18/10/2022
A bout !
Une montagne de papiers froissés
Des fils partout, noirs, rouges, épais ou fins
Des écrans brillants, avides, clairs
Au-dessus, une tête, pleine, lasse
Bougeant difficilement, ne voyant rien
Que ses écrans de blanc vêtus
Oui, il est là, observant les lueurs
Un chèche sur le chef
Un manque à son palmarès
Un gant aux doigts agiles
Nu, il va de la chambre au salon
Regardant sans cesse les écrans
Tremblant à l’annonce de chiffres mauvais
Se mordant les doigts jusqu’au sang
Plus rien ne va, dit sa compagne
Si tout va bien, répond-il
Et il part dans une autre pièce
Ricanant de bonheur éternel
Il revient, vêtu d’un manteau noir
Engoncé dans ses pensées
Ouvrant l’œil et les mains
Il s’écroule d’une masse
Puis ne reste qu’une poussière
Sur le pas la porte
Qui s’envole sous l’effet de la bise
À quoi lui ont servi ces années de labeur
Sans voir la beauté du ciel
Et la profondeur de la vie à deux
06:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : errance, regret, lassé | Imprimer
03/07/2022
Repos sans fin
Au bord de l’étendue bleue
L’œil levé sur les hauteurs
Le corps enfoui dans la pesanteur
Ils regardaient passer les demi-dieux
Les autres, les sans-faces, marchaient
Les yeux clos, fermés sur leur vision
Passant devant leurs frères et s’alarmaient
Par crainte de subtiles divisions
Oui, l’homme est ainsi fait
Qu’il espère toujours la contrition
Pour ceux pris sur les faits
Et rendus à la vie sans transition
Il est passé le temps des peines
Elle s’échappe de ses pensées
Et prescrit à toutes les hautaines
De ne plus jamais danser
Plus rien ne sera comme avant
L’ombre s’efface devant le soleil
Ils resplendissent de bonheur extravagant
Et tombent dans un large sommeil
05:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : errance | Imprimer
09/06/2022
Attente
Il est là, assis au bord de l’eau
Qui s’en va loin de lui, entre ses doigts
Il ne cherche pas à la retenir
Elle part et va au loin, hors de lui
Il regarde la frange blanche
Un reste de vie, s’estompant peu à peu
Puis redevenant gris, puis noir
Adieu filet de vie et d’agitations
Il est là, assis au bord de l’eau
Il trempe les pieds dans la fraicheur
C’est le calme et la quiétude
Ses yeux se troublent et s’égarent
Quelle paix en lui depuis la chute
Le froid net, coupant du rasoir
L’avait pris tout entier, gelant
Arrêt sur image, plus rien ne bouge
Et la renaissance surgit, pleine et entière
L’autre partie de lui-même
Roule comme une tache sombre
Et ne quitte plus sa présence
Elle est là, derrière son être
Comme une paroi de verre
Mêlant ignorance et perspicacité
Vont-ils se rejoindre et se serrer
Ou vont-ils s’éloigner chacun de son côté ?
Et c’est à lui de décider
Les yeux fermés, la main dans le vide
Cherchant la lumière dans l’obscurité
Vainement, lucidement, sans interrogation
Jusqu’à sons dernier jour, dans la nuit
D’une vie qui se ferme
05:50 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nuit, errance, découverte | Imprimer
16/06/2021
L'infini urbain (Symphonie nippone)
Il est cloisonné, fait d’obstacles
Et de voies qui ne mènent à rien
C’est un infini empli de fins
Qui n’en finissent pas
Au rythme des pas des passants
La ville résonne des talons
Obscurcissant l’ouïe
Et l’on marche sans se retourner
Inquiet de ces recoins du temps
Dans l’univers chiffonné
De cosmologues hasardeux
Il n’y a plus de ciel, ou presque
Ni haut ni bas, ni droite ni gauche
Seul le balancier rythme la vie
Sans dire cependant où se trouve
Le passé et l’avenir, y a-t-il même
Un présent dans cette absence
D’êtres animés d’humanité
03:21 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ville, infini, errance | Imprimer
28/05/2014
rêve et réalité
Il se tenait droit. Son front couvert de poussière ruisselait de transpiration. Il marchait depuis des heures, perdu dans ces galeries souterraines. Il faisait chaud, trop chaud, et il avait du mal à respirer. Il haletait parfois et s’arrêtait, asphyxié. Ses chaussures lui faisaient mal aux pieds. Il se dit : « Je vis mes derniers instants. Je vais mourir enterré et personne ne saura ce que je suis devenu. Tous ignoreront où ma folie m’a conduit. Mais je ne regrette rien, ni ma peine, ni mon effroi. J’ai marché et je vais en finir avec la vie. Pourtant celle-ci avait bien commencé. J’ai connu la tendre douceur après l’effort, la virginale caresse des êtres de l’autre sexe, la détente de la boisson, l’indifférence des grands, la reconnaissance des sans culottes, le bourdonnement des mouches autour d’un pot de confiture, la lente décomposition de ce que j’avais construit. La face contre terre, j’ai crié mon désespoir et j’ai ri de mes regrets. Quelle absurdité ! Qui donc voudra et pourra me faire revenir sur cette terre acide et froide ? »
