21/03/2012
Elle est apparue, innocente et intègre
Elle est apparue, innocente et intègre
Au chevet de nos rêves mouvementés
Quand, sur l’élégance des parvis
Tu récitais l’obsédante poésie des vers
Grouillants et pléthoriques, encombrée
De rappels exacerbés et mouvants
D’une glorieuse égérie immortelle
Oui je me souviens d’elle,
La belle et franche amazone
Qui, sur sa jument altière
Courre dans la campagne verte
Après les rêves endoloris et cruels
Des bourgeois frileux et indécis
Héraldique, elle se tient sur un pied
Au sommet de la colline odorante
Les bras écartés du corps, en suspension
Le regard comblé d’amour empanaché
Et elle sourit pour elle-même, frêle
L’autre jambe passée sur le fil
D’une clôture rêche et forte
Comme un oiseau envolé dans les cieux
D’un ciel d’orage zébré d’éclairs
Elégance du geste, de l’attitude valeureuse
D’une femme encore fille,
Qui court après sa révolte ombragée
Et gagne les rivages sublimes
D’une paix survenue au matin
Les yeux ouverts sur cette apparition
Franche et maladroite de maturité
Tu disais ton désarroi à cette image
La belle emportée dans l’air
Comme un drapeau en flottaison
Au sommet des mâts de navires
En partance vers des pays inexplorés
Et toujours enlacée aux désirs entiers
Ils courent les bras tendus, enrubannés
De honte mêlée à l’espoir irrésistible
D’une rencontre impossible
Avec celle qui n’a pas de nom
Qui n’est que caresse et égarement
Dans les chants puissants et magiques
D’un divertissement anodin
Oui, elle était la sirène dénotée
Le faune irrésolu et cruel
Elle empruntait les courants ascendants
Des fumeries d’opium envoûtant
Et montait vers l’azur, légère
Riante, inconsistante, immanente
Comme au cœur même de l’élan
De la vie et de la mort mêlées
Et lorsqu’au dernier jour
Le corps replié sur lui-même
Dans cet irrésistible effort
D’une respiration impossible
Tu vois ces vêtements de glace
Passer sur cette silhouette fine
Tu souris légèrement, extasié
A la merci de ce rêve définitif
Qui enchante ta mémoire
06:52 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poésie, poème, écriture | Imprimer
14/03/2012
Péplum, roman d’Amélie Nothomb
Amélie Nothomb, la surdouée des dialogues et de la joute verbale, s’en est donnée à cœur joie dans ce livre. Malheureusement, le résultat est mitigé. D’abord, est-ce un roman ou une pièce ? Un roman puisqu’elle l’a choisi ainsi, le titre Péplum étant sous-titré roman. Mais c'est un dialogue sans explication, à prendre brut. D'ailleurs, pourquoi Péplum, qui est une tunique de femme dans l’antiquité ? Certes, la narratrice le porte dans cette aventure dans le futur.
La romancière se fait opérer et se réveille dans une salle bien différente de celle d’un hôpital. A son chevet, Celsius, scientifique énigmatique lui annonce qu’elle est en 2580. Et le dialogue commence, fait de petites phrases courtes, cinglantes, ironiques. Cela durera jusqu’à la fin du livre, que je n’ai pas lu en entier. A la page 90, j’ai déclaré forfait, lassé, voire écœuré au vrai sens du terme, par ces réparties permanentes, comme une partie de tennis dont les balles sont rapides, trompeuses, envoyées aux quatre coins du court et qui dure des heures, voire des jours. Ces échanges peuvent être drôles lorsqu’ils sont enrobés d’une situation et d’évènements, mais un livre complet d’anathèmes entre deux pèse trop lourd.
On y trouve cependant quelques détails intéressants. C’est ainsi que Celsius explique à A.N. :
– Moi qui vous parle, je suis oligarque.
– Compliments.
– Vous ne me demandez pas en quoi consistent ces tests ?
– Il est inutile de vous le demander. Quand un premier de la classe a eu une bonne note, il finit toujours par réciter les questions, les réponses et les félicitations.
– Nous sommes évalués sur trois plans : notre intelligence (en ce, compris notre culture), notre caractère (en ce, compris notre honnêteté) et notre santé (en ce, compris notre beauté).
– Votre beauté ?!
– Oui. Les laids ne sont pas admis.
– C’est d’une injustice flagrante !
– Pas plus que le reste. Être jugé sur son intelligence est aussi injuste que d’être jugé sur sa beauté.
On y trouve même quelques réflexions intéressantes :
– De toute éternité, le Beau est plus rentable que le Bien.
– Rentable !
–Réfléchissez. Le Bien ne laisse aucune trace matérielle – et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire : rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien véritable ne dit pas son nom – s’il le dit, il cesse d’être le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours : il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont régis par des lois opposées : le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un être responsable qui se dévouerait à la cause du Bien ferait un mauvais placement.
Mais très vite on se lasse de ces affrontements permanents qui ne sont que des dialogues creux où seuls comptent le persiflage et le quolibet.
N’ayant pas tout lu, je n’ai pu m’empêcher d’aller voir à la fin ce qui se passait. Et, bien sûr, tout cela se termine par l’écriture d’un roman qui raconterait l’aventure : Quand j’eus fini de rédiger ce manuscrit, je l’ai apporté à mon éditeur. J’ai précisé qu’il s’agissait d’une histoire vraie. Personne n’a daigné me croire.
07:27 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, femme | Imprimer
13/03/2012
Ecoute d’une fenêtre ouverte sur un piano
Ecoute d’une fenêtre ouverte sur un piano…
Cristallines, les notes tombent une à une,
En cascade, ralenties, comme gelées,
Et la pesanteur les laisse s’écraser
Sur la surface lisse et froide,
Entre les rochers de la solitude.
Emportées par le tourbillon des flots,
Elles forment un renflement
Et s’évasent entre les cailloux
Qui parsèment la main gauche
De coupures subtiles.
Certains passages, entre les pierres,
Entraînent un modelé accéléré
Dans lequel les notes se noient
Dans une harmonie prudente,
Avec une retenue évidente.
Enfin... La plaine luxuriante
Où la mélodie prend de l’ampleur,
Accompagnée de nombreux accords :
Septième dominante,
Neuvième parfois,
Toujours suggérés,
Susurrés à l’oreille.
Tout s’éteint,
Se dilue,
Se perd,
Dans le grand bleu turquoise.
Alors on se laisse endormir,
L’esprit libéré de ce tout
Qui nous empoisonne
L’existence de son obsession :
Penser = vivre.
Quelle erreur !
07:30 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème, musique, piano, concert | Imprimer
09/03/2012
Se voir, regarder, et puis, partir
Se voir, regarder, et puis, partir,
Au loin, vers un horizon insoluble,
Au plus près des navires noirs,
En volant avec la mouette blanche.
Salée comme le goût de l’eau,
Elle dit adieu aux terres connues
Pour se tourner vers l’exponentiel,
Le grand mirage des flots déchainés,
L’étendue grisâtre et vert de gris,
Comme le chat espiègle et riant,
Pour compenser les jours de peine
Et les nuits d’outrage.
Elle a mis son manteau de loutre,
Elle a regardé son appartement,
Petit, malhabile, encombré,
Et a décidé de s’enfuir, loin de tout,
Dans une agitation inquiète.
Regardant les magazines colorés,
Elle a choisi cet au-delà des mers,
Derrière les soucis et les joies,
Là où plus rien n’effacera
Ses souvenirs d’une vie remplie
D’un petit air charmant et triste.
Où seras-tu dans quelques heures ?
Partie à bord, dans sa cabine minuscule,
Regardant par le hublot l’onde
Secouée de rires et de pleurs,
Et constatant sans peine le désert
Des eaux agitées, mais impavides,
Que feras-tu lorsque tu seras loin
De tout souvenir et de tout sentiment,
Avec pour seul horizon, plat, cette ligne au loin,
Qui se rapproche lentement, inexorablement ?
Mais derrière cette ligne qui fuit sans cesse
Qu’y a-t-il de si attrayant ?
L’envers d’un décor de rêve,
Le charme discret et respectable
D’un épisode fermé et désespéré.
Une comédie burlesque,
Un grand rire ébouriffant,
Un sourire de petite fille,
Une grimace de singe velu,
Le coup de queue d’un poisson
Volant par-dessus les rêves,
La chanson aigrelette et vaine
Des oiseaux prisonniers de l’air.
Départ vers la liberté de conclure
D’une pirouette mal assurée
Allez donc, partez si vous le voulez !
Que restera-t-il de votre personnage,
Juste un peu d’ombre le matin
Lorsque, réveillés, les passants attentifs
Regarderons ces fenêtres ouvertes
Et verront le rideau se soulever,
Légèrement, prudemment,
Pour qu’un visage exsangue
Leur fasse un dernier bonjour :
Ah, quelle farce que ce départ !
07:10 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
06/03/2012
La femme au miroir, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt
Trois femmes, vivant à des époques différentes, l’une, Anne, à Bruges pendant la Renaissance, la seconde, Hanna, à Vienne au temps de Freud et la troisième, Anny, à Hollywood de nos jours. L’auteur fait tout pour nous suggérer une réelle ressemblance entre elles, voire faire penser qu’il s’agit de la même. Toutes les trois se disent différentes des autres femmes, celles qui obéissent aux conventions sociales, se marient, ont des enfants. Elles refusent chacune le rôle que la société et les hommes veulent leur faire jouer.
Anne refuse le mariage, erre dans les bois, trouve un moine qui lui explique qu’elle cherche Dieu sans le savoir. Après quelques hésitations sur sa vocation, elle devient béguine. Elle passe l’examen de passage avec la Grande Mademoiselle qui, après une demi-heure de silence, lui dit :
– L’âme ne sait voir la beauté que si elle est belle elle-même. Il faut être divin pour obtenir la vue du divin.
Elle finit sur le bucher, en innocente, opposé à l’archiprêtre, accusé par sa cousine qui l’a toujours haï.
