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31/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (7)

L’ensemble prenait son temps, le capitaine et sa femme ne se répartissant jamais de leur calme. Ils passaient devant les défenses de la ville avec indifférence et modestie, sans volonté de se montrer, de se faire admirer, comme s’ils poursuivaient leur chemin et qu’arrivés à l’entrée du bourg, ils allaient repartir vers l’endroit d’où ils venaient. Et pourtant, ce ne fut pas ainsi que cela se passa. Parvenu devant la porte d’entrée, le seul passage pour franchir les remparts de bois, l’attelage s’arrêta ; le capitaine, passa la jambe droite par-dessus l’encolure, mit pied à terre, lâchant les rênes sans que le cheval ne bouge, s’approcha du chariot et tendit la main droite à sa femme qui descendit avec grâce. Ensemble, ils se dirigèrent derrière le fourgon et aidèrent trois adolescentes à descendre. Un murmure accompagna cette apparition. Vêtues de robes rouges, elles regardaient ce village qui allait devenir leur décor pendant une année au moins. L’une d’entre elles se pencha vers les deux autres, dit brièvement quelque chose qui les fit sourire. Une autre leva la main comme pour un signe de reconnaissance, l’agitant pour dire sa joie d’être arrivée. Mais très vite, elle reprit un maintien irréprochable. Ensemble ils se dirigèrent vers la porte grande ouverte, encombrée des curieux qui s’y pressaient. Quelle entrée ! Les notables, déjà descendus des remparts, se précipitèrent et se mirent en rang pour les accueillir. Les habitants du village se bousculèrent un peu pour avoir une place qui leur permettait de voir la femme et ses filles, avides de connaître celles qui allaient désormais habiter avec eux.

L’intention du capitaine Barruez en faisant cette manœuvre inattendue n’était pas de se faire valoir inutilement auprès des habitants de San Pedro, mais de montrer sa sérénité et sa tranquillité d’esprit à une population qu’il supposait inquiète. Ce premier objectif qu’il s’était fixé lui semblait indispensable pour pouvoir par la suite enlever les doutes, interrogations, questions à ses ordres en cours de bataille. Il lui fallait emporter l’adhésion des habitants d’un simple mot, voire d’un seul coup d’œil. Il avait imaginé ce stratagème lors de sa dernière étape entre Calama et San Pedro, en examinant le plan  du bourg. Certes, un tel comportement risquait de laisser croire aux habitants San Pedro que le nouveau capitaine les dédaignait et paradait devant eux pour montrer qu’il était le maître. Mais même la peur peut être utilisée pour obtenir l’adhésion si, dans le même temps, on fait preuve de respect envers chacun et chacune. Aussi lorsqu’il eut fini son tour de la ville malgré la chaleur et l’attente du réconfort d’une pièce fraîche, il fut soulagé de constater que la majorité de la population était là, dans le but de faire sa connaissance.

N’allez pas croire qu’Alexandro Barruez était un homme calculateur et sans sentiments. Il ne cessait dans le même temps de penser à sa famille. Sa chère Emma, en premier lieu. Cette frêle jeune femme faisait son admiration. Jamais un mot de reproche, de crainte, de lassitude. Elle le regardait avec ses yeux clairs, ouverts sur le monde, et il ne voyait en eux que cette transparence que seuls les êtres purs savent transmettre. Il fermait les yeux et aussitôt sentait monter en lui cette envie de la toucher, de l’embrasser, de lui parler, de se réjouir avec elle de la vie, éventuellement de pleurer et de se consoler ensemble. Elle ne prétendait rien d’autre que de le rendre heureux. Sa seule ambition : fonder une vraie famille. Ils avaient eu trois filles et avaient dû renoncer à avoir un autre enfant car, depuis son dernier accouchement, elle ne pouvait plus enfanter. Elle avait bien pris cette fatalité et s’était consacrée amoureusement à ses trois filles, sans cependant les couver et les inhiber.

30/03/2020

Sombre

 

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La barbe fournie

humant la folie marine

voyait-il le ciel ?

29/03/2020

Vie collective

Vie collective, une plaisanterie subie : Chaque homme, seul, au milieu de tous. Et chacun se referme sur son monde comme un enfant abandonné.

Trouver l’amour au-delà des visages.

