13/02/2021
La musique de la Grèce antique (6 et fin)
Les harmonies
Terme familier aux pythagoriciens, le mot "harmonia" a de nombreuses significations. L'harmonie est, d'une manière générale, ce qui rapproche et tient unis, en dépit de leur opposition, les éléments contraires dont les choses sont formées.
En musique, sa première signification était l'octave (réunion de deux tétracordes). Le plus souvent, le terme désigne une structure globale d'intervalles et de systèmes. Il est enfin souvent accolé aux noms topiques de ce qui est faussement appelé mode grec. Certes, Platon, Aristote parlent d'harmonie dorienne ou phrygienne, mais rien ne permet de penser qu'elles correspondent, comme on l'a longtemps avancé, aux degrés successifs de la gamme.
A l'origine structure propre à la musique d'un peuple, les harmonies sont plutôt des modes formulaires, des échelles à "ethos" plus ou moins régulières sans doute liées à des formules caractéristiques, servant de base à des improvisations, et comportant des conventions d'exécution précises. Cette conception, seule capable de justifier les textes platoniciens, est encore vivante aujourd'hui dans les ragas hindous, les maqam arabes.
Il semble qu'elles se soient par la suite rapportées aux aspects des gammes et aux tons.
Les aspects
Les aspects sont le relevé solfégique des intervalles compris à l'intérieur d'une consonance, et de l'ordre dans lesquels ils se présentent. On analyse habituellement les aspects de quarte, de quinte et d'octave. A une époque ancienne, on leur donna les mêmes noms topiques que les harmonies archaïques de Platon.
Les tons ou tropes
C'est un procédé d'étalonnage destiné à fixer sinon la hauteur réelle des systèmes, du moins les rapports entre les différentes hauteurs réelles auxquelles on pouvait les placer. Les notions d'aspect et de ton ont entraîné de nombreuses confusions dans les dénomination des "modes grecs". On retrouve là le phénomène de la transposition: un même aspect peut avoir plusieurs tons, un même ton peut appartenir à plusieurs aspects.
* * * *
En conclusion, la musique grecque s'est élaborée lentement, la théorisation des derniers siècles dépassant sans doute l'exécution elle-même.
La base du système musical reste le tétracorde, associé en quarte ou en quinte à un autre tétracorde, semblable ou non. L'idée que la structure de la musique, dans son approche mathématique, permet d'entrer dans une certaine connaissance du monde, est intéressante. Un tel système, sur des bases 12 ou 7, avec des intervalles inégaux, pourrait conduire à des modèles mathématiques de phénomènes difficilement modélisables en système décimal.
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10/02/2021
Les systèmes dans la musique de la Grèce antique
Les systèmes
Le tétracorde est le système simple qui sert d'unité fondamentale pour la formation des autres systèmes.
On distingue :
- Le système disjoint ("diazeuxis") : les modes
En les reliant deux à deux, par l’intermédiaire d’un ton, ces tétracordes donnent les modes complets suivants :
Les deux tétracordes sont séparés par un ton. On retrouve ici aussi le même phénomène du genre diatonique, mais inversé (mi-fa-sol-la = si-do-ré-mi), ce qui forme la même gamme sous forme d'octacorde.
- Le système conjoint ("synaphé")
Il est construit par conjonction de deux tétracordes (une note commune). On note que, dans le genre diatonique, selon la conjonction par le haut ou le bas, on obtient un tétracorde semblable (la-sol-fa-mi = mi-ré-do-si) et un autre qu'il faut altérer. L'ensemble du système forme un heptacorde.
- Le système réduit ou petit système parfait ("systema teleïon elasson")
Il réunit trois tétracordes en conjonction (tétracordes des conjointes, des moyennes et des hypates), avec l'ajout d'une note au grave, dite proslambanomène (note ajoutée). La gamme de Pythagore (ou gamme pythagoricienne) est une gamme chromatique dont les douze intervalles sont définis par le « cycle des quintes ». C'est la gamme toujours utilisée pour chanter, dans un mode majeur ou mineur.
- Le système complet ou grand système parfait ("systema teleïon meïzon")
Il réunit, en disjonction, deux systèmes conjoints (tétracordes des hyperbolées, des disjointes, des moyennes et des hypates), plus la proslambanomène au grave.
Quand, dans ces systèmes, les tétracordes restent identiques, on les dit "ametabolon" (sans métabole). Les systèmes peuvent aussi être formés avec métabole, c'est à dire à partir de deux tétracordes différents.
NB. Pour approfondir, voir de Jacques Chailley, L'imbroglio des modes, Alphonse Leduc,1960.
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09/02/2021
Les trois genres de base dans la musique de la Grèce antique
Bien qu'il semble qu'il y ait eu de nombreux genres, peu à peu, furent définis 3 genres de base :
- le genre diatonique
Les notes mobiles y respectent le cycle des quintes, donc pratiquement la gamme pythagoricienne, avec le plus souvent attraction descendante vers le demi-ton final ;
- le genre chromatique
où les mobiles définissent des intervalles d'un ton et demi et de deux demi-tons, généralement vers la note finale basse ;
- le genre enharmonique
avec un intervalle de 2 tons et deux intervalles de 1/4 de ton.
Un groupe de 3 notes serrées à 1/2 ton maximum, en chromatique et en harmonique, s'appelait "pycnon". On appelait nuances ("chroaï") la façon de varier à l'infini ces intervalles.
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07/02/2021
La musique de la Grèce antique (3)
LA THEORIE MUSICALE DE LA GRECE ANTIQUE
Elle s'est formée progressivement. La synthèse présentée n'a jamais existée sous cette forme. Elle est très récente et a été en grande partie élaborée par le musicologue Jacques Chailley, professeur d'histoire de la musique à la Sorbonne.
Il faut également noter que la théorie de la Grèce antique a toujours séduit les musicologues. Mais faute de documents et d'esprit critique historique, ils en ont tiré des conclusions erronées. Disons même que la plupart d'entre eux l'ont utilisée pour justifier leur propre idée sur la musique.
La théorie de la Grèce antique repose sur :
- le tétracorde, avec trois modes extension des tétracordes ;
- des genres, selon la hauteur des notes entre les extrêmes de quarte juste ;
- des systèmes, formés par l'agencement de plusieurs tétracordes ;
- des harmonies, mot chargé de sens, désignant des formules musicales ;
- des aspects, c'est à dire la définition des intervalles compris à l'intérieur de l'octave, de la quarte ou de la quinte ;
- des tons ou tropes, destinés à fixer la hauteur réelle des aspects.
C'est la confusion entre harmonies, aspects et tons qui a conduit aux traditions erronées des modes.
Les tétracordes de base
Le tétracorde (du grec tetra : quatre et khordê : corde) est la succession mélodique de 4 sons (quatre cordes, ce qui correspond au nombre de cordes de la phorminx, la version la plus ancienne de la lyre).dont les extrêmes sont en rapport de quarte juste, soit 2 notes extrêmes fixes ou bornes (oroï) et 2 notes intérieures mobiles.
Cette structure en 4 notes date de l'époque classique. A l'origine il n'y eu probablement qu'un seul son mobile entre les deux bornes. En fonction de la place du demi-ton, il existe trois tétracordes différents, le lydien, le phrygien et le dorien, le premier commençant au fa, le second au sol et le troisième au la sur la gamme. Pour mieux mettre en évidence les écarts de ton ou demi-ton, la seconde portée pose le tétracorde avec la même hauteur de son.
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06/02/2021
La musique de la Grèce antique (2)
LES INSTRUMENTS
Les percussions sont nombreuses et se rattachent surtout au tambourin et à la cymbale. Elles soutiennent, surtout pour la danse, les instruments proprement dits, flûtes, aulos et lyres (ou cithares).
- La flûte : Accessoire pastoral, elle est peu employée en musique savante. Elle est droite comme le pipeau ou à tuyaux juxtaposés (syrinx).
- L'aulos : C'est l'instrument à vent essentiel, à hanche double, de sonorité perçante. Le type le plus fréquent est l'aulos double, formé de deux tuyaux séparés tenus chacun avec une main, les doigts bouchant les trous, ce qui suppose une certaine hétérophonie.
- La lyre : Elle est l'instrument symbolique du culte d’Apollon et de la poésie chantée. Elle est formée d'une carapace de tortue recouverte de peau tendue et prolongée par deux bras incurvés en travers desquels sont tendues les cordes. Sa sonorité est mince et grêle. Elle a été rapidement supplantée par la cithare à caisse de bois, de sonorité plus forte et à cordes de plus en plus nombreuses.