Hanna, mariée à un homme riche, charmant, finit par divorcer, lassée de la course à l’enfant où l’entraînent les autres femmes. Elle devient médecin de l’âme et, un jour, passe le pont du béguinage. Elle s’installe sous le tilleul cher à Anne et ressent la même chose.
– Soudain, il me sembla que tout l’univers s’était concentré là. Les battements des ailes légères paraissaient la respiration de la plante. Le monde s’organisait en un décor panoramique qui enchâssait cette rencontre précieuse de l’animal et du végétal, me montrant l’essentiel, la continuité de la vie innocente, tenace.
Quant à Anny, elle se complaît dans l’alcool, la drogue et le sexe. Elle n’en sortira pas vraiment, mais son métier d’actrice, où elle excelle, la sauve. Après bien des péripéties, sans intérêt, elle trouve le rôle d’Anne et en fait son chef d’œuvre en montant sur l’échafaud comme une reine ou une sainte.
Curieux comme au fur et à mesure du temps, les femmes qui sont présentés semble plus creuses, moins structurées, moins belles dans leur âme. Anne, la visionnaire, est pure et communie avec la nature et Dieu. Hanna tombe dans la psychologie, Anny ne réussit qu’un coup, qui ne répare pas une vie égarée.
Cela reflète-t-il la réalité ? Non sûrement pas ! Mais Anne, la pure, a marqué au-delà de sa vie l’existence d’autres femmes, aspirant elles aussi, à cette soif d’absolu au-delà du devoir social.
06:41 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, société, destinée | Imprimer
05/03/2012
Sensation, impression, émotion
Sensation, impression, émotion,
Comment qualifier cet état de court-circuit ?
Plongé dans le noir rougeoyant,
Les yeux fermés sur l’ostracisme
Naturel, stérile, mais palpable
Entre hommes et femmes,
Entre riches et pauvres,
Entre blancs et noirs,
Entre blonds et bruns,
Entre hommes et entre femmes,
Encore plus, entre enfants.
Rien, le vide de l’espoir, sans amertume,
Enrobé du chocolat tiède
De sentiments indélicats.
Revenir à la primauté des sons,
A la couleur de l’illumination,
Au goût ouaté du pain d’épice
Un soir d’enfance, dans son lit.
Assis, je contemple l’effondrement
De mon personnage en quête de componction.
Plus rien ne sera comme avant !
Le bleu divin, le noir de l’évasion,
Le blanc du mirage imaginaire,
Le rouge de l’illusion perdue,
Le jaune des nuits d’été, chaud,
Le vert envahissant de l’âme
Qui courre de la tête aux pieds
Et brûle la gorge au passage.
Je peux encore toucher, extasié,
La main fine et délicate,
De la chance souriante
Ou encore celle, plus rude,
De l’éclat de fer des séparations.
Et ton regard me transperce,
M’étrangle dans le jour malhabile,
Etonné, anxieux, interrogateur.
Qu’as-tu fait de ta destinée ?
Je suis resté sur le chemin
A regarder passer, courageux,
Les groupes combattants et vigoureux
Qui se poussaient les uns les autres
Pour cheminer ensemble vers une mort
Annoncée, inexorable, meurtrissante.
Oui, je te regarde et souris
A ta beauté retrouvée et pleine
Car ensemble nous naviguons
Toutes voiles dehors, au vent du large,
Vers l’horizon désert, mais tentant,
Dont on ne voit plus le fil.
Donne-moi tes doigts de fée
Prends mon visage entre tes mains
Et contemple celui qui est
Avec toi, pour toi, en toi.
07:42 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
28/02/2012
Tricorne de doute et de pompe
Tricorne de doute et de pompe
Sans l’arrêt du cœur de Germain
Je gagnais la bataille du flambeau
Arrondi au ventre de l’inquiétude
Et mêlé à l’inconsistance de l’eau
Je navigue aux porphyres des côtes
A l’ombre du phare à quatre têtes
Auprès de la blonde délicatesse
Des lumières de nos corps
Sous la pluie de notre déraison
Les regards abrités de tes paupières
Abordaient la venue des saisons
Du métal de leurs facettes altières
L’image vide,
Les mains à la pesanteur de l’âme
Je rêve, parfois
06:58 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
25/02/2012
La plaisanterie, roman de Milan Kundera
Le roman laisse successivement la parole à Ludvik, Helena, à nouveau Ludvik, Jaroslav, de nouveau Ludvil, Kpska, enfin ludvik-Helena-Jaroslav. Il est vrai que l’on s’embrouille un peu à chaque nouvelle partie, car on ne sait qui dit je, même si son nom est indiqué sous le numéro de la partie.
Helena raconte comment elle a aimé Pavel, son mari, lors d’un meeting où elle découvre la vie : Nous nous fréquentions depuis près de deux ans et je commençais à ressentir une pointe d’impatience, rien d’étonnant, nulle femme n’entend se satisfaire d’une simple amourette d’étudiant… Le Parti contraint Pavel à épouser helena. On a chanté, on a dansé et je répétais à Pavel, si nous devions nous deux nous trahir, nous trahirions tous ceux qui célèbrent ces noces avec nous…J’ai envie de rire aujourd’hui quand je pense à tout ce que nous avons finalement trahi par la suite. Helena cherche l’amour, elle le cherchera toute sa vie et finira par le trouver, sans pouvoir l’éprouver. Elle parait aux autres une sainte Nitouche : Je savais pourtant bien combien il serait simple d’oublier bel et bien mon juvénile rêve d’amour, franchir la frontière pour me retrouver sur les terres de cette étrange liberté où n’existe ni honte, ni retenue, ni morale, dans le domaine de cette bizarre liberté ignoble où tout est permis, car il suffit d’entendre, au-dedans de soi, la pulsation du sexe, cette bête.
Pendant ce temps, Ludvik vit le premier naufrage de sa vie, à cause de Marketa, jolie jeune fille de dix-neuf ans, qui ne comprend pas les blagues. Ils étaient en faculté, dans ces années du communisme où tous épient tout le monde, où la moindre parole est analysée, le moindre sourire suspecté. Aussi lorsqu’elle part en stage et lui écrit qu’elle est contente tandis que lui était mal d’elle, il lui envoit une carte portant les mots : L’optimisme est l’opium du genre humain ! L’esprit sain pue la connerie. Vive Trotski ! Ludvik. Marketa ne répond pas. A la rentrée il est convoqué devant le comité des étudiants du Parti. Il est rejeté de toute sa vie d’étudiant et se retrouve incorporé. Je commençais à comprendre qu’il n’existait aucun moyen de rectifier l’image de ma personne, déposée dans une superbe chambre d’instance des destins humains ; je compris que cette image (si peu ressemblante dut-elle) était infiniment plus réelle que moi-même ; qu’elle n’était en aucun façon mon ombre, mais que j’étais, moi, l’ombre de mon image ; qu’il n’était nullement possible de l’accuser de ne pas me ressembler, mais que c’était moi le coupable de cette dissemblance ; et que cette dissemblance, enfin, était ma croix, dont je ne pouvais me décharger sur personne et que j’étais condamné à porter. Mais Ludvik refuse de capituler, bien que sa dissemblance n’est visible que pour lui seul. Et graduellement, sa vie perd sa continuité, sa vue s’accommode à cette pénombre de dépersonnalisation et il commence à distinguer des gens autour de lui. Il raconte ses errances avec ses camarades. Il rencontre Lucie, une ouvrière qui vit dans un foyer, qui lui redonne la vie. Le temps recommence à s’articuler et à se décompter. Il connait le bonheur. Puis, il passe de la tendresse à une nouvelle Lucie, sensuelle lorsqu’elle essaye une robe qui lui dévoile les proportions de son corps balancées avec grâce. Après bien des péripéties, il obtient un rendez-vous dans une chambre. Mais elle se refuse à lui. Et il continue à la désirer derrière le grillage de la caserne. Il finit par la perdre de vouloir la prendre contre son gré.
Jaroslav, lui, raconte sa passion pour les chants et la musique de Moravie, qui se caractérise par une tonalité à la septième mineure, qu’elle appartienne au mode éolien, dorien ou mixolidien, d’après les tons d’église. Kundera écrit de très belles pages sur cette musique si particulière. Il raconte l’amitié d’adolescents entre Jaroslav et Ludvik qui s’est renforcée grâce à leur amour de la musique.
Ludvik reprend la parole pour raconter sa rencontre avec Helena, journaliste, dans un hôtel. Et très vite, il la discerne non plus en tant que professionnelle, mais en tant que femme, apte à fonctionner en tant que femme. Mais helena est mariée avec Pavel Zemanek, une personnalité du parti. Il l’emmène dans une chambre empruntée et la fait parler de son mari qui lui rappelle ses heures sombres. Il voit cette femme assise en face de lui, ivre, les joues en feu, la jupe roulée jusqu’à la ceinture. « Déshabillez-vous, Helena », dit-il. Il est extrêmement rare que l’amour physique se confonde avec l’amour de l’âme. Que fait-elle au juste, l’âme, pendant que le corps s’unit (de mouvement immémorial, universel et invariable) à l’autre corps… Que deux corps l’un à l’autre étrangers se confondent, ce n’est pas rare. Même l’union des âmes peut se produire quelquefois. Mais il est mille fois plus rare qu’un corps s’unisse avec son âme et s’entende avec elle pour partager une passion. Qu’à donc fait mon âme pendant que mon corps faisait l’amour avec Helena ? Et helena devient amoureuse de Ludvik, ce qui ne plaît pas du tout à celui-ci. Elle finit, plus tard, par tenter de se suicider. La fin du livre est quelque peu confuse : l’orchestre, le clarinettiste instituteur, l’infarctus de Jaroslav.
Qu’en retenir ? Ce n’est pas l’histoire en elle-même, qui reste malgré tout difficile à suivre et manque de continuité. L’art de Kundera ne passe pas par un scénario bien conçu, mais par des retours sur lui-même, sur ses réflexions à propos de tout, comme un livre de philosophie ouvert sur la vie, sans encombrement de volonté d’enseigner. On y trouve de magnifiques envolées sur l’amour, autant physique que platonique, sur la solitude, sur le temps, sur la musique, sur l’embrigadement idéologique.