27/03/2020

En toute liberté

Les animaux sont en vacances
De mémoire d’homme, cela fait longtemps
Qu’une telle chose ne leur est pas arrivée

Hier même, je courais dans la campagne
Lorsque je vis un chevreuil curieux
Sortir la tête d’un champ de colza
Me narguer à deux longueurs d’humain
Puis décider de bondir au-dessus de la route
D’un envol majestueux et puissant
Pour gambader dans un pré à l’herbe rase
Et poursuivre sa route paisiblement
Sautillant du derrière comme un elfe
Semblant me dire à voix basse :
« Ne bouge pas, le virus est près de toi ! »

Ce matin, au lever du soleil
Un étourneau est venu nous réveiller
En cognant au carreau effrontément
Nous crûmes d’abord qu’il dormait encore
Mais il recommença plusieurs fois sa demande
Montrant sa tête environnée de plumes
Dans une effervescence de bon aloi
Osant même, d'un clin d’œil espiègle
Nous dire avec douceur : « Viens, viens
Il est temps de se lever, le soleil est là ! »
Alors nous nous sommes redressés et il partit
À tire d’ailes dans le froid de l’aurore

Même les vaches n’ont plus le même regard
Nous ne les intéressons plus
Elles ne vous jettent pas un demi-œil
Ne s’intéressant qu’aux pissenlits doucereux
Trempant leur museau dans l’eau sale
Du chemin boueux sur lequel vous vous trouvez

Il y a trois jours, je longeais le chemin
Autorisé par un papier plié dans ma poche
Lorsqu’une belette se précipita sous mes pieds
Soit elle ne m’avait pas vu ou entendu
Soit elle montrait son peu d’attention
Aux humains inoffensifs en ces jours de vacances
Elle disparut prestement lorsqu’elle comprit
Qu’une chaussure est portée par un homme

Oui, c’est la grande décontraction
Chez les animaux de toute taille
Étonnés du silence impressionnant
Qui règne sur une campagne déserte
Laissant libre cours aux espiègleries
Dans le dos des humains qui ne disent mot

©  Loup Francart

25/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (6)

Ils virent le cavalier étriller les chevaux, puis se raser et enfin revêtir un uniforme d’apparat. Dans le même temps, des formes s’agitaient à l’intérieur du chariot. Puis l’attelage repartit, solennel, au pas, comme pour une lente procession, et se dirigea vers la porte. Mais arrivé à cinq cent mètres de l’entrée, l’ensemble tourna à gauche, rejoignit le chemin qui longe le rio Puritama et, suivant son lit, revint vers l’entrée le long des défenses en bois derrière lesquelles quelques habitants les observaient. Le cheval gris de l’officier avançait d’un pas lent, une sorte de pas d’école qui rendait plus majestueux encore ce défilé improvisé et surprenant. Les militaires observaient, curieux, certains riant et se moquant de cette mascarade. Mais peu à peu, un certain respect se lut dans leurs yeux. Leurs commentaires se calmèrent et ils regardaient, médusés, cet attelage se diriger vers la porte d’entrée. Les habitants s’étaient mêlés aux soldats, jusqu’aux notables, c’est-à-dire le juge de paix, le commissaire de police et le maire. Tous se demandaient ce que signifiait ce lent cheminement, ce petit tour d’honneur, gratuit, entamé par le capitaine, dont ils commençaient à entrevoir la silhouette. L’homme semblait bien fait, grand, mince, dominant sa monture qu’il dirigeait d’une seule main. Celle-ci était de velours, semblait ne rien faire et pourtant ce cheval avançait majestueusement, levant les antérieurs plus haut qu’un simple pas et accompagnant cette démarche d’un déhanchement qui lui donnait encore plus de puissance.

Le chariot attelé de deux chevaux alezans était conduit par une femme, son épouse sans doute, qui se tenait assise bien droite, mais pas figée, naturellement à l’aise comme si personne ne l’observait. Elle regardait au loin, faisant de l’horizon sa destination. Sa robe bleu clair brillait au soleil couchant, tranchant sur la poussière qui avait envahi l’attelage durant les jours de marche. Ses cheveux blonds flottaient sous la légère brise du soir, lui donnant un air provoquant de satiété et d’indépendance. sur ses lèvres, un léger sourire se dessinait, non de défi, mais de bien-être, comme si elle faisait le tour du bois dans une ville de province un soir d’été pour se détendre d’une journée chargée de milles projets menés à bien. On devinait vaguement trois jeunes filles qui se tenaient sous les montants de toile.