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05/02/2021
La musique de la Grèce antique (1)
La musique a imprégné la vie individuelle ou sociale des grecs au point d'en devenir en quelque sorte le ciment, mais au même titre que pour les autres peuplades de l'époque.
L'apport de la Grèce fut par contre exceptionnel dans sa manière de concevoir le rôle même de la musique dans la cité, puis de l'analyser scientifiquement en tant que discipline mathématique. De tous les peuples de l'antiquité, elle a été la seule à réfléchir sur cet art. Elle sut l'analyser, le situer, le décrire. Elle lui donna finalement une valeur en soi qui en fit l'une des composantes essentielles de la civilisation hellénique.
MUSIQUE ET CIVILISATION(1)
Le temps des dieux
L'histoire grecque nous présente la synthèse tardive et harmonieuse des deux protagonistes habituels de toute civilisation ancienne : le sédentaire et le nomade. Chacun d'eux a son cortège de modes de vie, de pensée et d'action. Exprimée sous forme de rites, de fêtes, de dieux, de coutumes, la culture est véhiculée par la musique.
Au VII° siècle avant Jésus-Christ s'implante à Eleusis le culte de Demeter (notre mère la terre). Célébré sous forme de mystères, il inclut une doctrine de survie au delà de la mort. Les initiés apprennent les gestes et les formules qui doivent guider l'âme du défunt au long des méandres du voyage outre-tombe et la communication s'établit au moyen de chants et de danses.
Au musiciens primitifs, sédentaires jouant de l'aulos, flûte double à anche, et pasteurs jouant de la lyre et de la cythare, succèdent les prêtres-chanteurs des grandes célébrations. Autour de ces célébrations réservées aux initiés, s'organisent un ensemble de fêtes publiques, les Eleusinia, assorties de concours de gymnastique et de musique. Peu à peu apparaissent les grandes dionysies, fêtes de quinze jours en l'honneur de Dionysios : sacrifices, processions, exécutions chorales et représentations sacrées.
Puis apparaît le théâtre antique, avec ses chants et ses danses et le musicien devient professionnel. Des associations dionysiennes se créent à Athènes, puis en Asie mineure, en Egypte. Les schèmes obligatoires des mélodies traditionnelles qui devaient leur puissance magique à leur immuabilité, s'altèrent et la notion de progrès remplace celle de fidélité.
Le temps des philosophes
Aux alentours du VII° siècle, pour Homère, la musique est encore le langage des dieux, et le poète qui chante n'est que l'interprète dont ils empruntent la voix. Au VI°, Pythagore entend les cieux chanter et converse avec les arbres et les rivières, mais il expérimente en même temps les rapports des intervalles ente les sons. Il reprend à son compte l'idée du son créateur chère aux Égyptiens et aux Perses. Puisque l'univers découle du son, du Verbe, il est lui-même vibrations. En étudiant la structure de la musique, on peut découvrir la structure du monde. Pour Pythagore, dit Aristide Quintilien, ce qu'il y a de plus haut dans la musique peut être mieux saisi par l'intelligence à travers les nombres que par les sens à travers les oreilles. Pythagore découvre ainsi l'octave, la quarte et la quinte.
Platon hérite de la conception pythagoricienne. La musique devient un sujet de science raisonnée, susceptible, par analogie, de faire concevoir et d'expliquer la nature même de la divinité. C'est aussi un moyen d'atteindre la révélation des principes ayant la "force de mouvoir et d'émouvoir l'âme" (E. Moutsopoulos). En analysant les éléments techniques de la musique et en en dégageant le caractère éducatif, Platon fait participer la musique à la grande entreprise du transfert religieux des légendes dogmatiques aux idées métaphysiques.
La musique, base de l'éducation de l'âme, devient un élément essentiel de l'éducation et de la vie de la Cité, contrepoids à la gymnastique, éducation du corps. Le musicien est un inspiré et un gardien des lois. La musique est définie par l'éthos social et moral de ses diverses harmonies. Ces harmonies sont vraisemblablement des échelles caractéristiques par lesquelles se différencient les mélodies de tel ou tel type. Platon en connaît quatre : le dorien, le phrygien, le lydien et le mixolydien. Il prescrit le dorien, incitant à la modération, et le phrygien, transmetteur de courage. Il proscrit le lydien portant vers les passions. L'hostilité à l'encontre de l'aulos, qui se distingue de la lyre par son origine étrangère, son étendue et son pouvoir émotionnel, est issue de cette doctrine. "Une perturbation dans les styles musicaux s'accompagne toujours de changements correspondants dans les institutions politiques." C'est en vertu de ce principe fondamental que Platon recommande un contrôle et une censure de la musique dans sa République idéale.
Pour Aristote, disciple de Platon, la musique inclut également le "mélos" ou poésie, combinaison de trois éléments : la mélodie, les paroles et le rythme. Elle complète symétriquement les arts de la vue, peinture et sculpture. Avec lui, un degré de plus est franchi. Il ne retient que l'aspect positif et pragmatique de la musique, nécessaire à l'éducation de l'âme et à l'édification de la cité. Il laisse de côté ce qui reliait encore la musique au monde imaginatif des dieux.
Le temps des techniciens
Jadis souffle des dieux, la musique n'est plus qu'un art des hommes qu'Aristoxène, élève d'Aristote, va analyser dans son traité des "Éléments harmoniques". C'est un technicien de la musique et non un philosophe. "Les harmoniciens, mesureurs d'intervalles, ne sont que des sophistes. La musique est l'art de l'ouïe. C'est l'ouïe seule qui doit juger".
Aristoxène cherche à définir la place du second degré descendant dans un tétracorde et à trouver la distance exacte des tons entre eux. Les anciennes harmonies disparaissent. Il ne subsistera plus qu'un seul et uniforme système.
Approfondissant la notion de "mélos", il distingue une mélodie du verbe différente de la mélodie musicale. A sa suite, introduit une sorte de style récitatif, le "parakatalogé", dans l'accompagnement musical. C'est un retour au chant, considéré comme base de la musique, supérieur à la musique instrumentale et savante.
[1] D’après Jacques Chailley, Grèce antique, musique, Encyclopaedia Universalis, V10.
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28/01/2021
Conclusion sur la musique sacrée
NOTE | MELODIE | CONTREPOINT | HARMONIE |
l'intemporalité |
la temporalité |
la relativité du temps | l'éternité |
l'instant dans la durée | la durée dans la succession des instants | la durée dans la juxtaposition des instants | l"union de l'instant et de la durée |
DECREATION | RECREATION | PURIFICATION |
UNIFICATION |
neume de 3 ou 4 notes |
Utilisation d'une formule mélodique |
juxtaposition des formules avec accord de 2 notes : tierce, quarte, quinte, octave | harmonisation avec accord de 3, 4 5 notes |
le neume redonne de la force à la note et purifie le lieu de son émission | la formule mélodie ouvre les lieux de l'être | la juxtaposition purifie les lieux de l'être | l'harmonisation unifie l'être au monde et à Dieu |
la musique sacrée crée un changement de l'écoulement du temps :
Le présent intensément vécu,
hors du dialogue mental,
devient éternité
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21/01/2021
Les formes de musique sacrée
Alain Danielou distingue plusieurs formes de musique religieuse et de danses sacrées. Dans ces formes, la musique modale tient une place essentielle.
Les formes de musique religieuse
* les bruits ou complexes sonores, qui servent à créer un climat de terreur sacrée ;
* les formes à prédominance rythmique qui servent de base aux danses sacrées ;
* les musiques royales et guerrières destinées à donner de la grandeur aux cérémonies civiles et religieuses ; .
* les psalmodies des textes sacrées, avec trois grands courants :
la psalmodie védique (2° millénaire avant Jésus-Christ) ;
la psalmodie du monde méditerranéen, d'origine juive ;
la psalmodie bouddhique, beaucoup plus récente ;
* les musiques modales savantes, employées comme moyen de concentration intérieure ; .
* les hymnes chantés, dérivés des formes savantes et populaires ;
* la musique savante de style profane créées pour donner plus de grandeur aux cérémonies religieuses.
Les danses sacrées
Elles comprennent :
. les danses extatiques et prophétiques, dont les plus fondamentales sont d'origine africaine, hindoue et turques (derviches tourneurs) ;
. les danses à signification cosmologique (cérémonie chinoise et japonaise) ;
. la danse théâtrale, conception spécifiquement hindoue, mais qui s'est également manifestée dans la célébration des mystères du moyen-âge.
La musique modale
La musique sacrée est partout spécifiquement modale, car c'est cette forme de musique qui exerce l'action psychologique la plus efficace.
