04/04/2017
Chérir un objet
On s’attache aux objets comme aux personnes. Il y entre de l’amour, car aimer, c’est s’attacher au point de ne plus voir les défauts. Mais avec les objets, l’amour naît de l’habitude et de l’usage.
Cet attachement se définit entre l’amour et l’amitié, en ce sens qu’il naît lentement en franchissant une succession d’épreuves, mais qu’il est aussi aveugle que l’amour. Cependant l’amour et l’amitié s’adresse à une personne, c’est-à-dire à quelqu’un qui éprouve lui-même des sentiments et qui peut vous les rendre ou non. Alors ne parlons pas d’aimer, mais simplement de chérir un objet.
07:08 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, amitié, chérir | Imprimer
16/01/2017
Jeunesse
La jeunesse avoue plus facilement l’attirance du sexe que l’amour.
L’amour la fait rougir.
Elle a peur d’être vieux jeu.
07:58 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeunesse, amour, sexe, société, inclinaison sociétale | Imprimer
04/01/2017
Ne pas vivre de certitudes
Il est à la fois plus simple et plus difficile de vivre de certitudes.
Plus simple parce que cela soutient devant le vide.
Plus difficile parce qu’il faut perpétuellement les rebâtir.
La seule certitude est l’amour.
La connaissance n’apporte pas de certitudes, elle aide à ne pas en avoir.
Comme il est difficile de n’être sûr de rien, sauf de l’amour.
Garder l’espérance devant toutes les incertitudes.
07:38 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : certitude, connaissance, amour, espérance | Imprimer
24/09/2016
Les quatre sortes d'humains
Il y a quatre sortes d’humain :
L’homme dont la vie est orientée vers la pensée. Il possède une grande aptitude à envisager tous les éléments d’un problème et à n’omettre aucune de ses causes. C’est le type universitaire ou intellectuel. Notre société, et particulièrement en France, met l’accent sur l’importance de la pensée et son utilisation rationnelle.
L’homme pour qui la vie est action. Il ne perd pas son temps à analyser, il agit, c’est-à-dire qu’il applique sa solution au problème sans avoir obligatoirement analysé toutes les données. Il agit sous l’impulsion du centre moteur pour le sportif, de l’intuition pour le chef.
L’homme qui, par la volonté, est capable de relier l’action à la pensée, possède un avantage certain. Notre civilisation ne nous apprend pas l’importance de l’harmonie qui doit régner entre ces trois pôles : pensée, action, volonté. D’où l’importance de l’éducation de la volonté. Elle affirme la pensée, puis la transforme en action.
L’homme véritablement accompli est celui qui a transformé le moteur de la pensée et de l’action, en remplaçant la volonté par l’amour. Son comportement pourra paraître fou à ceux qui ne sont mû que par la volonté, mais lui seul réalise vraiment l’unité de la pensée et de l’action en harmonie avec les circonstances et l’environnement. La volonté permet de briser les obstacles, l’amour les dissout.
07:46 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : action, pensée, volonté, amour | Imprimer
14/09/2016
C'est mon homme
C’est mon homme !
Il a l’humour ardent
Et pas mal aux dents
C’est mon homme !
Il me prend aux aisselles
Et je vois trente-six chandelles
C’est mon homme !
Il a du poil au nombril
C’est qu’il fut sans-abri
C’est mon homme !
Il rougit de colère
Mais c’est un bon père
C’est mon homme !
Il travaille jour et nuit
Et jamais il ne fuit
C’est mon homme !
Je lui caresse l’oreille
Il se retrouve sans appareil
C’est mon homme !
Il a horreur des baisers
Mais penche pour la nuitée
C’est mon homme !
Il me caresse aussi
Je l’aime ainsi
C’est mon homme !
Je me sens bien chez lui
C’est comme un parapluie
C’est mon homme !
Je l’aime tout entier
Sans pouvoir m’arrêter
Oui, C’est mon homme !
Quel drôle de bonhomme !
© Loup Francart
07:50 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, vie, couple, société, humanité | Imprimer
03/05/2016
Pour un sourire
07:25 Publié dans 12. Trouvailles diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, enfance, famille | Imprimer
01/03/2016
La souille, de Franz-Olivier Giesbert
Au commencement était le Verbe. Je suis là pour le prouver. Depuis toujours, j’ai quelque chose qui parle en moi. C’est comme un murmure de l’autre monde, avec un fond musical. Je ne sais pas d’où cela vient, mais je suis sûr que cela vient de loin.
Ainsi commence ce beau roman de Franz-Olivier Giesberg qui finit sur ces lignes :
Aujourd’hui, rien ne m’accroche plus au monde, pas même Epiphanie qui n’est plus que l’ombre d’elle-même avec ses épaules tombantes et sa beauté bridée. Je suis en train de me détacher de moi-même pour retrouver le cours de l’univers qui s’avance sans fin ni commencement, en écrasant tout sur son passage, les grands comme les petits, les coupables comme les innocents, pour réaliser son destin. Ainsi est le Verbe.
C’est un roman à la Giono, truculent, mélancolique, vivant comme le serpent dans l’herbe sauvage. Il est raconté par Jésus, un garçon de ferme qui vit en communion avec le monde des bêtes, de la forêt et du vent. A la mort de son patron, débarque par l’autocar une étrange demoiselle qui dit s’appeler Epiphanie et qui prétend ne vouloir jamais rien perdre de sa vie. Il décida qu’il serait son ange gardien et se demanda si elle ne deviendrait pas aussi le sien. Il y a des gens d’une telle beauté qu’on se sent protégé rien que de les regarder. Elle arrive à la ferme, demande Maxime, le fils du patron, et est envoyée par une agence matrimoniale. Madame Ducastel, sa mère, la veuve du patron, interroge « Vous allez vous marier quand ? ».
Ce roman est l’histoire d’Epiphanie, adulée, puis battue et rejetée par Maxime, remplacée par Mademoiselle Avisse, Astrid de son prénom, la fille du château dont la mère a été sauvagement tuée et dont on recherche le coupable. Il y a d’autres personnages, dont Monsieur l’Abbé d’Hauteville qui sent tout, voit tout et qui combat le mal. Nous ne le raconterons pas, ce serait dévoiler ce qui fait la beauté du livre.
Chaque épisode de cette triste aventure est entrecoupé de la vie de la forêt et de ses animaux, dont le sanglier Baptiste qui rêve de sa souille et finit en cuissot : un jour, il faudra chanter l’excrément. C’est du rebut de vie, l’excrément, mais c’est aussi du germe de vie. (…) La nature recycle tout, la vie comme la mort. Elle ne fait pas la différence. Il suffit parfois d’une bouse sans un clos pour qu’enfin le monde renaisse. C’est pourquoi on aime tant le fumier, à la campagne. Tout ressuscite en lui.
Un roman où la mort est comme la vie, un paysage où l’on chemine sans y penser jusqu’au jour où plus rien ne vous y attache. C’est ce jour-là que l’on comprend la vie et qu’on accepte la mort.
07:13 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature, nature, beau, passion, amour | Imprimer
17/02/2016
Amour et beauté
La preuve décisive de son aptitude (celle de l’amour) à s’harmoniser à tout et de la souplesse de sa nature, elle est dans cette beauté de la forme, que précisément, Amour, en vertu d’un consentement unanime, possède à un degré exceptionnel ; car entre laideur et amour il y a de l’un à l’autre, un perpétuel conflit. (…)
Il n’est personne, en tout cas, dût-on même jusque-là sans culture, qui ne devienne poète quand de lui Amour s’est emparé !
(Platon, Le banquet, Première partie, discours d’Agathon, la nature de l’amour, La pléiade, 1940)
Quel sujet de controverse : l’amour naît-il de la beauté ou la beauté naît-elle de l’amour ? Très certainement, la question est abrupte et trop catégorique. Tous diront l’un et l’autre. Pourtant elle est intéressante, car elle nous contraint à aller au fond des choses.
C’est un fait certain que l’amour naît de la beauté. Chaque homme et chaque femme aimera son vis-à-vis par la beauté qu’il possède, que celle-ci soit physique, intellectuelle ou morale. Mais en disant cela, nous avons déjà fait une concession au principe de la beauté : elle n’est pas que physique. Ainsi la beauté intérieure d’un être peut faire surgir l’amour même si celui qui en est l’objet ne dispose que d’une piètre beauté physique. Mieux même, cette disposition intérieure fera apparaître beau l’être qui n’a pas les caractéristiques de la beauté. Ainsi notre proposition se retourne, l’amour fait naître la beauté là où rien ne suggère l’irradiation du beau.
Et si l’on se donne la peine de d’interpréter ce constat, on s’aperçoit qu’il en est de même entre l’amour humain et l’amour divin, l’éros et l’agapè. Pour le premier, l’amour naît de la beauté éprouvée et supposée d’un autre être. Pour le second, l’amour fait naître la beauté dans le cœur de celui qui aime et sème la beauté dans l’être aimé.
L’amour n’est-il pas ensorceleur !
