relié au ventre de Sophie par deux électrodes faisait entendre le cœur de l’enfant. Un staccato léger, rapide. Sophie accoucha d’une pauvre vie que l’on déroba à notre vue derrière le champ opératoire. Le staccato ralentit. Cessa. Il y eut un silence. (…) Quelques jours plus tard, Sophie sortit dans la rue, entièrement nue, couverte de peinture rouge, en hurlant qu’on lui rende son enfant. Il fallut l’interner d’urgence.

L’histoire, les péripéties, l’après cet incident, tout cela est dit de manière intimiste, mais détachée, dans la musique des mots qui traduit la musique des notes.

Hier, pour la première fois depuis mon départ, j’ai eu envie de jouer. Pas seulement dans ma tête, ou en feuilletant une partition. Envie de jouer avec les doigts, les bras, avec le souffle qui s’applique à suivre chaque phrase. Mes doigts ont recommencé à chercher quelque chose. (…)  Qu’as-tu fait de ton talent ? J’ai joué, Seigneur, j’ai joué. Je voudrais aussi pouvoir répondre que j’ai aimé, et au-delà de moi-même, lorsque la question me sera posée, le jour de la pesée des âmes.

On ne sait si Sophie est revenue à la vie, à l’amour. On ne sait ce que devient ce couple qui n’en est plus un.

 

C’est une femme qui a écrit ce livre et qui fait parler un homme. Cela commence difficilement. Cela finit difficilement. Entre les deux, il y a la musique et c’est sans doute pour cela que le livre et la romancière finissent par toucher le lecteur.

 

15/06/2012

"Symbiosis", par le ballet Pilobus

 

http://www.youtube.com/watch?v=FOZ6KnVPvIU 

 

 

Etrange, très étrange. S’agit-il de danse, d’humains, d’animaux, voire de plantes, sont-ils un ou deux, peut-être plus ?

 

On peut penser aux crabes, aux insectes, s’ébattant dans le sable ou la boue. Ils sont mécaniques, primaires, mais aussi, parfois, tendres, envoûtants, extatiques. Mais ils sont toujours insolites, inattendus. Un équilibre… sur le fil du rasoir.

 

Et ce spectacle sur une musique minimaliste : Arvo Part, George Crumb, de grands noms de compositeurs américains.

 

Dépaysement, exploration de mondes nouveaux, normalité ou anormalité ? On ne sait plus, on se laisse bercer, captiver, séduire par cette danse qui n’en est pas une et qu’on ne peut nommer.

 

 

 

14/06/2012

Un mot, qu'est-ce ?

Un mot, qu’est-ce dans le temps ?
Chaque mot dit compte, même dans le sommeil
Chaque mot pensé, même bien caché
A son mot à dire au jugement dernier

Et pourtant un mot n’est qu’un son
Certes il possède un sens
Que chaque son ne peut s’arroger
Mais ce sens est-il toujours conforme
A ce que l’on voulait dire ?

Parfois un bon mot devient un habit
Qui permet de cacher sa déconfiture
Certes, il existe des mots vides de sens
Lorsque l’auteur n’a rien à dire
Mais veut pourtant tenir la scène

L’on peut aussi parler à demi-mot
Comme le souffle dans le vent
Des oreilles emmitouflées
Que comprendre alors ?
Au bas mot, pas grand-chose !

Les grands mots de célébrités
Ne sont pas forcément les meilleurs
Ils écrasent sans convaincre
Et laissent coi l’interlocuteur
Qui, sans mot, ne peut rien dire.