Les raisons tiennent à l’existence :
. d'une tonique, son de référence autour duquel tourne les notes de la mélodie ;
. d'intervalles répétitifs agencés en formules ou groupes de notes semblables ;
. d'une finale dont l'arrivée procure un temps de silence et de plénitude ;
. d'un rythme qui divise le temps dans la durée et non dans l'instant. Ce rythme n'a rien à voir avec le rythme tel qu'il est compris actuellement : ainsi la valse adopte non pas un rythme à trois temps, mais un rythme à 24 temps (3 fois 8), car ce sont les groupes de 8 mesures qui exercent une action psychologique sur les danseurs.
01:53 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique sacrée, danse sacrée, musique modale | Imprimer
16/01/2021
La musique sacrée : voie de purification (10)
L'harmonie
Le but ultime recherché dans la musique est alors atteint. L'âme devient réceptacle, vase transparent où les vibrations s'harmonisent et se complètent. L'invisible s'unifie au visible dans l'âme devenue vierge, le visible laisse entendre les sons de l'invisible. Chaque chose, chaque être exprime totalement l'amour divin avec lequel il a été créé.
Ainsi parle l'apôtre divin : "depuis la création du monde, les choses invisibles sont contemplées à travers les créatures". Si à travers les choses visibles les invisibles sont contemplées, dans une bien plus grande mesure les choses visibles sont approfondies à travers les invisibles par ceux qui s'adonnent à la contemplation. Car la contemplation symbolique des choses spirituelles à travers les visibles n'est autre que la compréhension dans l'Esprit des choses visibles à travers les invisibles. Maxime le Confesseur
En celui qui atteint cette harmonie inexprimable faite d'amour brûlant pour tous et tout, les deux aspects qui semblent parfois s'opposer dans la musique se réunissent. Celui qui écoute avec l'ouïe de l'âme rejoint pleinement celui qui joue ou qui chante. Le musicien entre dans la magie divine de la création, il devient créateur non dans l'effort et le travail, mais dans la co-naissance et le vécu. Il est unifié intérieurement et uni à l'univers et à Dieu.
Dans la connaissance, l'esprit offre les essences spirituelles de l'univers, comme autant de dons qu'il fait à Dieu. Dans l'existence, l'esprit reçoit des dons en explicitant par la vie toute la splendeur de la sagesse divine déposée invisiblement dans les êtres. Maxime le Confesseur
Le musicien, le chanteur, se laisse enivrer par l'Esprit qui s'exprime à travers son art. Ce n'est plus lui qui joue avec sa vision personnelle du monde, avec sa culture et ses connaissances musicales. Quelque chose, quelqu'un de plus grand que lui, joue en lui, chante en lui avec des gémissements ineffables, avec des cris de joie, avec la tendresse de l'amour, avec les larmes de la compassion.
La musique trouve alors sa véritable finalité. Elle dévoile l'harmonie qui existe entre le créé et l'incréé, le visible et l'invisible, le son et le silence. Elle conduit celui qui la pratique à s'harmoniser lui-même avec le visible et l'invisible. Elle participe à l'acte créateur, elle devient voie d'expression du Verbe.
Le but de la foi, c'est la vraie révélation de son objet. Et la vraie révélation de l'objet de la foi, c'est la communion indicible avec lui... Et cette communion est le retour des croyants à leur principe comme à leur fin... et donc le rassasiement du désir. Et le rassasiement du désir, c'est la stabilité éternellement en mouvement des désirants autour de l'objet désiré... et donc l'éternelle jouissance sans séparation... la participation aux choses divines. Et cette participation aux choses divines est la similitude du participé et des participants. Et cette similitude, c'est, selon l'énergie, l'identité des participants avec le participé... Cette identité, c'est la déification. Maxime le Confesseur
07:05 Publié dans 52. Théorie de la musique, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chant, spiritualité, numineux, religion | Imprimer
10/01/2021
La musique sacrée : voie de purification (9)
Purification et unification
La musique sacrée méditative donne à l'homme un moyen de concentration. Cette concentration le purifie. La purification conduit à l'unification de l'être.
La première qualité de ce type de musique doit être de permettre la concentration, c'est à dire de calmer le mental, d'évacuer peu à peu le dialogue intérieur qui sans cesse s'impose à nous, malgré nous. C'est l'attention sur la mélodie qui mène à la concentration en en faisant le fil conducteur des pensées. Le but de l'harmonie, lorsqu'elle est jointe à la mélodie, est de créer l'ambiance intérieure sans distraire la concentration. La musique modale où le rythme et le rappel de formules mélodiques créent un univers sonore particulier, est plus appropriée à cette recherche que la musique dite classique, c'est à dire formée à partir de gammes mineures ou majeures.
Lorsque l'esprit a atteint un certain calme, le corps va pouvoir s'éveiller aux sons. La musique n'est plus entendue par l'intermédiaire de l'ouïe. L'ensemble du corps, devenu perméable aux vibrations, se laisse pénétrer par la mélodie qui l'enveloppe et le fait vibrer. Les sens s'éveillent, libérés de la tyrannie du mental. Le corps apprend à co-naître par lui-même. Ce n'est plus la mémoire des sensations qui s'impose, mais la sensation elle-même, pure, dans l'instant. C'est ici et maintenant que je suis, et non hier ou demain, là ou là-bas. L'instant saisi dans toute sa plénitude ouvre alors à l'éternité.
Le mental et le corps purifiés vont permettre au cœur de s'ouvrir. Pour les Pères de l’Eglise, le cœur est le lieu de l'esprit purifié, le centre de l'homme, l'endroit d'où tout doit venir. Il faut d'abord le débarrasser de ce qui l'opacifie, séparer les émotions des sentiments et les sentiments de l'amour, sentiment ultime, vie du cœur. La musique sacrée fait fondre les cœurs de pierre, les purifie et les transforme en calice pur, coupe offerte au monde et à Dieu.
L'être unifié, purifié d'un moi dominateur, devient prêtre dans toute la plénitude du mot, c'est à dire intermédiaire actif entre Dieu et l'univers. Offert en totalité à la vie divine, il fait monter vers Dieu le cri du monde et renvoie au monde la réponse divine de l'amour, la plénitude de l'Esprit. Temple du Saint Esprit, l'être se transfigure et se divinise.
C'est ainsi qu'en réalité cela devrait être, la grâce divine habitant au plus profond de nous, dans notre cœur. Le Seigneur a dit : "Le royaume des cieux est au-dedans de vous". Par le royaume des cieux, il entend la grâce du Saint-Esprit. Ce royaume de Dieu est en nous maintenant. Le Saint-Esprit nous illumine et nous réchauffe. Il emplit l'air ambiant de parfums variés, réjouit nos sens et abreuve nos cœurs d'une joie indicible. Staretz Séraphim de Sarov
03:08 Publié dans 52. Théorie de la musique, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
05/01/2021
La musique sacrée : voie de purification (8)
Enfin, la musique fait appel à l'intellect de deux manières : . Par le son et les rapports entre eux, elle est un phénomène mathématique, quantifiable. Déjà les grecs, il y a deux mille ans, étudiaient la musique pour y trouver les lois de l'univers. Le solfège, l'étude de l'harmonie et du contrepoint, sont une science exacte, une mathématique complexe faisant appel aux bases 7 et 12. C'est la mise au point de l'écriture musicale qui a transformé, en Occident, la conception de la musique. Le chant, par la lecture, s'est intellectualisé, est devenu plus savant, mais a perdu sa spontanéité, son jaillissement intérieur. . Par l'évolution progressive des possibilités musicales, la musique contemporaine est devenue un art d'intellectuel, réservé à une élite qui admire les constructions mathématiques, la technicité poussée à son maximum. Dans cette forme d'art, qu'on retrouve dans certaines œuvres cubistes, dans le Nouveau Roman, l'artiste se met en valeur et évacue souvent la dimension sacrée de l'art. En conclusion, le moi n'est pas permanent. Son aspect momentané dépend de la fonction activée du moment. Il évolue sans cesse. En quelques instants, je passe du raisonnement à l'émotion, du sentiment au désir. Généralement il y a une fonction qui prédomine en nous : la présence physique ou l'intellect est plus marquée chez l’homme ; la femme vit plus dans l'affectivité. Mais ce ne sont que des tendances générales. Notons également qu'à travers la musique, nous pouvons prendre conscience que chacun de ces centres existant en l'homme possède un aspect positif et un aspect négatif. Ainsi, la rêverie romantique recherchée dans la musique accentue l'aspect négatif de l'imagination qui n'est dirigée vers aucun but précis. L'oubli des pensées négatives que permettent certaines musiques constitue une utilisation instinctivement positive de la musique.
