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31/08/2011

Vacances 1 : premier jour

 

Un coin de jardin où seul un arbre mort pointe ses branchages vers un ciel lourd de nuages, vision d’hiver qui introduit un décalage subtil entre la réalité et ce réveil dans une maison inconnue, mais accueillante. Je sortis du lit, impatient de m’éclaircir l’esprit et de humer un contexte nouveau. Après m’être fait une tasse de café, je m’installais dans le jardin, sous ce ciel nuageux, dans cette atmosphère lourde, ponctuée au loin de quelques grondements de tonnerre diffus.

En sortant je perçus cette odeur spécifique des bords de mer (comme l’odeur propre à chaque être humain lorsque l’on franchit le pas vers une certaine promiscuité), pas réellement des émanations d’iode, trop lourdes et capiteuses pour être appréciées par les gens de l’intérieur, mais plutôt une odeur de poussière-sable chaud-vignes folles-écume des flots. Elle revint à ma mémoire et m’ouvrit les perspectives d’un passé révolu, cris d’enfants, extase des rochers sous lesquels un malheureux crabe se réfugie « Il mord ? », disent-ils, en avançant la main sans jamais aller jusqu’au bout de leur geste. « Prenez-le, prenez-le ! »  Alors vous vous lancez dans une entreprise difficile, prendre un crabe par le haut de sa coquille sans vous faire mordre par leurs pattes à pince très mobiles. « Oh, qu’il est beau, on l’emmène », vous disent-ils et vous devez le déposer dans le seau qu’ils ont rempli d’un peu d’eau avec une poigné de sable frais au fond pour lui faire un nid.

Assis dans le jardin, regardant les moutons courir dans le champ du ciel, rêvant sans bien savoir à quoi, simplement préoccupé de respirer cet air vivifiant et chargé de souvenirs, je vis deux tourterelles gris cendrés se poser à deux mètres de moi sur la pelouse, à un endroit où l’herbe manquait par l’usure des piétinements ou par absence de volonté. Elles étaient plus petites que les pigeons des villes, plus menues et fragiles, mais au caractère bien trempé, avançant fièrement et balançant leur cou à chaque pas comme pour approuver leur décision et montrer leur détermination. Dès qu’elles trouvaient une graine ou un petit caillou rond pour broyer celle-ci dans leur estomac, elles se penchaient avec élégance et les saisissaient d’un bec rapide comme une main hâtive s’empresse de saisir un objet convoité. « Comme il est curieux que ces oiseaux n’aient qu’une préoccupation : manger, manger encore, manger toujours ! », me dis-je, sachant que cette affirmation exagérée était quelque peu mensongère. « Ne sommes-nous finalement pas également dépendants de la nourriture, certes de façon moins prononcée, mais c’est un lent cheminement que celui de l’animal à l’homme, très certainement marqué par un certain détachement des besoins primaires du corps pour s’enquérir des questions de l’esprit. Oui, la spécificité de l’homme tient à ce détachement du nécessaire pour s’élever vers d’autres cieux ou d’autres préoccupations. »  Et d’un battement d’ailes, les tourterelles prirent leur envol, brisant ces réflexions incongrues un premier matin dans l’île.

Une dernière impression : la tiédeur d’une brise, comme une caresse douce, remontant le long du corps pour s’évanouir plus loin, vous laissant une réaction agréable, mais indéfinissable, de sensations passées et de bonheur diffus. Cette manière de vous caresser lentement, comme une plume sur l’avant-bras, est spécifique à ce lieu. « Ah, ça y est, je suis revenu au pays ! », me dis-je, plongé à nouveau dans l’atmosphère doucereuse de ces journées d’été, où la chaleur crée un bocal de sensations diverses, lascives, ensommeillées et enfantines. C’était la même brise que celle des régates du quinze août, lorsque vers midi, quand la course bat son plein, le vent se calme en un instant et ne laisse plus traîner que quelques souffles pervers et désordonnés pour emporter de quelques mètres le voilier qui s’endort dans les vaguelettes et se laisse déporter par le courant. Alors, à bord, s’installe la torpeur de ces jours de soleil et peu à peu elle se propage par contamination à l’ensemble de l’équipage, jusqu’au moment où le capitaine s’écrie : « Le vent… Il revient, tenez-vous prêts ! »

 

 

30/08/2011

Loup, je m'appelle

 Dédié à un petit garçon qui est fasciné par un prénom inhabituel :

 

Loup, je m’appelle et carnassier je suis

Où donc mes parents ont-ils pêché ce prénom ?

Pourtant comme il est doux ce nom

Doux comme le hibou, piquant comme le houx

Cela fait de moi un être à part

Qui fait rêver les enfants et les fées

Parce que toujours dans leurs songes

Ils me voient terrifiant et innocent

Je suis l’homme des peurs ancestrales

Qui ouvre au mystère des contes

Où l’animal maudit se délecte de lutins

Pourtant rien ne m’avait prédestiné

A devenir un objet de rêverie

J’avais la tête sur les épaules

Comme tout vivant d’aujourd’hui

Mais ce fut un grand malheur

Le jour où l’on cria au loup

Me rejetant, seul, dans les limbes

Des souvenirs d’enfance à petites peurs

Je suis celui qui sert à l’inventeur d’histoires

Parce qu’il a toujours un événement

A conter, pour provoquer l’hilarité

Ou la crainte ou la pitié ou peut-être

L’indifférence des bien-pensants

Voilà quelle est ma vocation

Devenir l’œil invincible qui lit

Au travers des autres et voit dans leur regard

La curiosité insatiable du pou

Devant le bijou tel un caillou

Ou un joujou sur le genou

Que le hibou viendra saisir

Comme un chou, fleur de la vie

Quel chou de hibou, ce Loup !

 

 

29/08/2011

Paradoxe de la gaité

 

Paradoxe de la gaité : elle rend triste quand on en a perdu l’objet. La joie n’a plus d’objet particulier. Elle se nourrit de tout. Elle est l’objet.

 

L’école de la joie est une école de juste milieu.

 

28/08/2011

L'écriture : la parole de Dieu en nous

 

         L’écriture est mystère, mystère de la Parole de Dieu. Elle est mystère parce qu’on ne peut la saisir dans sa totalité et qu’elle possède une multitude de sens. Elle est mystère parce qu’elle est parole vivante qui s’adresse à moi-même, au plus profond de moi-même, à travers les personnages et les événements qu’elle raconte. Elle est mystère enfin parce qu’elle permet l’Incarnation du Verbe au plus profond de chacun de nous s’il accepte de s’ouvrir.

 

         Le mystère des sens de l’écriture

 

Avez-vous songé aux différents commentaires que vous avez entendus sur un même épisode de la Bible. Chacun d’eux exprimait une certaine vérité contenue dans cet épisode. Mais vous n’avez jamais entendu un commentaire qui épuisait tout ce qui peut être dit sur cet épisode.