Le résumé du livre se trouve dans ces quelques lignes :
Oui, j’y voyais clair soudain : la plupart des gens s’adonnent au mirage d’une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire – des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des tords). L’une est aussi fausse que l’autre. La vérité se situe juste à l’opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par là la vengeance et le pardon) sera tenu par l’oubli. Personne ne réparera les tords commis, mais tous les torts seront oubliés.
07:18 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman | Imprimer
23/02/2012
Rien, l’errance conceptuelle
Rien, l’errance conceptuelle
Les idées filent comme météorite
Elles traversent l’espace
Et pompent l’énergie créatrice
La nuit berce cette agitation
La rendant ronronnante
Sur quoi se fixer ?
J’ai erré dans les lieux de la géométrie
J’ai observé les lois de la nature
Je suis tombé dans les imprécations
Des diverses cellules irisées
Qui courent dans la tête
Et agitent les pieds au soleil
Et je reviens ensuite à cette satiété
Ou cette inappétence pour la réflexion
Quand l’un vient, l’autre s’en va
Sans suite logique, sans pont
Sans symétrie de pensée
Une errance immature et diffuse
Qui couvre les heures de l’insomnie
Cela dure et s’étire comme des filaments
Jusqu’au moment où je me réfugie
Dans le monde secret et inexplorable
Derrière les yeux clos, impavides
Dans la trouble obscurité colorée
De noir, de rouge, puis de blanc
Une blancheur inédite, nouvelle
Qui apaise l’esprit et le corps
Qui oblige la machine galopante
A laisser tomber la pression
Jusqu’au moment où le rien
Devient réalité vivante
Où l’araignée tisse sa toile extensible
Derrière laquelle s’expose la tache
Claire et lumineuse, choquante
Des eaux troubles et verdâtres
D’un cerveau en décomposition
Eh bien, contrairement aux impressions
Cette écriture sordide et personnelle
M’a ragaillardi et a chassé
Les fantômes d’un passé trop présent
Les spectres d’un futur inatteignable
L’absence d’appréhension d’un maintenant
Qui se noie dans le vide cosmique
J’ai repris pied, j’ai fermé mes écouteurs
Je me lance à l’assaut de mon lit
Saute dans sa pâleur et m’endort
Heureux de cet intermède indéfinissable
07:20 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poème, poésie | Imprimer
19/02/2012
Ni d'Eve, ni d'Adam, roman d'Amélie Nothomb
"Le moyen le plus efficace d’apprendre le japonais me parut d’enseigner le français". C’est sur cette pirouette que commence le roman d’Amélie Nothomb, moins désopilant que d’autres, mais néanmoins agréable.
Celui à qui elle va apprendre le français est un japonais sympathique, sans doute moins japonais que la plupart. Il aime « jouer » et présente Amélie comme sa maîtresse, en tant qu’enseignante bien sûr et non en tant que compagne. C’est pourtant ce qu’elle deviendra plus tard après avoir été promenée en Mercedes immaculée, avoir pénétrée dans la maison des parents japonais, puis l’avoir laissé pénétrer dans la sienne. Ils finissent par passer trois semaines dans l’appartement de Christine, une belge travaillant à l’ambassade.
"Il me rendait heureuse. J’étais toujours joyeuse de le voir. J’avais pour lui de l’amitié, de la tendresse. Quand il n’était pas là, il ne me manquait pas. Telle était l’équation de mon sentiment pour lui… Ce que j’éprouvais pour ce garçon manquait de nom en français moderne, mais pas en japonais, où le terme de koi convenait. Koi, en français classique, peut se traduire par goût. J’avais du goût pour lui. Il était mon koibito, celui avec lequel je partageais le koi : sa compagnie était à mon goût."
Leurs conversations pouvaient être des plus élevées. Ainsi ils parlent de Marguerite Duras, dont Amélie dit : "Quand on achève un livre de Duras, on éprouve une frustration. C’est comme une enquête au terme de laquelle on a peu compris. On a entrevu des choses au travers d’une vitre dépolie. On sort de table en ayant faim". Mais elle portait également sur des différences culturelles plus terre à terre : "Rinri, respectueux de la tradition, se récurait entièrement avant d’entrer dans le bain : on ne souille pas l’eau de l’honorable baignoire. Je ne pouvais pas me plier à un usage que je trouvais si absurde. Autant mettre des assiettes propres dans un lave-vaisselle. – tu as peut-être raison, mais je suis incapable de me conduire autrement. Profaner l’eau du bain est au-dessus de mes forces."
Mais, un jour, son élève, après lui avoir fait manger des poulpes vivants au restaurant, lui fait un cadeau : une bague de platine incrustée d’une améthyste : « Veux-tu m’épouser ? » Ce ne fut pas la seule demande. Il y eut deux-cent quarante, d’après Amélie. Un soir fatiguée, alors qu’il la demande à nouveau en mariage, elle répondit non et s’endormit. Le lendemain, il lui laisse un mot : "Merci, je suis très heureux". Le soir, il l’emmène au restaurant, elle se dit tout à coup que si Rinri l’avait interrogé de façon négative, ce qui est courant dans ce pays compliqué, elle était cuite. Alors elle saisit la cruche de saké et demande : – "Ne veux-tu pas encore du saké ? Non, répondit courtoisement le jeune homme. Je reposai donc la cruche inutile. Rinri parut déconcerté et se servit lui-même."
Alors elle ne pense plus qu’à une chose, fuir. Juste avant Noël, elle prend un billet d’avion et quitte le Japon. Rinri l’accompagne à l’aérogare sans se douter que c’est la dernière fois.
Quelques années plus tard, elle retourne au Japon pour une dédicace, retrouve Rinri devant elle, qui lui dit : "– Je veux te donner l’étreinte fraternelle du samouraï ? (…)
Il avait trouvé les mots justes. Il avait mis plus de sept ans à les trouver, mais il n’était pas trop tard. (…) Tellement plus beau et plus noble qu’une bête histoire d’amour.
Ensuite, chaque samouraï lâcha le corps de l’autre samouraï. Rinri eut le bon goût de partir aussitôt sans se retourner. Je levai la tête vers le ciel afin que mes yeux ravalent leurs larmes."
Ni d’Eve ni d’Adam est un roman divertissant en raison des incompréhensions culturelles qui émaillent le récit. Néanmoins on n’y sent pas la verve du Sabotage amoureux ou de Métaphysique des tubes. Ce n’est ni un de ses meilleurs livres, ni un de ses plus mauvais. Il se lit plaisamment.
07:17 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, japon | Imprimer
18/02/2012
Quatre heures, la nuit s’étire
Quatre heures, la nuit s’étire
Blanche de sérénité, sans désir
Dans le long filament des jours
Jusqu’à cet instant, unique
L’univers lui-même étale
Ses galaxies qui s’éloignent
Et courent dans le vide
Elles ne savent où
Un vase clos de promesse
Dans la vacuité inimaginable
Sans tomber, ni faillir
Qui conquiert le rien
Et l’homme, ridicule
De petitesse et de présomption
Perdu dans ces espaces indéfinis
Contemple sa propre finitude
Il n’est rien qu’un point
Dans une multitude d’années-lumière
Les yeux ouverts sur l’infini
Submergé de cette immensité
Et pourtant, il le peut
Il le fait. Il découvre en lui
L’univers reconstitué
Un trou noir immergé
De l’intérieur vers l’extérieur
Sa vision habituelle, il se contemple
De l’extérieur vers l’intérieur
Par symétrie, progressivement
Cela passe par ce filet d’air
Qu’il laisse couler en lui
Comme un gaz hilarant
Et qui gonfle ses poumons
C’est un air sans odeur
Un air vierge et pur
Qui râpe ses muqueuses
Et lui ouvre la gorge
Et il se sent léger
Il ouvre ses ouïes volages
Et plane dans cette ouverture
Sans savoir où elle le conduit
Encore un effort, un étirement de plus
Encore une étincelle de vie
Qui l’aspire et l’étire
Et le réchauffe, amoureusement
Léger, il perd son poids
Il devient membrane
Fine pellicule de peau
Qui trace une frontière impalpable
De quel côté regarder
Il oscille entre les deux mondes
Rappelé par le moindre mouvement,
Qui le détourne de son but
Attiré également par cet espace
Sur lequel le temps n’a pas de prise
Un trou noir et voluptueux
Qui le comble de chaleur
Quel miroir du monde extérieur
Mais là pas de souvenirs
Pas de sentiments, ni même
De sensations palpables
Retour à l’évanescence
A l’inconsistante hébétude
Clac ! La cloche a sonné
La fin de l’évasion, mort ou vif
07:40 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
14/02/2012
Revenus des régions polaires
Revenus des régions polaires, le poil hérissé
Nous apprécions la délicatesse des gouttes d’eau
Qui coulent sur les cheveux mouillés
Et s’engagent dans le cou, dérangeantes
Pour tromper cet arrosage intempestif
Et s’enrober d’étanchéité inventive
Nous enfermons nos corps fondant
De papier d’emballage aux papillotes relevées
Affrontant joyeusement cet auto-nettoyage
Plutôt que débordant d’humeur malhabile
Nous trottinons sur les trottoirs imbibés
Qui servent de miroirs aux passants égarés
Et lorsqu’un rayon de chaleur bienfaisante
Emerge au-delà des cotons en boule
Nous découvrons nos corps ratatinés
Offrant nos cœurs à l'ardeur apaisante
Certes nous ne sommes pas maîtres
Des caprices d’un ciel mouvant et versatile
Mais nous scrutons le couvercle
Pour en extraire l’optimisme béat
Quand le soir s’engage à pas menus
Qu’il sort ses griffes aux joues de froideur
Nous nous réjouissons de ne plus divaguer
Dans la soupe d’orties qui grippe la gorge
Oui, nous sommes enhardis et soulagés
De laisser errer nos fantômes suintants
Pendant que nous rêvons, béatement
Devant la lucarne aux paysages d’été
07:00 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
10/02/2012
Cueillir les mots que l’on vous jette
Cueillir les mots que l’on vous jette
Les retourner, les tripoter
Jusqu’à n’en faire qu’une pâte lisse
Que l’on peut ensuite rouler en boule
Pour la renvoyer, durcie, aux interlocuteurs
Souvent s’étrangle dans la gorge
Ces mots aigris de toute puissance
qui ne sortent que lentement
En filets continus, mais maigres
Pour ne pas envenimer l’atmosphère
Mais derrière cette apparente douceur
Se cache le Vésuve enflammé
Comment évacuer cette pression
Qui se condense en moi, bouillonnante
Et m’éveille en pleine nuit, hagard
Alors je laisse entrer le vide
Je me mets en marche vers mon absence
J’entre en retraite dans le noir bienfaisant
Où rien ne me touche plus, que Toi
Rayon incandescent qui réchauffe mon âme
07:32 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
05/02/2012
Hier, j’ai volé dans les courants d’air
Hier, j’ai volé dans les courants d’air
Un froid glacial m’accompagnait
Et imposait une carapace de glaçons
Sur un cerveau aux caténaires neuronales
En alimentation discontinue
Pourtant je courais, l’esprit léger
Nu comme un ver, au figuré
Et cet air gelé pénétrait au cœur
De ma carapace, ouvrant la chair
Opérant son retournement
Reconstruisant l’être par soustraction
Et j’émergeais au soleil de Montmartre
Par ces escaliers contournant la fontaine
Réchauffant ce corps hérissé
Mais souriant gravement à l’éclat
D’acier d’un matin de grand froid
Tout paraissait lavé, propre, reluisant
Même les touristes emmitouflés
Regardaient ce Paris congelé
Je pris une photo d’une femme
Qui tenait à conserver cette heure
Au fond d’un appareil à images
Pour, rentrée chez elle, au Japon,
Qu’elle puisse rêver encore
A ce mont dominant la ville
Et veillant sur le sommeil
Elle me dit même merci en français
Avec un sourire emprunté
Je poursuivis ma course,
Passant entre les peintres
Dont les toiles gelées
Transfiguraient le silence
Je naviguais sur la place des Abbesses
Survolant les passants refroidis
Glissant sur les plaques de gel
D’un robinet mal fermé ou explosé
Me rattrapant au bras d’une égérie
Parisienne et déesse des sources
Avant de redescendre, apaisé
Vers les boulevards pétaradant
D’engins à moteur fumant
Patiemment alignés sur la chaussée
Comme pour une revue mécanique
Et fiévreuse d’un prince auréolé
J’arrive, je monte les escaliers
J’ouvre la porte épaisse et raide
Et me plonge dans la chaleur bouffante
Qui me monte à la tête
Et endort le cerveau, si gelé
Qu’il résonne comme le battant
D’une cloche de bronze campaniforme
Revigoré, apaisé, alangui, ravi
Je plonge dans l’extase d’une journée
Comme les autres, enchanteresse
07:38 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
28/01/2012
Vous vous envolez...