Le lieu du moi
La voix humaine n'est pas seulement un moyen d'expression. Elle est aussi un instrument de connaissance, un indicateur de l'état d'être du moment et au-delà de notre véritable être. Chacun sait que la voix trahit l'émotion, que son débit, sa hauteur indique l'état émotionnel du moment. Les comédiens et les chanteurs apprennent à contrôler leur voix, en travaillent les inflexions et pratiquent l'imitation pour arriver à la maîtrise de l'émission. Dans le domaine spirituel, les maîtres se penchent sur l'origine physique de la voix : où le moi résonne-t-il en moi lorsque je dis moi?Expérience intéressante à pratiquer dans la solitude : je prononce moi à haute voix, je chante moi, et je tente de saisir où, en moi, résonne le mot, d'où part la vibration profonde de l'évocation du moi. Cela peut se situer dans la tête, dans le cœur, dans le ventre, ou encore entre deux. Cette sensation de lieu indique la fonction dans laquelle nous vivons le plus : l'intellect, l'affectivité, le centre moteur... Ce lieu se révèle dans la voix, car il est le point de naissance du verbe. Ainsi, au fond de lui, chaque être a sa propre harmonique, son propre son qui entre en vibration avec d'autres sons. Ce son n'est jamais pur. Son timbre est voilé par l'aspect négatif de chaque fonction (la crainte, le désir de raisonner, le contentement du moi, etc.). Sa hauteur dépend du lieu de l'être où se situe le moi. Sa profondeur dépend de l'harmonie qui existe ou non entre chaque fonction.
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31/12/2020
La musique sacrée : voie de purification
Perception de son état d'être
Toute ascèse spirituelle s'appuie sur la psychologie humaine et distingue en l'homme plusieurs fonctions. Notre manière d'écouter la musique peut nous aider à percevoir le lieu, la fonction, où, en nous, le moi se complaît.
- Pour beaucoup, la musique enchante parce qu'elle éveille des émotions ou des sentiments. Elle s'adresse alors à l'affectivité. Cette fonction que nous possédons tous, mais qui est plus spécifiquement féminine, comprend les émotions et les sentiments. Sentiments et émotions sont la plupart du temps confondus. L'émotion est le résultat d'une réaction face à un événement ou de la remémoration d'une émotion déjà vécue. Le sentiment au contraire fait que l'on se sent un avec son objet. Une des tâches de celui qui veut se changer est de purifier le sentiment des émotions pour qu'il devienne instrument d'harmonie avec le monde.
- Pour d'autres, la musique a le pouvoir inconscient de renforcer notre présence physique dans le monde. C'est le rôle des musiques de danse, des musiques très rythmées où le corps peu à peu se mobilise, se coule dans le rythme et fait taire le mental.
Certaines musiques sacrées d'Orient ont été conçues pour agir sur cet aspect de l'être humain qui est appelé dans la tradition des soufis d'Asie centrale et occidentale, le "centre moteur". C'est notre manière d'être et d'agir physiquement. Nous n'y prenons pas garde et ignorons souvent qu'elle est un instrument de connaissance et d'action au même titre que l'affectivité ou l'intellect.
La présence physique regroupe les sensations, qui, contrairement aux émotions, peuvent être indifférentes (sensations des couleurs, de la température). Elle inclut aussi la voix, le maintien, les attitudes et enfin les savoir-faire physiques, c'est à dire l'aptitude à agir avec le corps. Cette fonction travaille par imitation. Elle doit d'abord être pensée au moment de l'apprentissage, puis devenir automatique. Lorsqu'elle est devenue automatique, nous n'en avons plus conscience.
- D'autres musiques éveillent en nous le désir, l'éros. Notre fonction sexuelle ne travaille que par intermittence. Mais à certains moments, elle neutralise toutes les autres fonctions. Sa possibilité d'utilisation en tant que moyen de connaissance a été développée par le Tantrisme. Celui-ci n'est pas, comme on le présente souvent, une confusion entre l'érotisme et le religieux. Il met en valeur une ascèse purifiant cette fonction de son aspect animal.
- Les musiques très primitives, à base de sons non articulés et de cris, s'adressent à l'instinct. Certaines musiques, spécialement conçues par des thérapeutes musiciens, avaient pour rôle de revitaliser les fonctions instinctives, fonctions internes au corps (respiration, circulation, digestion) ou certains réflexes. La différence entre les fonctions instinctives et motrices tient à ce que la première est naturellement automatique alors que la seconde nécessite un apprentissage.
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27/12/2020
La musique : voie de purification
La musique sacrée n’a pas seulement pour fonction d'exprimer le mystère divin et de faire percevoir à celui qui l'écoute le Verbe caché dans les êtres et les choses. Elle est aussi voie d'ascèse et de purification. Dans la musique et en particulier le chant, l'être s'oublie, s'ouvre, se purifie, se livre au mystère et le découvre par communion intime du corps, du cœur et de l'intellect. Celui qui s'engage sur cette voie a déjà été touché profondément par les deux autres aspects de la musique sacrée. Consciemment, il va chercher à progresser sur le chemin en plusieurs étapes : . prise de conscience de son absence d'unité, . perception de son état d'être, . purification du moi et unification, . harmonie. La musique devient ascèse. Elle n'est plus perçue de l'extérieur, elle devient son intérieur qui naît dans le silence de l'âme, prière purifiée de l'agitation du mental.
Prise de conscience de son absence d'unité
L'homme n'a pas de moi permanent et immuable. Chaque pensée, chaque humeur, chaque désir, chaque sensation dit "moi". Et chaque fois, on semble tenir pour assuré que ce "moi" appartient au Tout de l'homme, à l'homme entier, et qu'une pensée, un désir, une aversion sont l'expression de ce Tout. En fait, nulle preuve ne saurait être apportée à l'appui de cette affirmation... L'homme n'a pas de "moi" individuel. A sa place, il y a des centaines de petits "moi" séparés, qui le plus souvent s'ignorent, n'entretiennent aucune relation, ou, au contraire, sont hostiles les uns aux autres, exclusifs et incompatibles. A chaque minute, à chaque moment, l'homme dit ou pense "moi". Et chaque fois son "moi" est différent. A l'instant c'était une pensée, maintenant c'est un désir, puis une sensation, puis une autre pensée, et ainsi de suite, sans fin. L'homme est une pluralité, le nom de l'homme est légion. Il n'y a rien dans l'homme qui soit en état de contrôler ces changements des "moi", principalement parce que l'homme ne les remarque pas ou n'en a pas idée. Il vit toujours dans son dernier "moi".
Ouspensky, Fragments d'un enseignement inconnu
Percevoir cette absence d'unité que tous les spirituels décrivent, c'est prendre conscience de la fonction qui en nous prédomine sur les autres et nous empêche d'avoir une perception globale du monde.
07:35 Publié dans 52. Théorie de la musique, 61. Considérations spirituelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique religeuse, spiritualité, chant monodique | Imprimer
16/12/2020
La musique sacrée : expression de la parole divine (7)
Le verbe engendré et proclamé
Dans le Verbe et par le Verbe, en Christ, Verbe de Dieu, le chrétien découvre Dieu :
Il n'y a qu'un seul Dieu,
manifesté par Jésus-Christ, son Fils,
qui est son Verbe sorti du silence...
Ignace d'Antioche
Dieu, en Christ, vient chercher l'humanité pour que l'homme trouve en Christ la déification.
Nativité : l'immatériel s'incarne, le Verbe se fait chair, l'invisible se fait voir, l'impalpable peut être touché, l'intemporel commence, le Fils de Dieu devient le Fils de l’homme : c'est Jésus-Christ, toujours le même, hier, aujourd'hui et dans les siècles... Voilà la solennité que nous célébrons aujourd’hui : l'arrivée de Dieu chez les hommes, pour que nous allions à Dieu, ou plutôt pour que nous revenions à lui...
Grégoire de Naziance
C'est en Christ que l'homme s'unit à Dieu et cette union est union avec chaque être et avec l'univers. Le Verbe réalise alors en l'homme l'harmonie. Le chant du monde devient le chant des anges. L'âme jubile, chante Dieu en des mots incompréhensibles : c'est le chant en langues, chant subtil, musique céleste d'où la science musicale est absente. Les voix s'harmonisent sans effort ni recherche. La pauvreté devient richesse : l'Esprit prie en nous.
