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10/01/2014

Les insomnies de François Ducassier

François Ducassier se leva brusquement, dit à peine bonsoir et sortit dans la nuit. Il avait hâte de se coucher. Arrivé chez lui, il se changea et s’offrit aux dieux de la nuit. 

A deux heures quarante-cinq, il se réveilla. Il ne reconnut pas sa chambre au papier de fleurs mauves. Il tendit la main vers la petite table où se trouvaient ses lunettes et trouva le flanc de bois massif d’un meuble important, une commode probablement. Il chercha vainement le fil électrique et le commutateur. Alors il se dressa sur son lit. Il lui sembla plus haut, plus large, plus imposant. La lumière lunaire permettait de distinguer la masse des objets qui peuplaient la chambre. Lourdeur, pensa-t-il. Il sortit ses jambes, les laissant pendre sur le bord du lit sans qu’elles touchent par terre. Ses pantoufles étaient encore là. Il sauta, les enfila, passa une robe de chambre et, tendant les bras en avant, marcha vers ce qui était auparavant la fenêtre. Il n’y avait qu’une glace qui reflétait les pâles rayons diffusés par une autre ouverture, à gauche. Il trouva enfin un commutateur électrique. Hésitant, il alluma et poussa un cri étouffé.

Ce n’était pas sa chambre. Plus solennelle, elle était large, revêtue d’un épais tapis, chargée de meubles imposants, un bureau empire, une commode Louis XVI, une table entourée de quelques chaises. Elle était ornée de miroirs encadrés richement et de tableaux représentant des campagnes foisonnantes. La fenêtre s’entourait de rideaux lourds, surchargés de perroquets opulents. Il se rassit sur le bord du lit, plongeant en lui-même pour essayer de se souvenir de ce qu’il avait fait la veille. Oui, il s’était bien couché dans sa chambre. Alors que faisait-il là ? N’ayant pas de réponse, il entrouvrit la porte et contempla le long couloir sur lequel s’ouvraient de nombreux seuils, tous semblables. Il sortit, laissant ouverte la porte de cette chambre insolite et fit quelques pas. Pas un bruit, pas un mouvement signalant une présence. Un tombeau ! Il courut jusqu’au bout  du couloir, un escalier s’ouvrait montant et descendant autour de son axe central. Il monta un étage. Même couloir encadré de portes imposantes. Il poursuivit un étage plus haut, puis deux, puis trois. Même désolation opulente et silencieuse. Alors, il redescendit cinq étages, toujours le même couloir. Se penchant par-dessus la rampe, il vit une interminable descente d’escalier qui s’enfonçait dans la terre, sans fin, comme une illusion d’optique. Levant la tête, même impression, une hélice tourbillonnante sans limite. Il remonta d’un étage, traversa le couloir et retrouva la porte de sa nouvelle chambre, entrouverte sur son opulence. De guerre lasse, il se recoucha, réfléchissant à ce qui lui arrivait. Mais à peine s’était-il installé confortablement, qu’il s’endormit.

Le lendemain matin, il se réveilla dans sa chambre, la vraie, celle qu’il connaissait depuis toujours, plus modeste et familière. Il se rappela ce réveil inconfortable, son errance dans les couloirs, l’escalier sans fin. L’impression d’infini lui serra à nouveau le cœur, lui laissant une vague nausée dans la gorge. Sa journée se déroula normalement, mais il ne se sentait pas réel. Un léger décalage s’était emparé de sa vision habituelle. Il se regardait travailler, déjeuner, converser, se promener. C’était un autre lui-même, en tout point semblable, mais il n’était pas au centre de ce personnage, au centre de son monde et même du monde en général. Cet imperceptible décalage n’était pas véritablement gênant en soi, mais il le mettait mal à l’aise. Il allait comme s’il avait un caillou dans sa chaussure, claudiquant dans sa présence face au temps qui coule.

Le soir, il rentra plus vite que d’habitude. Il se coucha, songeant à mettre à portée de main une boite d’allumette, une lampe électrique et ses lunettes. Il s’endormit sans appréhension, comme chaque jour. A deux heures quarante-cinq, il se réveilla. Même changement de chambre, même impression de grandiloquence et même silence. Il se leva, marcha vers la porte, l’entrouvrit. C’était le même couloir avec les mêmes portes et, au fond, la cage d’escalier. Il parcourut sa longueur pour se retrouver devant la vertigineuse montée ou descente. Il se sentit suffoquer. Une odeur de mort semblait l’engloutir. Il regagna péniblement sa chambre, se recoucha et n’eut à nouveau aucun mal à s’endormir.

Pendant presqu’un mois, la même aventure se renouvela. Il dépérissait. Ses yeux rougis par l’insomnie ne reflétaient qu’une immense inquiétude. Il marchait à côté de lui-même, regardant son ombre vivre, manger, rire et parfois pleurer. Il entama une liaison avec une jeune femme drôle et enjouée qui lui permit de survivre. Lorsqu’il la serrait dans ses bras, il avait l’impression d’exister. Son parfum sucré remplaçait la senteur de mort qui l’habitait toutes les nuits. Il revivait, prenant un certain intérêt à pétrir la chair tendre et ferme du corps de cette femme qui tous les matins le sortait de sa prison imaginaire ou réelle.