         Si l’explication de texte telle qu’on apprend à la pratiquer à l’école, en se référant à la biographie de l’auteur, à son milieu, à la civilisation dans laquelle il évoluait, peut apporter des divergences entre les commentateurs, elle n’en aura pas moins une grande base de similitude pour un même texte. En fait l’explication de la Bible va plus loin qu’une simple explication de texte, même si l’exégèse actuelle a tenté de rationaliser l’étude de l’écriture en se référant à diverses méthodes d’analyse : critique historique, analyse structurelle, analyse marxiste même, ou encore psychanalytique. Oui, les commentaires vont au delà, parce que la Bible est plus qu’un simple récit événements historiques qu’un simple traité de sagesse ou même qu’un simple recueil de préceptes moraux tels qu’ont pu en décrire les grecs ou les romains. Ils vont au delà parce que la Bible contient différents sens, les uns apparents, les autres cachés.

 

         Origène (185-253), génie du christianisme naissant, discerne dans l’écriture trois sens. Parce qu’elle est tout entière accordée au salut de l’homme, comme l’homme, elle a :

. un corps, donc un sens corporel qui est l’histoire,

. une âme, donc un sens psychique qui tire une morale,

. un esprit, donc un sens spirituel qui introduit à la mystique.

Pédagogue, il compare l’évangile à une amande :

 

  « L’écorce amère, c’est la lettre qui tue et qu’il faut rejeter. La coque protectrice, c’est l’enseignement éthique, qui suscite, comme un nécessaire chemin d’approfondissement, une ascèse de purification et d’attention. Alors on parvient au noyau spirituel, qui seul compte, et qui nourrit l’âme des mystères de la sagesse divine.

 

         Le premier visage (de l’écriture), celui de la lettre, est assez amère. Il prescrit la circoncision de la chair, règle les sacrifices et tout ce que signifie la lettre qui tue. Rejette tout cela comme l’écorce amère de l’amande.

         En second lieu, tu arriveras aux défenses de la coque, qui désigne l’enseignement moral, l’obligation de la maîtrise de soi : ces choses sont nécessaires pour protéger ce qui est conservé à l’intérieur, mais elles doivent être brisées et ont trouvera enfermés et cachés sous ces enveloppes les mystères de la Sagesse et de la connaissance de Dieu qui restaurent et nourrissent les âmes des saints.

         A travers toutes les écritures se dessine ce triple mystère.

Origène

9° homélie sur les nombres, 7

 

  Ainsi va se préciser, d’Origène à Cassien et Grégoire le Grand, la doctrine des quatre sens de l’Écriture. Quatre, car le sens moral, souvent déjà chez Origène se dédouble, désignant non seulement l’enseignement ascétique de la Bible, mais la vie du Verbe de Dieu dans l’âme.

  On distinguera donc, comme l’a admirablement montré Henri de Lubac dans son « Exégèse médiévale : les quatre sens de l’Écriture », le sens historique ou littéral, le sens allégorique ou typologique, le sens topologique ou moral, le sens anagogique ou mystique. Cette lecture contemplative de la Bible nourrira longtemps, en Occident, une théologie spirituelle qui résistera à la théologie scolastique. »

Olivier Clément

Sources, p.91

 

         Remarquons cependant que cette distinction des quatre sens reste théorique. Origène lui-même suit presque toujours un autre ordre : du fondement historique, il passe au mystère chrétien vu dans toute son ampleur : à l’Église, à l’Évangile éternel. Ensuite, il revient à l’âme individuelle, et le sens moral est alors, lui aussi, spirituel, christologique, ecclésial, sacramentaire.

 

         Disons simplement que l’Écriture derrière le sens premier, apparent, celui de la lettre, qui raconte une histoire, un événement ou donne une leçon de comportement, révèle un deuxième sens, caché, plus profond, celui de l’esprit, esprit du texte au delà des mots bien sûr, mais surtout Esprit de Dieu qui se manifeste.

 

       Dieu est Esprit. Nous devons entendre spirituellement ce que dit l’Esprit. « Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et Vie ».

Origène

Hom. Lev.  4

 

         Percevoir l’esprit du texte, c’est comprendre qu’il s’adresse à moi personnellement. Laisser l’Esprit se manifester, c’est se  laisser façonner par la parole qui alors devient vie.

 

 

         L’Écriture : histoire de Dieu en moi

 

         L’Écriture est bien une histoire, mais c’est une histoire en acte. Elle est mouvement. En fait, lire la Bible, c’est récapituler en soi-même toute l’histoire du salut. C’est comprendre que chaque histoire qui y est racontée, est mon histoire, ou plutôt que chaque histoire est l’histoire de Dieu en moi.

         La Bible est l’histoire du développement de la vie spirituelle de tout homme. Je découvre dans la Bible ma propre histoire, celle de mon être profond qui cherche à découvrir la vérité à son sujet et au sujet de son rapport avec Dieu et avec le monde. J’y découvre par là même l’histoire de celui qui, en moi, trahi par ses sens qui lui font croire que la seule réalité est extérieure, exerce sa volonté à lutter contre Dieu, c’est-à-dire contre la perfection qui est en lui. Par histoires répétées, la Bible, et en particulier l’Ancien Testament, décrit le voyage volontaire de l’homme dans l’esclavage, celui qu’il s’impose en choisissant de vivre dans une vision du monde séparée de Dieu.

 

         La Bible conduit donc à la découverte de soi. Elle est l’histoire de ma vie. Histoire de ma vie sur le plan extérieur, c’est-à-dire de mes réactions aux événements, mais aussi histoire de ma vie sur le plan intérieur, c’est-à-dire des différents personnages qui existent en moi, des pensées en permanence engendrées par mon mental et même de mon inconscient. Enfin, elle est histoire de l’esprit qui existe en moi, au delà de toute pensée.

         Par la lecture de la Bible, nous découvrons la fausseté de notre vie intérieure. Nous découvrons que ce sont nos pensées qui engendrent notre bonheur ou notre malheur, que c’est notre vie intérieure qui façonne notre vie extérieure et les événements qui nous arrivent. Nous découvrons que le secret de la vie est en nous, dans ce qui se passe dans notre mental.

 

 

       Tout comme la semence minuscule qui produit une grande plante, la pensée semble insignifiante comparée à l’expérience extérieure qui souvent est exagérée. L’esprit subconscient, médium créatif de la vie, agit par sentiment, et il est dépourvu du sens de l’humour. Il reçoit, tel un ordinateur, ce qui lui est donné et se met à l’œuvre pour produire ses effets semblables aux semences-pensées qui lui sont données.

Cette semence plantée dans l’esprit va germer et porter ses fruits, nourrie par la quantité de sentiments qui l’accompagnent. Je ne puis pas plus vous dire comment cela se fait, que je ne puis, en ouvrant une graine, y voir la force-vie.  Je sais seulement qu’elle est là et que la loi de la vie travaille sans cesse à reproduire la semence implantée dans me terrain créatif de l’esprit.