C’est le matin, après un réveil ordinaire
Et l’ingestion d’un café ou d’un thé
Lorsque vous vous fixez sur une activité
Et descendez en vous-mêmes
Que la grâce vous frappe, comme un coup de poing
Brutalement, en un instant, vous sentez en vous
Comme une porte qui s’ouvre subrepticement
Et un air frais vous envahit, exaltant
Si vous n’y prenez pas garde
La porte se referme, sans plus
Et vous avez perdu cet instant de grâce
Que vous vous efforcez depuis longtemps
De faire naître en vous naturellement
A volonté, sans grand succès
Si cependant vous prenez conscience
De ce joyau qui vous est donné
Que vous devez conserver en vous-même
Alors vous vivez des minutes inimaginables
Aucun souvenir n’y est mêlé
Un vide bienfaisant vous submerge
Et vous flottez dans une obscurité
Nourricière, impalpable et sensible
Regardant en vous-même
Vous découvrez ce vide attirant
Cette caverne de beauté assoiffante
Qui vous retourne complètement
Et s’emplit de lumière palpable
Attentif toujours à ne pas perdre
Cet élan vital et bénéfique
Vous vous sentez allongé et allégé
Votre corps perd sa consistance
Devient un fil ténu et lumineux
Qui monte vers les cieux
Et descend sur la matière
Elle-même devenue vide
Distendu entre ces deux extrêmes
Vous laissez une chaleur tendre
Envahir votre corps
Se concentrer en vous
S’épancher dans ce globe transparent
Que vous vous efforcez de nettoyer
Pour voir au-delà de cette inexistence
Un monde merveilleux et inconnu
Que vous ne pouvez définir
Il est, vous êtes
Il est lié à vous,
Mais il est autre
Il vous contente
Vous vous envolez…
06:25 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
24/01/2012
Nos ancêtres, un peu bornés ou mathématiciens
Nos ancêtres, un peu bornés ou mathématiciens
Ont tenté d’établir en quelques mots pesants
En quelques faits que la loi semble soutenir
Une rationnelle limite à l’écoulement du temps
Cette frontière, jour de fête pour son aboutissement logique
Leur échappait comme l’eau entre les doigts
Que l’on tente vainement de retenir pour sa fraicheur
Le passé n’avait pas fini de mourir à petits feux
Que déjà l’avenir dans ses espérances contradictoires
Avait façonné le paysage de nouvelles perspectives
Plus nobles, plus harmonieuses, plus imaginaires aussi
Qui semblaient l’annonce des temps nouveaux
Et comme ils avançaient dans ce palais promis
Au-delà des colonnes et des chapiteaux grandioses
Apparaissaient encore les mêmes faubourgs bancals
Qu’ils avaient traversés des jours durant
Et nous persévérons aussi car le mirage du palais
S’édifie des mêmes pierres que les faubourgs traversés
07:18 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
20/01/2012
La carte et le territoire, roman de Michel Houellebecq
On lit l’introduction ou le prélude avec circonspection : où va-t-on ? Le problème du chauffe-eau ne peut constituer un roman, même de Michel Houellebecq. Alors on poursuit sur la première partie : les dessins de Jed, puis la photographie, tout cela à travers son enfance, son adolescence et le début de sa vie adulte. J’avoue que je n’ai rien saisi d’intéressant avant la page 62 (1ère partie, chapitre 3), car là : Jed acheta une carte routière « Michelin Départements » de la Creuse, Haute-Vienne. C’est là, en dépliant sa carte, à deux pas des sandwiches pain de mie sous cellophane, qu’il connut sa seconde grande révélation esthétique. Cette carte était sublime. Bouleversé, il se mit à trembler devant le présentoir. Jamais il n’avait contemplé d’objet aussi magnifique, aussi riche d’émotion et de sens que cette carte Michelin au 1/150 000 de la Creuse, Haute-Vienne. L’essence de la modernité, de l’appréhension scientifique et technique du monde, s’y trouvait mêlée avec l’essence de la vie animale. Le dessin était complexe et beau, d’une clarté absolue, n’utilisant qu’un code restreint de couleurs. Mais dans chacun des hameaux, des villages représentés suivant leur importance, on sentait la palpitation, l’appel, de dizaine de vies humaines, de dizaines ou de centaines d’âmes – les unes promises à la damnation, les autres à la vie éternelle. (p.54)
Jed fait connaissance avec Olga, une russe travaillant en France chez Michelin, pour le guide. On commence à entrevoir le sujet d’un roman qui jusque là se résumait au chauffe-eau et à toutes sortes d’évènements sans beaucoup de cohésion. Très vite, on tombe dans le milieu dit artistique : romanciers, peintres, photographes. Le voilà lancé par Olga qui organise sa deuxième exposition : Jed avait affiché côte à côte une photo satellite prise aux alentours du ballon de Guebwiller et l’agrandissement d’ne carte Michelin « départements » de la même zone. Le contraste était frappant : alors que la photo satellite ne laissait apparaître qu’n soupe de vers plus ou moins uniformes parsemée de vagues taches bleues, la carte développait un fascinant lacis de départementales, de routes pittoresques, de points de vue, de forêts, de lacs et de cols. Au dessus des deux agrandissements, en capitales noires, figurait le titre de l’exposition « la carte est plus intéressante que le territoire ».
Et l’on retombe dans les aventures d’un artiste contemporain dans son milieu branché, jusqu’au départ d’Olga qui est envoyée par Michelin en Russie. Alors il abandonne la photo et se lance dans la peinture. Il peint les métiers simples pendant sept ans, telle sa toile « Claude Vorilhon, gérant de bar-tabac », puis élargit ses travaux : « Aimée, escorte-girl », « Bill Gates et Steve Job s’entretenant du futur de l’informatique ». Il lui manque bientôt le portrait d’un écrivain.
C’est l’objet de la deuxième partie du roman, qui concerne sa rencontre avec Michel Houellebecq, romancier. Houellebecq décrit Houellebecq. Il fallait avoir l’idée de ce jeu de miroir. On trouve dans cette partie des réflexions intéressantes :
Quelques mots drôles et caricaturaux : « C’est l’inconvénient avec les polytechniciens, ils reviennent un peu moins cher que les énarques à l’embauche, mais ils mettent d’avantage de temps à trouver leurs mots. » (p.91)
Quelques affirmations qui ne manquent pas de clairvoyance : Etre artiste, à ses yeux (de Jed, le peintre) c’était avant tout être quelqu’un de soumis. Soumis à des messages mystérieux, imprévisibles, qu’on devait donc faute de mieux et en l’absence de toute croyance religieuse qualifier d’intuitions ; messages qui n’en commandaient pas moins de manière impérieuse, catégorique, sans laisser la moindre possibilité de s’y soustraire – sauf à perdre toute notion d’intégrité et tout respect de soi-même.
Quelques analyses intéressantes comme celle sur l’architecture du milieu du XXème siècle : Le courant dominant quand j’étais jeune était le fonctionnalisme. Il ne s’était rien passé depuis Le Corbusier et Van der Rohe. (…) Comme les marxistes, comme les libéraux, Le Corbusier était un productiviste. Ce qu’il imaginait pour l’homme, c’était des immeubles de bureaux, carrés, utilitaires, sans décoration d’aucune sorte ; et des immeubles d’habitation à peu près identiques, avec quelques fonctions supplémentaires – garderies, gymnase, piscine ; entre les deux, des voies rapides. Dans sa cellule d’habitation, l’homme devait bénéficier d’air pur et de lumière, c’était très important à ses yeux ; et entre les structures de travail et les structures d’habitation, l’espace libre était réservé à la nature sauvage. (…) C’était une sorte d’écologiste avant la lettre, pour lui l’humanité devait se limiter à des modules d’habitation circonscrits au milieu de la nature, mais qui ne devait en aucun cas la modifier.