06:14 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, beauté, divin, harmonie | Imprimer
16/08/2015
Deux pigeons
Ils étaient deux, rien de plus… Dans le reflet de la vitre je les vis, indifférents, presqu’hautains, volant en imagination, sans l’ombre d’un regard pour l’autre. Ils se tenaient sur la corniche du toit d’en face, les pieds sur le zinc, prêts à se lancer dans le vide, tassés un peu sur eux-mêmes. Ils ne se regardaient pas, chacun dans son monde. Je ne sais pourquoi je les regardais. Ils étaient semblables aux autres pigeons, rondouillards, se haussant du col, marchant comme un commerçant ayant fait fortune (enfin, à la hauteur de ce qu’un commerçant peut gagner !), l’air digne, trop sans doute. Peut-être avaient-ils une sorte de retenue, d’imprévisible, mais sans plus, comme une ombre qui les suivait sans qu’on puisse dire ce qu’elle représentait. C’étaient deux silhouettes se détachant du ciel voilé, comme des ombres chinoises à côté de l’allongement étiré d’un sapin deux toits plus loin. Trop absorbé par leur contemplation, je ne pensais pas à prendre mon appareil de photos. Soudain, je les vis se tourner l’un vers l’autre. Oh, pas trop, un peu, se regarder mollement, picorer quelques miettes d’on ne sait quoi, se regarder à nouveau, l’air de rien. Puis ce rien devint dans leur esprit le tout, l’être Pigeon, du sexe opposé, le mâle ou la femelle, selon l’opposé. Une sorte de tendresse les envahit soudainement. Leur corps se fit plus ferme, plus chatoyant, plus altier. Ils se regardaient maintenant avec gentillesse, l’œil dans l’œil, sans oser encore se toucher, ni même se rapprocher. Mais le cou tendu, l’air droit, franc du collier, attirés l’un par l’autre, sans le dire. Pas de parole aimable comme pour les hommes. Juste le regard, autre, égaré déjà, noyé de pensées amoureuses. Elle, bien sûr, ne bouge pas. Elle le laisse venir. Elle sait qu’il viendra maintenant qu’elle l’a piégé. Elle tourne la tête de l’autre côté, faisant semblant de ne pas voir, de ne pas comprendre, de ne pas désirer.
Il s’avance d’un pas, gonflant son gésier, haussant le col, la tête haute, tendue, s’offrant dans toute sa puissance de mâle. Elle ne dit rien, mais l’on sent également sa tension. Elle s’arrondit, émousse ses plumes pour paraître désirable, tente de pousser un roucoulement qui s’éteint à la gorge, penche la tête de côté, comme une femme coquette peut le faire avec un homme qu’elle désire. Il a compris. Il n’est pas rejeté. Il fait un pas, puis deux, en direction de la rougissante, petite touffe de plumes émoustillées, tremblante sous le regard de l’autre, puissant et fier. Il s’approche et tend le cou. Il se fait tendre, il caresse de ses plumes dressées le cou de sa compagne. On peut bien l’appeler ainsi maintenant. Elle se tortille et courbe le sien vers son compagnon. Elle minaude, l’air de rien. Mais je la vois sourire de contentement, remuant doucement une queue relevée. Il ose un baiser, bec à bec, buvant à ses lèvres d’acier le plus attractif de son souffle et de sa salive. Ce premier baiser a le goût de l’interdit. Il en entraîne d’autres, plus osés, plus libres également, moins officiels et plus chargés de non-dit. C’est un véritable dialogue, fait de gestes et de mimiques, à la manière de deux êtres humains tendus l’un vers l’autre, le désir au ventre. Ils s’enlacent, se bécotent, se caressent du cou, du bec, de l’œil, s’emplissant de rondeurs délicates, déjà presque plus qu’un. Cela dure. Les préliminaires sont toujours les meilleurs moments. Il faut savoir attendre, se détendre, ne pas se méprendre, ne pas sauter l’un sur l’autre, impatients et malhabiles. Que ces instants leur semblent bons, irradiant d’un désir devenu réalité, tension, arc électrique.
Elle s’offre alors, lui tournant le dos avec élégance et délicatesse. « Regarde ce que tu me fais faire ! », semble-t-elle lui dire. Et lui, sans penser à rien, lui saute sur le dos, enfonçant son bec dans le cou de la bien-aimée, le mordillant. Un bref sursaut, une sorte d’éclair des corps, un soulagement des muscles et des consciences.
C’est fini. Plus de baisers, plus d’amour, pourrait-on dire. Une indifférence qui étonne un humain habitué à plus de chaleur et de baisers de lassitude et de remerciements. Rien, ils n’appartiennent plus au même monde. Ce contentement du corps refroidit en un instant leurs sentiments. Les sensations sont mortes, ayant épuisées leur réserve de douceur et de contentement. Le mâle redevient hautain, la femelle indifférente. Pourtant, un instant, ils regardent dans la même direction. Cela signifie-t-il qu’ils s’aiment, comme le disait Antoine de Saint-Exupéry ? Le saura-t-on jamais ! Il plonge dans le vide, se laisse glisser dans l’air, s’éloignant comme si de rien n’était. Il s’en va voler haut dans le ciel, d’un battement d’extase comme un feu d’artifice après ce plongeon audacieux. Elle reste seule, s’interroge, semble se réveiller, s’ébroue, nostalgique. Elle ne tarde pas à se laisser tenter par le vide et, d’un coup d’ailes, part à la conquête du monde.
Et moi, là, devant ce spectacle d’une nature plus vraie que nature, je reste rêveur. C’était un instant de la naissance du monde, la rencontre de deux êtres attirés l’un vers l’autre, qui se croisent et se donnent l’un à l’autre, en toute connaissance.
07:14 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, société, civilité, instant | Imprimer
03/04/2015
Mes biens-aimés
Un chant composé à 4 voix qui proclame la demeure de Dieu :
06:49 Publié dans 62. Liturgie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : composition, chant, musique liturgique, vendredi saint, liturgie, amour, pâques | Imprimer
01/12/2014
Féminité
Un souvenir, proche d’une photo instantanée, mais plus vivace. C’était au mariage d’un oncle, frère de leur mère. Ils étaient de nombreux enfants à s’amuser sur l’herbe verte et tendre de la prairie qui descendait en pente douce. Il se souvient de ses cousines, en petites robes charmantes, pépiant sans cesse autour de lui, s’agitant sans but. Mais ce n’est que le décor de ce qui lui permet de se souvenir de cet instant. La vraie raison tient dans un geste, une attitude d’une de ses cousines, plus âgée de deux ou trois ans, ce qui, à cet âge, fait une différence énorme. Il la revoit, courbée élégamment vers l’un des enfants, attentionnée comme une petite mère, qui, avec un mouchoir blanc, essuyait avec douceur ses yeux larmoyants. Que s’était-il passé ? Il ne sait et peu importe. Ce qui compte, c’est ce geste tendre d’une petite fille qui se révélait, en un instant, jeune fille, femme et mère. Geste charmant, emprunt de douceur féminine qui lui fit découvrir l’amour, qui l’émut au point que depuis, inconsciemment, il recherche cette tendresse innée et merveilleuse de fraicheur en toute femme. Une femme n’est femme que dans la spontanéité de son amour pour la plupart de ses frères humains, qu’ils soient homme, femme ou enfant. C’est cette brise de baisers en suspend qui émane d’elle qui la rend désirable. Et ces baisers s’échappent parfois dans une attitude, un geste, une parole aussi qui le désarme, l’étreint lui-même et lui fait monter les larmes aux yeux. Ce n’est qu’un geste, mais ce geste est l’essence de la femme. Chaque femme possède le sien, probablement. On ne le remarque pas forcément. C’est un moment magique que de le percevoir à l’improviste, et, dans son développement, de ressentir toujours cette brise divine qu’apporte chaque femme au monde indifférent que constitue l’humanité dans son ensemble.
07:05 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : société, féminité, protection, amour | Imprimer
02/10/2014
L'amour divin
L’amour humain est une impulsion qui vient d’en bas, de la matière et indirectement de l’énergie divine contenue en toutes choses. Cette énergie s’adresse à l’homme matériel. Elle peut le porter à se surpasser lui-même, puisqu’elle retourne à Dieu par l’homme. Mais cet amour est une énergie incontrôlable. Il transforme, mais nous n’en sommes pas maîtres. En revanche, l’amour spirituel envoyé par l’Esprit n’exclut personne. Il s’adresse à tous sans distinction d’affinité. L’homme empli de l’Esprit dilate son cœur et y inclut le monde. Toute chose, toute personne, est en lui individuellement comme le plus bel objet, le plus bel être. Cet homme ne possède rien, et dispose de tout. Il déborde d’amour pour son ennemi et voudrait lui venir en aide, lui donner la joie débordante qui l’habite.
Devenu transparent, il est le monde et plus que le monde. Il apporte à chacun sa part de lumière.