02:39 Publié dans 52. Théorie de la musique, 62. Liturgie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, harmonisation, être, invisible | Imprimer
11/12/2020
La musique sacrée : expression de la parole divine (6)
L'annonce de la Parole
Le Verbe parlé, répété, redit, perd sa force originelle. Aussi toutes les traditions font appel à la récitation chantée : cantillation, récitatif, psalmodie. Le mot vivifié par le son comme à l'origine de la création, pénètre et crée dans l'être un espace spirituel auquel il pourra se référer. La psalmodie restaure le Logos dans sa divinité. Elle permet de retrouver la Parole du début des temps et, par là, le nom véritable des êtres et des choses. Le chantre devient ainsi médiateur entre le monde d'en haut et celui d'en bas.
La récitation du nom de Dieu est une pratique de concentration et de méditation utilisée par de nombreuses religions : prière de Jésus des moines orthodoxes, Dikr des soufis musulmans, Aum des hindous. Pour les non chrétiens, non enracinés dans l'incarnation, il s'agit du retour au Verbe en tant que son suprême :
* Pour les soufis, tous les sons supérieurs aboutissent à Hou. Ce son sacré, entendu dans le silence des méditations, est la secrète vibration de l'homme et des choses.
* Le sémitique Houa est à l'origine de Hava, Eve.
. Hou = Dieu non manifesté
. a = le manifesté
* Aum est la formule sacrée des hindous :
. A est le son clé du manifesté, le son pur avant l'articulation. "Parmi les lettres, je suis A", fait-on dire à Krishna. Il se chante sur Do.
. U ou O est l'état intermédiaire, la voie, modulé sur Mi ;
. M ferme la série des sons. Psalmodié sur Sol, Il est l'aboutissement, l'état informel.
L'accord parfait d'Aum résume la totalité des phénomènes sonores. Tous les mots qu'on peut créer y dorment.
* Le mot Amen a la même origine :
. A au début du mot, est le commencement,
. M au milieu est la fin,
. N est l'écho de M. En finissant naturellement dans le chant nasal du souffle, il représente la Vie.
02:57 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, harmonisation, être, invisible | Imprimer
07/12/2020
La musique sacrée : expression de la parole divine (5)
Dans beaucoup de religions, le Verbe est pensée, création et rythme :
* Le Verbe est d'abord pensée avant d'être parole. En lui, tout est présent avant d'être. Il est silence avant de s'exprimer. C'est pourquoi la musique religieuse authentique s'attache plus, grâce aux sons, à la découverte du silence intérieur qu'à une description sonore de la puissance divine. Avant d'être proclamée force de création, la Parole est méditée, contenue, jusqu'à ce qu'elle jaillisse en acte créateur.
* Le Verbe est création. Par le son, le Verbe extériorise les possibilités contenues en lui de toute éternité. La Voix dit, et en disant, elle crée le monde. La nature entière est faite de vibrations silencieuses que la musique fait découvrir. C'est la divine harmonie de Platon qui rejoint dans une intuition géniale les découvertes scientifiques les plus récentes sur la structure de la lumière et le jeu des atomes. La tâche du musicien consiste à recréer l'unité d'un monde qui nous parait parcellaire. Il met en harmonie les vibrations de l'être et de l'univers et re-crée ainsi le monde pour cet être.
* Le Verbe est aussi le rythme qui donne la vie. La vibration est rythme, le son est en soi rythme et les sons musicaux se combinent en rythme. Le vrai rythme régénérateur, qui dévoile le Verbe divin derrière les paroles humaines, est le fruit d'une confrontation entre notre temps intérieur et le temps musical et non une division mathématique du temps. Il conduit au retour du rythme premier, où les sons refont le geste du créateur.
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02/12/2020
La musique sacrée : expression de la parole divine (4)
La musique sacrée est aussi et avant tout un moyen d'expression du Verbe, de la parole divine, créatrice et reconstructrice.
A l'origine : Le Verbe
Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était avec Dieu
Et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement avec Dieu.
Tout fut par Lui,
Et sans Lui rien ne fut.
Saint Jean
L'idée que la création a pour origine la Parole, c'est à dire l'association du son et du mot matérialisant la pensée, n'est pas propre à la tradition chrétienne :
Au commencement était le créateur (Pradjapati))
Avec lui était le Verbe (Vak)
Et le Verbe était réellement le suprême Brahman.
Rig Véda
Hari Om! Ho ! Le Verbe est Dieu
Du Verbe, en vérité, toute chose est issue,
Tous nés du Verbe, ils vivent par le Verbe
Pour retourner à Lui, rentrer dedans !
Têttiriya Oupanishad
(cité par Lanza del Vasto dans Vinôbâ)
Lorsque Dieu exhala son nom, la lumière et la vie jaillirent avec le Verbe. C'est à dire qu'auparavant aucune vie n'existait, excepté Dieu lui-même. Et la parole fut prononcée à la manière prescrite par l'ordre de Dieu, et par le fait que le nom de Dieu fut prononcé, la Lumière et le principe de Vie jaillirent, l'homme et tout être vivant jaillirent ensemble.
Le BARDDAS (1,16) Tradition celtique
06:31 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, harmonisation, être, invisible | Imprimer
28/11/2020
La musique sacrée : ouverture et harmonisation de l'être (3)
Les voies
Pour Graf Dürckheim, il y a quatre champs privilégiés qui ouvre au numineux :
. La grande nature : C'est ce champ qui parle le plus naturellement à l'homme. La contemplation de la nature émerveille. Elle dilate le corps et fait taire le mental. L'univers dévoile la beauté de la création et l'amour que Dieu lui porte.
. L’éros : L'amour physique, lorsqu'il est l'aboutissement de l'amour, cette intense harmonie qui lie deux êtres jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus qu'un, ouvre la porte aux mystères de la vie et de la mort. C'est une descente dans l'être pur qui se donne et qui donne. C'est la rencontre en un instant d'éternité.
. L’art : L'œuvre d'art, lorsqu'elle remplit sa fonction, saisit et émerveille. Elle dévoile la beauté céleste à travers la matière, elle aide à contempler l'invisible derrière le visible. Voie de co-naissance, elle s'adresse à la part féminine de l'être humain et complète la connaissance intellectuelle plus spécifiquement masculine. Elle fait appel à l'intuition, elle englobe plutôt qu'elle ne dissèque, elle harmonise et permet de comprendre de l'intérieur.
. La liturgie : Même pour le non croyant, la liturgie évoque l'invisible derrière le visible. Elle invite à s'agenouiller, à abandonner tout ce qui est moi et tout ce qui est savoir pour découvrir notre ultime réalité, celle où Dieu se dévoile dans notre nudité et nous comble de sa présence. Un des aspects de la liturgie est bien de pénétrer dans le mystère pour permettre à la Parole de Dieu de nous atteindre. Une liturgie qui n'inclut pas cette fonction ne permet pas de faire l'expérience intuitive du divin.
En conclusion L’expérience personnelle du numineux, inconsciente, puis, recherchée consciemment, conduit à la véritable conversion, au retournement (convertere) de l'être. C'est une expérience plus large que l'adhésion à une foi, à une église. Elle emplit l'être tout entier et le projette face à l'absolu.
La musique sacrée, dans son acceptation la plus large, favorise cette prise de conscience. Elle englobe la musique religieuse, propre à une confession et à une culture, mais inclut aussi d'autres genres de musique, toutes celles qui dépassent la recherche du plaisir ou de l'esthétisme.
Ces musiques ne se contentent pas d'exprimer l'homme, elles constituent le langage que l'Esprit infini parle aux esprits finis. Elles ne mettent pas le son en valeur, elles le mettent au service de l'infini et du silence de l'âme. La musique remplit alors son rôle sacré, elle glorifie le divin et non l'homme.
03:38 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, harmonisation, être, invisible | Imprimer
22/11/2020
La musique sacrée : ouverture et harmonisation de l'être (1)
Jamais la musique, telle qu'on l'entend actuellement, n'a été aussi présente dans le monde : chacun a la possibilité, sans avoir à jouer d'un instrument, d'en écouter quand il le veut grâce à la radio, au magnétophone, au disque, ou même de la subir (sonorisation des espaces commerciaux, etc.). La musique nous enchante, nous envoûte, nous sature. Elle est utilisée non plus pour elle-même, mais pour les effets psychologiques qu'elle produit en nous : refrains publicitaires, musiques de film, rock...
La musique est partout présente et pourtant jamais l'homme n'a eu autant besoin de musique. On peut même dire que le bruit de fond musical dont beaucoup s'entourent est inconsciemment un appel à une autre forme de musique; celle qui va nous faire prendre conscience de notre véritable être, qui va l'harmoniser avec ce qui nous entoure, qui va nous aider à combler le vide de la vie et approfondir l'intuition d'un au‑delà du monde.