Mais inversement, l’auteur a tendance à décrire avec force détails des choses sans intérêt, telle la description d’un appareil de photo (p.161 à 164), l’histoire de Beauvais (p.180-181). Il meuble le chapitre par de longues discussions entre Jed et son père. Celui-ci peint le portrait de Houellebecq, son chef d’œuvre. Enfin, il retrouve Olga de retour de Russie. Nouvelles mondanités avec Jean-Pierre Pernaut, Patrick Le Lay, Claire Chazal. Il couche avec Olga, mais repart voir Houellebecq, parle longuement avec lui et le quitte en fin de nuit, marquant ainsi la fin de la 2ème partie.
La troisième partie est un roman policier avec pour personnage principal le commissaire Jasselin : Houellebecq a été assassiné dans des conditions atroces. Description du crime, des efforts de Jasselin, sa rencontre avec Jed, quelques réflexions sur la criminalité quand Jasselin cherche à briser la glace avec Jed : Ce type l’intriguait (…) Son travail à lui était de pister le gibier, puis de le rapporter afin de le déposer aux pieds des juges, et plus généralement du peuple français (…) Dans le cadre d’une enquête policière, le coupable était à peu près vivant – ce qui permettait à la France de demeurer bien notée dans les enquêtes sur les droits de l’homme régulièrement publiés par Amnesty International.
Le roman se poursuit avec la mort du père de Jed qui se fait euthanasié en Suisse, la résolution de l’affaire Houellebecq, sans intérêt, et la décision de Jed de s’installer dans l’ancienne maison de ses grands-parents, dans la Creuse. Puis, il meurt, dans une certaine sénilité.
Que penser de ce livre ? J’avoue que je ne suis pas séduit par Houellebecq, bien qu’il soit encensé partout. Prix Goncourt 2010, l’écrivain est maintenant bien connu du grand public. Est-il pour autant réellement apprécié ?
Il faut reconnaître que la manière de raconter de Michel Houellebecq est surprenante. Il y a des digressions sans intérêt et très pointues sur tel ou tel sujet et l’on se demande ce qu’elles viennent faire dans le texte, n’apportant aucun élément au récit. Il y a également des descriptions éprouvantes sur, par exemple, la manière de faire cuire des spaghettis, mais sans aucun humour, brut de fonderie. Peu de sentiments : l’amour de Jed pour Olga est si brièvement évoqué qu’on se demande s’il y a réellement un amour entre eux. Tout reste froid et dépassionné. Bref, Houellebecq nous parle d’argent, d’art, de la vie mondaine qui contente les personnes médiatisées. Rien de bien encourageant pour en faire un souvenir de lecture enchanteresse. Quant à en faire un manuel de sociologie, ce serait exagéré.
07:36 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, goncourt | Imprimer
19/01/2012
Les hommes, comme d’éternels esclaves
Les hommes, comme d’éternels esclaves,
Entraînent chaque jour la roue du passé,
N’agissant que sur ce point de tangence
Qui imprègne dans le sol l’instant de sa présence.
Derrière ne restent que les traces du regret du passé
Et au devant l’espoir du futur dans un jardin sauvage.
07:22 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
15/01/2012
Je regardais passer les piquets noirs
Je regardais passer les piquets noirs comme des corps de garde
Qui fuyaient à mon approche comme de grande harde.
Les chemins ont l’odeur du cristal et du papier peint
Et s’écroulent au passage de mes yeux insolites et lointains.
Je laisse derrière des rivages de souffrance où la joie brille
De ne plus voir la chevelure déconfite des quadrilles.
Et les lumières perdues dansent une étrange sarabande
Sur les flancs grisâtres et pauvres d’une ignorante lande.
Plus rien ne retient mes pas au long de ce voyage
Si ce n’est la chaleur sans clarté de ce paysage.
Noirs et blancs, je brode ma chevauchée au fil des cailloux
Tout en gardant l’image de l’araignée qui se tord le cou.
La poussière écrase sa crinière d’or sur l’aubépine
Qui parle en clins d’œil aux vestiges de ces ruines.
Plus rien ne me retient si ce n’est ce crapaud
Qui bêle au fond des trompes comme au sortir de l’eau.
07:26 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poème, poésie | Imprimer
14/01/2012
Le sabotage amoureux, roman d’Amélie Nothomb (Albin Michel, 1993)
Livre fou de drôlerie, d’humour décapant, de sauvage frénésie, d’une fille de diplomate dont la famille est mutée à Pékin dans les années 70.
Au grand galop de mon cheval, je paradais parmi les ventilateurs. J’avais sept ans. Rien n’était plus agréable que d’avoir trop d’air dans le cerveau. Plus la vitesse sifflait, plus l’oxygène entrait et vidait les meubles… L’élégance de mon assiette suffoquait les passants, les crachats, les ânes et les ventilateurs… Dès le premier jour, j’avais compris l’axiome : dans la Cité des Ventilateurs, tout ce qui n’était pas splendide est hideux.
Et le roman commence par une guerre contre les Allemands de l’Est. Elle est la benjamine. On la nomme éclaireur. La mission de l’éclaireur est d’éclairer, dans les multiples acceptions du terme. Et éclairer, ça m’irait comme un gant : je serais un flambeau humain. Elle raconte leurs luttes contre les petits Allemands, luttes d’abord verbales, puis physiques, puis avec l’arme secrète : un pot d’urine. Mais elle fait connaissance avec Elena, une italienne qui devint le centre du monde. Elle était belle comme un ange qui poserait pour une photo d’art. Elle avait les yeux sombres, immenses et fixes, la peau couleur de sable mouillé. Ses cheveux d’un noir de bakélite brillaient comme si on les avait cirés un à un et n’en finissaient pas de lui dévaler le dos et les fesses. Son nez ravissant eût frappé Pascal d’amnésie… Décrire Elena renvoyait le Cantique des Cantiques au rang des inventaires de boucherie.
Or Elena ne veut pas jouer à la guerre. Une seule chose lui importe : être regardée. Mais cet amour que lui déclare l’auteur la laisse froide : Que tu es bête ! Alors Amélie se noie dans des courses à cheval, bolide lâché dans la Cité des Ventilateurs. Elle lui explique qu’elle a un cheval. Mais cela ne touche pas la belle Elena.
Quand je vis Elena accorder de l’attention à un ridicule, je fus scandalisée… Il s’appelait Fabrice et paraissait le meneur de la classe des petits. Ma bien-aimée avait choisie le pouvoir : j’avais honte pour elle.
Après une intensification des hostilités, la guerre fut lutte à mort et Amélie devint célèbre pour le faire debout, sans les mains, entre les deux yeux du général allemand, un garçon. L’enfant contracta la bronchite du siècle. Elena commence alors à s’intéresser à Amélie, mais celle-ci, sur les conseils de sa mère, fait semblant de la dédaigner. Après la signature d’un armistice avec les Allemands de l’Est, imposée par les parents, sa seule préoccupation est toujours Elena qu’elle continue à dédaigner, jusqu’au jour où elle craque, se sabote (d’où le titre du livre) et lui avoue : « Je t’aime. Je n’ai pas arrêté de t’aimer… Maintenant je ne ferai plus semblant. Ou peut-être que je recommencerai, mais alors tu sauras que je fais semblant. » Elena dit avec une indifférence écrasante que confirmait son regard : C’est tout ce que je voulais savoir. Elle tourna les talons et partit à pas lents qui s’enfonçaient à peine dans la boue. Alors Amélie poursuit la belle : Et toi, Elena, tu m’aimes ? Elle me regarda, l’air poli et absent, ce qui constituait une réponse éloquente, et continua à marcher. Je le ressentis comme une gifle. Mes joues cuisaient de colère, de désespoir et d’humiliation.
Ainsi finit le livre avec pour épilogue une lettre de son père qui rencontra un jour le diplomate italien et qui lui apprit qu’Elena était devenue une beauté fatale. Merci à Elena, parce qu’elle m’a tout appris de l’amour.
Entrée sur un cheval en Chine, Emilie repart amoureuse. Mais à New York, l’affectation suivante de son père, dix petites filles tombèrent folles amoureuses d’elle. Elle les fit souffrir abominablement. Livre délirant d’images et de rêves mêlés à la réalité, il se lit d’un seul jet, avec des sourires et souvent des rires, rappelant le monde de l’enfance que nous avons quitté un jour, pour notre plus grand regret.
Merci à l’auteur de nous faire revivre par son imagination abracadabrantesque ces moments merveilleux de guerre enfantine et d’amour méconnu.
06:52 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littéature, écriture, roman | Imprimer
10/01/2012
Je ne sais plus que dire
Je ne sais plus que dire
Souvenir de ces chevauchées
Lorsque tendresse égale caresse
Je ne sais plus que dire
Image de ces voyages
Au lointain délire des ruines de Palmyre
Je ne sais plus que dire
Devant ton altière présence
Le matin, au réveil des sources enivrantes
Je ne sais plus que dire
Quand ton sourire s’épanouit
Et m’incite à partager ton émerveillement
Je ne sais plus que dire
Mais je sais toujours rêver
Devant ton visage illuminé par l’amour
07:03 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
05/01/2012
A force de patience et d’attention
A force de patience et d’attention
J’ai fait grandir le vide en moi
Et mon corps résonne étrangement
A tous les coups portés par la vie
Comme une grotte ouverte à tous les sons
L’écho des plaintes humaines m’envahit
Mêlé aux cris de joie de l’enfant nu
Qui s’éveille à la fragilité des choses
Et ce vide fut comblé de ton amour
De cet amour que tu détiens en toi
Comme une présence nouvelle
Tournée vers la beauté du monde
Cet amour est devenu mon amour
Porté vers d’autres amours à venir
Comme une vague annonce une autre vague
Jusqu’au dernier jour de la vie
06:16 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
04/01/2012
L’art du roman (suite du 31 décembre)
L’art du roman est avant tout dans le style et non dans l’histoire qui a moins d’importance qu’on ne lui accorde. Revenons à nos propos précédents. Etaient opposés deux constructions d’un roman : soit sur les souvenirs (qu’ils soient personnels ou publics, inspirés par un fait), soit sur l’imagination.