07:46 Publié dans 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, spiritualité | Imprimer
30/08/2014
Un très grand amour, roman de Franz-Olivier Giesbert (2)
Le livre, Un très grand amour, est plus décevant que La cuisinière d’Himmler. L’auteur se regarde parler, vivre, tout en s’apprêtant à « mourir pour de faux » en raison de son cancer qui tient beaucoup de place. Il nous raconte un de ses amours (séduction, amour, mariage, divorce). Peu importe que ce soit tiré ou non de la réalité. Il s’y livre avec faconde et même s’il nous dit que « ceci est un roman … Tous les personnages de ce livre sont purement imaginaires, sauf l’amour, le cancer et moi-même », on imagine bien la personnalité de l’auteur qui tient beaucoup de place dans ce livre, avec séduction parfois, avec dérision d’autres fois, et qui laisse deviner la multitude des personnages appelés Franz-Olivier Giesbert. Mais laissons-lui la parole : « La vérité m’oblige à dire qu’Isabella m’a redonné vie dans un premier temps. Elle m’a même rassasié de bonheur, jusqu’à ce qu’elle me tue sans préambule, un dimanche de printemps, pour ne laisser de moi que le type qui va maintenant remuer ses souvenirs devant vous avant de retourner dans son cercueil. »
L’auteur a l’art du mot juste, concis et drôle pour se définir : Certes, ma vie est un mensonge. J’allais dire une imposture, mais ce serait forcer le trait. Je suis comme tout de monde, je me laisse porter par le personnage qui, depuis longtemps, m’habite. Dessous, mieux vaut ne pas gratter. Il n’y a que de la poussière, et un peu de poudre aux yeux. Lorsqu’ils en arrivent à se séparer, il dit après s’être consolé avec deux jeunesses : « J’aime beaucoup les femmes, pourvu que ce ne soit pas toujours la même. » Mais on sent bien que ce n’est qu’une manière d’évacuer sa mélancolie.
La conclusion du livre laisse rêveur : Je viens de comprendre ce que j’étais venu faire en ce monde. Je suis un grand frisson qui va, fier et heureux d’avoir découvert l’amour vrai. Est-ce vraiment l’impression que nous a donnée le livre ?
07:59 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, amour, femme, vie | Imprimer
29/08/2014
Un très grand amour, roman de Franz-Olivier Giesbert (1)
L’auteur est un charmeur. Ce n’est pas qu’il a du charme, mais son souci de séduction en fait son principal trait de caractère. A priori, on ne l’aime pas, tout au moins les hommes. Les femmes, à l’entendre, lui tombe dans les bras chaque jour à chaque instant.
Pourquoi les hommes ne l’apprécient pas ? Il est journaliste, autrement dit raconteur d’informations sans assurance. Il interview avec rudesse et méchanceté, accompagné d’un sourire charmant, mais trop enjôleur, qui ne s’adresse pas à l’interviewé, mais aux spectateurs, en clin d’œil (Que va-t-il répondre ?). Il écrit des livres, des romans, et, il faut bien l’avouer, certains sont très bien écrits avec une intrigue bien bâtie. C’est le cas de La cuisinière d’Himmler. Dans d’autres livres, il se met en scène avec gourmandise et, sous prétexte d’humour envers lui-même, il s’envoie quelques fleurs. Il nous parle de son cancer et de ses problèmes intimes dont on se passerait bien. Enfin, son langage peut laisser à désirer.
Pourquoi les femmes devraient l’aimer ? D’abord nous ne savons pas si, réellement, elles l'aiment. C’est sa parole contre la nôtre. Mais supposons-le. Il est beau dit-on. Disons une belle gueule brutale et virile, ce qui n’est pas sans déplaire aux femmes. Il dispose d’une certaine renommée en tant que journaliste et écrivain, et la renommée est d’un attrait irrésistible pour certaines qui se voudraient égéries. Il est cultivé semble-t-il, ce qui ajoute un bon point à sa faconde. Ajoutons qu’il profère de bons mots facilement, parfois en les empruntant aux autres, mais en le disant.
J’ai longtemps pensé ainsi et ses livres ne me tentaient pas. Et puis, un jour, en mal de lecture, je suis tombé sur La cuisinière d’Himmler. Là, devant l’imagination de l'auteur et la conduite de l’intrigue, je me suis dit que j’avais affaire à un vrai écrivain,. Il sait manier la truculence et l’amour des belles choses, qu’elles soient à décrire, à goûter, à embrasser.
07:51 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, société, femme, vie | Imprimer
27/08/2014
Le charme 2
Disons tout de même que certains attraits physiques aident à donner du charme à telle ou telle personne. Rappelez-vous la voix de Delphine Seyrig dans les films d’Alain Resnais ou de Marguerite Duras. Une voix caverneuse, enrouée, presque masculine, qui fit dire à Antoine Doinel dans « Baisers volés » : « Ce n’est pas une femme, c’est une apparition ». De même les gestes élégants et les bons mots de l’acteur Sacha Guitry le font plus que charmeur lorsqu’il dit : « Il faut courtiser sa femme comme si jamais on ne l'avait eue… il faut se la prendre à soi-même. » Mais les acteurs sont-ils les seuls à avoir du charme. Certainement non ! Le charme est un plus naturel qui échoue à certains. Il ne doit pas être confondu avec la séduction qui est bien souvent le lot des artistes et plus particulièrement des acteurs. On peut même dire que le vrai charme ne se voit pas le plus souvent. C’est par un heureux hasard, une circonstance particulière que l’on remarque le charme d’untel ou d’unetelle. Il se dévoile subrepticement et vous fait l’effet d’une vaporisation de parfum qui vous rafraîchi le visage. Je connais une petite fille qui par son expression et sa manière de vous regarder, agrémentée d’une fossette qui se dévoile à ce moment-là, vous met à genoux. Ce n’est pas un charme permanent, mais lorsqu’il apparaît vous craquez. Le charme est dans la voix, nous l’avons vu, mais il peut aussi être dans l’élocution. Une voix normale charme si elle a un accent particulier (l’accent français pour les Américains, l’accent russe pour les Français, par exemple).
Plus discret encore est le charme des attitudes. Vous pouvez tomber sous le charme d’une femme parce qu’à un moment elle s’est immortalisée dans une attitude que vous ne pourrez vous empêcher de revoir sans cesse. C’est sa marque de fabrique, son logo même, et son évocation jette un voile noir sur vos souvenirs. Elle est devenue statue immobile qui vous lance des éclairs charmeurs dans le capharnaüm de votre mémoire. Il y a enfin un charme plus subtil, c’est celui de l’innocence et de la transparence. Peut-être avez-vous connu de telle créature qui n’affiche aucune prétention de paraître ou même de faire semblant d’être. Elle est, surnaturelle d’inconscience de son passé et de son présent, intemporelle d’authenticité, bouleversante de fraîcheur. C’est un papillon qui virevolte devant vous en toute simplicité, sans conscience de sa provocation. Ce charme est difficile à émettre volontairement. Il est naturel ou il n’est pas. Il est le plus souvent propre à l’enfance, mais se prolonge à l’adolescence, voire quelquefois à l’âge adulte. Mais très vite, sa prise de conscience chez celui qui l’exerce, dénature ce charme, le transforme en séduction, ce qui lui fait perdre tout ses effets.
Oui, le charme est intemporel, inconstant, inégalement partagé. C’est un don du ciel qu’il ne faut pas dévoyer. Le charme n'est cependant qu'une information et rien de plus. Ce n’est pas un complément de communication comme semble vouloir l’imposer les publicitaires, les voyeurs sur Internet ainsi que les profiteurs de toutes espèces. Le charme est un frisson tendre qui retourne celui qui en éprouve l’effet, mais il peut être une explosion de paillettes ou un voyage garanti dans la vie.
Alors le charme est-il imprévisible ? Ne peut-on, l’apprivoiser ? Le charme c’est la lumière de la grâce qui rayonne en l’être. Il peut être permanent, il peut être occasionnel. Il se révèle aux autres par un lieu du corps ou de l’esprit. Ce peut être une fossette à la joue, ce peut être un geste particulier ou quelques traits d’esprit ou encore des attentions particulières envers telle ou telle catégories de personnes. Le charme fuse alors en pression régulière ou irrégulière par ce défaut de la cuirasse et donne à l’être cette présence charmante que l’on découvre ébloui. Lui-même ne le sait pas et heureusement. Son innocence en esprit lui permet d’être égal à lui-même, en toute quiétude.
07:27 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, amour, homme, femme, séduction | Imprimer
26/08/2014
Le charme 1
Hier, suite à une réception, nous nous sommes demandés ce que signifie avoir du charme. Qu’est-ce ? Comment se manifeste-t-il ? Comment agit-il ?