Un jour, le trentième du mois, il lui parla de ce rêve réel qui l’assaillait. Elle eut l’air étonné, mais sans plus. La première nuit, elle s’efforça de se tenir éveillée, mais s’endormit à deux heures. La deuxième nuit, elle mit un réveil sous son oreiller, ouvrit un œil et s’assit sur le lit sans faire de bruit. Elle attendit. A deux heures quarante-cinq, il se leva d’une manière tout à fait naturelle, et sortit. Il rentra trois-quarts d’heure plus tard et se recoucha comme si de rien n’était. Au petit déjeuner, dans l’intimité du matin, elle lui raconta ce qu’elle avait vu. En fait rien d’autre que cette sortie qui lui semblait normale. Elle le serra contre elle, l’enfermant dans ses effluves qui l’enivraient joyeusement et accepta un retour dans les draps froissés. Chaque matin, elle écoutait le récit de la nuit, toujours le même et à chaque fois elle l’emportait dans l’ivresse de l’amour jusqu’à lui faire oublier l’épisode nocturne qui le faisait dépérir. Enfin vint le jour où il dormit sans être réveillé. Le lendemain, il n’eut rien à raconter si ce n’était sa délivrance. Alors elle se leva, revêtit avec lenteur sa robe blanche qui lui tombait sur les pieds, se maquilla, rangea ses quelques affaires dans une petite mallette, l’embrassa sur la bouche et sortit en laissant la porte ouverte. Pas un mot ne fut échangé, pas un geste qui pouvait dire « ne pars pas ». Et d’un coup, le décalage devenu habituel s’interrompit.

L’esprit de François avait retrouvé sa place dans son corps, au centre de lui-même. Une vague nostalgie restait en lui. Elle se manifestait le soir avant de se coucher. Mais dès qu’il fermait les yeux tout s’évanouissait. Il ne resta bientôt rien de cette division du temps et de l’espace qu’il ne comprit jamais, et qu’il finit par oublier.

08/01/2014

Neige

Un flocon, puis deux, puis trois…
Ils éclairent la campagne
Ils délaissent le goudron…
La nature seule les charme…
Ils adoptent les doigts ouverts
Des arbres noirs et dépouillés
Ils craquent sous le pied
Et jouent à l’étouffoir …
Ralenti, le passant coule
Le long du chemin blanc
Laissant ses pas, fil ténu
Entre présent et avenir…
Dors petite fille, dors
Que tes rêves t’enlacent
Dans leurs saveurs aigres…
Ne regarde pas dehors
La montagne approche
Et entre par la fenêtre
Elle ouvre ses mains de glace
Mais ne l’écoute pas
Elle ne sait pas ce qu’elle veut
Sinon te dire « Viens, viens »…
Surtout ne sors pas
Ne la regarde pas, tiens-toi close
De tout regard fiévreux
Et d’envie de courir dans cette neige claire
Qui atténue toute réserve et crainte
Et te fait t’envoler en pensée…
Et… peut-être… en action

© Loup Francart

04/01/2014

Le ciel se noie

Le ciel se noie
Les murs se rapprochent
Je m’enlise sans retour
Je suis couvert de poussière
Je suis poussière
Un grain collé au monde
Parmi d’autres grains, d’autres poussières
Brouillard épais de crasse qui m’enlace
Je respire l’autre à pleins poumons
J’en perds parfois la respiration

© Loup Francart

31/12/2013

Sont-ils, eux, qui ont tout ?

Sont-ils, eux, qui ont tout ?
Vous ne savez pas qui ils sont
Mais nous avons les preuves
De leur existence folâtre

Reflux… Retour en soi-même…
Une petite pièce, obscure,
Boursouflée et non meublée
Là, il va et vient, sans pensée
Il agite ses pieds, il regarde ses mains
Il secoue la tête, inconsolable
Viens, dit-il, viens près de moi
Solitude du chasseur 
Qui attend le fusil à la main
Prêt à tirer sur tout ce qui bouge
Mais qui ne voit pas
Que rien ne bouge en lui
Il est mort à la vie
Il survit par faiblesse
Par extension d’insuffisance
Plus de gaz dans le moteur
Il n’y a personne au téléphone
Qui sonne dans le vide de la pièce
Assis par terre, étendu
Il ne dort pas, il rêve
Et ce rêve n’a rien de drôle
Il se voit dans un marécage
Et ne consent à survivre
Que parce qu’il ne peut faire autrement

Evacue, évacue, meurs à toi-même
Et tu revivras transformé
L’échec n’est qu’un mauvais moment à passer
Ouvre ta porte et sors au soleil
Laisse-toi éblouir
Et envole-toi dans les cieux
Frappé de la pâleur des survivants

Je suis et ne peux m’en défaire
Mais je peux devenir autre
Allons… Partons…
Rien ne me retient plus…

© Loup Francart

27/12/2013

La nuit

La nuit, quand seule tourne
L’aiguille aigre de l’horloge
A la cadence de la course terrestre
Dans l’espace scintillant
Et que les couleurs anéanties
Se rêvent à la forme des objets
Comme un aveugle ignorant
Je te tends les bras pour retrouver
La douceur de ton visage inachevé
Et la chaleur de ton corps
Qui bat lentement dans ton repos
Au rythme éternel de la vie

© Loup Francart

22/12/2013

Ni queue, ni tête

Prends-tu tes jambes à ton cou
Lorsque le vers est dans la pomme ?

Te rinces-tu la dalle et joues-tu des coudes
Après avoir avalé des couleuvres ?

Du haut de ta tour d’ivoire
Tu comptes les tenants et aboutissants
Et, je te le donne en mille,
Tu n’es pourtant pas né de la dernière pluie
Ton cœur d’artichaut, peu m’en chaut !

Les doigts dans le nez et fier comme un pou,
Tu te mets sur ton trente et un
Et fais la bombe entre chien et loup.

Viendra le jour où tu fileras à l’anglaise
Après avoir payé en monnaie de singe
Celui dont l’habit ne fait pas le moine

Tu as eu le nez creux, fleur de nave
Sans prendre des vessies pour des lanternes
Bonne poire, sans te presser le citron
Tu bois du petit lait en tout bien tout honneur

Mis sur la sellette, tu tombes à pic
Trempé comme une soupe
Tu passes sous les fourches caudines
D’un être au bout du rouleau
Bien qu’il n’y ait pas péril en la demeure

Une fois encore tu as mis la charrue avant les bœufs
Sans apporter de l’eau au moulin
C’est passé comme une lettre à la poste
Et tu fais contre mauvaise fortune bon cœur
En tirant des plans sur la comète

Tu t’imagines sorti de la cuisse de Jupiter
Et il t’arrive de péter plus haut que ton cul
Mais tu as un poil dans la main
Alors, les châteaux en Espagne : évaporés ?