Mais comment se décrivent les souvenirs qui ne sont que le reflet d’une réalité ayant existé ? Par l’imagination du choix des mots pour décrire ce que vous avez vécu. Et comment se décrit l’imaginaire ? Par la réalité des mots qui transforment l’imagination en structure cohérente qui donne du poids et de la vérité à ce que votre cerveau a concocté. Ce qui signifie que dans tous les cas, c’est votre art de conter, produit de votre culture et de votre personnalité, qui fait la qualité d’un roman.
Or qu’est-ce que l’art de conter ? C’est faire partager sa vision en se servant des mots pour décrire, émouvoir, faire naître des sentiments chez le lecteur (et non forcément décrire des sentiments), qu’ils soient de plaisir, de crainte, de drôlerie, de tristesse, etc. Plus réellement, c’est le choix des mots et leur rythme à travers les phrases qui créent le style.
La première étape consiste à choisir les mots que l’on souhaite utiliser pour arriver au résultat affiché ci-dessus. Un même auteur peut avoir plusieurs registres à sa disposition, selon le sujet sur lequel il écrit. D’autres n’en ont qu’un jeu, toujours le même. Enfin, bien sûr, l’inventaire des mots évolue dans la durée de l’écrivain, avec généralement une augmentation de la pertinence du choix au fur et à mesure de l’écoulement de sa carrière. Ces mots peuvent être simples, précieux, châtiés, recherchés, drôles, etc. L’association des mots entre eux procure également des effets divers, particulièrement lorsque les genres sont mélangés. On ne parle pas là des dialogues et du caractère donné à chaque personnage, mais bien de l’ensemble du récit et du choix du vocabulaire utilisé pour le décrire.
La seconde étape est plus complexe. Il s’agit d’imprimer un rythme aux mots, une musique particulière qui donne la qualité de l’écriture. Le rythme n’est pas seulement fondé sur la longueur de la phrase ou l’emploi différencié de la ponctuation. Il est musique, c’est-à-dire non seulement sons, mais également silence. La syncope donne une tonalité magique à la musique. Quelle est la syncope en écriture ? Probablement dans l’alternance de phrase aux sons variés et qui se lisent avec une respiration différente. A travers le halètement de l’écriture, le lecteur ressent des variations insoupçonnées. Mais ce n’est peut-être qu’une illusion.
En cela le roman rejoint la poésie, mais en cela seulement. Apporter trop de comparaisons, trop de détours dans ce que l’on exprime, fait du roman un chewin gum difficilement digeste. La simplicité, adaptée à l’histoire, est sans doute la meilleure manière de faire passer les idées. Et pourtant, on ne peut qu’admirer, par exemple, le style contorsionné de Marcel Proust ; on ne peut que se régaler du style de Marcel Aimé ou de Jean Giono. Bref, chaque écrivain a son style et celui-ci est sa marque, son flambeau, qui restera dans l’éternité. Ainsi des mémoires de Saint Simon, des écrits de Voltaire ou de Chateaubriand, et, plus récemment, de Marguerite Duras ou de Jorge Luis Borges.
Dieu merci, comme en musique, en peinture et tout autre art, l’infinité des combinaisons et des styles laissent encore de nombreux chefs d’œuvre à écrire et à découvrir.
05:55 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, culture | Imprimer
02/01/2012
L'ignorance, roman de Milan Kundera
« Qu’est-ce que tu fais encore ici ! » Sa voix n’était pas méchante, mais elle n’était pas gentille non plus ; Sylvie se fâchait. « Et où devrais-je être ? demanda Irena. « Chez toi ! ». « Tu veux dire qu’ici je ne suis plus chez moi ? ». « C’est la révolution chez vous ! » (…) Elle le dit sur un ton qui ne supportait pas la contestation. Puis elle se tut. Par ce silence, elle voulait dire à Irena qu’il ne faut pas déserter quand de grandes choses se passent. (…) Irena vit des larmes d’émotion dans les yeux de Sylvie et elle lui serra la main : « Ce sera ton grand retour ». Et encore une fois : « Ton grand retour ».
C’est un livre entre deux : entre deux types de livres de Kundera, les livres anecdotiques, tels que « Risibles amours », et les livres philosophiques tels que « L’immortalité », voire « L’insoutenable légèreté de l’être » ; entre le retour au pays après l’exil et le retour au pays d’exil devenu le vrai pays. D’ailleurs ce livre fut écrit directement en français et non en Tchèque comme les autres cités. Peut-être pour se prouver que maintenant sa vraie patrie est là, en France.
Il raconte l’histoire de deux émigrés : Iréna, d’abord mariée à Martin, puis, après sa mort, vivant avec Gustaf. Elle rencontre à l’aéroport un homme, Josef, qu’elle avait connu autrefois, à Prague. Elle le reconnaît, engage la conversation avec lui. Mais lui ne se souvient pas d’elle et n’ose le lui dire. Il lui laisse le numéro de téléphone de son hôtel. Le livre raconte alors les retrouvailles avec leurs parents et connaissances d’avant l’émigration. Elle convoque ses amies au restaurant, prépare de bonnes bouteilles de vin français. Mais elles lui font comprendre qu’elles préfèrent ce qui vient de chez eux, des chopes de bière. Elles parlent toutes de ce qu’elles vivent, de ce qui se passe à Prague. Elle prend conscience que sa vie en France ne les intéresse pas. Quant à Josef, il refait connaissance avec son frère qui l’accueille chaleureusement. Mais peu à peu il ressent une gêne. Le frère s’est approprié leur maison familiale, s’est emparé de tous les biens, comme si Josef était mort. – Nous avons essayé de te joindre, en vain. – Comment ? Tu connais pourtant mon adresse ! Seul un tableau semble encore l’intéresser, cadeau d’un peintre qui l’avait même dédicacé. Progressivement, il regrette cette visite à son frère et surtout sa belle-sœur. Il souhaite au moins emporter le tableau, mais ceux-ci ne semblent pas le comprendre. Alors il part, sans rien, sauf un cahier qu’il avait écrit lorsqu’il était jeune. Et il revit une scène dans laquelle il ment à une jeune fille qui était amoureuse de lui. Elle tente de se suicider. Elle garde comme un fétiche un cendrier qu’il avait volé dans un hôtel. Il revit également les années passées avec sa femme, avant qu’elle ne meurt.
A la fin du roman (mais est-ce vraiment un roman qui raconte une histoire ou des réminiscences d’une réalité vécue ?), Josef retrouve Irena à l’hôtel. – Alors, comment te plais-tu ? Tu voudrais rester ? – Non, dit-il. Puis il demande à son tour : Et toi ? Qu’et-ce qui te retient ici, toi ? –Rien. Alors ils parlent, parlent encore de tout et de rien. Et ils boivent, ils boivent encore, du vin, de la bière, de l’alcool. Elle se donne à lui, dans une entente totale, avec des mots obscènes. Dans la tête d’Irena, l’alcool joue un double rôle : il libère sa fantaisie, encourage son audace, la rend sensuelle et, en même temps, il voile sa mémoire. Sauvagement, lascivement, elle fait l’amour et, en même temps, le rideau de l’oubli enveloppe ses lubricités dans une nuit qui efface tout. Comme si un poète écrivait son plus grand poème avec une encre qui, immédiatement, disparaît.
Pris d’une impulsion soudaine, elle sort de son sac le cendrier. Tu le reconnais ? Et elle comprend qu’il ne se souvient pas, qu’il ne sait même pas qui elle est. Elle finit par s’endormir. Il part, en laissant un mot sur le tapis : Dors bien. La chambre est à toi jusqu’à demain midi… Ma sœur. Il prend la route de l’aéroport et quitte Prague.
Pourquoi l’ignorance ? Pourquoi pas la nostalgie, souffrance causée par le désir inassouvi de retourner au pays. Kundera l’explique au chapitre 2 de son roman. La nostalgie est la souffrance de l’ignorance. Tu es loin et je ne sais pas ce que tu deviens. Mon pays est loin, et je ne sais pas ce qui s’y passe. (…) Il faudrait ajouter un complément : le désir du passé, de l’enfance perdue, du premier amour.
C’est le roman de ce désir qui s’écroule progressivement au fur et à mesure qu’il devient réalité, jusqu’à ne laisser qu’un goût d’amertume face à l’ignorance des autres qui font comme si l’émigré n’existait pas et comme s’il ne s’était rien passé. Il n’est plus. Il est mort à leurs yeux, ou plutôt, son existence hors du pays ne s’incarne pas dans ce retour. Alors le retour devient un nouveau départ ou un vrai retour dans le pays élu librement.
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01/01/2012
Nouvelle année !
Nouvelle année ! Plus elles passent,
Ces nouvelles années, plus elles semblent
Toujours les mêmes : une nouvelle année
Semblable à elle-même, petitement
Oui, vous vous réveillez la veille,
Comme tous les jours, hagard,
Vous comptez vos abattis et vos poils de cheveux
Et vous vous dites : tiens, demain…
Et ce soir, que faire ! bien sûr,
Vous êtes invités au réveillon
Qui consiste à diner, assis, engourdi,
En attente d’une heure qui vient difficilement
Minuit, tous s’empêtrent d’un même vocabulaire
On croirait un hôpital psychiatrique
Ou une publicité pour handicapé
Que de « bonne année », produits publicitaires !