Ce constat fait ressortir les différents aspects recherchés dans la musique :
Le plaisir et le divertissement : la musique me distrait et crée une ambiance favorable à la vie en société.
L'oubli et le fantasme : la musique permet de s'évader du quotidien, d'oublier ses pensées et fait naître en nous des images et des rêves éveillés.
. L'ordre et la rationalité : la musique est un art très organisé. Platon voyait dans la théorie musicale une des clés de la connaissance du monde. Elle constitue un savoir à acquérir et une recherche à développer. Elle devient de plus en plus un domaine de spécialistes.
. L'évocation de l'invisible et l'éveil au spirituel : la musique est une porte qui permet d'accéder au voile du Temple et d'en soulever un pli. Elle transcende l'être et l'harmonise avec l'univers. Elle fait vibrer l'esprit de l'homme et le met en contact avec l'Esprit divin.
Ce dernier aspect de la musique est peu connu. C'est le jardin secret des hommes pour qui la vie est une montée vers la lumière à travers la transformation de l'ego. Il inclut les autres aspects, mais les purifie et les transcende. Cette forme de musique peut être appelée musique sacrée, terme préférable à celui de musique religieuse, trop restrictif, ou de musique spirituelle, trop manichéen.
La musique sacrée englobe l'aspect le plus profond de la connaissance au-delà de l'aspect intellectuel, intégrant l'être avec l'objet de sa recherche : la co-naissance (naître avec...). Elle a pour finalité de faire renaître, et on peut dire que, comme la conversion, elle englobe plusieurs niveaux de co-naissance :
. Elle est d'abord moyen d'éveil à l'invisible à travers le visible, à l'inaudible à travers les sons. C'est la découverte du numineux.
. Elle est aussi expression de la Parole de Dieu, lieu où le mot et le son s'unifient et touche la profondeur de l’être ;
. Elle est enfin pour celui qui a expérimenté ces deux premières étapes, un chemin de purification et d'ascèse. Dans le chant sacré, l'être oublie le moi, s'unifie à l'Esprit et jubile de joie.
10:21 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, harmonisation, être, invisible | Imprimer
30/06/2018
Maîtrise des aspects du temps dans la musique
Au-delà des notions musicales élémentaires qui permettent de nommer les éléments d’écriture de la musique, il convient également de prendre en compte ce qui fait que la musique est musique et non pas bruits. Sa plénitude s’analyse au travers de plusieurs concepts qui pourront être utiles par la suite dans ses implications avec les opérations militaires.
* Euphonie (beauté de la mélodie, et plus)
Le terme euphonie trouve ses origines au XIVe siècle, du bas latin euphonia, « douceur de prononciation » et du grec euphônia, de eu-, « bien », et phônê, « voix, son ». Il désigne la qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre (par opposition à Cacophonie). Également utilisé en linguistique où il signifie la qualité des combinaisons de sons considérées comme agréables à entendre ou faciles à prononcer.
. Certes, parler de la beauté d’une opération peut sembler excessive et inusité, mais certains historiens militaires se réfèrent à la beauté de l’opération du général Leclerc lors de la traversée des Vosges.
. Cette notion met également en évidence l’importance de la communication dans les opérations militaires qui donne du sens à tous ceux qui la suivent, s’y opposent, la subissent ou encore la commentent.
* Harmonie (beauté de l’harmonie ou du contrepoint, et plus)
Le terme harmonie vient du grec harmonia, « assemblage ; ordre harmonieux ; accord de sons ». Déjà cité, il signifie en technique musicale l’art d’accommoder les sons émis en même temps, mais il implique plus largement l’idée que ces sons se combinent d'une manière agréable à l'oreille. Par analogie et en élargissant la notion, l’harmonie désigne la concordance des parties d'un ensemble qui concourent à une même fin. L’harmonie implique donc un rapport d'adéquation, de convenance, entre des êtres ou des choses.
* Eurythmie (beauté du rythme, et plus)
Le terme eurythmie est issu, au XVIe siècle, du latin eurythmia, « harmonie dans un ensemble » et du grec eurhuthmia, « mouvement bien rythmé », de eu-, « bien », et rhuthmos, « mouvement réglé ». Il désigne la qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre. L’eurythmie est la beauté qui résulte de la combinaison harmonieuse des sons, des lignes, des formes, des mouvements. D’une manière plus générale, elle désigne la beauté des proportions, du rapport des parties entre elles et avec l'ensemble.
Éléments liés au temps |
Diachronie : succession des moments |
Synchronie : simultanéité des moments
|
Rythme : Cadence des moments
|
Appréciation de la beauté |
Euphonie : qualité des sons successivement émis, considérés comme agréables à entendre |
Harmonie : combinaison des sons simultanément émis, considérés comme agréable à entendre |
Eurythmie : qualité de la répartition des ictus (succession de temps forts et faibles), considérés comme agréables à entendre |
Technique |
Mélodie |
Harmonie ou contrepoint |
Tempo : allure d’exécution |
Fondement |
Succession des notes dans le temps organisée en mode avec dominante et finale |
Émission simultanée de notes en tenant compte des intervalles |
Mesure : organisation de l’espace musical |
06:17 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, succession, simultanéité, durée, harmonie, contrepoint | Imprimer
26/06/2018
Constructions musicales directement liés au temps
* La mesure :
. Elle utilise la dimension mathématique et intelligible.
. Elle organise l’espace musical.
* Le tempo :
. C’est l’allure d’exécution d’une œuvre musicale.
. Le tempo peut varier au cours d'un même morceau.
. Il lui arrive parfois même d'être purement et simplement suspendu (point d'orgue, récitatif, etc.).
* Le rythme :
. C’est l’ordre du temps, fait d’élan et de repos, de temps forts et de temps faibles
. Dans le rythme, comme dans la mélodie et comme dans la conscience, continuité et discontinuité se combinent.
. Mesure et rythme sont nécessaires l'un et l'autre et l'un à l'autre, mais la musique ne devient vivante que grâce au rythme.
. A la rigidité de la mesure métronomique s'oppose le jeu du rythme qui varie, contredit les prédictions, suscite une activité toujours neuve.
. Gisèle Brelet : "Et précisément le devoir de l'exécutant est de retrouver le rythme par delà la mesure, l'être par delà le phénomène et la réalité vivante par delà l'intelligibilité schématique."
* L’ictus du chant grégorien ou accentuation :
. Trois sortes d’accentuation :
- accent de durée (qui allonge la durée de la syllabe),
- accent d'intensité (en émettant la syllabe avec plus de force),
- accent de hauteur (en faisant varier le ton de la voix), que ce soit vers le haut (accent aigu) ou vers le bas (accent grave).
Mais ces accents ne se posent pas à intervalle régulier, ils sont irréguliers et souples. C'est cet équilibre permanent qui doit conduire à un « legato rythmique » dynamique : une continuité perceptible du mouvement rythmique d'ensemble, s'appuyant à la fois sur les accents du texte ou de la mélodie, et sur la variation de vitesse qui permet de franchir ces irrégularités de manière harmonieuse.
08:25 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, succession, simultanéité, durée, harmonie, contrepoint | Imprimer
23/06/2018
Eléments musicaux en rapport avec les notions permettant d’approcher le temps
Penchons d’abord sur les notions musicales élémentaires
* La mélodie (appel à la notion de succession)
. Phrase musicale, faite de succession de notes à intervalles et hauteurs variés tournant généralement autour d’une dominante et se terminant sur une finale ;
. C’est une construction équilibrée dans le temps avec un commencement, un développement et une fin.
. Un mouvement est plus vaste, il reprend la mélodie par imitation (rétrograde, inversée, etc.).
. Une pièce comporte plus ou moins de mouvements, voire un seul.
*L’harmonie (appel à la simultanéité)
. juxtaposition des notes ;
. Règles de l’harmonie, évolutives selon l’époque.
* Le contrepoint (appel à la succession et la simultanéité)
. superposition de plusieurs mélodies, appel au rythme (tension-détente) et à la métrique (mesure de la durée) ;
. Origine au XIVe siècle, de contre et de point, au sens de « note ». Art de composer en superposant deux ou plusieurs lignes mélodiques.
* La durée d’une note et d’un silence :
. temps d’émission d’une note et moment pendant lequel n'est émis aucun son.
* Enfin, deux derniers éléments qui jouent sur le rythme, ou plutôt l’ictus, c’est-à-dire sur le legato rythmique dynamique. Ce sont des variations de vitesse qui permettent de franchir les irrégularités voulues par le compositeur de manière harmonieuse. C’est une combinaison de la continuité et de la discontinuité qui donne à la musique toute sa valeur.