Jack Ensign Addington

Les mystères de la Bible

(Ed; du Dauphin p. 19)

 

        

        

27/08/2011

Le soleil éclairait la nuit d’encre

 

Le soleil éclairait la nuit d’encre
Des mâts de la mer indivisible

Au creux des rochers sanglants
Se perdent ses rayons d’enluminure

Les pins s’échappent vers l’azur léger
Où les mouettes blanches épanchent leur griserie

Les vagues dorment au sein des terres
Alourdies par la pesanteur de l’homme

Les toits gris d’ardoise des maisons
Oublient leur blancheur de sel et de vent
Pour blêmir dans la brume des soleils trop vivants
Qui couvrent les herbes de tiédeur morose

La fin des matins sur la mer
Pointe son triste clocher de pierre

Une cloche sonne, puis deux, puis trois,
Auxquelles répondent les coups sourds
Du travail des eaux sur les coques de bois

 

26/08/2011

Une femme douce, film de Robert Bresson

 

Voir :

 

http://www.youtube.com/watch?v=68350YcASZo

 

http://www.youtube.com/watch?v=TlQMeqr6zrA&feature=related

 

http://www.youtube.com/watch?v=tRP1Ud_wVTk&feature=related

 

http://comediennes.org/video/dominique-sanda-une-femme-douce-robert-bresson

 

L’histoire est simple : un homme achète une jeune étudiante et en fait sa femme. Mais ils n’ont rien à se dire. Il croit qu’elle le trompe, elle pense à le tuer. Ils en viennent à faire chambre à part. Elle s’envole par la fenêtre et se tue.

 

Une-femme-douce-robert-bresson 1.jpg

 

 

Inspiré du récit de Dostoïevski, transposé à notre époque, le film recèle la même atmosphère oppressante et froide. Ce malaise, fait de dégout et de gène, donne parfois envie  de sortir de la salle. Rien ne vient distraire le réalisme du récit : images du regard quotidien, sans poésie, sans artifices sentimentaux, le film en devient même un peu sec, trop journalistique et ne pénètre pas l’âme des personnages, si ce n’est par les faits racontés par le prêteur à gages.

 

 

Une-femme-douce-robert-bresson 2.jpg

  

Est-il possible d’aimer ainsi sans aucune manifestation extérieure, même envers l’être aimé ? Pas un signe, pas une parole, pas un geste (si ce n’est ceux de l’amour charnel), seule une attention matérielle sur les objets qui l’entourent.

L’amour ne s’achète pas, même avec les meilleures intentions.

 

 

25/08/2011

Grandeur et misère de l’homme

 

L’homme, dans la contemplation intérieure de son propre corps, peut accéder à la compréhension de sa grandeur et de sa misère.

Il peut saisir sa grandeur par le fait que son corps est un univers à lui seul, qu’il constitue un tout indépendant par son physique et sa pensée du reste du monde. Mais cette vision le mène à la compréhension de sa misère par le fait même que tout serait néant sans le monde.

L’homme est l’exact intermédiaire entre le néant et l’infini et, par cela, il est partagé entre le bien et le mal. Il est heureux pour lui que Dieu n’est pas permis qu’il ait connaissance de ce qu’est le néant et l’infini, car seule cette méconnaissance lui permet de vivre.

La difficulté d’être ne vient qu’avec l’intuition de ces deux extrêmes. Cette difficulté est un premier pas vers l’accomplissement. Mais quel chemin à parcourir.

 

 

24/08/2011

Ennemonde et autres caractères, de Jean Giono

 

Une fois encore, et dans le même ravissement, Giono nous fait pénétrer dans ce monde métaphysique de la Haute Provence, là où les routes font prudemment le tour du pays, où un homme doitCouv Ennemonde-et-autres-caracteres 2.jpg faire dix kilomètres à pied pour rencontrer un autre homme. Terre primitive, très proche de la virginité, elle nourrit l’homme de sa solitude et l’oblige à se conformer à elle.

Les personnages sont des figures de légende, d’Ennemonde à Honoré, en passant par Clef des cœurs et bien d’autres. Ils vivent dans une métaphysique concrète où tout est poussé à l’extrême. L’amour dans ce pays est une nécessité biologique ou une folie éternelle.

 

Giono écrit : « Cette façon de procéder réaliste semble au premier abord mal s’accorder avec le fait qu’ils habitent un pays où la vie ne subsiste qu’avec une constante alimentation d’irréalité. Mais c’est que la réalité poussée à l’extrême rejoint précisément l’irréalité. Aller droit aux choses, c’est accepter leur magie ».

 

 

23/08/2011

Jacky Terrasson et Michel Portal à l’amphi jazz (7/7)

 

http://jazznrockcommunay.blogspot.com/2010/10/michel-portal-jacky-terrasson-lamphi.html

Pour accéder au morceau décrit, joué au piano par Jacky Terrasson et à l’accordéon par Michel Portal, allez directement à la fin du premier morceau. Vous verrez apparaître les sept improvisations proposées, choisissez le 7/7.

 

Quelle belle promenade dans l’imaginaire, une promenade de sons et de souvenirs, comme une chanson qui vous trotte dans la tête et dont on ne peut se débarrasser. Et vous marchez, vous marchez, sans discontinuer, vers un avenir inconnu, mais plaisant, fait de paillettes et d’arbres de Noël.

Et pourtant, au-delà de ces impressions échevelées, on perçoit une telle intensité d’expression et de mélancolie que l’on se penche sur un passé défunt et qu’immanquablement remontent en vous les souvenirs de jours pluvieux, où vous êtes parti vous libérer l’esprit dans une ville inconnue que vous découvrez au fil des pas, un peu glauque, mais si nouvelle, tellement fraîche, que vous en sortez rasséréné, repu, le cœur en fête.

Promenade indolente, tu m’as fait du bien, en remuant des souvenirs oubliés, comme on soulève la poussière dans un grenier alors que l’on tente de retrouver les vieilles photos, fanées, de jours d’enfance, quand la vie riait dans les yeux innocents que vous aviez.

 

Mais si vous avez le temps et que cette musique vous enchante, vous pouvez aussi écouter le 6/7 et les autres. Ce sont des moments de bonheur.

 

 

22/08/2011

Le geste plein d'espoir

 

Le geste plein d’espoir
Nous avancions sur la grève rocailleuse
Entre l’air et l’eau, vers le ciel et la mer
Accompagnés des cris hostiles des oiseaux
Nous trébuchions sur le sol visqueux
Et tes pieds nus s’enfonçaient dans le granit
Nous devions ensemble tirer dessus
Pour les ressortir gris et poisseux
Et je les essuyais avant de repartir
Le ciel était descendu sur l’horizon
Jusqu’à toucher nos fronts de sa voute poussiéreuse
Et nous nous courbions un peu plus sur la pierre
Escaladant avec peine de grosses roches gluantes
Qui gémissaient à l’atteinte de nos ongles crispés
Ta main parfois m’enserrait la taille
Je goûtais la morsure de tes doigts sur ma chair
Qui faisait tressaillir les muscles
Nous marchions depuis le matin, sans nourriture
La langue sèche, l’œil fiévreux
Et le soir ne voulait pas tomber
Où d’ailleurs aurions-nous pu nous étendre ?