Elle dormait lorsqu’un rêve traversa son esprit. Elle le vit errant sous terre, les yeux fous. Eveillée, elle le regardait. Il ne sut qui elle était, mais il sentit cette sollicitude d’un être pour un autre être et il l’appela, dans le noir, à genoux, incapable de faire un pas de plus. Elle s’habilla, revêtit son kimono préféré, s’empara d’une lampe de poche et sortit. Elle se laissa guider jusqu’au puits, enjamba le rebord, mis les pieds dans le seau, fit basculer la corde au fond et se laissa descendre doucement. Peu à peu ses mains furent ensanglantées. Retenir son propre poids lui sembla surhumain. Elle tint bon néanmoins jusqu’au moment où elle toucha le fond du puits. Pas une goutte d’eau, mais un couloir qui s’enfonçait elle ne savait où. Elle attacha la corde au seau, certaine de pouvoir remonter à la force des poignets, alluma sa lampe et partit. « Il est là », se disait-elle pour se donner du courage. Elle le voyait, grand, altier, mais épuisé. Alors, rassemblant ses forces, elle continuait, avançant à petite pas, la soif à la gorge. Au tournant du boyau elle le vit, assis, le dos reposant sur la paroi, la tête entre les mains. Elle s’approcha doucement, murmurant des mots sans signification. Elle avança la main et la posa sur sa tête. « Viens, partons ! » En le soutenant, elle parcourut le chemin inverse. Ils arrivèrent au fond du puits. Le seau était là. Elle réalisa qu’elle ne pourrait le hisser à la force des poignets et il était trop faible pour l’aider. Elle cria longtemps, mais personne ne répondit. Elle tenta de se hisser elle-même pour aller chercher du secours, mais retomba deux fois de suite, malgré les lambeaux de sa robe dont elle avait entouré ses poignets. Alors elle s’assit, posa la tête de l'homme sur ses genoux et lui parla avec une douceur extrême : « Nous sommes arrivés au bout de la route. Je t’ai rêvé. Je t’ai cherché. Je t’ai trouvé. Je t’ai porté jusqu’ici. Nous allons vivre nos derniers instants et je suis heureuse de t’avoir connu. Oui l’absurde vaut la peine d’être vécu. Rien de ce qui nous arrive n’est vain. J’ai gagné en confiance. Je réalise que ton appel cette nuit m’a surprise. Je ne m’y suis pas opposée. J’ai suivi ma voie sans faiblir. Et mon cœur est joyeux, libre comme il ne l’a jamais été. J’appelle une dernière fois et nous mourrons la tête haute. » Elle appela plusieurs fois, jusqu’à épuisement.
Lydia jouait dans son jardin. Elle s’assit un moment après avoir couru. Elle entendit les appels, se redressa, cherchant d’où venait le son. Derrière la haie ! Elle se glissa sous les branches, déchira sa robe et poursuivit jusqu’au puits qui résonnait des cris de la jeune femme. Elle se dressa sur la pointe des pieds, se pencha avec précaution et appela : « Il y a quelqu’un ? ». « Au secours », entendit-elle. « Nous arrivons », cria-t-elle. Rentrée chez elle, elle appela les pompiers et les entendit venir cinq minutes plus tard. Elle pleurait de joie lorsque les deux jeunes gens furent remontés. Ils étaient exténués, hagards et se tenaient par la main sans vouloir se lâcher. Ils se regardaient. Rien ne pourrait plus les séparer. Ils ne parlaient pas. Ils ne pensaient pas. Ils se touchaient et cela leur suffisaient.
Ce jour-là l'amour fit un pied de nez à la mort. Le rêve de la jeune femme était devenu réalité et la réalité devint rêve.
07:17 Publié dans 43. Récits et nouvelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : secours, errance, fin, amour | Imprimer
19/11/2010
Errance
On erre dans les bruits
On divague sous la pluie
On se noie de couleurs sales
De murs fripés, de tuiles tombées
De gouttes séchées aux vitres
Le moteur humain ronronne
A petits pas vacillants
On s’enveloppe de chaleur moite
On résonne de tendresse sous la brume
La caresse d’une table bancale
De ses bords émiettés et rugueux
Le frôlement d’un mur nu
L’odeur aigre des sifflets de la gare
Trop-plein de poussière des encoignures
Au-delà d’un amas de tuyaux tièdes
Crochets rouillés en mal de pendaison
Je suis le regard de ton absence
Je ne suis plus, je commence
J’achève, je vais finir
Peut-être est-ce déjà arrivé
La machine tourne à vide
Enroule des courroies, entraîne des poulies
Se peuple de renvois, de crémaillères
On surveille la machine
L’œil sur les compteurs et les voyants
On graisse, on huile, on lubrifie
Et ça tourne… ça tourne…
J’achève, j’arrive
Je vais arriver, je commence
Je serai le regard de ta présence.
17:23 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : errance | Imprimer