Si l’on recherche dans l’histoire et la psychologie ancienne, le charme serait une puissance magique. Il hypnotise celui qui tombe sous sa puissance et le rend inapte au jugement rationnel. Les contes d’enfants parlent de charmes qui rendent incapables d’agir ceux qui le subissent. On dit, de manière plus imagée, qu’un homme est sous le charme de telle femme, alors qu’elle n’est ni belle, ni intelligente. Mais parlons-nous réellement de la même chose ? Il semble que dans les cas cités, les effets du charme soient totalement personnels, c’est-à-dire émanant d’une personne vers une autre personne et une seule dans un but déterminé : séduire, envoûter, manipuler. Dans ce cas, il s’agit d’une relation entre deux, l’exercice d’une influence de l’un vis-à-vis de l’autre.
L’on dit également qu’untel est charmeur, ce qui se traduit le plus souvent par une parole toute orientée vers la séduction ou même la suggestion. Cela se sent le plus souvent et laisse un arrière-goût d’écœurement, voire de malaise, parce que cette ruse n’a qu’un but, obtenir l’objet de son désir quel qu’il soit.
Mais si, de manière générale, l’on dit de telle personne qu’elle a du charme, il s’agit d’autre chose, quelque chose qui est reconnue par un grand nombre de personnes et qui dépasse le caractère volontaire de celui qui l’exerce. Ce n’est plus un pouvoir au but égocentrique, c’est un état de fait, conscient ou inconscient, qui fait dire à la majorité ce qu’elle ressent devant telle personne, mais aussi tel paysage ou tel objet. Le charme est alors en corrélation avec l’adjectif charmant. Cette vision du charme reste attachée à une impression romantique, un amollissement du cerveau qui fait perdre tout jugement rationnel. C’est une sorte de piège dans lequel tombe la majorité par indolence.
Cessons donc de tourner autour du pot et posons-nous personnellement la question du charme d’une personne, cas plus restreint que celui du charme en général qui peut être dévolu à un site, un château, un village, une œuvre d’art, un morceau de musique. Le charme ne peut être assimilé à la beauté. L’expression de Pierre Jean Jouve dans « La scène capitale » (Elle avait serré ses charmes dans un corset majestueux), n’est qu’un exercice de style qui n’a rien à voir avec ce que nous recherchons. Le charme est plus secret que l’attrait physique, moins voyant, moins réel également. Il ne se remarque pas de prime abord et se dévoile progressivement. Une photographie permet difficilement de reconnaître le charme d’une personne, excepté dans son attitude et c’est là un clic fortuit plutôt que provoqué, qui le permet. Les photographes professionnels prennent des centaines de portraits d’une personne pour n’en conserver que quelques-unes. Celles-ci ont saisi le charme de la personne et d’autres non. Pourquoi ?
En cherchant sur Internet ce que pensent les uns et les autres du charme, je suis tombé sur un site destiné aux échanges entre jeunes et ai trouvé un article qui m’a semblé intéressant par la concision de la définition, même si celle-ci reste la vision d’une jeunesse qui ne s’encombre ni de la manière de dire les choses, ni de la manière de les écrire :
le charme dépend d'un comportement, d'un caractere, il refléte ta personnalité!
c'est plus interieur, qu'exterieur, mais en même temps les deux ce conjuguent!
c'est une façon de dire, j'ai envie de te faire l'amour sans le dire, mais avec un regard si profond qu'on en tomberait!
c'est un regard qui te dis je t'aime, sans rien dire, et dont le corps s'exprime a lui tous seul!
c'est un regard enivrant dans lequel tu as envie de te noyer, et tu es hypnotisé par celui-ci, car il révele toute sa beauté interieur!
c'est une façon de dire non! en souriant, avec un regard en coin!
bref une personne qui a du charme, c'est un être: sensuelle, intelligent, attendrissant, doux et piquant a la fois! mi ange mi demon! avec un côté sauvage..................
avec pourquoi pas un beau petit cul en prime!
From : http://www.comlive.net/Avoir-du-charme,37664.htm (23/08/2014)
On peut ne pas être d’accord avec cette définition claironnante, mais elle révèle néanmoins de manière très juste que le charme n’est pas dans l’apparence d’une personne (sa beauté, sa volonté, son intelligence, etc.). Il est d’origine plus intérieure. Il dépasse même les impressions de prestance, d’attrait, de suavité, d’élégance, de délicatesse. Contrairement à ce que semble dire celle qui a écrit ce billet, le charme n’est pas un attribut destiné à éveiller le désir sexuel, même si ses effets conduisent souvent à des situations de cet ordre. C’est autre chose, mais quoi ?
07:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, amour, homme, femme, séduction | Imprimer
29/06/2014
Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, roman de Haruki Murakami
Hajime est fils unique et ce fait lui donne un complexe d’infériorité. A l’école primaire, seule Shimamoto-san possède la même caractéristique, elle est également fille unique. Elle traîne légèrement la jambe gauche en raison d’une poliomyélite. Elle travaille bien. Très vite ils se sentent bien ensemble. C’était la première fois que chacun d’entre nous rencontrait un autre enfant unique. Nous nous mîmes donc à parler avec passion de ce que cela représentait. Nous avions l’un pour l’autre beaucoup à dire sur le sujet. Nous prîmes l'habitude de nous retrouver à la sortie de l’école pour rentrer ensemble. Avec Shimamoto-san, je ne me sentais pas nerveux comme en présence des autres filles. Ils aiment écouter des disques ensemble. Et un jour Hajime découvre une autre dimension dans sa vie : Elle enleva sa main du dossier du canapé et la posa sur ses genoux. Je regardai distraitement ses doigts suivre le tracé des carreaux de sa jupe. Ce mouvement semblait empreint d’un mystère, comme si un fil ténu et transparent sorti du bout de ses doigts tissait un temps encore à venir. J’entendais au loin Nat King Cole chanter « South of the border ». Je ne sentais que l’écho étrange de ces mots: “Sud de la frontière”. … Je rouvris les yeux : les mains de Shimamoto-san s’agitaient toujours sur sa jupe. Une sorte de doux picotement s’insinua tout au fond de mon corps.
Peu de temps après, à nouveau : Shimamoto-san était une fille précoce, sans aucun doute, et je suis sûr qu’elle était amoureuse de moi. Moi aussi, j’éprouvais une vive attirance pour elle, mais je ne savais que faire de ce sentiment. Comme elle, certainement. Une fois, une seule, elle me prit la main… Nos doigts restèrent entrelacés à peine dix secondes, mais cela me sembla durer une demi-heure. Et, quand elle relâcha son étreinte, je regrettai qu’elle ne l’ait pas prolongée davantage…. Il y a avait, rangé à l’intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une mallette d’échantillons, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie… Peut-être avions-nous tous deux conscience d’être encore fragmentaires ; nous commencions à peine à sentir les prémices d’une réalité nouvelle qui nous comblerait et ferait de nous des êtres achevés ? Nous nous tenions debout devant une porte donnant sur cette aventure nouvelle. Seuls tous les deux, dans une vague clarté, main dans la main pendant dix secondes à peine.
Mais Shimamoto-san déménage et la vie passe. Il connaît une autre fille Izumi, qui l’aime, avec laquelle il se sent bien. Mais il la trompe avec sa cousine. Il s’en veut, d’autant plus qu’Izumi perd toute sa joie de vivre et sombre dans la dépression. Il se marie, il aime sa femme, il aime ses deux filles, il a un travail qu’il apprécie. Il a tout pour être heureux. Mais un jour, il rencontre shimamoto-san dans la rue, la suit jusqu’à ce que quelqu’un l’interpelle et le menace.
Quelque temps plus tard, shimamoto-san entre dans un de ses bars (il tenait deux bars où jouaient des jazzmen). Il renoue leurs conversations comme 23 ans auparavant. Il est à nouveau amoureux. Ils vont au concert ensemble. Un concert magnifique. Cependant, j’avais beau fermer les yeux et essayer de me concentrer, je ne parvenais pas à m’immerger dans ce monde musical. Un fin rideau se dressait entre de concert et moi. Un rideau si fin qu’on ne pouvait même pas être sûr qu’il existe vraiment. Pourquoi ? Parce qu’il manque le cr, crr, crr provenant d’une rayure du disque qu’ils écoutaient quand ils avaient douze ans.
Shimamoto-san disparaît à nouveau. Il ne sait pourquoi. Sa vie devient un cauchemar : Pourtant, depuis que Shimamoto avait disparu, j’avais l’impression de vivre sur la lune, privé d’oxygène. Sans Shimamoto-san, je n’avais plus un seul lieu au monde où ouvrir mon cœur. Pendant mes nuits d’insomnie, allongé& sur mon lit, immobile, je pensais encore et encore à l’aéroport de Komatsu sous la neige. Ce serait bien si les souvenirs finissaient par s’user à force de les voir et de les revoir, me disais-je. Mais celui-là ne s’effaçait pas, loin de là.