Certains l’écorchent, ce mot recherché
Et provoquent l’hilarité
Comme l’inculte qui lit mot à mot

D’autres disposent de mots de passe
Ingrédient très cher au faussaire
Qui doit acquérir des contre-mots

Le mot pour rire
Est le mot drolatique et fugace
D’un funambule sur le fil
D’un rasoir électrique

Pas un traitre-mot, dites-vous ?
Certes, ma belle, je le sais
Mais l’homme muet
Ne sait jongler avec les mots

C’est mon dernier mot !
S’exclame le mourant
Puis en un soupir
Il laisse partir le mot

Les gros mots ne sont pas les plus visibles
Ils s’étalent aux portes des oreilles
Et font rire les enfants, motivés
Par toutes sortes de mots de la fin

Quel est donc le fin mot de l’histoire
Le savez-vous, jeune homme ?
Je l’appris dans le dictionnaire
Où l’on trouve toutes espèces de mots
Même ceux qu’on ne connaît pas

Une définition est un discours
Qui dit ce que signifie un mot
Et si vous le prenez au mot
Que vous restera-t-il ?
Un mot cassé, sans orthographe
Et encore moins de sens

Pour finir, de ces divagations,
Quel est le mot d’ordre ?
Pensez-vous un mot de ce que vous dites ?
Celui qui ne pipe mot
N’a plus de mots dans la tête

Transmis par radio-Londres :
Les mots-clés sont fermés
Je répète :
Les mots-clés sont fermés

13/06/2012

Concerto n°1 pour violon et orchestre de Philippe Glass, 2ème mouvement

http://www.youtube.com/watch?v=LFf6p6actPo&feature=relmfu

Début difficile, de quels sons parle-t-on ? Ils sont à peine audibles et ressemblent à ceux d’une machine. Puis monte une litanie  de cinq notes descendantes, cinq notes de la gamme tout ce qu’il y a de plus simple. Enfin, le violon intervient avec un chant plus pur, toujours aussi simple, minimaliste comme le disent les critiques musicaux. Et progressivement vous entrez dans la musique et vous laissez bercer par ce chant accompagné de la litanie. Vous flottez, vous partez vers d’autres cieux, vous quittez cette terre pour entrer dans le royaume de l’impersonnel et vous sentez chez vous.

4mn 50 : le chant s’amplifie, devient berceuse de l’âme, tout entier caresse, creusant un grand trou dans vos pensées habituelles, jusqu’à les faire oublier. Et vous errez en pensée dans cet univers sans même savoir où vous êtes. Et pourtant, que vous y êtes bien !

 

Philippe Glass est américain. Il est né en 1937 à Baltimore. Un temps intéressé par la musique dodécaphoniste, il devint un des pionniers de la musique minimaliste répétitive. Il a enfin évolué vers une musique très classique, se basant sur l’harmonie et le contrepoint. Il a également fait des études de mathématiques et de philosophie, ce qui explique sa conception personnelle de la musique. Inclassable réellement, c’est ce qui fait sa force.

Ce concerto pour violon fut écrit en mémoire de son père. « Ses œuvres favorites étaient des concertos pour violon et j'ai grandi en écoutant les concertos pour Violon de Mendelssohn, de Paganini, de Brahms. (...) Ainsi, quand j'ai décidé d'écrire un concerto, j'ai voulu en faire un que mon père aurait aimé. »

Oui, c’est un grand compositeur. Mais le connaît-on en France ?

 

12/06/2012

La mort est un nouveau soleil, d’Elisabeth Kübler-Ross, Edition du Rocher, 1988

« Beaucoup de gens disent : « Le Dr. Ross a vu trop de mourants. Maintenant elle commence à devenir bizarre. » L’opinion que les gens ont de vous est leur problème et non pas le vôtre. Il est trèslittérature,spiritualité,société,livre important de le savoir. Si vous avez bonne conscience et que vous faites votre travail avec amour, on vous crachera dessus, on vous rendra la vie difficile. Et dix ans plus tard, on vous donnera dix-huit titres de docteur honoris causa pour le même travail. » Ainsi commence le livre d’Elizabeth Kübler-Ross et cela me plaît : l’indépendance d’esprit est le seul moyen d’innover réellement. Et elle a réellement innové dans un milieu où les préjugés scientifiques sont aussi, sinon plus forts que dans les autres milieux. Un médecin qui sort de la science médicale, laquelle se résume à la vie physique, c’est inconcevable, même si ses recherches se font de la manière la plus scientifique possible.