 

21/08/2011

L'opération

 

Lumière et transparence. La simple humilité des gestes pour un malade. Ce qui est essentiel : la lumière, les instruments, la table, l’opérée, la volonté du chirurgien.

Un sujet amusant, dessiné en quelques instants, qui mêle le psychisme au physique. Qui est le plus fou : la malade ou le chirurgien ?

11-04-16 EdC L'opération red ©LF.jpg

 

20/08/2011

Champ d’honneur, marche funèbre de Michel Portal

 

Ecoutez :

http://www.youtube.com/watch?v=wIqmdi38_90&feature=related 

 

Cela commence par une marche funèbre presque classique, très simple, ré bémol, puis mi bémol, et le fa, note tournante de la mélodie puis à la sixte, ré bémol, et redescendre chaque note de la gamme de ré bémol majeur, lentement, dépasser le fa pour descendre jusqu’au ré et remonter au fa, pour renouveler le cycle avec le même rythme. Et cela donne une magnifique marche, lancinante, émouvante, qui va servir de toile de fond sonore aux développements du saxo. Celui-ci personnifie la douleur : cris, pleurs, exprimés de différentes manières, des cris du dauphin, sous l’eau, au rire de l’éléphant à travers sa trompe (oui, çà trompe énormément) jusqu’à l’échelle des notes de manière très classique, comme un retour vers la mélodie de fond, c'est-à-dire la marche funèbre.

Et tout ceci engendre une très belle marche funèbre, certes différente de celle de Chopin, mais tout aussi prenante et poignante.

C’est tout l’art de Michel Portal, un grand musicien.

 

 

 

19/08/2011

Certes, l’herbe est plus verte

 

Certes, l’herbe est plus verte lorsqu’il pleut, mais le ciel est plus noir. Les gouttes tombent une à une et sordides, mais c’est un rideau qui frôle nos yeux et mouille nos cils.

_ Madame, votre cœur est léger !
_ Tu me diras, Monsieur, ce qui est préférable,
Un cœur lourd de maux inconnus
Ou la légèreté de l’insouciance.
_ Sais-tu, maudite, que tu me feras mourir.
Regarde dans le miroir tes longs cheveux.
Ils couvrent tes épaules d’or
Et moi, je n’ai qu’un peu de laine.
Regarde encore ta bouche,
Une fontaine de bonheur
Qui ne sait que dire oui
Et qui pourtant connaît le non.
_ Tais-toi, le printemps est là.
Pense aux fleurs, aux oiseaux,
Pense aux trois sabots qui courent
Le long des routes acerbes.
Le soleil caresse ton ventre
Et la serpe te court sur le dos
Pour fermer le battant de la mort.
Regarde comme est beau l’azur
De ton cœur, du mien et du ciel.
J’ai perdu des ans à chercher
Ce que je trouve aujourd’hui.
Et tu ne m’as pas dit
Comment je pourrai le faire :
Prendre un verre d’eau et du pain
Et pleurer dehors le soleil qui part.
Jusqu’à ce qu’un jour,
Je vis, seul, le soleil apparaître
Derrière la grotte où je dormais.
Alors tu es revenue de là-bas,
Là-bas dont je ne savais rien,
Sinon que tu m’oubliais peu à peu
A courir après une mort incertaine
Qui ne semblait pas vouloir de toi.
L’herbe était blanche comme l’eau,
Mais il faisait bon s’y étendre
Pour pleurer son bonheur
Avec tous les efforts nécessaires.
_ Ma belle, tu parles sans réfléchir.
Tu crois toujours trouver
Ce qu’en fait il n’y avait pas à chercher.
Viens, que nous visitions notre royaume.
Il fait quatre pieds de long
Et sa largeur n’en fait pas plus de trois.
Mais c’est tout un continent qui s’écoule
Doucement sous nos pas attendris,
Pour dévoiler ce qu’il nous avait caché :
Des rivières aux eaux ronflantes
Qui sentent la fraicheur des nuits,
Du sable d’or isolé dans les herbes
Qui gardent la chaleur du jour,
De longs fruits rouges qui pleurent
Pour nous laisser boire,
De longues grappes d’oriflamme
Pour éclairer nos jours heureux.
_ Monsieur, vous ne faites que me dire
Que tu n’écoutes que ton cœur
Sans entendre les paroles de ma bouche.
Tu parles et tu ne sais
Quelles sont les règles d’or du miroir
Où se cache la clarté du bonheur.
Cherche la vie sans voir la mort.
Regarde la mort sans voir
Ce qui la rend triste à mes yeux.
Des trésors te tendent les bras
Tous les jours en tout lieu
Sans que tu te rendes compte
De ce que tu peux prendre.
Ensuite tu ris, aussi niaisement
Que d’autres pleurent la mort d’une souris
Qui avait l’habitude de courir sur leur lit
Et de grignoter les restes de leur barbe.
Tu ris sans savoir la triste concession
Que j’ai dû faire pour m’occuper de cela.
J’ai quitté ce que j’aimais à jamais,
La tranquillité d’une douce chaleur
Et la sûreté des montagnes isolées
Où seul le vent hurle contre les loups,
La griserie des descentes dans le froid
Et la chute des fééries blanches.
_ Adieu, Madame, mon cœur est las
D’écouter vos amours sans savoir les choisir.
Pour moi, je reprends mon indépendance
Faite de premières visions et de nuits.
Le reste, je l’ai vu pour toujours
Sans envie de refaire l’expérience.
Pourquoi abandonner l’espérance ?
Pourquoi me dire que jamais tu ne reviendras ?
Ta vie est faite de longs trous noirs
Que tu aimes pour leur quiétude,
Mais qui ne sont que des vides où se perd
Pour longtemps ce qui m’a charmé en toi.
Abandonne-les pour t’ouvrir à l’air du temps
Qui puise sa force dans la mer et les cieux,
Qui l’emporte au dessus des terres pour pleurer
Et tromper de leurs larmes l’humanité
Qui s’imagine noyée dans ses longues rivières.
_ Où m’emmènerais-tu, toi dont j’ai tout attendu,
Dont j’ai recueilli la chaleur sur ma joue,
Qui m’a donné la ferveur et la joie.
Tu voudrais me montrer le monde
Où les jours durent comme trois nuits
Et les nuits sont sans moyen de voir
Où me mènent les autres voies.
Regarde où va le monde qui dort.
Les yeux fermés, il tourne
Sans jamais perdre son équilibre,
Bien que toi, tu ne sentes que la chaleur
Des terres chauffées par l’astre central.
Ta tête tourne sans arrêt
Et ton cœur reste seul à jamais.
J’ai espéré longtemps voir un jour
Les longues marches des déserts inconnus
Où se cachent les êtres amassés
Par nos soins dans des trous profonds.
Nous fuyons ceux-ci pour l’entassement
Dans un bloc de pierre et de fer
Façonné par nos soins, sans cependant
Avoir la forme que nous avions voulue.
Regarde aussi derrière toi
La longue misère des trois faunes
Qui couraient sans cesse
Dans le feuillage de la vie alanguie,
La longue tristesse des grands bras
Qui s’élèvent pour pleurer
Les atours qu’ils passent dans leurs doigts
Et les laines précoces qui poussaient
Sur le dos délabré des brebis.
La route est longue vers la mer,
Celle des grandes vertus
Qui courent le long des eaux
Sans jamais trouver un moulin
Qui pourrait tourner pour elles.
Tu cherches aussi comment admettre
Que les stigmates de la grandeur
S’élèvent plus haut que les monts
De la guerre et de la paix réunies
Pour trouver ensemble
Ce qu’ils ne peuvent donner séparément.
C’est le problème de la magie naturelle :
Perdre à la guerre les bagues de la paix
Ou donner pour la paix
Ce que la guerre ne leur avait pas demandé.
Pourquoi crois-tu que je sois encore là ?
Car je pourrais fuir ce chêne
Qui abrite les regards de notre conversation
Et nous permet de perdre
Nos paroles sous la voûte
Je veux te convaincre qu’il n’est pas toujours facile
De se perdre dans la forêt de la sérénité
Pour devenir sourd et assombri
Par le silence qui martyrise.
Pourquoi fuir devant l’autre,
Se perdre parmi la solitude
Du désert au soleil vert et cru
Où, seuls êtres vivants, se perdent
Les oiseaux aux ailes longues et limpides.
L’homme est nécessaire à l’homme,
Comme il est nécessaire à l’anthropophage
Qui coure longtemps pour attraper
Une nourriture céleste pour lui.