. La nuance est un signe noté sur une partition qui indique l'intensité relative d'une note, d'une phrase, ou encore d'un passage entier d'une œuvre musicale. Les nuances permettent au musicien de restituer la dynamique de l'œuvre lors de son interprétation. Les nuances peuvent être générales (ppp, f, fff, ral) ou ne concerner qu’un ensemble de notes (crescendo).
. le caractère désigne la façon d'interpréter une pièce musicale, indépendamment des indications concernant le rythme et l'intonation. Il était jusqu’à peu indiqué par des termes italiens tels que agitato ou cantabile ou encore dolce.
07:18 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer
19/06/2018
Le temps et la musique (1)
« Le temps est inintelligible dites-vous? C'est sans doute que vous ignorez le temps musical et ne concevez d'autre mode de connaissance que le mode conceptuel. Mais le temps, opaque aux concepts, est clair à la pensée pensante. »
Gisèle Brelet[1]
« Le temps est à la fois ce que l'on subit (on n'échappe pas au temps) et ce que l'on élabore, transforme. C'est en ce sens déjà que la musique peut nous aider à comprendre le temps. Loin de partir d'une théorie du temps et d'essayer d'y faire entrer la musique, il faut partir de la musique, car c'est elle qui a le plus de chance de nous faire comprendre ce qu'est le temps. »[2] Partir de la musique, c'est non seulement essayer de comprendre la musique, mais aussi tenter de comprendre le temps.
On le sait, le temps musical n'est pas le temps scientifique. Dans les sciences, on va de l'explication à la compréhension, dans l’art, c’est l’inverse. On a pu penser que le temps qualitatif de Bergson qui s'oppose au temps quantitatif de la science, correspondait au temps musical. Citons Bergson lui-même: « Quand nous écoutons une mélodie, nous avons la plus pure impression de succession que nous puissions avoir – une impression aussi éloignée que possible de celle de simultanéité – et pourtant c'est la continuité même de la mélodie et l'impossibilité de la décomposer qui fait sur nous cette impression. Si nous la découpons en notes distinctes, en autant d'«avant» et d'«après» qu'il nous plaît, c'est que nous y mêlons des images spatiales et que nous imprégnons la succession de simultanéité : dans l'espace et dans l'espace seulement, il y a distinction nette de parties extérieures les unes aux autres. »[3] La musique joue sur la continuité et la discontinuité, sur les altérations temporelles : « phénomènes d'attente, de retard, d'étirement; de rappel, d'anticipation, de contraction; relations d'antériorité, de postériorité, de simultanéité ; jeux de la mémoire (annonces, réminiscences et retours) ; effets de vitesse, de surprise, de tempo. »[4]
Le temps est au musicien ce que l’espace est au peintre, ou encore, comme le dit Stravinsky : « La musique est un art du temps… Elle naît d’une organisation du temps ».
[1] Gisèle Brelet, Le temps musical. Essai d'une esthétique nouvelle de la musique, P.U.F., Paris, 1949, p.481.
[2] Michel Cornu, www.contrepointphilosophique.ch, Rubrique Esthétique, 4 juillet 2009.
[3] Henri Bergson, La pensée et le mouvant, p.166. P.U.F., Paris, 1959.
[4] Christian Accaoui, Le temps musical, Desclée de Brouwer, Paris, 2001, p.108.
10:29 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, succession, simultanéité, durée, harmonie, contrepoint | Imprimer
19/01/2015
Le gymel
https://www.youtube.com/watch?v=6zciDnkMjfE
Le gymel est d’origine scandinave (XIIe – XIIIe). C’est un faux bourdon strictement parallèle. L’origine du nom de ce procédé vient du latin gemellus « jumeau ». Cette forme de chant constitue le début de la musique polyphonique. Le début du chant est strictement parallèle, à la tierce, puis il s’infléchit pour partir de l’unisson et y revenir.
Un bon exemple du gymel est l’hymne à Saint Magnus, datant du XIIIe siècle. En voici le début dans le manuscrit du XIIIème siècle conservé à l’université d’Uppsala :
En voici une transcription en notation moderne :
I. Nobilis, humilis, Magne martyr stabilis, |
I. Magnus, noble et hymble martyr puissant, |
II. Præditus, cœlitus, dono Sancti Spiritus |
II. Pourvu du don du Saint-Esprit, tu as pris soin |
III. Gravia, tedia, ferens pro justicia, |
III. De graves dommages tu as subi par amour de la justice, |
IV. Pura gloria, signorum frequencia |
IV. Ta pure gloire ainsi que tes nombreux miracles |
V. Gentibus laudibus, tuis insistentibus |
V. Que le peuple qui chante sans cesse tes louanges |
L’intervalle de tierce était considéré comme un intervalle dissonant à cette époque sur le continent européen, probablement parce que la musique européenne de l’époque était fondée sur les considérations pythagoriciennes des intervalles. La gamme de Pythagore donne des quintes justes pures, mais les tierces ne sonnent pas très bien dans ce système. Ce chant de Vikings devait paraître très étrange aux oreilles étrangères, qui réprouvaient l’usage de la tierce. (from : http://www.schola-sainte-cecile.com/2011/07/24/nobilis-hu...)
07:20 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : polyphonie, chant sacré, faux-bourdon | Imprimer
17/07/2014
Sakura "Cherry Blossoms" (fleurs de cerisier) : Musique traditionnelle pour Koto
https://www.youtube.com/watch?v=AK51LblcEOw&list=RDrRM_FNooJHc&index=3
Le Koto est un instrument de musique à cordes pincées utilisé en musique japonaise traditionnelle. Originaire de Chine, il fut introduit au Japon entre le VIIe siècle et le VIIIe siècle et était joué à la Cour impériale. Son usage s'est ensuite démocratisé.
C’est une longue cithare, de 1,80 m de long et comptant 13 cordes. La caisse est traditionnellement fabriquée en bois de paulownia évidé, et les hauts chevalets amovibles, en ivoire. Ses cordes sont en fil de soie que l'on pince avec des grattoirs en ivoire. Il produit un son lyrique, comparable à celui d'une harpe, ce qui peut expliquer le terme souvent rencontré de « harpe japonaise ».
Le Koto possède une échelle de sons spéciale, l’échelle Kumoijoshi, bien sûr sur cinq notes comme toute la musique orientale ancienne (avec ajout de piens ou sans). Comme la hauteur de la fondamentale est indéterminée, elle est ici élevée d’un ton par rapport à l’échelle donnée dans le schéma (ré-mib-sol-la-sib). Mais les intervalles reste les mêmes : 0,5 – 2 – 1 – 0,5 / 2. La mélodie principale est sol-sol-la, sol-sol-la, sol-sol-la-sib-la-sol-la-sol-ré.
Petite musique du matin, dans la fraicheur des cerisiers en fleurs. La musique vous vide l’esprit et vous emplit d’une douce quiétude revigorante. Vous êtes prêts à partir d’un bon pied pour une journée active, mais de manière ordonnée, avec paix et sérénité. Mieux vaut écouter cette musique que de prendre un cachet pour supporter une journée supplémentaire !
C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...
07:24 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique orientale, musique japonaise, musique à cordes, koto | Imprimer
11/01/2013
La musique chinoise de cérémonie
Elle se caractérise pas des intervalles d'un ton, divisant l'octave en six intervalles égaux. On obtient ainsi six "liu" masculins et six "liu" féminins espacés d'un demi ton. Ces liu ne formaient cependant pas une échelle : l'ancienne musique chinoise était fondée sur des effets de notes isolées, et non sur une courbe mélodique. Certains accords étaient autorisés, permettant de marier les liu masculins et les liu féminins, soit à la quarte, soit à la quinte.
Il est possible d'imaginer à partir d'une telle gamme, dite gamme par ton, chère à Debussy, des accords de deux sons à la tierce mineure entre les deux gammes ou des accords de trois sons, tierce et quinte sur une même gamme.