Le livre est composé de trois conférences qui se font suite de manière logique : vivre et mourir ; la mort n’existe pas ; la vie, la mort et la vie après la mort.

L’homme vit dans un cocon, son corps. Il utilise pour cela l’énergie physique. Mais il dispose également de l’énergie psychique, et il peut les utiliser de manière positive ou négative. L’énergie psychique s’utilise au moment de la mort, lorsque l’homme sort de son cocon avec son corps éthérique comme le fait le papillon. Lorsqu’on lui pose la question de la mort des enfants, elle explique que ceux-ci ont appris ce qu’ils avaient à apprendre et que cette vie lui suffit. La mort permet de faire la synthèse de sa vie, de voir en quoi nous avons réussi ou non ce pourquoi nous sommes venus sur terre. Et ce pourquoi est différent d’une personne à l’autre.

La mort n’existe pas, dit le Dr. Ross. Elle n’est qu’un passage. Elle le tire de ses constatations de Near Death Experience. Alors il faut prendre la vie comme un défi. Nous sommes là, sur terre, pour découvrir quelque chose de personnel qui importe pour notre être tout entier. Alors mettons-nous au travail ! Peu importe si nous sommes connus ou inconnus, si ce que l’on a à découvrir apportera quelque chose à l’humanité ou sera insignifiant. L’essentiel est de le faire avec amour, sans jamais se décourager, sans recherche de profit personnel.

 

11/06/2012

Art optique

L’art optique, dit plus simplement op’art, est un art abstrait qui utilise les impressions données par l’œil suite à des assemblages de couleurs, de formes ou d’effets. Il joue sur les impressions visuelles. Il utilise le plus souvent des dessins géométriques et est donc ainsi proche de l’art cinétique.

Une idée que j’ai réalisée à partir de simples alignements de cercles où seule la couleur noir-blanc-gris joue avec l’œil. Evidemment, bien d’autres distorsions sont possibles, chacune avec sa particularité.

 

 

12-06-05 E36 cercles.jpg

 

10/06/2012

Laisse résonner en toi le monde

Laisse résonner en toi le monde
Laisse venir du fond de tes entrailles
Les bruits délicieux de l’immensité
Inquiétante du grouillement de la vie
Ecoute, les yeux fermés et les oreilles closes
Les paroles de la nuit ouverte
Qui danse comme les serpents
Sur l’antre des échos vibrant en toi
Entend ces chants silencieux et fuyants
Qui entretiennent en toi
Cette humanité rougeoyante
Et ces épanchements écarlates
Que monte vers toi les flammes
De l’inconnue extasiée
Qui crie sa douleur d’être seule
Marche sur les chemins de silex
Soulage tes pieds de misère
Et continue à avancer, toujours
Vers l’obscur point qui se trouve en toi
Et que tu cherches inlassablement
Sous la peau que tu revêts
Derrière les apparences de l’homme
Mais dans un cœur d’enfant
Et une âme divine se tient
L’aboutissement de ta destinée
Ce point ultime qui est ton but
Que tu peines à connaître
Et encore plus à décrire

Alors, oublie-toi,
Et qu’avance le vaisseau
De tes éclaircies divines !

 

09/06/2012

De l’impression au rêve, paysage de Henner (2ème partie)

Mais là où excelle Jean-Jacques Henner, ce sont les nues de femmes, toujours estompées, pleines de grâce, sortant de la noirceur du paysage, comme un éclair de flash, inattendues, éblouissantes d’innocence, si naturelles dans ce milieu qui semble inhospitalier, où seul le bleu turquoise de la pièce d’eau, en réponse au ciel, fait une autre tâche claire.