 

18/08/2011

Perspective inversée 1

 

Et si nous inversions la perspective, ce qui signifie qu'au lieu de se fermer sur un point au plus loin, elle s'ouvre à partir d'un point issu de notre regard. C'est le cas de la peinture des paysages des icones dont les perspectives sont inversées.

En dessin cinétique, cela donne cet agglomérat qui peut être lu dans les deux sens d'une vision en trois dimensions : ligne de fuite ou ouverture. Au centre, la rencontre des mondes.

 

peinture, dessin, op'art, art cinétique

 

 

17/08/2011

Hier, j’ai joué avec des enfants

 

Hier, j’ai joué avec des enfants.

Une odeur d’amertume m’en est restée.

J’ai perdu le pouvoir de la naïveté,

J’ai tenté mille fois, patiemment,

De plier ces machines de papier

Qui volent de leurs ailes déployées.

Mais il leur manquait le souffle

Transmis par les pouvoirs de l’enfance

Pour voir dans l’univers de la petite pièce

Planer la feuille de papier pliée.

Aurais-je déjà revêtu malgré moi

Le masque figé des adultes

 Et perdu les sortilèges enfantins ?

Serais-je devenu cet homme dur,

Au regard fixé sur les mots,

À la parole sûre et au geste incertain,

Celui que tu reconnais de loin

Pour l’assurance de ces affirmations.

Je me rappelle ces jours d’enfance

Où un sourire avait le poids de l’or,

Où un baiser éclairait la journée,

Quand une cabane devenait un palais

Et une poupée l’objet d’attendrissement.

Pourtant il me semble bien encore

Que derrière ton sourire de petite fille

Se cache un cœur d’enfant fragile

 Et que mon âme suspendue à ton rire

Conserve la vertu des premières naïvetés.

Je suis, devant toi, les mains tendues,

Un petit garçon qui s’émerveille

 

 

16/08/2011

Nous te saluons, ô Mère

 

Au lendemain de cette fête de l’Assomption de Marie, reprenons ce très beau texte de Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109), canonisé en 1494 et proclamé docteur de l’Eglise en 1720. Théologien mystique, il tente de concilier raison et foi. Il énonce l’argument ontologique de l’existence de Dieu. Son œuvre est largement inspirée de Platon et Saint Augustin.

Relisons ce très beau texte de Saint Anselme et pourquoi pas chantons-le. Le chant permet d’entrer dans le texte par l’intérieur, de le comprendre, de le méditer et, finalement, d’entrer dans le mystère de la mort du temps pour la vierge Marie.

 

nous te saluons.pdf 

 

15/08/2011

En fin d’après-midi

 

En fin d’après-midi, sur une envie subite, prendre la voiture et partir vers l’inconnu, sans savoir où l’on veut aller, se perdre aux détours des routes, regarder le ciel et y voir le signe de tourner à gauche ou à droite. Quel bonheur que ce délassement facile qui nettoie l’esprit mieux qu’une visite impromptue ou l’obligation de se trouver quelque chose à faire.

Chercher ses clés et ses papiers, fermer la maison, jeter un œil aux bulles nuageuses et maussades, ouvrir la portière, s’asseoir et prendre la route du rêve et promener son indolence et laisser progressivement une douce torpeur vous envahir sans que l’on sache pourquoi. Oui, vous êtes déjà parti, sans en avoir été conscient, emporté par un faiseur de songes, à petite vitesse, l’œil élargi, attentif à tout ce qui pourrait retenir votre attention : un lapin dans le champ d’en face, la nouvelle automobile d’un voisin, le cri d’un faisan qui s’envole majestueusement devant vos roues, le passage d’une femme dans la rue, les bras chargés de fleurs. Et chacune de ces images évoque en vous d’autres images, floues, en lien ténu avec l’objet regardé, mais qui vous emplissent de bien-être. Peu à peu, vous sentez monter en vous la liberté des jours de vacances en un pays ignoré. Vous vous allégez et découvrez un espace intérieur vierge, indifférent au quotidien, mais très présent à un monde oublié, celui de la magie de l’étonnement d’un rien et d’une joie vierge de tout souci.

Alors, vous en faites part à celui ou celle qui vous accompagne,  avec des mots très simples, sans littérature, et vous partagez ce moment capital : flotter dans l’espace éthéré et intemporel que procure l’habitacle de votre véhicule qui lui-même vous entraîne en des lieux devenus inconnus. C’est bien sûr quelqu’un que vous connaissez bien, sinon pourquoi partir avec lui dans ce voyage intemporel ? S’il s’agit de l’aimé(e), vous êtes comblé(e) doublement puisque ces instants resteront des jalons de fusion fondés sur un presque rien qui devient un trésor partagé.

Puis, vous prenez imperceptiblement le chemin du retour, par des voies détournées, vous rapprochant insensiblement du retour aux réalités, et vous rentrez rasséréné, léger, comme un fantôme dans une maison à laquelle il est attaché. Et le soir, dans votre lit, vous vous endormez, la fenêtre ouverte sur la réalité nouvelle d’un monde toujours à découvrir.

 

 

14/08/2011

Phylétique

 

« Considérée dans son ensemble, la Vie se segmente, en avançant. Spontanément, elle se rompt, par expansion, en larges unités naturelles hiérarchisées. Elle se ramifie. […]

Parvenu à un certain degré de liaison mutuelle, les lignées s’isolent en une gerbe close, impénétrable désormais aux gerbes voisines. Leur association dorénavant va évoluer pour elle-même, comme une chose autonome. L’espèce s’est individualisée. Le phylum est né. » (Pierre Theillard de Chardin, Le phénomène humain, éditions du Seuil, 1955, p.120.)