07:41 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : liu, musique chinoise, cérémonie, gamme, pentacorde | Imprimer
08/01/2013
Liturgie, musique et cosmos
« En conclusion de mes réflexions, je citerai une belle parole du Mahatma Gandhi que j’ai trouvé récemment sur un calendrier. Gandhi évoque les trois milieux dans lesquels s’est développée la vie dans le cosmos et note que chacun d’eux porte une façon d’être propre. Dans la mer vivent les poissons, silencieux. Les animaux qui vivent sur la terre ferme crient, tandis que les oiseaux qui peuplent le ciel chantent. Le silence est le propre de la mer, le propre de la terre ferme, c’est le cri, le propre du ciel le chant. Mais l’homme participe des trois : il porte en soi la profondeur de la mer, le fardeau de la terre et les hauteurs du ciel. C’est pourquoi il est aussi silence, cri et chant
(…) La véritable liturgie, la liturgie de la communion des saints lui (à l’homme) restitue sa totalité. Elle lui réapprend le silence et le chant en lui ouvrant les profondeurs de la mer et en lui apprenant à voler, à participer de l’être des anges. En élevant le cœur, elle fait retentir à nouveau la mélodie ensevelie. Oui, nous pouvons même dire maintenant, l’inverse : on reconnaît la véritable liturgie à ce qu’elle nous libère de l’agir ordinaire et nous restitue la profondeur et la hauteur, le silence et le chant. On reconnaît la liturgie authentique à ce qu’elle est cosmique et non fonction du groupe. Elle chante avec les anges, elle se tait avec la profondeur du tout, en attente. Et c’est ainsi qu’elle libère la terre, qu’elle la sauve. »
(Benoît XVI, L’esprit de la musique, Editions Artège, 2011, p.100)
Est-il nécessaire d’en dire plus ? L’esprit de la musique est un magnifique livre qui fait prendre conscience de la dimension spirituelle de la musique et de son importance dans la liturgie. Et l’on constate que cela n’est pas seulement vrai pour la liturgie chrétienne. Les extraits empruntés à la liturgie bouddhiste que nous vous avons présentés ces jours-ci en montre la réalité universelle.
07:54 Publié dans 41. Impressions littéraires, 52. Théorie de la musique, 62. Liturgie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique sacrée, musique, liturgie, littérature | Imprimer
06/01/2013
Chant bouddhiste chinois
Reprenons les chants sur lesquels nous avons donné une première impression le lundi 24 décembre et tentons d'analyser comment ces chants sont contruits en nous référant à la théorie établie le 2 janvier :
(http://www.youtube.com/watch?v=zuvGyqCkwDM&NR=1&feature=endscreen)
En 0:07:00
Chant en mode féminin 1 ou en mode tché :
La gamme chantée est :
mi b – fa / la b – si b – do
1 - 1,5 - 1 - 1
Elle est chantée sur l’étendue
si b – do // mi b – fa / la b – si b – do
avec les intervalles
1 - 1,5 - 1 - 1,5 - 1 - 1
dominante : la b
finale : do.
Il s’agit du mode pentatonique
do – ré / fa – sol – la
1 - 1,5 - 1 - 1
Employé sur une étendue
La – sol // do – ré / fa – sol – la
Avec pour dominante le fa et finale le sol.
En 0.33.00
Chant en mode masculin :
La gamme pentatonique utilisée est :
ré – mi – fa# / la – si
1 - 1 - 1,5 - 1
Elle est chantée sur l’étendue
si // ré – mi – fa# / la – si // ré – mi – fa#
avec les intervalles
1,5 - 1 - 1 - 1,5 - 1 - 1,5 - 1 - 1
dominante : la et fa#
finale : tantôt le mi, le ré ou même le si inférieur.
Il s’agit du mode pentatonique masculin
do – ré – mi / sol – la
employé sur l’étendue
la // do – ré – mi / sol – la // do - ré – mi
dominante : 5ème degré, soit la
finale : ré, do ou même le la inférieur
En 1:08:45 :
Chant en mode masculin :
Le chant devient presque polyphonique ou plutôt il s’accompagne d’un ison à la manière des orthodoxes.
Le mode pentatonique utilisé est
sol – la – si / ré – mi
1 - 1 - 1,5 - 1
Elle est chantée sur la même étendue, à deux voix :
. les premières sur le chant principal indiqué ci-dessus,
. les secondes sur le ré et mi supérieur qui forme une ison sur le chant principal.
07:10 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique extrême-orient, chine, bouddhisme, modes musicaux, gamme pentatonique | Imprimer
02/01/2013
La musique chinoise d'origine populaire
C'est la musique typique de l'Extrême-Orient, utilisant une gamme de base pentatonique à tons entiers et tierces mineures sans demi-tons, soit les intervalles 1 - 1,5 - 1 - 1 - 1,5. Cette gamme, née de la théorie des quintes montantes et des quartes descendantes, ne comporte pas de Si, ni de Mi.
Dans sa version traditionnelle, elle utilise deux modes avec le même registre et les mêmes fondamentales et dominantes, les modes masculin et féminin, et un 2° mode féminin, avec une autre fondamentale et sans dominante.
Dans sa version savante initiale, chaque note de la gamme de base donne naissance à un mode qui porte le nom de la tonique. En combinant ces 5 modes avec les 12 liu furent formés 60 tons différents.
Deux notes complémentaires furent ajoutées à cette gamme pentatonique pour former une gamme de 7 sons à l'époque Tchéou (1134-256 av. J-C). Elles se trouvent à moins un demi-ton de la note fondamentale du dicorde et du tricorde : l'une s'appelle "pien-tche", c'est à dire tche modifié, l'autre "pien kong". Les 7 modes se forment en prenant chacun des 7 degrés pour servir de tonique. La combinaison des 7 modes avec les 12 liu a produit 84 tons différents.
Chaque mode a son propre caractère :
. mode la b, si b, do, ré, mi b, fa, sol, la b : frais et profond;
. mode ré, mi, fa #, sol, la, si, do, ré : élégant et raffiné;
. mode la, si, do, ré, mi, fa, sol : l'ordre et le calme;
. mode sol, la, si b, de, ré, mi b, fa, sol : la tendresse et les pleurs.
07:11 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique chinoise, gamme pentatonique | Imprimer
27/12/2012
La musique religieuse chinoise
Cette note est la suite de celle du 17 octobre 2011, intitulée "La musique Extrême-orientale" que vous pouvez consulter en cliquant ici : http://regardssurunevissansfin.hautetfort.com/archive/201...
"Si une note se produit, c'est dans le cœur humain qu'elle a pris naissance. Si le cœur humain est ému, c'est par l'action des objets. Sous l'impression des objets, il s'émeut, et son émotion se manifeste par des sons. Les sons se répondent entre eux, ainsi, ils se différencient. C'est lorsqu'ils présentent des différences qu'ils prennent le nom des notes."
Ainsi commence le Yüeh Chi, partie du Li Chi ou Mémorial des rites, qui expose la doctrine officielle de la Chine sur la musique. Rédigé au 1° siècle avant notre ère, son existence est beaucoup plus ancienne.
Selon le Yüeh Chi:
· La musique est la langue naturelle des sentiments. Ceux-ci expriment la relation de la conscience avec l'univers, du sujet avec l'objet, du moi avec le non-moi. Le son est le signe de cette relation. Le son ne devient musique que lorsqu'il succède à plusieurs sons. Ils expriment alors l'émotion, les états mouvants du cœur.
· La musique agit sur les sentiments. Il y a une musique qui inspire la vertu, une autre qui corrompt les mœurs. Comme dans la Grèce antique, les chinois estiment que la musique fait partie de la morale.
· Le fondement de la musique est l'harmonie de toute la nature. Intimement liée aux rites dont elle est inséparable, l'harmonie embrasse le ciel et la terre, exprimant les relations du Ying et du Yang. La musique est associée au ciel, à la lumière, au principe mâle, au Yang; les rites à la terre, à l'obscurité, au principe femelle, au Yin.
"La musique recherche l'harmonie. Elle est associée aux plus hautes valeurs spirituelles: elle est du domaine du ciel. Les rites tendent à percevoir les différences, ils sont du domaine de la terre. C'est pourquoi les sages ont composé de la musique pour qu'elle puisse correspondre au Ciel et qu'ils ont institué les rites, pour qu'ils correspondent à la terre. Ainsi, quand les rites et la musique se manifestent en toute perfection, le ciel et la terre sont en parfait accord."
· La musique n'est pas faite pour exalter les passions, mais pour les modérer. Ce qui importe, c'est la pensée qu'elle exprime et non la sensation qu'elle donne. Par la musique, l'humanité se rapproche de la sagesse.
· Les cinq notes de la gamme pentatonique s'intègrent aux cinq éléments (terre, métal, bois, feu et eau), aux cinq directions de l'espace (centre, ouest, est, nord et sud), aux cinq planètes (Mercure, Saturne, Jupiter, Mars et Vénus) et aux cinq couleurs (jaune, blanc, bleu, rouge, noir).
Et pour illustrer cela, voici les chants de la prière du matin au temple bouddhiste de Hong Fa, à Shen Zhen :
07:28 Publié dans 52. Théorie de la musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique orientale, chine, cérémonie, liu, gamme, pentacorde | Imprimer