Après ces paroles malheureuses
Vous rentrez chez vous, refroidi
La tête pleine de rire et de larmes
Et vous vous couchez, honteux
Alors, le jour se lève lentement
Vous admirez son remuement léger
Vous sentez monter en vous cette évasion
Que vous procure l’extinction de votre égo
Et en un instant merveilleux et unique
Vous ressentez ce nouveau jour, seul
Face à l’immensité de la vie
Comme une bouteille d’espérance
Vous la buvez en douce, colorée et sucrée
Vous en palpez le grain indolore dans la bouche
Vous souriez à l’éternelle envie
De poursuivre votre voyage terrestre
Un autre jour, nouveau, excitant,
Une autre vie à construire, libre
Vous courrez dans la mer des délices
Et chantez à en perdre la tête
Merci à cet univers insolite
Merci à ce Dieu méconnu
Qui fait de vous un homme
C’est-à-dire un être à conserver
Alors bonne année nouvelle
Comme ce beaujolais de novembre
Que vous soyez ivres de jours
Et fiers de vos nuits
Que les amis qui nous ont reçu hier soir se rassurent. Ce poème est, comme tous les poèmes, l'expression de l'imagination qui n'a rien à voir avec la réalité vécue d'une excellente soirée. Tous les premiers de l'an comportent immanquablement une soirée et, inéluctablement il y a un matin nouveau, riche d'une nouvelle année pleine de promesses. Morale de l'histoire : profitez chaque jour de ce que la vie vous donne, le soir comme le matin !
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31/12/2011
L'art du roman
Détenir une histoire dans sa tête n’est rien. Encore faut-il être capable de la raconter bien. Si le récit a son mot à dire dans l’art du roman, la manière de le dire importe encore plus.
Et, au fond, est-on sûr que raconter une histoire soit si important que cela pour faire un roman. En réfléchissant bien, sûrement pas. Il existe de nombreux romans qui ne constituent pas une histoire munie d’un début et d’une fin, avec une intrigue et des personnages. Par exemple, les romans de Milan Kundera sont un patchwork de récits courts de personnages qui se mélangent dans le temps et dans l’espace. Mieux, l’histoire peut être poétique ou encore se dérouler hors d’un temps mesuré, voire hors d’un espace défini. Enfin, un roman peut être bâti sans intrigue, de manière pouvant paraître illogique, et cette construction est faite volontairement par l’auteur.
De manière plus générale, on peut dire qu’il existe deux origines pour le récit d’un roman.
Soit celui-ci est fondé sur des souvenirs auquel, bien sûr, l’auteur ajoutera de nombreuses inventions de lieux, de temps, d’action, de personnages, ou encore mêlera sans aucune gêne des souvenirs appartenant à des moments et des lieux différents. Ce genre est parfois ennuyeux parce que l’on sent, sans pouvoir le préciser, cette pâtée mixte qui laisse de gros grumeaux dans un récit chaotique. Mais d’autres auteurs brossent de véritables bijoux à partir d’une expérience personnelle, telle Amélie Nothomb lorsqu’elle fait de ses souvenirs d’enfance un feu d’artifice de paillettes dorées et éblouissantes.
D’autres auteurs, construisent par l’imagination pure. Ces romans font souvent plus vrais, aussi bizarre que cela puisse paraître. La difficulté pour ces imaginaires est d’aller jusqu’au bout de leur épopée inventée, d’en créer des intrigues durables de la première à la dernière page. Admirons dans ce régistre Ken Follett dans son ouvrage "Un monde sans fin". En fait, tout dépend de la manière de construire le récit. Soit l’auteur se fie à une imagination démesurée et la laisse courir librement dans les champs en butinant de ci de là ; soit, au contraire, il construit méticuleusement le plan à suivre, préparant son livre dans les moindres détails jusqu’au déclic qui lui donnera le signal de commencer. Il peut arriver qu’il ne vienne jamais, malheureusement.
En réalité, la plupart des auteurs empruntent aux deux manières, mêlant la fiction à des souvenirs réels avec plus ou moins de bonheur. Ceux chez lesquels prédominent les souvenirs font généralement des romans courts, émouvants. Ceux pour lesquels l’imagination prédomine peuvent écrire des centaines de pages si la verve scripturale est avec eux. Entre les deux existe logiquement le roman historique, mixte des deux tendances, chemin étroit au bord du précipice de l'authenticité. Les deux manières font de bons ou de mauvais livres.
Une autre difficulté du roman est celle des dialogues. Allez dans une librairie et feuilletez les livres qui s’y trouvent. Vous serez frappé de voir que certains romans n’affichent que très peu de dialogues, alors que d’autres sont plutôt chiche en description de contextes ou de sentiments, seules comptent les situations et les réparties. On peut penser que cette différence tient à la psychologie personnelle de l’auteur. Est-il bavard, homme du monde, primaire ou serait-il un secondaire plus renfermé sur lui-même, mais pénétrant le monde d’un œil plus avisé ? Il est sûr que cela joue dans l’art d’écrire et même de se décrire.
Car derrière tout cela que cherche le romancier ? En fait, à se décrire lui-même au travers de tous ces personnages, en fonction de la multitude de personnes qu’il détient en lui-même. Nous avions déjà entraperçu notre difficulté à constituer un être unique, indélébile, constant en pensée et en action. Nous avions également constaté ensemble combien était importante et fragile cet équilibre entre la solitude et le partage, accomplissement nécessaire entre le moi et le soi (voir solitude et partage du 12 août 2011). Or cet équilibre est différent pour chacun. Il n’y a pas de règle, l’important est de le trouver, de pouvoir marcher sur sa crête et de s’y sentir bien, suffisamment bien pour avoir envie de le dire, de le décrire, de le donner en cadeau aux autres. Cela ne signifie pas que le roman sera forcément gaie, instructif, donnant une vision intéressante de la vie. Il pourra être difficile à lire, triste à souhait, mais il y aura toujours au-delà des premières impressions un arrière-goût d’optimisme, d’espoir, de lumière qui rappelle au lecteur que la fonction d’un romancier est avant tout de lui livrer sa vision de la vie, son expérience et ses espérances.
Mais tout ceci ne dit rien du style, de la phrase, de l’art d’écrire qui est aussi important, sinon plus, que tout ce que nous venons de dire. Il faudra en reparler un des prochains jours.
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27/12/2011
Oscar et la dame rose, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel, 2002)
Cher Dieu, Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps.
Ainsi commence les lettres d’Oscar, enfant cancéreux à l’hôpital, dont tous savent qu’il va mourir, mais personne ne le lui dit.
Le second personnage important de l’histoire est Mamie-Rose. Elle est là en contrebande. Il ya un âge limite pour être dame rose. Et elle l’a largement dépassé. – Vous êtes périmée ? lui demande Oscar. Pas tant que cela, car elle est la seule à assumer la vérité de l’état d’Oscar et à lui dire, à mots couverts, mais il comprend. Alors elle invente son personnage, elle le dresse devant l’enfant et joue son rôle à merveille : catcheuse, tel est mon métier, lui dit-elle. Elle lui explique que Dieu n’a rien à voir avec le père Noël. Il faut lui écrire, comme cela il se sentira moins seul. – Moins seul avec quelqu’un qui n’existe pas ? – chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Alors l’enfant lui écrit et lui demande : est-ce que je vais guérir ? Il découvre que ces parents sont venus voir le médecin et qu’il n’ont pas eu le courage de venir le voir après avoir appris la triste nouvelle. Il veut voir Mamie-Rose et elle obtient l’autorisation de le voir tous les jours pendant douze jours. A partir d’aujourd’hui, tu observeras chaque jour en te disant que ce jour compte pour dix ans. – Alors, dans douze jours, j’aurai cent trente ans !
Dans ces lettres, Oscar raconte les autres enfants qui comme lui sont relégués dans leur chambre, s’amuse, donnent des surnoms tels que Bacon, enfant brulé,, Einstein pour une macrocéphale et Peggy Blue, l’enfant bleue. Elle attend une opération qui la rendra rose. Moi, je trouve que c’est dommage, je la trouve très belle en bleu, Peggy Blue. Il y a plein de lumière et de silence autour d’elle. – Est-ce que tu lui a dit ? – Je ne vais pas me planter devant elle pour lui dire « Peggy Blue, je t’aime bien ». Il ya aussi Sandrine, leucémique. Elle l’incite à l’embrasser. Mais il sait bien que c’est Peggy Blue qu’il aime. Mais elle est fiancée à Pop Corn. – Elle te l’a dit ? demande Mamie Rose. Alors il lui fait écouter son appareil de musique et lui dit : – Peggy Blue, je veux pas que tu te fasse opérer. Tu es belle comme ça. Tu es belle en bleu. Le lendemain, il est monté dans son lit. On était un peu serrés mais on a passé une nuit formidable. Peggy Blue sent la noisette et elle a la peau aussi douce que moi à l’intérieur des bras, mais elle, c’est partout. On a beaucoup dormi, beaucoup rêvé, on s’est tenu tout contre, on s’est raconté nos vies.
Mais Peggy Blue se fait opérer et bientôt part de l’hôpital. Alors, le jour de Noël, dans sa cinquième décennie, il fait une fugue. Il part retrouver Mamie Rose en montant dans sa voiture. Celle-ci invite les parents à venir chez elle. Quand ses parents sont arrivés, il leur a dit :
– Excusez-moi, j’avais oublié que, vous aussi, un jour, vous alliez mourir. Cela les a débloqués, car il les a retrouvés comme avant.
Il a maintenant quatre-vingt dix ans. Et ce jour-là, il comprend que Dieu est là. Qu’il lui dit son secret : regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois.
Cent dix ans. Ça fait beaucoup. Je crois que je commence à mourir.
Il meurt après avoir mis une pancarte sur sa table de chevet : « Seul Dieu a le droit de me réveiller. »
Livre cucu pour enfant ou adulte en mal d’émotion, me direz-vous. Oui, c’est vrai, il est facile d’utiliser un tel thème, qui rappelle un peu Love Story. C’est vrai, il est facile de faire pleurer les âmes sensibles avec une telle histoire. Mais si vous deviez écrire cette histoire, trouveriez-vous les mots pour la dire, dans toute sa vérité, avec une telle simplicité. Sauriez-vous écrire à Dieu et lui dire ses quatre vérités ? Sauriez-vous inventer Mamie Rose et Peggy Blue ? Sauriez-vous faire de la catcheuse une âme aimante et sagace ?