 

vie,peinture,gravure

 

Ces agrégations de croissance, comme les dénomme Theillard de Chardin, sont à l’origine des espèces. Chaque forme se sépare de la forme voisine, dans une complexification croissante, par modification de la forme ou par création de nouvelles sous-formes. Cette idée peut s’exprimer dans le déroulement de formes abstraites qui par leur dynamisme et leur élasticité, permet tous les degrés de complication.

 

 

13/08/2011

Josef Sima, peintre français d’origine tchèque (1891-1971)

 

« À partir de 1909, Sima est inscrit à l'École des arts et métiers et à l'École des beaux-arts de Prague. Il découvre alors la peinture impressionniste, la peinture fauve, la peinture cubiste et surtout Cézanne, qui aura sur toute son œuvre une influence durable. En 1920, il gagne la France, il se fixe à Paris et obtient la nationalité française en 1926.

Sa peinture, qui était à mi-chemin d'un fauvisme rude et d'un cubisme déjà teinté de surréalisme, connaît une courte période constructiviste après la rencontre de l'artiste avec Mondrian, Van Doesburg et les membres du groupe " l'Esprit nouveau " (1923-1925). Mais c'est à partir de 1926 que Sima commence à exprimer sa personnalité profonde, à chercher en lui-même et dans les souvenirs de ses visions privilégiées (la foudre, la forêt, la lumière prismatique, la clarté d'un corps féminin) les principaux éléments de son œuvre, qu'il reprendra tout au long de sa vie dans une incessante transmutation. Sima cesse pratiquement de peindre de 1939 à 1949. C'est en 1950 qu'il renoue à la fois avec la peinture et avec la nature, reprenant des thèmes anciens — plaines, rochers, forêts — mais comme épurés par une longue méditation. Au cours des années suivantes, il réalise une série de peintures présentant dans des espaces abstraits des formes géométriques primaires : triangles, polyèdres, cercles. Une rétrospective, organisée par  la Ville de Paris a été consacrée à l'artiste en 1992. » (Encyclopédie Larousse, from http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Sima/154420)

 

 

Corps de la nuit (1960)

Mariage du vert et du bleu clair et foncé. La transparence du bleu clair est obtenue avec un blanc mêlé de rose par endroits. De même dans la profondeur du bleu foncé (bleu de Prusse) est mêlé un rouge foncé donnant certaines teintes violacées qui se rapprochent du bleu clair comme une résonnance discrète, un écho lointain.

 

Extase ancienne (1957)

Mariage du vert et de l’ocre foncé. Sima procède en dégradation par plans successifs du vert foncé au vert blanc très clair, en passant par un vert bleuté clair. Ici aussi quelques plans sans profondeur, à arêtes multiples évoquent une forme allongée, vestige de la matière enfouie dans un désert de couleurs. Ces formes vert-noires semblent culottées par la dépose de la couleur environnante.

 

 Je n’ai pu trouver sur la toile les photos de ces deux magnifiques tableaux. De façon à cependant vous donner une idée de sa peinture voici une affiche reprenant une de ces toiles.

 

peinture, art abstrait

From: Blog Au dédale de la couleur : http://chantepeint.midiblogs.com/archive/2011/04/07/josef...

 

Ce qui importe pour ce peintre, c’est la perception de la transparence des choses. Pour lui, l’étalement de couleurs pleines, dans un style figuratif ou non, traduit les difficultés de l’artiste à s’échapper du monde matériel qui l’entoure et l’écrase. Englué, il noie ses impressions dans la masse sans en sortir. L’apparence est opaque et forme un voile de matière dont il faut se dégager. Au-delà, se cache la réalité supérieure englobant la matière et l’esprit. La matière est alors plus libre, plus mouvante, gérée par de nouvelles lois  physiques et devient énergie intérieure. Elle pourra alors élevée l’homme au-delà de son apparence. Le rôle de l’artiste est de dévoiler cette énergie interne et de la diffuser tout comme le scientifique crée l’énergie à partir de l’atome.

 Josef Sima recherche l’énergie par la forme (cubisme), la couleur (fauvisme), la forme et la couleur (abstrait pur partant de la réalité ou non.

Accéder à la réalité, c’est dévoiler l’apparence de la matière, découvrir la transparence de l’objet quotidien, de l’évènement de tous les jours. Cette réalité de la matière est voilée par l’opacité que lui donne notre regard habitué à la masse des objets. Notre pouvoir de préhension éduque le regard et par là même notre esprit. L’œil ne sait plus percer comme le doigt dans un liquide la surface de l’objet. Il faut repartir de l’idée que l’objet n’est solide qu’au toucher. Alors la forme perd de son opacité, s’affaisse, se dénude et dans la transparence découvre son essence. La forme se traduit alors pour le peintre par l’idée de la forme et non par son apparence visuelle.

 

 

 

12/08/2011

Spiritualité

 
 

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DECOUVERTES

 

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Solitude et partage

 

Chacun porte en lui la contradiction du désir de solitude et de la soif de partage.

Partage de la solitude, ce pourrait être le titre d’un livre, l’ébauche d’un rêve, une réclame de l’âme, mais c’est aussi la finalité de toute une vie.

La solitude est nécessaire à l’homme pour construire sa vision personnelle du monde. Ce sont des moments à privilégier, à condition de pouvoir et savoir les occuper. A quoi sert la solitude ? Méditer et créer. La méditation est l’interrogation ultime et permanente sur ses propres buts, non pas ceux que la société cherche à vous faire endosser, mais ceux que l’on désire vraiment pour soi-même. Il est complexe de pouvoir les identifier. On doit éliminer les faux buts, ceux dont l’objectif est de se créer une image réconfortante de soi, reflet de l’image que l’on cherche à donner aux autres. Au-delà, on doit identifier les buts personnels à rechercher, puis éliminer ceux que l’on ne pourra jamais atteindre parce que la vie et les circonstances font que nous n’avons pas la force, la compétence, l’expérience ou même simplement la volonté, de les mettre en œuvre. Alors il reste un trésor à faire bouillir doucement dans son moi profond comme un pot au feu qui mitonne au coin du poêle. Mais ce trésor, encore faut-il le mettre en œuvre !

La création est l’expression de notre vision intime du monde. Elle est variable dans ses domaines et son intensité pour chaque homme. Le facteur Cheval est un exemple de cette force de conviction que donne la création d’une œuvre. Mais tous les grands artistes, savants, entrepreneurs, politiciens qui ont su créer cette vision intérieure, on atteint le but de leur vie. Mais comment communiquer cette vision intime du monde ?