Je t’apporterai des oranges
Même si le jeu n’en vaut pas la chandelle
Gardes ton sang-froid et bats le chaud
Car tu ne peux être au four et au moulin

Tu n’as pas inventé l’eau tiède
Et bien que tu marches à voile et à vapeur
Tu fais long feu dans ton panier à salade
Tu tires le diable par la queue
Car tu n’as pas la science infuse

Merci tête de linotte
Demain on rase gratis
Tu auras pignon sur rue
Sans avoir droit au chapitre

Le roi n’est pas ton cousin
C’est à dormir debout
Ça tire à hue et à dia
Quelle mise en boite
Ce n’est pas une sinécure
Ne verse pas des larmes de crocodile
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Alors… Prends tes jambes à ton cou

© Loup Francart

18/12/2013

Tout est là !

Tout est là !
Mais que te manque-t-il ?
Le sang bat dans tes veines
La conceptualisation prolifère
Le mollet reste fier
Le cœur pleure à tout va
Tu t’émeus de rien
Tu ris de tout
Tu souris de peu
Tu exploses d’émotion
Sans savoir pourquoi

Ainsi va le monde
A fleur de peau
A rebrousse poil
Dans la chair de poule...
Quels bruits pour si peu !

Silence, on tourne !
Grise-toi d’images
De cris, de faits divers

Mais oui,
Ce qui te manque
C’est toi !

© Loup Francart

14/12/2013

Courir dans la campagne givrée

Sous un soleil d’acier
Courir dans la campagne givrée
Revêtue de paillettes d’argent
Et ne pas manquer de s’extasier
Devant le chef d’œuvre rarissime
D’une toile d’araignée
Enrobée de poudre cristalline
 
Un silence impressionnant
Un ciel bleu presque blanc
Deux pieds qui tressaillent sur la route
Et le souffle acide et glacé
Qui racle les poumons

Instant unique et merveilleux
Comme le son d’une cloche
Au fond de la vallée
Qui se disperse dans les bois
Et vient frapper l’oreille attentive

Que ton monde est grand
Et combien changeant
Ô créateur modeste et brûlant
Toi qui aère le moi chaque matin
Pour dégager le soi
Immortel, libre et unique


© Loup Francart

11/12/2013

Le pauvre clown

Il tient encore sa carcasse
Elle tient debout, raide de volonté
Laisse-toi aller !
Il s’enfonce dans le brouillard
D’une vie misérable d’impatience
Il élague son parapluie
De quelques baleines supplémentaires
Et sous cette tente improvisée
Il devise plaisamment
Avec son moi devenu lui

Mais qui es-tu toi ?
Je suis ce que personne ne sait
Le vent sur la colline,
L’eau coulante et fuyante
La caresse d’un enfant,
La clairvoyance d’une femme
La force de l’adolescent
Et la vigueur du vieillard
Le grain de sable dans le désert
La seconde d’un temps qui passe,
Le mètre entortillé sur lui-même
L’univers en un point sans cédille
L’alfa et l’omega

Le lendemain, il saisit sa chance
Monta sur le toit de la mosquée
Et entama son chant rauque
Et toutes les forces de la lune
Mises en place hâtivement
Se mobilisent pour applaudir
Le pauvre clown qui vient de mourir


© Loup Francart

07/12/2013

Prenez un jour comme les autres

Prenez un jour qui commence tôt
Il fait encore noir… ça bouchonne…
Son esprit vaque en d’autres latitudes…
Soudain, l’air passe en direct
La colonne s’écoule, droite et fraîche
Et monte, envahissant l’espace
De l’âme et du corps liés ensemble…
S’éclaircit la brume intérieure
Jusqu’à la transparence légère
Le silence des abîmes l’envahit
Ouverture vers l’inconnu empesé
Les plans se déplacent avec lenteur
Au ralenti... dévoilant la chute profonde
Du personnage en quête d’absence…
« Frappez et l’on vous ouvrira ! »
Videz-vous de vous-mêmes
Et courrez prestement vers le rien
Qui d’un coup devient tout
Et empli votre cœur d’extase…
Il se retourne et entre dans l’amnistie
Ni la présence qui gratte
Ni la privation qui blesse…
Suspendu à son souffle
Le regard s’affaisse
Il pénètre les profondeurs
D’un nouveau monde…
S’envole le personnage
Apparaît l’homme libre
Délesté de toute ambition
Allégé de toute réserve…


Le rien devient le tout
Le tout n’a plus rien
Sauf cette chaleur doucereuse
Qui berce la carcasse
D’un matin comme les autres


© Loup Francart

03/12/2013

La chouette

Une petite chouette est tombée du ciel en passant par la cheminée, comme le père Noël. Seule dans la maison, elle a cassé pas mal d'objets avant d'être rejetée dehors. Quelle aventure. Depuis, elle vient la nuit nous rappeler son voyage mystérieux au pays des humains.


Elle est tombée du ciel, comme le père Noël
Passée par la cheminée, noire comme le vent…
Comment a-t-elle fait ? Elle avait trop bu ?
Les taches de suie montrent sa dégringolade…
Elle a débarqué dans la cendre grise
S’est ébrouée, hagarde et la pépite dans l’œil
Que suis-je venue faire dans cette galère ?
Aucun arbre, pas d’eau, pas un brin d’herbe
A quoi servent ces moutonnements colorés
Que je vois par terre, picorons-les pour voir !
Le tapis s’est trouvé ébouriffé d’une touffe
Pouah, quelle horreur cette sorte de graminée
Pas de goût, une odeur de poussière…
En se dandinant, elle se déplace et avance…
Elle ose en un instant ouvrir ses ailes
Oui, je peux voler pense-t-elle. Explorons !
Mais l’espace est limité, cloisonné, rapetissé
Elle se heurte à un abat-jour jaune
Tente de se poser dessus, mais il s’effondre
Un bruit d’enfer, mille morceaux par terre…
Tant pis, volons puisqu’on ne peut se poser
Le ciel est dur, j’ai mal à la tête
Ah, voici le jour, sans restriction
Clac, je me casse le bec sur une cloison
Qu’y a-t-il ? Je vois le vrai espace, la démesure
Dans laquelle je m’exprime à l’habitude
Et je me heurte à l’invisible
Rien n’y fait, je ne passe pas. Pourquoi ?
Changeons d’univers, voici la porte
Encore la prison, plus large cette fois
Mes ailes heurtent une étrange machine
Des aiguilles tournent lentement
Dans un tic-tac qui fait mal à la tête
Tiens, elle tombe, à nouveau bruit infernal
Elle projette de minuscules gouttelettes
Qui restent intactes sur le sol délavé
Je veux en gouter une, mais c’est dur
J’ai la langue en sang, ça fait mal
N’y touchons pas, c’est belliqueux…
Enfin, des branches entremêlées
Un vrai arbre au-dessus d’un pigeonnier
Les branches sont si fragiles
Qu’elles se laissent aller jusqu’au sol
Pourtant ces paniers ne contiennent rien…