« La source » : très belle huile avec une jeune fille de dos au corps blanchâtre contrastant avec le fond d’arbres brossé à grands traits.

lasource.png


Les Naïades ou baigneuses, huile 1877 : Très beau tableau faisant contraster les fonds du paysage, très sombres hormis le bleu émeraude du ciel et de la pièce d’eau, avec la blancheur des corps. Six jeunes filles nues, entre elles, un peu endormies par la chaleur de l’été, indolentes. Elles semblent à la fois figées et bien vivantes, occupées de leur féminité.

 

P5230012.JPG

 

Jean-Jacques Henner est un esthète. Il pratiqua la peinture comme on pratique une religion : jour après jour, se refaire dans le rite des formes et des couleurs, à sa manière : jamais un trait fin, une confrontation nette entre une forme et une autre, et pourtant des contrastes à n’en plus finir, taches vives dans l’obscurité des paysages.

 

« Il importe cependant de faire une exception pour le peintre Henner qui fut parmi les bons artistes de la seconde partie du XIXème siècle, parce que, contrairement à la plupart de ses contemporains, il modelait, non pas des aplats, mais par des rondes bosses. Si l’on a dit, avec raison, que ses modelés sont trop régulièrement ronds, ils n’en sont pas moins charmants et abondants ; il sut faire tourner, évoluer ses figures dans une lumière sans sécheresses ; si ses « Madeleines », ses « Naïades » et ses « Nymphes » gainées dans leurs peaux aux clartés d’ivoire n’offrent rien de ces chars succulentes qui, chez Jordaens, appellent le Faune, elles donnent l’impression d’un épiderme souple, satiné, mobile et cependant résistant. » [Extrait des Entretiens avec Rodin par Dujardin-Beaumetz (1913)]

 

 

 

 

 

 

08/06/2012

Canon de Pachelbel revisité par Hiromi Uehara

http://www.youtube.com/watch?v=FKGwIjqdm3A

Quelle merveille, des sons coulants, qui tombent en cascade, qui vous lavent de vos impuretés tout en vous dynamisant, le tout avec une facilité et une aisance déconcertante.

Pachelbel joué, puis imité, puis revisité et enfin oublié dans une frénésie de notes rythmées, mais restant néanmoins dans une perspective classique, plus ou moins.

C’est le propre de l’improvisation, partir sur une mélodie connue avec un arrangement classique et progressivement en dévier, doucement, mais surement vers d’autres cieux, d’autres horizons jusqu’à changer complètement les sensations, les impressions, les images suggérées. Alors se déchaîne l’esprit de l’improvisation, où la fougue et le rythme deviennent le seul motif de la poursuite débridée. Une petite pose (voir à 5 mn) et l’improvisation repart dans une autre direction, toujours aussi entraînante. Hiromi Uehara est espiègle, elle sait préparer ses effets et elle en rit, comme d’une bonne blague alors qu’il s’agit d’un instant de virtuosité que peu de pianistes pourraient donner. Quel prodige que cette japonaise qui joue comme un jazz man de Chicago !

Seul bémol, le bricolage de la table d’harmonie avec des instruments qui ne sont sans doute pas utiles pour démontrer la virtuosité de la pianiste. Nous verrons cependant qu'en d'autres occasions, elle s'en sert pour produire des effets plus qu'intéressants.

 

07/06/2012

Cadeau

A cheval donné, on ne regarde pas la bride
Pourtant ils sont bien là, tous ceux qui
Regardent derrière le papier grenat
Enveloppant le mystère du don

Il ne fallait pas ! Susurrez-vous au donateur
Etes-vous heureux d’un tel privilège ?
Certes se fendre d’une offrande
Est mieux que demander un bakchich

Il est incontournable, dit la précieuse
Oui, il se tient au doigt, visible et précis
Comme une pomme de pin sur une branche
Ou un hanneton sur la fleur violette

Il est royal, osez-vous dire à votre bienfaiteur
Ce n’est pas un couscous, ni un festin
Ce n’est qu’un présent à l’image du cœur
Comme une bulle d’air montant dans l’eau

Il est tombé du ciel, un coup de tonnerre
Qui éclate au matin, à peine réveillé
Il vous touche le troisième œil
Et vous retourne sur le dos, tortue