C’est ici qu’intervient le partage, un vrai partage, avec de vraies personnes, non pas les êtres dont le seul but est de masquer la peur de solitude par un verbiage permanent dans une mondanité superficielle ou encore par une réserve  révélant une incapacité à communiquer avec une certaine profondeur sous prétexte que les secrets intimes ne se partagent pas. Partager, c’est entrer dans l’intimité de l’autre, dans son être essentiel, pour atteindre cette dimension intérieure qui seule permet un accomplissement total de notre vie. Ce partage n’a rien à voir avec les rapports habituels des gens entre eux. Il ne s’agit pas de convaincre l’autre, mais d’exposer sa propre vision en sachant que la vision de l’autre est forcément différente et que c’est cette différence qui crée sa richesse. Alors, comme les eaux du fleuve se mélangent à la mer, on efface progressivement sa propre histoire, on perd de sa propre importance, et l’on communie au mystère du monde et de l’homme, du bout des doigts, avec modération, mais en pleine connaissance de cause.

Cette relation intime entre la solitude et le partage est le secret d’une vie pleine et entière, l’accomplissement du lien nécessaire entre le moi et le soi.

 

 

11/08/2011

Le reliquaire, chronique de Frantz André Burguet

 

« S’il nous est donné d’envisager sans désespoir le cours du temps, c’est parce que notre passé grandit à mesure que notre mort approche, que les souvenirs nous occupent et nous émeuvent. Reliquaire inviolable, notre mémoire fait pour nous ce que les musées ne sauraient faire pour les arts et les techniques : c’est qu’il n’y a jusqu’à notre mort aucun progrès possible en dehors d’un passé qui est éclairé après coup, mais déformé, mais trahi.

Le privilège de notre mémoire, Elia, c’est sa faiblesse, son infidélité, cette fausseté qui nous permet, en un passé formé à notre image, de vivre selon notre cœur. »

 

L’auteur nous dit qu’il s’agit d’une chronique. En effet, le récit est conté par l’intermédiaire de lettres non envoyées, de phrases inachevées, de notes sans suite, de fragments de journal. Celle-ci dépeint le drame d’adolescents qui éprouvent leur sensualité en la refusant.

Poétique recherche du souvenir d’heures merveilleuses, le reliquaire est formé des images que l’amour a façonnées au cours des heures de solitude et de rêve. Sans doute, le narrateur n’a-t-il pas vécu les heures qu’il dépeint avec la même force d’âme et la même sensibilité, mais la mémoire a le privilège d’abolir ces imperfections qui nous empêchent de réaliser la béatitude de certains moments.

Il nous reste de ces heures une étrange sensibilité mise à vif par l’impossibilité matérielle de les revivre dans leur réalité propre (et d’ailleurs elles nous décevraient), l’impression que donne un tableau de Corot ou un prélude de Chopin.

 

 

 

10/08/2011

Attente

 

Attente…

Du bout des doigts, ce tremblement léger
Une fièvre parcourt les veines

Le creux adouci des bras se teinte de crépuscule

Chaque bruit à la mesure d’une symphonie
Chaque regard d’un oiseau dans la nuit
L’oublie d’un pétale au fond des mains
La chaleur de nos pieds sur la terre mouillée

Ses doigts entrelacés de fleurs
Comme un feu d’artifice
Sont le soir le parfum de notre remord

Les diamants mouillés de la pluie
Ensevelissent de bijoux sa parure de cheveux

Les pieds écartelés dans la mousse de l’abandon
Nous écoutons ensemble la naissance de l’herbe

 

 

 

09/08/2011

Chant orthodoxe grec

 

Ecouter :

http://www.youtube.com/watch?v=FFFS2N_6iA8&feature=re... 

http://www.youtube.com/watch?v=5Z8qfKoUBKY&feature=re...  

 

v     L'évolution à partir du byzantin

Ø     De 1453 à 1600 : Période critique pour le peuple grec, elle est peu propice au développement de la musique religieuse.

Ø     De 1600 à 1830 : Le patrimoine musical de l'église grecque s'enrichit dans les centres musicaux de Constantinople, le Mont Athos, la Crête et les îles Ioniennes. Les chants sont basés sur les formules mélodiques byzantines, mais acquièrent certains éléments turcs.

Ø     De 1830 à nos jours : C'est à partir de cette date qu'apparaissent graduellement des versions harmonisées des chants traditionnels homophones.

 

v     Rapport du texte et de la mélodie

Le chant post-byzantin est étroitement lié aux paroles :

·        phrases mélodiques ascendantes : notions d'élévation, de ciel, de mont ;

·        phrases mélodiques descendantes : abîme, enfer, terre ;

·        modulation chromatique sur les mots exprimant un sentiment douloureux (mort,   damnation, maladie), dans les chants diatoniques ;

·        modulation diatonique dans les chants chromatiques où le texte comprend un mot exprimant la joie ;

·        brefs mélismes sur les mots-clés.

Cependant, le chant reste suffisamment impersonnel pour ne pas tenter de refléter l'émotivité implicitement suggérée par le texte.

 

v     L'harmonisation

On distingue :

·        une harmonisation reprenant l'harmonisation russe ou l'influence italienne : c'est une harmonisation à quatre voix ou les ténors chantent en tierce supérieure de la voix principale ;

·        une harmonisation devenue topique du chant orthodoxe grec : la voix principale est la voix supérieure, la seconde est à la tierce inférieure, la troisième termine l'accord à la basse.

 

v     Un exemple d’adaptation des mélodies grecques

  « Adapter sur les mélodies grecques de la liturgie byzantine une traduction en langue barbare n’est pas une nouveauté imputable à notre temps. Le même processus fut à l’origine du chant liturgique en langue slave dans les églises byzantines de Russie et des pays balkaniques, et le chant monastique de ces églises conserve parfois des mélodies encore très proches du chant grec, dans la mesure où celui-ci n’a pas subi d’altérations depuis le temps de l’évangélisation des salves.
Mais avant que les slaves ne puisent aux sources byzantines, c’et l’Occident lui-même qui, en ses liturgies hispanique, ambrosienne, gallicane et finalement romaine, utilisa les chants liturgiques de l’Orient syro-palestinien et byzantin. Les travaux récents de musicologues tels que Egon Wellesz et Michel Huglo ont montré l’étendue et le cheminement de ces influences, qui ne sont point un héritage de la période de transition (entre 360 et 380) au cours de laquelle l’église de Rome abandonna le grec pour le latin.
L’abbaye de Chevetogne, en Belgique, s’efforce de rendre ces sonorités insolites à nos oreilles, en les adaptant à une polyphonie relativement moderne. Jean Sakellaridis, en se ratachant à la fois à la tradition musicale byzantine et à l’harmonie européenne, a tenté, le premier, de purifier le chant liturgique grec des sonorités, d’ailleurs étrangères à sa nature, qui pouvaient heurter la sensibilité moderne occidentale. Cette rencontre, déjà œcuménique, de Sakellaridis avec l’Occident attendait une réponse, un geste de sympathie, de la part des occidentaux entre vers cet héritage que la Grèce mettait à leur portée. C’est le travail effectué par l’abbaye de Chevetogne et l’adaptation des mélodies grecques aux paroles françaises est chose relativement aisée. » (1) 

Bien sûr, les mélodies grecques, comme les modes byzantins dont elles sont directement issues, contiennent 8 tons aux tonalités et formules mélodiques différentes qui sont connues des chanteurs à tel point que les recueils musicaux ne sont que des aide-mémoires, l’importance étant toujours donnée à la parole plus qu’à la musique. Le chant est avant tout une lecture, expressive et harmonieuse, une déclamation.