Et la chouette continua de tourner
Pendant une partie de la nuit
Et une partie de jour, sans repos
Ne sachant où poser sa carcasse…
D’épuisement, elle s’effondra, défaillante
Jusqu’à ce qu’un humain, effrayé et dépité
Ose ouvrir la fenêtre et la laisser aller…
Elle est sortie, incrédule et épanouie
Avec un hululement de joie
Et s’est perchée sur le toit
Pas sur la cheminée, ce volcan éteint
Qui engloutit les oiseaux distraits
Et les conduisent en des lieux
Qui sont plus l’enfer que le purgatoire
Des animaux peu chanceux…
Cette chouette fut le premier être
A reprendre son envol
Ressuscitée, hilare et légère
Voguant à nouveau sur les branches
Et plongeant dans la rivière
Pour boire les quelques gouttes
Etincelantes et tourbillonnantes
Qui furent un baume à sa langue déchue


© Loup Francart

29/11/2013

Ronds ou carrés ?

Ronds ou carrés, que choisir ?

Mettre un rond dans un carré
C’est emprisonner le féminin

Mettre un carré dans un rond
C’est l’amoindrir de douceur

Un rond n’est qu’un carré raboté
Et l’angle est formé, accidenté
Par une poussée sur un coin

Où va le noir, où est le blanc ?
Le noir est-t-il l’opposé du blanc ?
Le blanc est-il son vis-à-vis ?

Le gris embrasse les deux et les lie
Il peut être tendre et enlaçant
Il peut se faire vigoureux…
Il éclaire ou obscurcit

C’est selon… la mère ou le père…
La caresse qui passe
Ou l’éclair entre deux

Et tout cela peut faire un rêve
Onduler sur la vague
Durcir dans le cocon de l’esprit
Partir en fumée colorée
Et revenir en force
Pour s’imposer au pinceau

Rêver en noir et blanc
C’est la richesse du rien
Le gris y ajoute le sel
Qui a dit qui dort dîne ?
L’insomnie est survenue
Devant l’étendue du blanc
Mais bientôt le noir
Envahira le cerveau
Et la nuit montera
Au coin des rêves inédits

Alors naitront les couleurs ?

 

© Loup Francart

 

 

25/11/2013

Rien ne nous empêche d'être grands

Rien ne nous empêche d’être grands
Seul l’attendrissement pour nous-mêmes
Nous conduit à l’abandon...
Alors le cœur part à la dérive
Il flotte sur les eaux de l’incertitude
Du désespoir et de la solitude...
Pourtant nous nous maintenons encore
Droits et secs comme une branche morte
Regardant au loin vers l’horizon
Cet au-delà de nous-mêmes
Qui flotte sur les mers et court dans le vent
Et tous nos espoirs se portent sur lui...
Où va-t-il ? Que présage-t-il ?
Nous ne le savons, mais peu importe
Seul le regard franc des cœurs
Peut combattre l’errance de l’âme

 © Loup Francart

18/11/2013

La liseuse

Il y a peu, m’a été offerte une liseuse. Vous savez, ces petits appareils qui s’allument dans le lit (d’où son nom) et que l’on regarde sous les draps pour laisser filer les quelques heures d’insomnie de la nuit. Connaissant ma soif inextinguible d’éveil actif, cet engin me fut remis solennellement au cours d’une cérémonie familiale. Enrobé dans un linceul en peau de zébu intitulélittérature,numérique,société,écriture BOOKEEN qui signifie bourrin ou bouquin en langue zébu, il est gris et terne comme un livre de messe et contient un paquet d’ordonnances qu’il faut activer avec un bouton situé sous le linceul. Il faut pour cela utiliser un ongle que vous laissez pousser de façon à pouvoir le glisser entre la coque de la protection et le corps du sujet.

Vous réussissez à l’allumer. Par inadvertance, il faut le dire. Surtout ne réappuyez pas aussitôt, sinon vous risquez de ne plus pouvoir le remettre en route avant un moment. Alors profitez de votre adresse momentanée et regardez la fenêtre entrouverte sur les carrés accompagnés de texte. Ce sont tout simplement des images des couvertures de livres. Pas suffisamment gros pour en lire les titres, pas suffisamment petits connaître l’ampleur de votre bibliothèque. En cherchant comment faire évoluer ces carrés et faire le décompte des objets babyloniens (la bibliothèque de Babylone, de Jorges Luis Borgès, n’en contenait pas autant !) et prenant votre liseuse à pleine main, les petits carrés bougèrent et défilèrent à une allure impressionnante. Est-ce le fait d’avoir changé son équilibre par rapport à son centre de gravité ? Vous réessayez de refaire le même geste, mais rien ne se passe. Bizarre ! Le fait de la tenir vous procure de nouvelles sensations, son écran bouge au lieu de rester immobile. Vous reprenez votre engin, à nouveau l’écran défile, dans un sens, puis dans l’autre sans que vous compreniez pourquoi. Vous regardez le cadre de l’appareil et apercevez de petites fentes qui forment un bouton sur lequel vous appuyez. Brillll…lt. C’est un défilé qui ne s’arrête plus. Ah zut ! Je suis déjà à la fin du livre alors que je n’ai même pas vu son titre. Reprenons…