Plus rien ne sera comme avant
Me voici transformé, vibrant
De surprise, d’attente satisfaite
J’embrasse la donatrice aux lèvres charnues

06/06/2012

De l’impression au rêve, paysage de Henner (1ère partie)

ExpositP5230004.JPGion au musée Henner (peintre : 1829-1905), qui était auparavant l’atelier d’un autre peintre, Guillaume Dubufe. Magnifique musée dans le style de celui de Gustave Moreau (voir le 26 janvier 2012) avec des éléments architecturaux empruntés un peu partout. Ainsi on trouve au premier étage des moucharabiehs égyptiens, une cheminée chinoise et des colonnes doriques.

 

Mais ce qui nous intéresse est aux murs.
Le sommeil.jpg

On entre au premier étage dans un atelier salon, très lumineux, de grande dimension (celui que vous venez de voir). Quelques portraits, élégants, souvent assez sombres, aux contours vagues le plus souvent. Une belle jeune fille qui dort, la bouche entrouverte, un teint de pêche sur fond noir, intitulé « Le sommeil » et peinte en 1880. Elle semble morte, mais l’on sent également les battements de son cœur à la fraicheur de sa peau. Evanouie, le temps d’un sommeil !

 

Paysage-de-Troppmann.jpg

Des paysages et des nymphes, multiples. Les paysages à l’huile sont sombres, presque noires, avec des ciels bleu turquoise, très lumineux. La végétation y est peinte à grands traits, en vastes coups de pinceau. Ce sont plutôt des ombres, des lignes d’horizon, avec, parfois, un chemin ou un étang, plus clair.

D’autres paysages, Capri, Naples, Rome, et d’autres encore, sont au contraire pastelsprès de Capri.jpg ou presque, avec des ciels plus travaillés. La campagne italienne est un bon motif de paysage.
De beaux dessins, avec la silhouette de Saint Pierre dessinée au crayon.

 

 « Je rêve quelque chose et je n’arrive pas à réaliser mon rêve ; il faut trouver la forme et la couleur appropriées », dit Jean-Jacques Henner.
Les dessins de paysage ou de vues faits au fusain, sont, pour la plupart, rehaussés de craie blanche, comme un rappel du ciel des toiles à l’huile.

05/06/2012

Nuit d'été à New York

Je l'ai vu en rêve, puis réalisé

Quelques gratte-ciels,

la seconde lune d'Haruki Murakami dans 1Q84

la mer, omniprésente

verticalité et horizon

au centre, l'absence

 

12-06-05 E34 Formicar.jpg

 

04/06/2012

Menus abîmes, poèmes d’Emily Dickinson, traduit par Antoine de Vial (2ème partie)

« Le rivage est plus sûr, mais j’aime me battre avec les flots
Un mot peut vous inonder quand il vient de la mer »

 

littérature,poésie,amérique
Emily Dickinson est une femme restée adolescente dans l’esprit, spirituellement toujours en mouvement. Mais ses interrogations ne se disent pas ouvertement, elles se laissent deviner au fil des vers. En cela, elle se laisse laver chaque matin par son inspiration et peut alors déclamer fortement sa vision du monde.
Les mots prolongent sa pensée, la rythment au fil du jour et s’éteignent le soir après les avoir couchés sur le papier. Et chaque jour est un émerveillement de tout, bien qu’elle n’ait jamais que vécue dans sa maison familiale. Vide de toute pensée utilitaire et personnelle, elle se laisse griser par la toute-puissance de la nature, s’enivre du soleil, du vent et des couleurs de l’univers.