24/03/2020

Confinement

Plus un mouvement
Le temps s’est arrêté
L’humain n’ose bouger
Seule la nature poursuit
Sa ronde, impavide

Plus un bruit
Les mouvements ont cessé
L’homme ne se déplace que dans sa boite
Seuls les animaux vivent
Leur vie, étonnés

Plus un chat
La guerre a mis fin
A la lutte finale
Seuls les enfants rient
et impriment des mots, réjouis

Plus de caresses
L’apathie s’est installée
Le cerveau est embué
Seul le silence règne
Sur la campagne, étouffant

Plus même un regard
Chacun contemple le vide
Et rêve au temps bénit
Ou seules les paroles emplissaient la rue
Et courraient entre les maisons, libres

Aujourd’hui, plus rien n’atteint
L’humain cloitré dans sa boite
Il n’ouvre plus la bouche
Seul, il regarde le ciel et murmure :
Qu’avons-nous fait au Bon Dieu ?

 

23/03/2020

L'inconscience

 

https://youtu.be/1MYT-YDzbhM

 

Pour distraire ces journées en solitaire…

ou en duo...

 

22/03/2020

Entends-tu ?

Qu’ouïs-je ?
Non, je ne ouïs rien.
Je n’ouïs que le silence.
Et l’autre, me ouït-il ?

Jouis-je ?
Oui, je jouis de tout.
Je jouis de l’absence.
Et l’autre jouit-il ?

Ouïs-je la jouissance
Qui coule dans mes veines ?
Oui, je m’épanouis
Sans même m’évanouir.

Mais non, le béni-oui-oui
Ne peut jouir sans ouïr.
C’est inouï ; il se réjouit
Et… S’enf(o)uit…

©  Loup Francart

21/03/2020

Sens de l'humour

Le véritable sens de l'humour est de savoir rire de soi-même et non de faire rire les autres.

20/03/2020

L'impudence

Ma joie est dans l’ignorance
Mon bonheur s’épanche dans l’inexpérience
Je cherche ce que j’ignore, sans méfiance,
Puis, je découvre l’inexistence…

Je fouille donc les abîmes de l’incompétence
Et reviens orné des palmes d’une nouvelle naissance
Fort d’un plein auparavant sans nuance
Revêtu d’indécence et de munificence

Quelle jouissance, douce et bienfaisante
Que cette crème onctueuse et séduisante
Qui éblouit le monde et sa croissance
Et le rend vulnérable à la puissance

Je caresse alors le squelette de la déliquescence
Et l’emmène aux sommets de l’inconnaissance,
Ce lieu dont peu connaissent l’existence
Et qui conduit à l’évanescence…

Depuis, j’erre dans la redondance
Je contemple enfin la transcendance
Dans laquelle l’ascendance
Devient connaissance et surabondance…

©  Loup Francart

16/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (5)

Perdu dans ses réflexions, Juanito laissa son regard s’enfoncer dans le lointain, balayant l’horizon d’un œil désabusé. Il ne remarqua pas tout de suite le nuage de poussière qui montait derrière une touffe d’arbustes. Il laissait une touche plus claire et brouillé sur le paysage habituel, mais l’absence de vent lui donnait une immobilité qui l’estompait. Cependant, le métier aidant, il revint sur cette tache insolite, observant avec attention son lent déplacement. Il sortit la longue vue qui était en dotation au poste de garde et s’efforça de mieux saisir ce qui pouvait créer ce léger tourbillon. Enfin quelque chose d’insolite ! Quelle agréable surprise, même s’il ne savait pas encore si celle-ci était bonne ou non. Peut-être s’agissait-il de Chiliens qui se seraient égarés et qui tenteraient de retrouver la frontière ? Il voulait savoir de quoi il s’agissait avant d’avertir son chef. Certaines nouvelles recrues ne cessaient de troubler la quiétude de la garnison par des alertes  aussitôt démenties. Son honneur de vieux soldat (oui, déjà) lui commandait de rester calme et d’observer avant de mettre en effervescence la petite ville. Il vit d’abord une sorte de voile blanc, puis deux formes oblongues qui semblaient l’entraîner, enfin une forme séparée, la précédant, mais si petite qu’il ne la vit pas au premier abord. Observant avec attention, il comprit que la forme isolée était un cavalier et sa monture, et que, très probablement, l’ensemble qui semblait naviguer dans les vagues d’ocre était la bâche d’un chariot tiré par un attelage de chevaux. Ils avançaient lentement, mais sans interruption, comme s’ils étaient pressés d’en finir. Pourtant, à encore une grande distance de San Pedro, ils s’arrêtèrent. Que faisaient-ils ? N’arrivant pas à en savoir plus, Juanito donna l’alerte. Très vite, le sous-officier de garde courut auprès de lui, sachant que cet homme n’était plus une de ces têtes brulées de nouveaux venus.