Enfin, Hajime la voit apparaître dans un de ses bars. Elle est revenue. Il va alors connaître une nuit d’amour, une seule, merveilleuse et unique. Le lendemain matin, elle n’est plus là. Elle est repartie, il ne sait où, pour mourir, pour fuir, pour revenir en notre monde ? Et pendant longtemps il va conserver ce souvenir en lui comme une plaie atroce et bienfaisante. Mais la vie repart, avec Yukiko et les enfants : je devais aller dans leur chambre, soulever leurs couettes, poser la main sur leurs corps tièdes et ensommeillés. Il fallait que je leur dise qu’un jour nouveau avait commencé. C'était cela que je devais faire maintenant. Pourtant je n’arrivais pas à quitter cette table. Toutes mes forces s’étaient écoulées hors de moi, comme si quelqu’un était passé derrière mon dos sans que je le vois et avait enlevé un bouchon quelque part en moi, tout doucement. Les deux coudes sur la table, j’enfouis mon visage dans mes paumes.
Un magnifique roman, un Murakami plus vrai que nature, une merveilleuse histoire d’amour. Ils sont peu nombreux ces romanciers qui savent nous faire rêver par la seule magie de leur verbe.
07:12 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, livre, littérature, amour, vie, mort | Imprimer
22/06/2014
L’amour dure trois ans, de Frédéric Beigbeder (Gallimard, 1997)
Le premier chapitre résume tout le livre. Au début tout est beau, même vous. Le bonheur existe, et il est simple : c’est un visage. Vous vous mariez le plus vite possible. Pourquoi réfléchir quand on est heureux ? Penser rend triste ; c’est la vie qui doit l’emporter. La deuxième année, vous comprenez votre femme à demi-mot ; quelle joie de ne faire qu’un. La troisième année, vous ne parlez plus à votre femme. Vous êtes tombé amoureux d’une autre. Il n’y a qu’un seul point sur lequel vous ne vous étiez pas trompé ; effectivement, c’est la vie qui a le dernier mot.
Parler du mariage et de sa fin pendant deux cent pages est en soi une performance. Peut-être se lasse-t-on à la moitié du livre, mais il y a toujours de bons mots, quelques phrases assassines, alors on continue quitte à sauter quelques longueurs. C’est vrai, l’auteur écrit bien et nous fait partager son désarroi. Il a de la verve et cela lui sert pour ses conquêtes, mais la vie passe et qu’en reste-t-il ? Sa thèse : Personne ne vous prévient que l’amour dure trois ans. Le complot amoureux repose sur un secret bien gardé. On vous fait croire que c’est pour la vie alors que, chimiquement, l’amour disparait au bout de trois années. Je l’ai lu dans un magazine féminin… Le coup de foudre, ce sont les neurones du système limbique qui sont saturés en PEA. La tendresse, ce sont les endorphines (l’opium du couple).
Quelques bons mots : La case départ promet tellement. C’est comme si on s’était jusque-là retenu de respirer sous l’eau, en apnée juvénile. L’avenir est l’épaule nue d’une inconnue. La vie vous donne une seconde chance ; l’Histoire repasse les plats.
Ce qu’il y a de beau chez une femme, c’est qu’elle soit saine… Des dents aussi blanches que le blanc des yeux, une bouche fraîche comme un grand lit, des lèvres cerise dont chaque baiser est un bijou, une peau tendue comme un tam-tam, des clavicules fines comme des ailes de poulet, des jambes dorées comme le ciel de Toscane, un cul rebondi comme une joue de bébé et surtout, surtout PAS DE MAQUILLAGE.
Mais aussi de nombreuses inélégances pour faire moderne : Alors il s’est passé une chose terrible : j’ai commencé à garder mes chaussettes pour dormir. Il fallait réagir, sans quoi bientôt je me mettrais à boire ma propre urine. Est-ce utile ?
Bref, un livre, même un roman, mais malgré ses bons mots, qui ne casse trois pattes à un canard ! Un roman de plage ? Non, sans doute un peu mieux.
07:49 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, amour, femme, société | Imprimer
28/05/2014
rêve et réalité
Il se tenait droit. Son front couvert de poussière ruisselait de transpiration. Il marchait depuis des heures, perdu dans ces galeries souterraines. Il faisait chaud, trop chaud, et il avait du mal à respirer. Il haletait parfois et s’arrêtait, asphyxié. Ses chaussures lui faisaient mal aux pieds. Il se dit : « Je vis mes derniers instants. Je vais mourir enterré et personne ne saura ce que je suis devenu. Tous ignoreront où ma folie m’a conduit. Mais je ne regrette rien, ni ma peine, ni mon effroi. J’ai marché et je vais en finir avec la vie. Pourtant celle-ci avait bien commencé. J’ai connu la tendre douceur après l’effort, la virginale caresse des êtres de l’autre sexe, la détente de la boisson, l’indifférence des grands, la reconnaissance des sans culottes, le bourdonnement des mouches autour d’un pot de confiture, la lente décomposition de ce que j’avais construit. La face contre terre, j’ai crié mon désespoir et j’ai ri de mes regrets. Quelle absurdité ! Qui donc voudra et pourra me faire revenir sur cette terre acide et froide ? »
Elle dormait lorsqu’un rêve traversa son esprit. Elle le vit errant sous terre, les yeux fous. Eveillée, elle le regardait. Il ne sut qui elle était, mais il sentit cette sollicitude d’un être pour un autre être et il l’appela, dans le noir, à genoux, incapable de faire un pas de plus. Elle s’habilla, revêtit son kimono préféré, s’empara d’une lampe de poche et sortit. Elle se laissa guider jusqu’au puits, enjamba le rebord, mis les pieds dans le seau, fit basculer la corde au fond et se laissa descendre doucement. Peu à peu ses mains furent ensanglantées. Retenir son propre poids lui sembla surhumain. Elle tint bon néanmoins jusqu’au moment où elle toucha le fond du puits. Pas une goutte d’eau, mais un couloir qui s’enfonçait elle ne savait où. Elle attacha la corde au seau, certaine de pouvoir remonter à la force des poignets, alluma sa lampe et partit. « Il est là », se disait-elle pour se donner du courage. Elle le voyait, grand, altier, mais épuisé. Alors, rassemblant ses forces, elle continuait, avançant à petite pas, la soif à la gorge. Au tournant du boyau elle le vit, assis, le dos reposant sur la paroi, la tête entre les mains. Elle s’approcha doucement, murmurant des mots sans signification. Elle avança la main et la posa sur sa tête. « Viens, partons ! » En le soutenant, elle parcourut le chemin inverse. Ils arrivèrent au fond du puits. Le seau était là. Elle réalisa qu’elle ne pourrait le hisser à la force des poignets et il était trop faible pour l’aider. Elle cria longtemps, mais personne ne répondit. Elle tenta de se hisser elle-même pour aller chercher du secours, mais retomba deux fois de suite, malgré les lambeaux de sa robe dont elle avait entouré ses poignets. Alors elle s’assit, posa la tête de l'homme sur ses genoux et lui parla avec une douceur extrême : « Nous sommes arrivés au bout de la route. Je t’ai rêvé. Je t’ai cherché. Je t’ai trouvé. Je t’ai porté jusqu’ici. Nous allons vivre nos derniers instants et je suis heureuse de t’avoir connu. Oui l’absurde vaut la peine d’être vécu. Rien de ce qui nous arrive n’est vain. J’ai gagné en confiance. Je réalise que ton appel cette nuit m’a surprise. Je ne m’y suis pas opposée. J’ai suivi ma voie sans faiblir. Et mon cœur est joyeux, libre comme il ne l’a jamais été. J’appelle une dernière fois et nous mourrons la tête haute. » Elle appela plusieurs fois, jusqu’à épuisement.
Lydia jouait dans son jardin. Elle s’assit un moment après avoir couru. Elle entendit les appels, se redressa, cherchant d’où venait le son. Derrière la haie ! Elle se glissa sous les branches, déchira sa robe et poursuivit jusqu’au puits qui résonnait des cris de la jeune femme. Elle se dressa sur la pointe des pieds, se pencha avec précaution et appela : « Il y a quelqu’un ? ». « Au secours », entendit-elle. « Nous arrivons », cria-t-elle. Rentrée chez elle, elle appela les pompiers et les entendit venir cinq minutes plus tard. Elle pleurait de joie lorsque les deux jeunes gens furent remontés. Ils étaient exténués, hagards et se tenaient par la main sans vouloir se lâcher. Ils se regardaient. Rien ne pourrait plus les séparer. Ils ne parlaient pas. Ils ne pensaient pas. Ils se touchaient et cela leur suffisaient.
Ce jour-là l'amour fit un pied de nez à la mort. Le rêve de la jeune femme était devenu réalité et la réalité devint rêve.
07:17 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : secours, errance, fin, amour | Imprimer
27/04/2014
Le mystère de l’art
L’art est voisin de l’amour et de l’amitié. Il crée les mêmes sensations et sentiments, c’est-à-dire une communion intime entre l’œuvre et le spectateur ou l’auditeur. Non seulement l’artiste a fait naître une œuvre au monde, mais pour tous ceux qui entrent en communion avec elle, elle renaît en lui.