Vous apercevez un bouton rond, noir, entouré d’un cercle d’acier, trônant au milieu de l’appareil, sous l’écran. Vous appuyez dessus. Miracle. Une fenêtre s’ouvre avec des petits dessins d’enfant : une niche à chien, un sac à main, une ampoule électrique et quelques autres signes cabalistiques dont vous ne comprenez pas la signification. Vous croyez que le gnome qui se cache dans l’appareil se moque de vous. Pas du tout. Il vous teste. Serez-vous assez intelligent pour savoir dire pourquoi la niche n’aboie pas lorsque vous appuyez dessus, comment s’ouvre le sac à main et si l’ampoule s’allume réellement et de quelle manière ?

Alors vous vous livrez au test, persuadé que vous allez réussir haut la main cet examen préliminaire avant d’aborder des étapes plus périlleuses. Vous appuyez sur l’ampoule et l’écran s’illumine pour faire la fête. Pas besoin d’allumettes ! Vous êtes aveuglé par mille petits points brillants qui diffusent une lueur irréelle qui, même sous le drap, risque de réveiller votre conjoint(e). Un rail glacial vous permet de régler la luminosité. Tant mieux, vous ne serez pas contraint de porter la nuit des lunettes noires, désagrément majeur lorsque vous ne les trouvez pas dans votre table de nuit.

Vous appuyez sur le sac à main. Il s’ouvre sur un seul mot : Wi-Fi. Oui au défi ! Un triangle zébré trône au dessus du mot comme la devise Liberté-Egalité-Fraternité au dessus des mairies de notre enfance. Rien ne se passe. Vous palpez l’écran, vous le caressez comme la joue d’une femme un soir de fête (l’appareil est illuminé). Rien. Est-il en panne ? Ah, une marche sort de la feuille virtuelle avec des sigles et des explications : activez le Oui Défi, désactivez, etc. La petite croix en haut à droite vous rappelle que vous pouvez effacer cette marche et ouvrir un véritable escalier par quelques touches soigneusement dissimulées sur l’écran qui s’éclairent à ce moment, vous ne savez pas pourquoi.

Vous finissez par appuyer sur la niche, puis sur la photo d’une couverture de livre. Miracle, elle s’agrandit toute seule et vos yeux émerveillés voit enfin un titre, un vrai livre que vous tenez entre vos mains. Il est plat. Il n’a qu’une seule page. Vous la lisez, au petit bonheur la chance. Comment faire pour continuer ? Vous vous rappelez les boutons sur les côtés de l’appareil. Dieu, que cela défile vite. Vous êtes incapable de courir suffisamment vite pour rattraper toutes les pages déjà avalées. Alors, comme sur les touches d’un piano vous donnez juste un petit coup de doigt. La page suivante s’affiche. Vous lisez. Une autre page. Ca y est ! Vous commencez à entrer dans l’histoire, vous vous installez confortablement sous les draps, emprisonné dans cette tente improvisée, commettant le péché de lecture qu’enfant vous aviez sacrifié à la bonne cause. Un geste malheureux et à nouveau votre texte déraille, prend des chemins de traverse et vous atterrissez 46 pages plus loin sans vous rappeler la page que vous lisiez.

Enfin, après trois jours d’errance dans les pages virtuelles de livres dont vous ne connaissez pas le titre, vous maîtrisez votre engin. Vous savez mettre le clignotant quand vous changez de page, vos feux rouges s’allument lorsque vous ralentissez et la clé de contact arrête sans difficulté un texte noir sur fond gris dans lequel vous vous noyez.

Quel merveilleux engin pour vous endormir avant d’avoir eu le temps de lire une ligne ! A moins qu’inversement cela vous empêche définitivement de sombrer dans les brumes colorées d’un sommeil réparateur.

10/11/2013

Anniversaire

J’ai longtemps pensé que j’avais vingt ans…
Mais la pensée n’est qu’impression
Elle divague et entretient un climat bienfaisant
Sans commune mesure avec la réalité

Un incident mécanique a rouillé le moteur
Il y a peu. Il tourne sur trois pattes…
J’ai enflé comme un jouet d’enfant
Et commencé à m’échapper, retenu par des cordes…
Maintenant peut-être peut-on lâcher celles-ci
Et me laisser m’envoler virtuellement
Dans l’air poétique et transparent
Des jours d’automne déclinant sur l’horizon

Je cours toujours, goûtant une liberté retrouvée
Non celle de faire ce que je veux quand je veux
Mais celle de jeter au panier
Une histoire personnelle faite de morceaux de vie

Une vie en hoquets et soubresauts
Passant des sports équestres à la stratégie,
Agrémentée de propos philosophiques
Voire spirituels et de prétentions artistiques…
Pourtant ne dit-on pas
Qui trop embrasse, mal étreint ?
Mais le champ des investigations
Est si large et tentant…
Comment ne pas se laisser séduire
Par les sirènes d’un monde où tout est à découvrir

Devant ces ignorances déguisées en savoir poussif
Je vous rends hommage, lecteurs inconnus
Qui supportez depuis longtemps
Le fou du roi et l’asticot dénudé 