– Qu’y a-t-il ?

– regardez, là-bas, près du bosquet d’arbres, je vois un chariot et un homme seul.

Le sous-officier lui emprunta sa longue vue, la régla à son œil et constata qu’il ne s’était pas trompé.

– Bravo, Juanito, tu es un bon soldat. Reste-là et rends-moi compte s’ils bougent. Je vais donner l’alerte.

Le sous-officier se rendit en courant au quartier général de la compagnie, à deux pas du poste d’entrée dans la ville, et rendit compte au lieutenant en charge de la sécurité ce jour-là. Celui-ci décida aussitôt de doubler les effectifs de garde et mit en alerte la section de réserve. Les consignes étaient connues et tous attendirent. Ceux qui possédaient une longue vue purent observer le manège insolite qui se déroulait devant eux.

15/03/2020

Maxime

Beaucoup éprouvent de la douceur à écouter de la musique. Bien peu y éprouvent de la joie, car ils ont l'oreille distraite.

L'école de la musique est l'école de la joie. Il faut y prêter l'attention des sens et non d'une oreille.

14/03/2020

L'univers

U… un… uni… hiver… ver… vers…

Cela commence par la vingt-et-unième lettre.
Pourquoi n’est-ce pas la première et la dernière,
Un contenant empli de finis, lui-même infini,
Le mystère tenu dans la main de Dieu,
Réfugié dans la chaleur de son être ?
Ce n’est qu’une courbe recueillant le monde,
Cette goutte de parfum qui résume
La petitesse et la puissance rassemblées,
Féminin et masculin unis en un tout
Qui gonfle la poitrine du souffle de l’Unique.
Il pourrait être clos, un O parfait,
Un zéro empli de lui-même,
Gonflé d’importance, vide d'absence.
Mais il reste ouvert. Sur quoi ?
Nul ne le sait pour l’instant.
Il se construit sans cesse, de néant,
Pour devenir le monde, le Tout,
Seul dans le rien, caressé par le doigt
De Dieu, une larme d’attendrissement
Qui soulève les corps, les cœurs et les âmes
Et qui reposent dans le souffle divin.
Mais qu’il fait froid en son absence.
L’hiver éternel s’étend vers l’inimaginable,
Un au-delà incertain, une glu sans fond
Où grouillent les vers, vraie face de la matière,
A l’origine de l’espace et du temps,
Branes, filaments, cordes sous-tension
Qui semble nous dire que l’univers n’est pas seul.
Ferait-il partie d’un ensemble plus large
Dans lequel les Big-bang se succèdent ?
Seuls les poètes peuvent concevoir un tel fait,
Ces vibrations parvenant à l’oreille de Dieu,
Le chatouillant pour lui rappeler la solitude
Des choses et des hommes sans son souffle
Qui fait inexorablement monter les âmes vers lui.
Voilà pourquoi l’univers ne peut être
Ni ouvert, ni fermé, un monde replié sur lui-même,
Aspirant à l’union dans la main du destin…

13/03/2020

L'inconscience

 

Figurez-vous que l’autre jour j’ai croisé l’inconscience. une véritable engeance ! Lourde de déficience, elle se promenait sans surveillance dans les rues pleine d’affluence, faisant bombance, mais sans indécence. Elle avait bien des tendances à la malfaisance, mais tout de même, se promener sans élégance, la panse en béance, devant la télésurveillance, me fit réfléchir : quelle alliance avec l'impudence !

L’inconscience, est une défense contre la malchance. Elle balance, en toute flamboyance,  entre la délinquance et l’imprudence. Elle compte finalement sur l’État-providence, osant la dissidence avec une telle évidence, faisant fi de toute conséquence. Les offenses deviennent transcendance, redondance sans discordance, d’une influence sans équivalence.

La grandiloquence frôle l’imprudence, face à une présidence pleine d’ambivalence. Désormais, finit la patience, aucune nonchalance, seule la providence sauve de l’outrecuidance.  

Depuis, sa descendance garde son indépendance et lance, en confidence, son unique chance, la prévoyance ! La résilience est devenue l’unique obédience pour faire face à l’imprévoyance. En urgence, la vaillance devient exigence, voire intransigeance.