Le livre est court, mais il n’en est pas moins beau, intelligent, sans fausse sensiblerie. Il se lit en deux heures, mais vous le gardez au cœur pendant deux jours au moins.
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26/12/2011
Attente immobile, au fil des sons
Attente immobile, au fil des sons,
Qu’éclate dans le cerveau
Le pépiement inconsidéré
Du frottement des tissus
Et de la chair de poule
Qu’il procure… Frisson.
Je ne sais plus ce que je cherche.
Peut-être ta candeur
Toujours renouvelée,
Rafraichissante, émouvante,
Comme une source d’eau vive ?
Et je t’écoute. Cette voix
Qui sort du fond des âges
Et module sa tendresse
En volutes percutantes,
Enchanteresses.
Je me laisse bercer, hagard,
Au fil du temps qui s’écoule,
Et toujours repris par ton absence.
Encore une fois,
J’erre dans le jardin inconsidéré
De nos rencontres inopinées,
Pour admirer, chaque jour,
Le tremblement de tes cils
Et le signe de ta main,
Comme l’envol de la colombe.
Je repose et serre mes mains
Sur les tiennes, serres de verre,
Dans l’éclat de ton sourire.
Et nos regards croisés
Mêlent leur connivence
Au-delà de la bulle close
De notre amour de toujours.
07:02 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer
19/12/2011
La ménagerie du jardin des Plantes
Cinq hectares et demi de dépaysement en plein Paris. L’équivalent de Deyrolle (voir le jeudi 15 décembre 2011), mais là les animaux sont réels, vivants, bien nourris, peut-être pas cependant heureux d’être là.
C’est un retour à nos premières amours, lorsque, fiancés, nous promenions nos espérances en contemplant la somnolence des pensionnaires à l’heure d’une sieste méritée. Même heure, même saison, même temps frileux. Rien n’a changé, sauf, probablement, les animaux. Mais est-ce vrai ? Le temps s’est arrêté sur une portion de Paris, sur ces presque 2000 animaux, à l’air, dans des abris, dans des cages ou des bâtiments.
Vous me direz : un vrai camp de concentration quoi ? Non, finalement, bon nombre d’entre eux a été sauvé par le fait même de la ménagerie, c’est du moins ce que prétend le dépliant remis à l’entrée où l’on nous dit que la mission du zoo est la conservation des espèces animales, la recherche et la sensibilisation du public à la préservation et de la biodiversité. Que de mots savants pour nous dire qu’ils tentent de les choyer malgré leur condition. Et ce désir de bien faire ne se limite pas aux 5,5 hectares de la ménagerie, il s’étend à l’ensemble de la ville grâce au parcours biodiversité en ville : 1500 espèces animales et autant d’espèces végétales qui rendent d’importants servies aux citadins, nous dit-on. Et de conclure : il est donc important de faire connaître cette nature afin de mieux l’aimer et d’agir pour la préserver.
Mais nous avons mieux à faire : se laisser aller dans ce jardin secret où la faune nous fait des clins d’œil, malgré sa lassitude. On entre par les vieux bâtiments dont l’un a été refait récemment et l’autre pense ses plaies sous la couche de crasse accumulée, sous les yeux d’un porc-épic plus grand que deux hommes (monument artistique à la manière moderne qui n’a, bien sûr, rien à voir avec la véritable création artistique). Au bout d’une allée, une petite maison de nains : la porte de la fée qui ouvre son royaume au peuple parisien. Achetez un billet et entrez, vous ne le regretterez pas !
Si vous prenez à gauche, vous ne tarderez pas à tomber sur des pois roses s’épanchant dans un jardin russe (selon la vision de la photo, en raison du bâtiment du fond) ou encore, en changeant l’angle de vue, dans un parc africain verdoyant dans lequel ces flamands (oui, roses) s’essayent à des équilibres reposants sans avoir l’air d’en souffrir. Ballet de grâce de ces pierres précieuses venant de contrées qui ne sont pas si lointaines que çà puisque nous en avons, en France, oui !
Le contraste est ensuite assez saisissant avec le bâtiment en face de cet espace privilégié. Ici les dimensions de la nature sont rétrécies. On concentre dans quelques centimètres des milliers de mètres cubes d’atmosphère africaine ou américaine. Et, parfois, on arrive à y voir une faune bizarre faite de carapaces somnolentes qui se confondent avec une flore fabriquée de toute pièce : arbre en ciment, paille artificielle, eau verte comme il se doit, le tout gardé à l’entrée par l’Homme qui mate sous son pied l’alligator déchaîné. Les petites filles n’en reviennent pas : des tortues petites nageant avec souplesse ou des monstres ne pouvant pratiquement plus bouger ! On y croise également quelques promeneurs cherchant des yeux sous les feuilles des objets insolites qui s’appellent espèces animales.
Ressortis, vous vous laissez guider par votre nonchalance, presque somnolence, à l’image des espèces qui vous entourent. Vous passez devant une immense cloche de fer (non pas des cloches à fromage qui sont en verre) dans laquelle vous surprenez un jaguar en chasse. Lui ne dort pas. Il se détend à une allure si vive que vous n’arrivez pas en saisir le mouvement.
Finalement, vous vous laissez aller à votre rêverie, en plein air, parmi les arbres, les allées, environné d’animaux indifférents à votre spleen. Vous passez devant les autruches, ballon de rugby sur échasses, devant les lamas dorés comme un soleil montagnard, devant des zébus ou autre espèce ruminante qui calment leur ennui en mâchant un peu de foin qui sent la liberté. Ces allées vous enivrent par leur vide majestueux, par l’espace qu’elles prennent par rapport aux clôtures dans lesquelles chaque espèce tente de trouver un motif de vivre. Progressivement, vous vous sentez vous-même environné de ces barrières et enviez ces carrés d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique où l’air est différent, moins anonyme.
Et vous vous dites : qu’il serait bon un jour de pouvoir se coucher dans cette petite maisonnette et ne plus penser, simplement vivre sans avoir à toujours, toujours faire et refaire cette gymnastique intérieure brassant des souvenirs désuets d’événements passés. Vous seriez là à contempler les humains qui passent sans réellement vous voir. Ils arriveraient par l’allée, petitement, en mangeant des marrons chauds, riant de certains congénères qui cachent leur honte derrière leurs pattes. Ils grandiraient jusqu’à avoir une réelle expression individuelle, comme une âme qui se dessine. Ils vous regarderaient selon leur humeur, indifférents, compatissants, dédaigneux, émerveillés. Puis ils continueraient leur promenade et vous les laisseriez partir, vous-même lassé par ces passages permanents, comme si le temps revenait sans cesse au point de départ : un être humain qui grandit pour ensuite se perdre dans les méandres des allées, jusqu’à une mort annoncée et inéluctable.
08:36 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : écriture, paris, nature | Imprimer
07/12/2011
Tour des blogs, par ennui ou distraction
Cela arrive rarement : faire un tour de blogs comme on fait un tour de manège à huit ans, laissant ses cheveux s’envoler et le rire s’évader. C’est à chaque fois différent. Cela dépend du choix de l’instrument de rêve sur lequel vous vous asseyez. Il peut être un cheval ailé qui monte et descend et vous rend fou d’images et de paroles. Il peut être un carrosse de citrouille dans lequel vous montez serein et qui vous conduit sagement là où vous aviez prévu d’aller. Mais l’on peut monter sur une licorne à la pointe aiguisée et se perdre dans les méandres d’une poésie.
Tous ces blogs font sourire : quelle imagination pour se faire connaître ! Mais souvent, l’on décèle derrière les phrases une envie de vivre réellement et non de n’être qu’un être de surface que l’on ne connaît que par une situation dans l’échelle sociale. On perçoit la plainte intérieure des humains qui ont du mal à se satisfaire d’une vie monocorde. L’homme a besoin de diversité, de profusion, de méandres et de circonvolutions, pour faire des choix et trouver un chemin vers sa réalisation. L’autoroute qui fonce droit dans un paysage désertique ne l’intéresse pas, il n’y rencontre pas de quoi le distraire, puis l’attirer.
Mais attention ! A se noyer dans les autres, on finit par se perdre soi-même. Au bout de quelques temps, variables et inappréciables puisque dépendant de votre humeur, vous vous laissez enduire d’une couche de glu qui vous colle à l’écran et emprisonne votre esprit. Vous pataugez dans des peintures de fleurs plus ou moins tournicotées ; vous vous arrêtez sur des critiques acerbes de la vie actuelle, comme si autrefois tout était délectable ; vous vous noyez dans des poèmes en spaghettis et sauce tomate adoucie ; vous écoutez des musiques qui font frémir vos oreilles et donnent la chair de poule. Pire encore, votre imagination s’éteint, vous êtes au cinéma de la vie et le film vous laisse un goût amère de déjà vu, déjà entendu, déjà essayé, déjà, déjà, déjà…
Alors sautez dans l’inconnu, fermez votre engin et laissez-vous aller à une cure de désintoxication : pain blanc pour un cerveau gris avec un morceau de fromage pour activer les neurones. Laissez-vous nourrir de votre propre esprit qui, même si vous ne le savez pas, recèle à profusion une vie personnelle qui n’a rien à envier au monde de l’affichage. Certes, cela demande un mental d’explorateur. Vous pouvez vous perdre dans des dédales entrecoupés de précipices ou au contraire errer dans des plaines à l’horizon tellement dégagées que vous n’y voyez rien. Poursuivez, il en sortira un bien, une évasion merveilleuse qui conduit aux portes de votre propre réalisation. Et ce sera bien la vôtre, unique, réelle, dans laquelle vous ne vous reconnaîtrez pas, parce qu’il s’agit d’un autre vous-même, le vrai, celui que vous ignoriez.
Alors, en route pour le voyage ! Montez sur le manège, mais seul avec vous-même et tournez, tournez, jusqu’à ce que la solitude, opposée à la force centrifuge, vous conduise au centre d’où vous contemplerez le tourbillon des évènements en restant immobile.
06:17 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, blog, écriture, crise | Imprimer