© Loup Francart

09/11/2013

Visite chez Apple, à l'Opéra

Sublime cette atmosphère ! Une banque détournée
Emplie de rêves flottant parmi les spectres…
Ils vont et viennent contemplant les machines
Des rectangles fins, enluminés, chatoyants
Sur lesquelles ils promènent leurs doigts
Tels E.T. levant sa main vers le ciel…
Aussitôt viennent les messagers en bleu
Cavaliers du désert chevauchant les désirs
Faisant briller l’étoile polaire montrée de l’index…
L’écran s’illumine comme une pierre précieuse
Et il parle net, inspiré, d’une voix ferme
Il viole la conscience de l’élu extasié
Il engage ses pions étincelants et alignés
Les fait miroiter en rondes diaboliques
Donne un coup de baguette magique
Et jette son filet sur la tentation solitaire…
Attrapé, le client se laisse aspirer...
Quelles paroles doucereuses susurre-t-il,
Quelle goutte à goutte distille-t-il
A l’oreille attentive et extasiée
D’appétences goulues et d’espoirs admiratifs…
Alors, convaincu d’avoir jeté la concupiscence
Et d’en recueillir les fruits doucereux
Le mage bleu sort de sa poche la boîte…
Elle n’est pas grande, elle fait tout
Elle tète avec entrain la manne ruisselante
D’un index recourbé, à l’image d’un chef d’orchestre
Il tape les étranges caractères fluorescents
D’un sourire condescendant, mais aimable
Il appuie sur le bouton final, une étincelle
Un départ dans la lune sans retour
Un oui discrètement prononcé : c’est bon…
Et vous voici possesseur d’un petit paquet doré
Merveille de beauté tentatrice, douce au toucher
Rayonnante et radieuse dans vos doigts emmêlés
Que vous ouvrez avec précaution et impatience…
L’objet repose au creux de son écrin
Comme un bijou somptueux et aguichant
Il vous tarde de le saisir et le caresser
Il tient dans la main avec aisance
Il repose au creux de votre paume
Vous allongez la main opposée
Et l’index rougeoyant délivre sa vérité…
Merci ô pourfendeur de rêves
Merci vendeur affriolant et décharné
Vous sortez de la banque enfumée
Et vous vous envolez sur les toits de l’opéra
Contemplant ce monde excité
Qui rassemble dans ce petit appareil
Toute sa vivacité, son emprise et sa tromperie…
La communication vous souhaite la bienvenue !

© Loup Francart

05/11/2013

La détermination

Est-il vrai que la prévisibilité entraîne la détermination ?
Certes, il est prévu qu’un jour tout un chacun meurt
Il est sûr que tel jour, à telle heure, l’éclipse aura lieu
Est-ce une prison de fer ou un guide vers la liberté ?
La prévisibilité fixe-t-elle un cadre à la mobilité de l’esprit
Qui va et vient dans la multitude des possibles ?

Si tout bouge, rien ne bouge
La mobilité n’est que par rapport à un point fixe
La prévisibilité est référence, fil ténu étiré
Qui court d’un point à un autre, tel un muscle
Accroché sur le squelette de la providence
Et cette toile d’araignée s’étire dans l’espace
Des sensations, émotions, sentiments, pensées…

Mais qu’un jour le fil vient à rompre
Alors seule la détermination de l’être
Permettra de rebondir en un saut
Au-dessus du trou béant de l’échec
Résilience, rebondissement de la trajectoire
Ou détermination, sursaut de volonté
Que choisir, l’un qui n’est que circonstance de fait
Ou l’autre qui est rebond de l’esprit au-delà des faits

Les deux sont nécessaires, yin et yang
Chaussure et pied, rêve et réalité
La détermination est le chemin que l’on se creuse
Dans des circonstances incontrôlables
Mais prévisibles. Avec quel bistouri ?
Mélange de volonté, d’espoir et de courage
L’humain s’envole vers d’autres cieux
Ceux  qui ne comptent rien que ce trou
Dans la poitrine devenu l’unique gaz
Du moteur personnel au-delà du moi…

Débarrassé de son histoire personnelle
L’âme fait des pirouettes d’extase
Dans l’air surchargé de bonheur

© Loup Francart

01/11/2013

N'importe quoi !

Tel l’avion qui tourne au ciel
Dans le brouillard des pensées
Il retrouve sa voix dans l’air…
Plongeon dans le vide, vertical
Obsédant et tyrannique …
Une pirouette, puis deux
Avant la succession de figures
En danse hélicoïdale…
Chaque nom se couvre d’opprobre
Banni par la coupure du temps
Il n’en reste plus
Que quelques mots sur la pierre…
Ce ballet aérien poursuit
En attaque flambant
Sa routine meurtrière…
Mais où vont donc les mots
Qui vous passent par la tête ?
Le cimetière de l’écriture
Est suspendu aux paroles frauduleuses…
Les croix usées des tombes
Grattent leurs puces sauvages
Au dos des concepts insolites
Allons, allons-y…
Dans les vallons
Des pleurs de crocodile…
Où vont les larmes des mots ? 

© Loup Francart

27/10/2013

Fin

Un fil, ténu, isolé, tendu comme un arc
Il balance entre le ciel et la terre
Et le cœur chavire entre ces deux extrêmes
Le plein des souvenirs et le vide de l’avenir

Qui donc coupera de sa lame aiguisée
Ce hauban secoué par le vent et l’âge
Et laissera partir l’âme purifiée
Vers l’inconnu attendu et craint

La vive force s’est calmée, sereine
Et assume sa faiblesse, gracieusement
Le regard dit encore la volonté
Mais elle est désormais intérieure

Et le souffle de la vie se dérobe
Comme le filet d’eau d’une source
Désormais tarie. Quelques gouttes encore
Et l’âme s’échappe en un soupir

Est-elle passée de l’autre côté ?
A-t-elle franchi le rubicond lumineux
Parcouru le tunnel d’inversion
Où l’envers devient l’endroit ?

Partagé entre le silence et la parole
Chacun est réservé devant le mystère
Une aspiration vers un sourire
Ou l’effondrement d’un rêve ?

© Loup Francart 

23/10/2013

Avant le big bang

Avant le big bang, qu’y avait-il ?
Le néant, le vide, l’inexistant ?
Ou le Tout, la vie pleine, le créateur ?

Qui a mis cette étincelle en route ?
Cela craque une allumette
Et tout commence par une explosion

"Au commencement Dieu créa le ciel et la terre"
Rien et deux mondes, le psychique et le physique
Le ciel ne se mesure pas. Il vous prend
Et son parfum vous le fait désirer

"Que la lumière soit et la lumière fut"
Transpercé par ce coup de lance
Le monde se mit à bouger. Première nuit
Plongée dans la matière. Quel dépaysement…

© Loup Francart 

19/10/2013

Les taches sur le mur

Les taches sur le mur
Sont l’ombre de mes pensées...