 

N’en disons pas plus et laissons-nous porter par ce poème :

Ce fut un chemin de silence –
Il demanda si j’étais sienne –
Je répondis sans mots –
Mais du regard –
Alors – il m’emporta si haut
Avant même ce bruit mortel
De la fougue d’un Char –
Loin – comme le ferait des roues –
Notre monde avait disparu –
Comme les champs au pied
De qui se penche d’un ballon
Pour scruter une rue d’éther –
Le gouffre – derrière nous – n’était plus –
Les continents étaient nouveaux
C’était l’éternité avant –
L’éternité prévue –
Plus de saisons pour nous –
Ni nuits et ni matins –
Mais un soleil – qui en ce lieu –
S’était fixé en son aurore –

Merci, Emily, pour cette bouffée de fraicheur et votre délicate espérance.

03/06/2012

Plus près de toi, mon Dieu, interprétation au violoncelle, par ThePianoGuys

 http://www.youtube.com/watch?v=gosY-UrpHcA&feature=related

 Encore une très belle improvisation des Piano Guys, sur ce choral bien connu : Nearer, My God, to Thee, choral chrétien du XIXe siècle, écrit par la poétesse britannique Sarah Flower Adams (1805-1848) sur une musique du compositeur américain Lowell Mason (1792-1872).

Les paroles sont inspirées des confessions de saint Augustin, livre 1 : « Fecisti nos ad te, Domine, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te » (Tu nous as fait orientés vers toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu'il ne commence pas de reposer en toi).

 Joué ainsi, cela nous change des interprétations guimauves que l’on nous impose sous des prétextes puritains ou en raison d'incompétence musicale notoire. Certes, ce n’est pas non plus une interprétation liturgique. Néanmoins, dans la profondeur du chant des violoncelles, résonne en chacun de nous le vide, plein de l’inconnaissable, de cet autre nous-même qui nous transporte vers un renouvellement de l’être.

02/06/2012

Chapeau...

Plus généralement partie supérieure d’un appareil…

Chapeau bas, Monsieur, qui d’autres l’aurait fait ?
Ainsi s’esclaffe le quidam sur la pirouette des mots

Mais ce couvre-chef a d’autres vertus
Telles que le salut des grands aux petits
Ou encore l’élongation des silhouettes

Ne parlons pas de ce galimatias éclairé
Qui défie les juristes tout en les rassurant
Indéniablement, ces résumés sommaires
Interdisent le sommeil aux néophytes du droit

Pourtant il leur faut bien, un jour ou l’autre
Faire porter le chapeau à un coupable
Sous peine de ne pouvoir survivre
A de telles manipulations en prétoire
Et finir derrière la grille du confessionnal

Certains travaillent du chapeau, encombrés
De rumeurs, de chaleurs, de torpeurs
Ils se laissent guider, obscures victimes
Par les cris entendus en écho des pensées
Mais ont-ils réellement des pensées plutôt
Que des images qui les guettent le soir ?

Quel est donc cet objet que l’on met sur le crâne
Qui nous conduit à tant de détours ?
Certes il porte d’autres noms :
Coiffe du boit-sans-soif, bonnet du benêt
Panama du skipper trois-mâts,
Casquette des coquettes, turban des forbans
Bicorne des bornes, galurin de Tartarin

Ainsi, chaque jour enturbannés s’en vont les têtus
Ceux qui pour rien au monde ne sortiraient têtes nues
 Ils se voilent la face d’un haut de (ou sans) forme
Et s’en vont droit devant eux en saluant
D’un coup de chapeau bien maîtrisé
Le maître du district ou le menu peuple
Pour le simple plaisir de tirer son chapeau
Et montrer ainsi son crâne dénudé et aigri

01/06/2012

Jeune fille, roman d’Anne Wiazemsky, Gallimard, 2007

A sa lecture, je me suis étonné qu’Anne Wiazemsky ose écrire un livre qui met en scène un grand cinéaste, Robert Bresson, et unroman,cinéma,film,adolescence grand écrivain, François Mauriac, ainsi qu’un certain nombre d’autres personnages tels que Jean-Luc Godard ou encore Pierre Lazareff. On y découvre une jeune fille, presqu’une enfant, face à un Robert Bresson, attirant et tyran, qui la choisit pour le rôle principal dans son film « Au hasard Balthazar ». Il hésite, la fait parler, puis lire quelques pages du manuscrit, puis tente un essai cinématographique, pour, finalement, la choisir.

