Oscar et la dame rose, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel, 2002) (27/12/2011)
Cher Dieu, Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps.
Ainsi commence les lettres d’Oscar, enfant cancéreux à l’hôpital, dont tous savent qu’il va mourir, mais personne ne le lui dit.
Le second personnage important de l’histoire est Mamie-Rose. Elle est là en contrebande. Il ya un âge limite pour être dame rose. Et elle l’a largement dépassé. – Vous êtes périmée ? lui demande Oscar. Pas tant que cela, car elle est la seule à assumer la vérité de l’état d’Oscar et à lui dire, à mots couverts, mais il comprend. Alors elle invente son personnage, elle le dresse devant l’enfant et joue son rôle à merveille : catcheuse, tel est mon métier, lui dit-elle. Elle lui explique que Dieu n’a rien à voir avec le père Noël. Il faut lui écrire, comme cela il se sentira moins seul. – Moins seul avec quelqu’un qui n’existe pas ? – chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Alors l’enfant lui écrit et lui demande : est-ce que je vais guérir ? Il découvre que ces parents sont venus voir le médecin et qu’il n’ont pas eu le courage de venir le voir après avoir appris la triste nouvelle. Il veut voir Mamie-Rose et elle obtient l’autorisation de le voir tous les jours pendant douze jours. A partir d’aujourd’hui, tu observeras chaque jour en te disant que ce jour compte pour dix ans. – Alors, dans douze jours, j’aurai cent trente ans !
Dans ces lettres, Oscar raconte les autres enfants qui comme lui sont relégués dans leur chambre, s’amuse, donnent des surnoms tels que Bacon, enfant brulé,, Einstein pour une macrocéphale et Peggy Blue, l’enfant bleue. Elle attend une opération qui la rendra rose. Moi, je trouve que c’est dommage, je la trouve très belle en bleu, Peggy Blue. Il y a plein de lumière et de silence autour d’elle. – Est-ce que tu lui a dit ? – Je ne vais pas me planter devant elle pour lui dire « Peggy Blue, je t’aime bien ». Il ya aussi Sandrine, leucémique. Elle l’incite à l’embrasser. Mais il sait bien que c’est Peggy Blue qu’il aime. Mais elle est fiancée à Pop Corn. – Elle te l’a dit ? demande Mamie Rose. Alors il lui fait écouter son appareil de musique et lui dit : – Peggy Blue, je veux pas que tu te fasse opérer. Tu es belle comme ça. Tu es belle en bleu. Le lendemain, il est monté dans son lit. On était un peu serrés mais on a passé une nuit formidable. Peggy Blue sent la noisette et elle a la peau aussi douce que moi à l’intérieur des bras, mais elle, c’est partout. On a beaucoup dormi, beaucoup rêvé, on s’est tenu tout contre, on s’est raconté nos vies.
Mais Peggy Blue se fait opérer et bientôt part de l’hôpital. Alors, le jour de Noël, dans sa cinquième décennie, il fait une fugue. Il part retrouver Mamie Rose en montant dans sa voiture. Celle-ci invite les parents à venir chez elle. Quand ses parents sont arrivés, il leur a dit :
– Excusez-moi, j’avais oublié que, vous aussi, un jour, vous alliez mourir. Cela les a débloqués, car il les a retrouvés comme avant.
Il a maintenant quatre-vingt dix ans. Et ce jour-là, il comprend que Dieu est là. Qu’il lui dit son secret : regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois.
Cent dix ans. Ça fait beaucoup. Je crois que je commence à mourir.
Il meurt après avoir mis une pancarte sur sa table de chevet : « Seul Dieu a le droit de me réveiller. »
Livre cucu pour enfant ou adulte en mal d’émotion, me direz-vous. Oui, c’est vrai, il est facile d’utiliser un tel thème, qui rappelle un peu Love Story. C’est vrai, il est facile de faire pleurer les âmes sensibles avec une telle histoire. Mais si vous deviez écrire cette histoire, trouveriez-vous les mots pour la dire, dans toute sa vérité, avec une telle simplicité. Sauriez-vous écrire à Dieu et lui dire ses quatre vérités ? Sauriez-vous inventer Mamie Rose et Peggy Blue ? Sauriez-vous faire de la catcheuse une âme aimante et sagace ?
Le livre est court, mais il n’en est pas moins beau, intelligent, sans fausse sensiblerie. Il se lit en deux heures, mais vous le gardez au cœur pendant deux jours au moins.
07:07 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman | Imprimer