Le mystère de l’art, c'est cette naissance permanente de l'œuvre dans l’être intime. Car c’est bien un mystère qui n’a rien à voir avec l’appréciation intellectuelle, sentimentale, financière, sociale ou mondaine d’une œuvre quelle qu’elle soit. Non, j’appelle œuvre d’art ce qui me prend aux tripes, m’envahit d’un courant d’air frais et me parfume de volutes enchantées. Cela ne s’explique pas, mais cette chaleur du cœur et ce vide de pensée est la marque de l’art. Cette emprise est la même que celle de l’amour et de l’amitié. C’est un sentiment de communion intime entre deux êtres.
L’œuvre devient vivante, se meut en puits sans fond qui s’ouvre sous les pieds et vous contraint, pour votre plus grand bien, à sortir de ce moi qui vous encombre. Vous entrez dans l’univers, vous planez entre les constellations, admirez la circulation des planètes. Vous prenez de la valeur à vous oublier. Vous vous enrichissez sans effort. Ce tremblement léger de votre être aspire à une osmose encore plus grande. Vous n’êtes plus, vous êtes de l’autre côté du miroir, vous êtes l’œuvre, sur la pointe de diamant d’une interpénétration éclairante. Pas un regard, ni à droite, ni à gauche. Rien ne doit vous distraire de cette communion. Cela demande de la concentration, mais elle vient d’elle-même. Et ce souffle d’air frais vous nettoie, vous sanctifie, vous rend autre, meilleur, moins compliqué, plus vrai.
Je suis parce que tu es et tu es parce que je suis.
07:01 Publié dans 11. Considérations diverses, 21. Impressions picturales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, esthétisme, amour, connaissance | Imprimer
29/03/2014
Autre peinture
Elle se tient debout, perchée sur l’échelle. Rien ne saurait la déranger. Elle manie son pinceau avec sérieux, enduisant de noirceur le portail défraichi. Il la revoie jeune fille, riante, le regardant d’un air effronté, comme disant : « Moi aussi, je peux faire ! » Elle y met tout son cœur, décidée à aller jusqu’au bout, à ne pas abandonner son pinceau à la main secouriste. Il la regarde et admire cette volonté subite, ce retour pour éblouir et danser ensuite de joie à l’idée d’un enjolivement dû à elle seule.
Elle se tient debout, perchée sur l’échelle. Ses cheveux flottent autour de sa tête. Elle écarte d’un geste de l’avant-bras ceux qui lui tombent dans les yeux. Elle vient de voir un barreau sans peinture, avance une main agile et presse les poils barbouillés sur la partie encore vierge. Elle est comme un dentiste devant une bouche ouverte. Elle glisse son instrument entre les dents du portail et lui assène sa couche de noir luisant jusqu’à l’étouffement. « Voilà, c’est fini ! »
Alors elle le regarde et il voit sa souffrance dans son corps. Perchée sur l’échelle, elle s’est donnée sans retenue. La main ankylosée, les reins vrillés, les pieds compressés par la minceur des barreaux, elle réserve encore sa fatigue pour tout à l’heure, lorsque pinceaux nettoyés, bidon de peinture rangé, échelle remisée, elle pourra enfin se laisser tomber sur une chaise et contempler son œuvre qui la comblera de bonheur.
Elle se tient assise et il est debout devant elle, attendri de sa constance et de sa joie enfantine. Elle a les larmes aux yeux, de fatigue, de satisfaction, d’amour aussi. Quel beau cadeau lui a-t-elle fait ! Il lui prend la taille et l’entraine vers la maison. Qu’il est bon de rentrer chez soi, ensemble, après l’épreuve et les preuves d’un amour toujours vivant.
07:35 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, société, écriture, femme | Imprimer
23/03/2014
Le Mystère par excellence, d’Amélie Nothomb
Manuel est mon meilleur ami. C’est le meilleur des meilleurs amis. Nous nous sommes connus il y a dix ans, à la Faculté : nous avions dix-huit ans et nous avons vécu ce qu’il faut bien appeler le coup de foudre de l’amitié. Aussi, quand il m’annonça, il y a deux mois, qu’il venait d’éprouver son premier coup de foudre amoureux, cela me fit un choc.
– Elle s’appelle Hélène. Je l’aime, me dit-il avec ferveur.
Ainsi commence ce court récit, concentré de dialogues et de réparties à la manière, inimitable, d’Amélie Nothomb. Quel est ce mystère ? Celui de l’amour d’un homme envers une femme ? Quelle banalité. Tellement banal que la nouvelle s’enlise. On sait ce qui va se passer, on le devine et cela arrive, jusqu’à la fin : ils s’aiment et vivent heureux, envers et contre tout et surtout à la stupéfaction du narrateur. Ainsi finit cette très courte nouvelle : Manuel est toujours mon meilleur ami ; le meilleur des meilleurs amis. Et il a épousé Hélène. Il respire le bonheur. C’est à rien y comprendre, mais c’est comme ça. La seule chose que j’ai comprise dans cette étrange et banale histoire, c’est la phrase de Chardonne : « Le bonheur des autres fait pitié. »
Entre les deux, des échanges mi-figue, mi-raisin entre la belle (tout à fait ordinaire) et l’ami de l’amoureux, ce narrateur éberlué qui n’arrive pas à comprendre. Il va même jusqu’à tromper son ami pour voir jusqu’où elle ira. Et c’est d’une platitude !
Alors de quel mystère parle-t-on ? Certes le mystère de l’amour. Mais, au-delà, le mystère par excellence de l’engouement pour un auteur, quel qu’il soit. Cette nouvelle, en dehors du fait qu’elle a été écrite par Amélie Nothomb, est faite de clichés, de scènes sans rebondissement, de dialogues pauvres entre personnages sans consistance. Et cela fait un livre, petit certes en épaisseur, mais d’une triste qualité, à l’image de la secrétaire de direction dont il est question. Une seule phrase résume le livre : « Le bonheur des autres fait pitié. »
07:36 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, nouvelle, roman, amour | Imprimer
22/03/2014
La nuit en deux temps
Elle s’est levée au milieu de la nuit, réveillée parce que repue de sommeil. Elle est descendue à la cuisine, s’est fait un thé, est remontée, s’est laissée aller à la poésie. Quand tout fut fini, elle se tourne vers le lit où l’attend son autre moitié, celui qui donne au monde une autre chaleur, pleine de force et de paix.
Qu’il est bon de se laisser prendre dans ses bras et de refermer la vie dans ses filets. Elle se couche subrepticement, soulevant la couette d’une main agile, prenant garde à ne pas déplacer d’air. Il fait froid, ses cuisses découvertes recherchent le corps chaud. Encore un peu. La voici dans la bulle qui se forme et l’englobe de sa somnolence. Appuyée sur son épaule, elle entre dans son odeur personnelle et se laisse aller à la torpeur de ce miel chaleureux. La main gentiment se laisse aller dans le creux de la hanche, là où la courbe se fait plus tendre et creuse.
Elle caresse cette peau connue, aimée, jusqu’au moment où le sommeil s’empare d’elle. Sa main, inerte, l’a réveillé. Il se laisse bercer par la caresse, puis se rendort également. Ils se rencontrent dans leur rêve et se sourient.
Le lendemain, en ouvrant les yeux, ils lisent dans la page ouverte de l’autre l’amour qui les tient endormis, sûrs d’eux et de leur bonheur.
07:15 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amour, homme et femme, société, somnolence, insomnie | Imprimer
03/03/2014
Je te reparlerai d’amour, roman de Pascal Jardin (Julliard, 1975)
Un livre sans commencement ni fin. Des pages magnifiques et d’autres sans intérêt. On glisse dessus comme dans un rêve, laissant de côté certains passages, relisant trois fois d’autres.
Pascal Jardin est le père d’Alexandre Jardin, un auteur dont plusieurs livres sont de petites merveilles : voir Le petit sauvage (voir le 7 janvier 2013) ; Fanfan, le 29 juin 2012 ; Bille en tête, le 22 février 2013 ; Les coloriés, le 6 janvier 2014 ; Chaque femme est un roman, le 1er mai 2013 ; Le Zubial, le 3 mai 2012. Il est le fils de Jean Jardin, personnage truculent qui lui inspira La guerre à neuf ans et Le nain jaune. Il fut scénariste, dialoguiste et écrivain. Il fut aussi le héros de nombreuses pages des livres de son fils, dont Le Zubial.
Le livre commence dans un bistrot, avec le souvenir de Clara, il finit un matin de juillet lors d’un retour de Clara. Les mêmes phrases : Faut-il donc être fou pour avoir tout misé sur une simple femme, une bête qui mord autant qu’elle caresse, avec une petite tête dure comme le fer où les idées des hommes n’entreront jamais, une bête, belle comme un dieu païen, et si vulnérable avec son ventre qui saigne toujours une fois par mois.
C’est un livre circulaire, avec des dérivations, des impasses et de longs cheminements comme ces descriptions splendides de personnages extraordinaires. Ainsi Clara, nue, et Julien le mari de Clara : Ils étaient des animaux. Il n’avait plus que des corps. Encastrés l’un dans l’autre, ils fonctionnaient avec la joie dite de la première fois, et qui, tout bien pesé, ne vient qu’après longtemps, quand on a tout exploré de l’autre, qu’on est rodé, usé, poli, frotté à l’autre. L’amour fort, le contraire des premiers bafouillages, l’anti-puberté, la femme avec des hanches, la femme qui sent la femme et l’homme comme un chien. Sur elle le poids de lui, le poids de sa vie. Ils se connaissaient, ils se reconnaissaient.