Je dus lire et relire la même scène des Anges du péché. Les indications claquaient, brèves et sèches ; « Pas de sentiment », « Plus vite », « Encore plus vite », « Ne pensez à rien ». L’homme assis en face de moi ne me lâchait pas des yeux. Il me donnait la réplique comme on joue au ping-pong, avec un automatisme parfaitement rodé. Je croyais en avoir fini ? Non, il fallait reprendre. Nos respirations s’étaient vite accordées. Laquelle s’était adapté au rythme de l’autre ? Peu importait. Ce qui comptait, c’était la relative facilité avec laquelle je me pliais à ses directives, hypnotisée par le débit monotone de sa voix, la puissance de son regard, le silence autour de nous.

Et le tournage commence, en été. Il la veut toujours à côté de lui, attentive à ce qu’il fait. Ils logent presqu’ensemble, chez un habitant du lieu. Et au cours de cet été, elle se prend un amant d’un jour, son premier jour de femme ; dans le même temps, elle se refuse au metteur en scène qui la traitait comme une petite fille ; enfin, elle découvre la vie, si différente de ce qu’elle connaissait. Bref, Anne sort de sa chrysalide, devient femme, avant de reprendre ses études en septembre. C’est ce rite initiatique, inconsciemment vécu, qui est décrit par Anne Wiazemsky.

Le roman parait juste, tout simplement parce qu’Anne a réellement joué le rôle et vécu ce qu’elle décrit. Elle est bien la petite-fille de l'écrivain François Mauriac. Sa carrière cinématographique commence bien en 1966 avec le rôle principal (avec l'âne) d'Au hasard Balthazar de Robert Bresson. Elle épouse bien Jean-Luc Godard le 21 juillet 1967 avec lequel elle tournera plusieurs films. Elle dépeint Robert Bresson comme un cinéaste exigeant, uniquement préoccupé de son film, mais aussi une sorte de séducteur qui tente de passer du rôle de parent protecteur à celui d’amoureux, voire d’amant, mais qui finit par y renoncer. L’histoire du film, on ne la connaît pas. Voici ce qu’en dit Robert Bresson : « Je voulais que l'âne traverse un certain nombre de groupes humains qui représentent les vices de l'humanité. Il fallait aussi, étant donné que la vie d'un âne est très égale, très sereine, trouver un mouvement, une montée dramatique. C'est à ce moment que j'ai pensé à une fille, à la fille qui se perd. »

Cependant, quelque chose m’interdit de dire que c’est un très bon livre comme beaucoup de critiques l’ont proclamé. Ils nous parlent de l’émoi de l’adolescence, et Anne Wiazemsky elle-même nous dit : « Pour prendre une image assez simple, c’est une espèce de chenille qui, au cours d’un été un peu particulier, se transformera en papillon – un cas assez banal. » Elle ajoute : « J’espère que c’est une jeune fille qui est assez représentative d’autres jeunes filles ».

C’est sans doute cette dernière affirmation qui me gêne. Son entrée dans l’âge adulte est pour ainsi dire unique. Elle la décrit sans réellement y inscrire le combat que vit chaque adolescent entre son enfance et la vie qui se profile, pleine d’incertitude. Elle n’a pas de doute, elle semble vivre cela comme le lui a appris Bresson, presqu’indifférente, sans sentiment, monocorde comme la voix exigée par le metteur en scène,  à l’image de cet extrait du film :

http://www.dailymotion.com/video/x3rj9q_au-hasard-balthazar_shortfilms

 

Oui, c’est un livre atone malgré de nombreuses qualités : où est la foi de l’adolescence, quelles sont ses références ? Rien de tout ceci n’apparaît. L'histoire est sortie de son contexte. Le plat est bon, mais il manque un peu de sel. Cette jeune fille, même adolescente, est trop vieille.