L’harmonisation des mélodies grecques se contente  le plus souvent de trois voix maximum, et la mélodie se trouve à la première voix.  Elles peuvent être chantées à trois voix d’homme (ténor, baryton, basse), à deux voix de femme et une voix d’homme (soprano, alto et basse).

 

v     Les caractéristiques du chant orthodoxe grec

Voici les caractéristiques mélodiques et harmoniques du chant grec :

 

 chant orthodoxe grec tons 1 à 4.pdf 

 

Chant orthodoxe grec tons 5 à 8.pdf 

 

 

[1] Monastère de Chevetogne, liturgie byzantine, vêpres et matines, mélodies slaves et grecques, textes français, 1972

 

 

 

 

08/08/2011

Quatuor pour la fin du temps, d’Olivier Messiaen

 

« Lorsque j’étais prisonnier, et j’ai conçu et écrit ce quatuor pendant ma captivité à Görlitz en 1941, l’absence de nourriture me donnait des rêves colorés : je voyais l’arc-en-ciel en l’Ange et d’étranges tournoiements de couleurs. Mais le choix de l’ange qui annonce la fin du temps repose sur des raisons beaucoup plus graves.

Musicien, j’ai travaillé le rythme. Le rythme est par essence changement et division. Etudier le changement et la division, c’est étudier le temps. Le temps (mesuré, relatif, physiologique, psychologique) se divise de mille manières dont la plus immédiate pour nous est une perpétuelle conversion de l’avenir en passé. Dans l’éternité, ces choses là n’existeront plus. Que de problèmes ! Ces problèmes, je les ai posés dans mon quatuor.

Au nom de l’apocalypse, on a reproché à mon œuvre son calme et son dépouillement. Mes détracteurs oublient que l’Apocalypse ne contient pas que des monstres et cataclysmes. On y trouve aussi de silences et des adorations, de merveilleuses visions de paix. » (Olivier Messiaen)

Cette pièce comprend huit parties. Quelles impressions pour les trois premières ?

 

I- Liturgie de cristal

http://www.youtube.com/watch?v=PhQVX46ooro&feature=related

Commentaire de Messiaen : « Un oiseau soliste improvise, entouré de poussière sonore, d'un halo d'harmoniques perdus très haut dans les arbres ». La clarinette devient l’oiseau chantant, avec ses trilles et ses notes décalées. On perçoit bien une mélodie derrière ce chant sylvestre, mais on ne saurait dire en quoi elle se manifeste à l’esprit. En fait, c’est l’accompagnement subtil des trois autres instruments (Violon, Violoncelle et Piano) qui donnent la sérénité et l’harmonie du morceau. C’est une longue promenade sur un chemin bordé de haies au moment où le soleil se lève sur l’horizon, alors que l’esprit est encore vierge des impressions de la journée. Les yeux écarquillés, on contemple un monde neuf comme est neuf l’esprit de celui qui le contemple.

 

 II- Vocalise, pour l'ange qui annonce la fin du temps

http://www.youtube.com/watch?v=O1BYOtb_q4w&feature=related

La clarinette n'intervient qu'en introduction et en finale. L’introduction, brutale, bruyante, dérangeante, évoque bien ces sons organisés, mais sans mélodie réelle, des vocalises. La clarinette y tient le rôle principal, celui de l’auteur des vocalises. Puis c’est une longue plainte des cordes, lente, décharnée, accompagnée par le piano, sur un rythme égal, qui rejoue les quelques phrases mélodiques d’accompagnement comme une litanie. S’agit-il réellement d’annoncer quelque chose ou de permettre l’entrée dans un autre univers, déshumanisée, mais emprunt d’une certaine beauté, celle d’un après la vie, après le mouvement ? Est-on déjà entrée dans cette atmosphère sans durée ni étendue annoncée par l’ange ? Probablement pas, car revient, en conclusion, l’irruption des sentiments humains, qui semblent protester contre cette fin du temps, donc de l’espace et du monde en tant qu’entité matérielle. Les quatre instruments (Violon, Violoncelle, Clarinette et Piano) jouent cette finale très brève, trépidante, mais comme une espérance vers ce monde insolite aux humains d’un après le temps.

 

 III- Abîme des oiseaux

http://www.youtube.com/watch?v=rnJHEqwhSNY&NR=1&feature=fvwp

Joué par la clarinette en solo, ce mouvement atteint l’intérieur de l’être au plus profond, dans une sensibilité primaire ne venant ni de la tête, ni du cœur, mais plutôt du creux de l’estomac, lieu de communion intime avec la nature. On dirait une marche froide dans une neige profonde, sur une plaine sans fin, comme un retour à l’essentiel, avant que la perception s’affine et entre en vibration avec quelques gouttelettes de givre qui viennent troubler la pesanteur étouffante de l’atmosphère. Et la marche reprend, aussi calme, aussi peu brouillée par l’environnement, jusqu’à un achèvement imperceptible, comme les derniers sons d’un cloche qu’on ne distingue pas des autres, mais qui a un moment s’arrêtent sans que l’on sache pourquoi, même si un ralentissement sensible du rythme l’annonce plus ou moins.

 

 

07/08/2011

Pluie et divagations

 Eau, pleine, grasse, qui tombe du ciel et des arbres jusque dans le cou et chatouille les idées jusqu'à vous contraindre à écrire (n'importe quoi). C'est un jour de matinée au lit, dans le lit, sur le lit, ventousé entre les draps, l'appareil à images sur genoux, les mains sur le clavier, la tête dans les jambes pour mieux réfléchir à rien. Quelle journée épuisante, rien à faire, rien à penser, rien à vivre.

Et pourtant, comme il est bon de contempler cette pluie qui court et marbre le paysage de traits fins et discontinus, comme un filet défilant, comme un nuage flottant, comme une voile gonflée du vent de l'imagination.

La deuxième moitié de la première de la journée (comprenez qu'il est 10h30) se montre tout autant indolente. Le gris lumineux des jours sans tâche éclaire la pièce qui se concentre sur quelques objets : le réveil qui nargue l'heure insolite, la lampe qui ne s'allume plus à l'apparition de quelque idée, la robe de chambre qui dessine toujours la place du corps assis dans le fauteuil. Pas de musique, et pourtant, Chopin ou Mozart seraient les bienvenus, ou encore la petite machine à coudre de Bach, dont les notes égrainent une conception de la vie qui aide à monter, non pas sur ses grands chevaux, mais sur l'olympe de la béatitude.

Merci d'avoir lu ces quelques mots de rêverie au coin du lit.