Mais tout ne tourne pas autour de Clara. D’autres femmes sont le prétexte de portraits tendres et virulents. Ainsi de Frédérique : Elle avait des cheveux roux et se faisait par coquetterie un regard de myope pour mieux paraître étonnée. Dans le mode le plus fabriqué, le spectacle, elle était restée une paysanne. Les coudes sur la table, elle tartinait son pain avec des gestes bibliques. Elle ne prenait sa douche qu’en mettant de l’eau partout. Toujours elle s’habillait trop vite, et sortait dans la rue à demi boutonnée. « Il faut que j’aille », disait-elle, désireuse et pressée de courir le monde. (…) Elle avait vingt-cinq ans. Les hommes lui courraient beaucoup après. Elle courrait assez peu. C’était un petit prince. Une enfance difficile lui avait appris à survivre. Jamais elle ne se plaignait, ni du temps, ni des dents, ni de rien.
Ou encore l’Oiseau : Le nez était fin et petit, et les narines ouvertes laissaient voir en leur base une veine minuscule dont le rouge foncé tranchait avec la peau blanche de noctambule. Les yeux étaient importants, fendus en amande, très mobiles, le front bombé et haut était particulièrement masqué par une coiffure bouclée. La bouche sensuelle, aux lèvres fortes, contenait un sourire sans cesse retenu sur des dents de loup assez peu régulières, mais fort enviables. Les pommettes hautes, le cou long et les épaules carrées évoquaient les Olympiades ou quelque dieu du stade. Les mains potelées, comme chez les enfants, s’ornaient sur les ongles d’un rouge très foncé et récemment posé. Les seins accrochés haut sur le buste possédaient des points admirablement dressées. La taille d’une minceur évidente était le contrepoint à des hanches superbes, un beau passage pour une naissance. Les cuisses étaient musclées, les jambes fines et longues s’appuyaient sur des pieds un peu grands pour l’ensemble. Ils avaient cependant un attrait profond. Cambrés, ils donnaient leur assise au personnage…
A la fin du livre, la phrase du début qui se poursuit ensuite : ... Et pourtant, ceux qui voient le soleil dans les yeux d’une maîtresse, et lisent leurs blessures sur les lèvres peintes en rouge, et la houle du large dans les hanches d’une femme, ceux-là voient bien plus loin que la plupart des autres.
Alors laissez vous tenter. Vous y trouverez des pages charmantes et vous sauterez celles qui vous ennuient.
07:14 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, roman, femme, amour, société | Imprimer
21/01/2014
L’amant de la Chine du Nord, de Marguerite Duras
Est-ce un roman, un récit, un film, un scénario ? On ne sait trop, tout au moins au début du livre. Mais la forme importe peu. Ce qui compte c’est l’ambiance créée par la forme. Ajoutons-y le style. Un style descriptif, neutre apparemment, qui permet de poser le décor :
C’est un livre.
C’est un film.
C’est la nuit.
(…)
La voix qui parle ici est celle, écrite, du livre.
Voix aveugle. Sans visage.
Très jeune.
Silencieuse.
Les personnages principaux n’ont pas de nom, ou presque. Ils sont désignés par il ou elle ou encore, pour cette dernière, l’enfant.
Devant nous quelqu’un marche. Ce n’est pas celle qui parle.
C’est une très jeune fille, ou une enfant peut-être. Ca a l’air de ça. Sa démarche est souple. Elle est pieds nus. Mince. Peut-être maigre. Les jambes… Oui… C’est ça… Une enfant. Déjà grande.
La jeune fille s’arrête. Elle écoute. On la voit qui écoute. (…) La jeune fille dans le film dans ce livre ici, on l’appellera l’enfant.
Puis, la rencontre. Un chinois, jeune, imposant, riche, mais simple et humain en même temps. Ils lient conversation. Il s’interroge, elle est si jeune. Elle monte dans son auto, une Léon Bollée :
Elle a envie de l’embrasser. Il le voit. Il lui sourit. Elle prend sa main, embrasse sa main.
(…) Le chinois ne pose pas la question, il dit : « l’amour, tu n’as jamais fait ». L’enfant ne répond pas. Elle cherche à répondre. Elle ne sait pas répondre à ça. Il a un mouvement cers elle. A son silence il voit qu’elle aurait quelque chose à dire. Quelque chose qu’elle ne saurait pas encore dire et elle ne connaît sans doute que l’interdit. Il dit : « Je te demande pardon ».
Elle arrive à sa pension. Le chauffeur sort sa valise et elle part sans se retourner. Quelques jours plus tard, sur le chemin de son lycée, elle retrouve l’auto du bac, très longue, très noire, tellement belle, tellement et chère aussi, tellement grande. (…) Il est là. (…) Elle pose sa main sur la vitre. Puis elle écarte sa main et elle pose sa bouche sur la vitre, embrasse là, laisse sa bouche rester là. Ses yeux sont fermés comme dans les films. C’est comme si l’amour avait été fait dans la rue, elle avait dit. Aussi fort. Le Chinois avait regardé. A son tour, il avait baissé les yeux. Mort du désir d’une enfant. Martyre.
L’enfant avait retraversé la rue. Sans se retourner, elle était repartie vers le lycée.
Et très vite elle devient sa maîtresse. Une maîtresse jeune, pleine d’inexpérience, ingénue, mais qui sait ce qu’elle veut et qui l’obtient. Le livre raconte cette passion jusqu’au départ de l’enfant pour la France. Une passion partagée, qui devient peu à peu torturée. Qui passe du rire aux larmes, mais toujours dans une dignité réelle, comme des personnages qui jouent leur rôle de loin, sans entrer complètement dedans.
Un livre à la Duras, merveilleux de sensibilité et de froideur conjuguées, une sorte de rêve éveillée, des voix off, des images, des sons, de la musique, bref un film écrit, qu’on ne peut voir que dans sa tête, mais avec vérité et intimité.
Oui, c’est un livre remarquable tant par la forme et le style que par le récit lui-même.
07:31 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, indochine, amour, récit | Imprimer
16/01/2014
Quand reviennent les âmes errantes, drame de François Cheng
L'épopée se passe en Chine, au temps des royaumes combattants, dans la seconde moitié du troisième siècle avant notre ère. Trois personnages, une femme, Chun-niang, et deux hommes, Gao Jian-li, le joueur de zhou, et Jing Ko, le belliqueux, se rencontrent dans une auberge. Elle, une beauté discrète, secrète, touchant pour ainsi dire à l’essence, d’une telle simplicité que devant elle tombent tous les qualificatifs. (…) Pureté des lignes, noblesse du port, harmonie innée du mouvement et des gestes ? Foncièrement innocente, elle ne fait pas usage de ses atouts : son regard teinté de mélancolie trahit au contraire quelque expérience douloureuse. Tout son être invite l’homme à abandonner ses mesquins calculs, ses pénibles artifices. Quiconque prétend l’aimer ne saurait me faire qu’humblement et totalement.
Ils se lient d’amitié et d’amour chaste : Amitié vivifiante, comme entre plante et pluie. Singulier trio que nous formons, singulier, mais évident, mais inébranlable ! En son sein, amitié affichée et amour inavoué crée un équilibre lumineux, exaltant, que personne ne souhaite rompre.
Cette amitié insolite dure jusqu’au jour où elle doit partir pour la cour, sa beauté ayant été reconnue. Peu de temps après, Jing Ko est chargé par son souverain de mettre à mort le roi ennemi qui menace le royaume. Aussi le roi lui accorde pleinement l'autorisation de vivre à la cour avant son sacrifice. Il retrouve Chun-niang, l’aime d’amour jusqu’au moment où il doit partir dans le royaume ennemi. Il mourra. Chun-niang reporte son amour sur Gao Jian-li qui lui aussi mourra d’avoir cherché à tuer le roi ennemi. Chun-niang devient une vieille femme, mais elle conserve un cœur pur et échange avec les âmes de ses bienaimés : L’indicible, dont la part de mystère restera mystère, on ne peut l’approcher, Jian-li nous l’a appris, que par le chant. L’indicible, dans notre cas, c’est donc ce chant ininterrompu à trois voix. Trois voix à la fois distinctes et confondues, trois voix propres à chacun mais toutes trois à l’unisson. Chaque voix raisonne, de toute éternité, en écho aux deux autres. Voix de l’amitié, voix de l’amour, mamelles équilibrantes, nourrissantes, transformantes d’une unique passion. (…) Que s’élève le chant des âmes retrouvées :
Plus rien ne subsiste, à part le désir
Pur désir inaccompli
Mûr désir inassouvi…
Toi et toi, vous deux en un
En un vous deux, toi et toi
En un nous trois !