Une fenêtre recèle le ruban
Que porte un homme dans la rue...

La glace reflète l’envers des murs
Et les ombres transformées
Sont sans doute la vérité…

Qui se cache parmi les mots ?
C’est une longue énigme
Que je cherche encore

© Loup Francart

 

15/10/2013

Les yeux

L’œil est le fond de l’âme
Mais celle-ci est-elle noire ou bleue ?
Le tripot ou les enfants sages ?

Trou d’épingle dans une feuille de papier
On y admire la pointe de l’humain
Source d’un rayonnement intense…
Ce peut être un soleil chaleureux
Une lune chafouine et malheureuse
Un astre inconnu et sans vie
Une étoile aiguisée et scintillante
Ou même un trou noir aspirant ton regard…

Les yeux de l’esprit sont la lampe de poche
De l’explorateur du château de verre
Ses larmes sont la seule vérité
Que la vue entraperçoit dans la brume…
Un tremblement à la surface de l’eau
Un grattement de doigts fragiles
Fuite du temps, absence d’espace…
Tu n’as plus que les yeux pour pleurer…

Il coûte les yeux de la tête !
Rien que cela ! Fait à l’œil pourtant
Par un aveugle aux mains de fée
Et la femme enceinte jusqu’aux yeux
L’achète comme un talisman précieux
Pour les beaux yeux de son amant…
L’argent, elle s’en bat l’œil
Ses rondeurs ne lui font pas froid aux yeux…

Et lorsque le regard, aux soirs d’été,
Dénote l’harmonie des sentiments
Qui est le mieux loti, l’œil de chat
Ou la larme de gazelle…
Manger des yeux vaut mieux
Même s’ils sont plus gros que le ventre
Que se manger le blanc des yeux…
L’œil de verre seul est impassible
Devant tant de provocations…

Ouvre l’œil ô mon âme
Et marche vers la lumière, impassible…

Quel coup d’œil ! Verts, les a-t-elle
Emeraudes en couple, deux phares dans la nuit…
De braise, l’autre les porte
On ne peut l’approcher, elle brûle…
De jais, ceux-ci roucoulent tendrement
Surpris de ne pas trouver la paire…
Noisettes, ils sortent des bois, tendres
Et se posent sur vous, charmeurs…
Vairons, l’âme boite dans son logement
Merlan frit ou œil de biche ?

Oui, le monde vu de l’œil de bœuf
Devient le centre du cyclone
Alors…
Ne gardez pas vos yeux dans votre poche

© Loup Francart

11/10/2013

Ton âme

Ton âme, un univers en soi…
Tu pars dans l’immensité
Et tu retournes au point de départ…
Tu en fais vite le tour…
Elle est emplie de vide
Et ce vide t’aspire, t’attire
Broie tes doutes et tes vertiges…
Ce globe précieux
Que tu chéris tendrement
Est ton talisman…
Sans lui tu n’es rien
Avec lui tu n’es plus…
Et n’être plus te mènes
Dans l’espace chaleureux
De l’absence du moi…
Garde ton âme
Et perds le reste
C’est ton seul bien
Au-delà de toi…

© Loup Francart

 

07/10/2013

Merci

Quel petit mot sublime et doux
A peine glissé entre les lèvres mi-closes
Avec une ébauche de sourire gêné…
Mot pudique, petit, sans brillance
Comme le cri d’un oisillon sur l’arbre
C’est un murmure inaudible, mais réel
Qui éveille le récipiendaire…
Il chemine de l’oreille distraite
Aux neurones enchevêtrés
Et produit ce déclic enchanteur
Qui fait fuir les nuages…
Cette goutte tombée d’un mot, un seul
Provoque les ondes de la félicité
Qui s’échappe jusqu’aux tréfonds
De votre être intime et assoiffé…
Et ces lèvres qui l’ont prononcé
Connues ou inconnues
De rose vêtues et de parfum céleste
Délivrent leur message divin
Avec allégresse et insouciance
Merci… Merci… Merci…
La chaîne monte dans l’azur
Et explose à la face du monde
Pour remercier le créateur anonyme…
Ame et nature, étroitement unies
Par ce mot si petit et si simple
Qu’il passe inaperçu…
Mais quel émoi en chacun de nous…

© Loup Francart

03/10/2013

Les ondes

Elles sont partout…
S’en préserver revient à vivre
Dans une caverne loin du monde
Elles vous traversent le corps
En laissant un parfum glacé
Et remuent en cœur vos cellules

Parfois vous vous sentez affaibli
Alors vous écoutez Mozart
Qui ravive l’harmonie des traversées
Et vous repartez guilleret
Dans la nuit opaque du matin
Qui apporte ses nuages de pessimisme
Diffusés par la boîte à bruits

N’écoutez pas ! Laissez-vous aller
A la paresse de l’esprit troublé
Ah, le téléphone… Rien ne nous épargne
Les doigts dans les oreilles
Vous répondez aux sollicitations
D’un vendeur de rêve disert…
Non, rien, je ne suis rien
Que pourrais-je acheter ?

Pourtant tout n’est qu’ondes
Ou corpuscules
Lumière des cœurs
Vous résistez aux assauts du temps
En vous étendant dans l’espace étoilé
L’onde noire du Styx ne vous est pas accessible
Vous avez encore à œuvrer sur terre
A vous laisser porter par les eaux courantes
D’une vie agitée, mais passionnante

Du plus grand au plus petit
De l’atome à l’univers
Tous traversés d’ondes de sympathie
Vous vous découvrez système d’informations
Qui échange avec d’autres
Des contenus stupides ou dérangeants
La noosphère entretient vos méninges
Les lie dans le Tout des idées
Vous êtes vous-mêmes ondes
Et voyagez dans les flots déchaînés
D’un avenir inconnu…
Mais où donc se trouve la sortie ?