C’est bien un drame à la manière antique. Il déroute le lecteur occidental d’aujourd’hui. Il sent la poussière des jours passés où la vie était semblable à la mort. Un rien les séparait. Comment comprendre cette indifférence à la mort et cet acharnement à vivre malgré tout. La Chine est le pays du mystère et François Cheng nous en donne une définition vivante à travers ce récit. Au-delà de l’histoire, les âmes se rejoignent et continuent à s’aimer d’amitié et d’amour. C’est la vie qui se poursuit, avant ou après la mort. Peu importe. La pensée et les sentiments sont plus forts que l’existence.
07:20 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, récit, épopée, drame, roman, chine, amour, mystère | Imprimer
17/12/2013
Le premier baiser
Et vint le jour du premier baiser.
La première sensation qu’il éprouva fut le parfum du buste de l’autre, comme un aimant qui entraînait à l’ivresse inconnue et le plongeait encore et encore dans le cou féminin, empli de senteur de fleurs, de bruissement des cheveux. Etincelles fulgurantes qui attaquaient son émerveillement pour le transformer en volcan. Le paradis à portée de main, offert dans cette apparence mouvante et délicate appelée femme.
Elle était belle, d’une beauté naissante, encore fille, presque jeune fille et sans doute déjà femme par son affirmation de soi. Elle ne s’offrait pas. Elle ne se refusait pas. Elle consentait à expérimenter ce dont ils avaient rêvé séparément, sans le dire. Tout ceci avec pudeur, n’osant regarder l’autre dans les yeux, donnant sa nuque encombrée de mèches de cheveux sauvages. Il se laissait griser par cette courbe merveilleuse, déposant des baisers furtifs sur la chair délicate et parfumée. Il ne sentait pas qu’elle faisait de même dans le creux de sa clavicule, éprouvant les mêmes sensations, la même émotion et les mêmes sentiments. Ils ne parlaient pas, n’osant exprimer ce qu’ils ressentaient, emmagasinant dans leur mémoire les perceptions, interrogeant leurs émois, construisant leur représentation de l’autre comme un géomètre dessine sa carte sur le terrain.
Jérôme découvrait la complémentarité de la vie et c’était une fête sans fin, sans bruit, comme une cérémonie sérieuse et envoûtante qui méritait toute leur attention. La féminité se dévoilait sous ses lèvres et les émanations de ce jeune buste le conduisaient dans une éternité chaude et lumineuse.
Elle se grisait de son odeur d’adolescent vif, se laissait aller dans les profondeurs de son cou, caressant ses cheveux courts, respirant lentement la peau masculine comme si elle étreignait un arbre vert. Quel embrasement stupéfiant !
07:45 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : adolescence, société, amour, femme, homme | Imprimer
20/07/2013
Indigne, roman d'Alexander Maksik
William Silver, un américain, enseigne la littérature dans un lycée parisien destiné aux riches expatriés. C’est un prof moderne, dont la pédagogie est américaine et qui semble très à l’aise avec ses élèves. Ses collègues l’apprécient moins. On découvrira à la fin du livre les insuffisances du personnage qu’on ne soupçonnait pas au départ. Pusillanime, il fuit la réalité lorsqu’elle devient à risques. Ainsi, dans une manifestation, il fuit devant quelques voyous après avoir discouru sur le courage. Enfin, il tombe sous le charme d’une élève, vit avec elle, et, lorsqu’elle est enceinte, ne va pas au bout de ses responsabilités.
C’est un roman de plage, sans plus, qui n’a qu’un seul intérêt, sa vision d’une pédagogie hors norme, à l’inverse de la pédagogie française. Certes, ce n’est qu’un roman, mais il est intéressant de se laisser raconter comment Will conçoit la littérature et son apprentissage. Ainsi, non pas discuter de l’existence de Dieu, mais défendre autant son existence que son inexistence : Abdul, je ne suis pas en train de dire que Dieu existe ou qu’il n’existe pas. Nous sommes en train d’examiner les idées de quelqu’un d’autre, d’essayer s’en comprendre les ramifications et ainsi de suite. C’est important de réfléchir sur les opinions des autres, tu ne crois pas.
Autre question intéressante : Nous naissons et devons trouver notre but, c’est-à-dire « l’homme est condamné à être libre ». Qu’est-ce que ça signifie d’après vous ?
Cependant cette méthode reste un peu lâche : pas de fil directeur réel des discussions qui partent un peu n’importe comment, pas de mise au point final (que retenir de cette discussion), pas de guide pour aller plus loin dans la recherche d’idées,. De plus, le prof se laisse appeler mec toutes les cinq minutes et est malgré tout un peu débordé par la vitalité de ses élèves..
Autre difficulté du livre : chaque chapitre donne le point de vue d’un des protagonistes, Marie, celle qui l'a séduit, Gilad, un autre élève, et bien sûr Will, le héros. La lecture en est réellement compliquée. Bref, un roman de plage qui se veut intello, mais qui est également très midinette.
07:45 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, enseignement, éducation, amour | Imprimer
27/06/2013
Le rire de l’ogre, roman de Pierre Péju
Beaucoup y ont vu un roman sur la guerre, d’autres un roman d’amour impossible entre Paul Marleau et Clara, d’autres enfin une méditation sur le mal à travers ses différentes formes. Histoire d’un siècle au travers de la vie d’un homme et de ceux qu’il côtoie. Comme dans La petite chartreuse, on entre difficilement dans le récit et l’on s’ennuie. Mais progressivement on prend conscience de l’intérêt du livre. Pour ma part, je n’en retiens que l’aspect lié à Paul Marleau en tant que sculpteur et à la sculpture. De très belles pages sur cet art difficile, physique et sensuel :
Dodds glisse ses mains dans les fentes qu’il a pratiquées dans le ventre et le torse de ses statuts. – Tu vois, mon truc, ça consiste à saisir la réalité par ses trous ! (…) Je m’écarte, je prends du recul, et ce que je vois, c’est l’espace que ça fait apparaître autour… Une sculpture, bien lourde, bien dure, c’est aussi à ça que ça sert : à révéler du vide. Tu vois l’espace entre les formes, c’est aussi une forme. (...)
Je comprends comment on peut sculpter une ombre, l’ombre du soir, la nudité, la souffrance et même… la pensée. Je comprends que ce n’est pas l’artiste fiévreux qui fabrique une femme de pierre. C’est une femme accroupie, une femme en pleurs, une femme damnée ou une femme-cuiller qui s’arrache elle-même à la matière, qui s’accouche elle-même à l’aide des mains du type qui se prend pour le maître des formes. (...)
… je ne peux alors que cogner, trouer, dégrossir et faire éclater de gros morceaux de matière, priant en même temps cette matière de me résister le plus possible. Car je ne désire ni victoire ni défaite. Les éclats giclent dans mes lunettes de protection, m’écorchent le front. Mes reins me brûlent. Mes omoplates vont se briser, comme mon coude, comme ma mâchoire. Mon pouce et mon poignet me font mal à gueuler. Je deviens à la fois la force et la roche. Je deviens le point d’impact et le vide ricaneur. Je gueule, mais au moins, tant que je cogne, je disparais !
Il est rare de lire des romans qui entrent dans le processus de création d'une œuvre. Pourtant quoi de plus beau de décortiquer ce travail, d’en saisir les subtilités, les hésitations, les joies et les douleurs. Et lorsque cette création est un acte physique autant que conceptuel, l’homme s’accomplit de lui-même dans l’effort et l’ignorance du résultat.
06:49 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, littérature, guerre, amour, art, sculpture | Imprimer
11/04/2013
Les voisins de dieu, film de Meni Yaesh
C’est un film ambigu : que veut le réalisateur ? Dépeindre les petites frappes d’une banlieue de Tel Aviv qui font la loi dans leur quartier à coup de battes de base-ball, ou montrer le passage de la violence à la vie et de la jeunesse à l’âge adulte, par la naissance du sentiment amoureux.
Il nous plonge dans une communauté religieuse qui entretient des rapports troubles avec la religion. Fondés sur des slogans bibliques, la haine des autres la conduit à des comportements aussi barbares que ceux des islamistes radicaux. Dans le cœur de l’un des plus extrémistes surgit la flamme de l’amour qui va modifier son attitude : Miri, jeune fille moderne, conquiert le cœur d’Avi. La haine et la fausse virilité sont balayées par des sentiments qui dépassent le héros. Va-t-il poursuivre dans ses résolutions de pourfendeur de Yahvé ou être contraint de changer sa vision des choses ?
On ne sait si c’est un bon film : des scènes dignes de nos banlieues, des personnages haut en couleurs et en lâcheté jusqu’au moment où Avi, pour ne pas se parjurer, tire à côté de l’arabe qu’il tient dans sa ligne de mire. La vie l’emporte sur la fausse morale, l’amour sur le ressentiment.
Les machos ont perdu une brebis. La bête est devenue homme. Mais le sujet fait-il un bon film ?
07:26 Publié dans 13. Cinéma et théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, religion, amour, judaïsme | Imprimer