© Loup Francart

29/09/2013

Présence

Vous arrive-t-il parfois, dans la pesanteur des jours
De descendre au-delà de vous-même
Dans ce vide cosmique, chaud et sans visage
Que vous ne touchez que d’un doigt malhabile ?

Dans cette absence se cache la présence
Vous la cherchez, vous l’espérez,
Elle ne dit rien, elle ne se manifeste pas
Mais elle réchauffe votre nuage intemporel
Et fait pleuvoir sur vos angoisses
Le miel apaisant du néant apprivoisé

Fantôme déchue ou réalité virtuelle
Ou encore germe de vie dans la solitude du moi
Ou insufflateur  de bulles d’air
Qui encombre l’espace de délires joyeux
J’attends au creux de la nuit apaisante
L’étincelle qui déforme la vision
Et donne à l’âme esseulée
Une poussée de fraicheur délirante

Lorsque vient l’aurore, les yeux clos,
Je contemple, le cœur chaud,
Ce noyau de prune agaçant
Qui s’agite en moi hoquetant
Et fait rire les voisins

Pourtant rien n’est plus extatique
Que cette perle dorée que vous portez
Dans ce château-fort aménagé
Que vous appelez Moi
Qui s’avère Soi
Et parfois Autre, mais quoi ?

25/09/2013

Une femme, c'est...

Une femme, c’est une bouche
Chaude, rouge, pétillante
Que l’on embrasse un soir d’orage
En attendant la pluie bienfaisante

Et ces lèvres sublimes parlent
Dissertent, bavardent, babillent
Elles veulent dire tout ce qui leur vient
A l’esprit pour s’en débarrasser

Lui ne dit mot, médite devant ce fait
Pourquoi parler de que l’on n’a pas connu
Quel mirage prévaut sur la réalité?
Façonne ton jardin avant de l’exposer !

Mais lorsqu’elle se dénude avec pudeur
Et entrouvre ses lèvres offertes
On ne peut que tendre amoureusement
Nos oreilles à cette source légère

21/09/2013

Les artistes au matin

Le poète se réveille l’esprit aux aguets
Il cherche les ombres délicates
Leur attribue formes et intentions
Pour s’envoler dans la fraîcheur

Le musicien, bercé par l’angélus
Se réveille au chant des oiseaux
Préparant sa cuisine de notes grêles
Seule importe sa symphonie intérieure

Le peintre n’ouvre pas ses yeux hagards
Il contemple en solitaire la couleur
Derrière ses paupières closes
Et choisit l’assemblage de la journée

L’écrivain agite ses doigts gourds
Les échauffe au feu de son imagination
Et façonne ses phrases et galimatias
En dentelles savantes et prolixes

Le sculpteur rêve en caressant le drap
Il lui prête des formes lascives
Et ébauche l’enlacement magique
Des formes de pierre ou de terre   

L’architecte a un sommeil de pierre
Il ne se réveille qu’au son troublant
Du moteur de la bétonneuse
Alors, il se fait sagace et éloquent

Le comédien au matin ne joue aucun rôle
Il lessive sa nuit au théâtre
Et se rend aux cieux de l’olympe
Pour sourire aux applaudissements

Dieu, que tous ces artistes sont beaux
Des réveils en face à face avec eux-mêmes
Et nous, innocemment, sans effort
Dormons encore sans y penser

16/09/2013

Les mains

Elle est là, posée sur le livre, détendue
Elle ne bouge pas, au repos devant ces pages
Elle en caresse la couverture fraîche
Et semble vous dire : ne viens-tu point ?

Mais c’est une main gauche
Et la gauche reste noire
Elle ne peut converser  et toucher
Ce que la droite a caressé

Ce n’est pas la guerre des sexes
Mais celle des appréhensions
Ce que la gauche fait
La droite l’ignore superbement

Et pourtant ne vous arrive-t-il pas
De souscrire à deux mains
Aux projets dithyrambiques
Exprimés par une bouche câline

Alors pour l’amour de l’art
On inventa le changement de mains
Mais où donc ai-je mis mes rechanges ?
J’en ai perdu la main

Ainsi, sans mains, ni même visage
Ai-je défié le futur en un éclair
Et regardé au fond de tes paumes
L’avenir incertain de nos passions

Oui nous sommes unis et heureux
Comme les deux doigts de la main
Et nus comme la main et beaux
Apprécions la caresse de ces tentacules

De l’amour comme de la haine
D’autres s’en lavent les mains
Ils résistent au chatouillement
Des doigts recourbés et sagaces

Elles tremblent parfois ces mains
Peuvent être de vieillards
Ou de jeunes enfants
Qui n’osent toucher le miel

Mais l’amour commence toujours
Par un échange de mains
Ou plutôt de caresse des doigts
Sur ceux de l’aimée

Alors celles-ci s’animent
Se reconnaissent mutuellement
S’ouvrent au passage du désir
Et se referment en symétrie

Les mains sur le cœur
On se jure de grands projets
On se regarde par le toucher
Jusqu’au hérissement des poils

Enfin la main devient aérienne
Elle courre dans le ciel
Comme un vol de moineaux
Et se laisse prendre au piège

Plus rien ne sera comme avant
Car ta main demandée m’appartient
Elle me guide en pression habile
Jusqu’au centre de ton être

En sous-main ou dans les poches
Les mains s’activent et s’enchevêtrent
Les mains en l’air et plus haut
Mais que les bras ne vous en tombent pas !

12/09/2013

J'ai dénoué le plomb du soleil

J’ai dénoué le plomb du soleil
Au fil des rayons qui illuminent
La terre et l’eau de ses dons

J’ai déjoué l’innommable coupable
Qui estompe en larges risées
Le théâtre des monts et des murs

J’ai rejoué la grande fantaisie
Qui s’imprime dans le temps
Sur le clavier aux touches d’ivoire

J’ai enfin renfloué mon amertume
De n’être qu’un petit d’homme
Face à l’immensité du rien

Tu n’as rien d’un surdoué...
Alors laisse-toi écrouer !