12/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (4)

La garnison de San Pedro se composait d’une centaine d’hommes commandés par le lieutenant major Don Domingo Carrienga, d’une trentaine d’années, pourvu de moustaches imposantes et adjoint de la compagnie. trois autres lieutenants le secondaient ainsi qu’un adjudant major qui commandait la section des prisonniers. Les sections d’engagés réguliers étaient composées d’hommes de la province, braves fermiers ou commerçants peu doués pour les affaires et qui avaient préféré recevoir la paye de l’État en échange de quelques contraintes telles que la difficulté de se bâtir un avenir. Mais que leur importait, leur présent était soigné, bien payé et, somme toute, amusant en raison de la diversité des missions. La section des prisonniers avait les taches les plus dures et se reconstituait au fur et à mesure des batailles. Le commandement, après la baille, laissait aux survivants adverses un seul choix : la vie du côté bolivien ou la mort. Certains, pensant à l’honneur de leur famille, se laissaient fusiller devant une ferme, un mur ou même un arbre. La plupart acceptait le marché et rejoignaient la section de l’adjudant major. La discipline y était sévère. Il n’était pas rare d’entendre le soir, à la nuit tombée, une salve de fusils qui signifiait la mort d’un des renégats. C’étaient des hommes courageux, qui luttaient pour la vie dans un univers de mort. Ils ne savaient pas de quoi le lendemain serait fait. Alors ils survivaient en combattant de toute leur force, préférant mourir au combat plutôt que sous les coups de feu de leurs camarades boliviens. Car l’adjudant major choisissait toujours les amis du traître pour constituer le peloton d’exécution lorsque l’un d’eux avait failli.

Les sous-officiers et soldats ne pouvaient faire venir leur famille, s’ils en avaient une, car c’eut été trop de bouches à nourrir. Par contre, les officiers avaient l’obligation d’avoir femme et enfants dans la garnison. Le gouvernement imposait cette pratique, estimant qu’un officier lutterait au-delà de ses simples forces si le village était attaqué pour la simple raison que sa famille serait passée au fil de l’épée si la bataille finissait mal.

11/03/2020

Trou blanc

 

Le trou noir n’est noir que parce qu’il est invisible
On peut penser que le trou blanc est observable
Pour l’instant, personne n’en a vu, même pas un

Le trou noir est un avaleur de matière usée
Une sorte de poubelle pour étoiles fatiguées
Le trou blanc expulse de la matière renouvelée
Après un passage dans un trou de ver
Une sorte de tambour de machine à laver

Mais alors puisqu’il y a de la matière noire
Peut-on imaginer de la matière blanche
Pourquoi pas, mais elle aveugle tellement
Qu’elle est impossible à voir à l’œil nu
Doit-on la munir d’un cache sexe pour l’apercevoir
Mais la matière aurait-elle besoin de sexe
L’antimatière serait-elle de la matière inversée
Mâle ou femelle ou encore femelle ou mâle
Ce trou est-il une matrice, un utérus géant
Permettant la renaissance du noir en blanc
S’emparant d’une matière à bout de souffle
Et la régénérant en la dotant d’un nouveau souffle vital

Ainsi l’univers serait éternel, se ressuscitant sans cesse
En transformation permanente, toujours neuf
Un soleil impérissable dont le prestidigitateur
Serait un Dieu au souffle éternel
Créant le mouvement qui lui-même crée
L’espace, le temps et la matière

Alors laissons-nous entraîner par son haleine
Et, léger comme l’antimatière, volons dans les cieux
Sans nous laissez prendre dans le filet des astres !

©  Loup Francart

 

10/03/2020

Victor Borge

De l’humour de la part d’un grand musicien :

https://www.youtube.com/watch?v=ORRFl6f5n04


 

Victor Borge a déridé des salles de concert : il tombait de son tabouret de piano, jouait sens dessus dessous ou à mains croisées, ponctuait ses monologues avec des bruits bizarres, déchirait ses partitions, les recollait, et agrémentait ses concerts de maintes pitreries.

Il a connu une carrière très active, même passé 80 ans, avec des tournées de spectacles et des enregistrements vidéo, dont The Best of Victor Borge, vendu à trois millions d'exemplaires et souvent diffusé sur les ondes de la télévision publique américaine.

Peu avant sa mort il a dirigé, à Cleveland, La Flûte enchantée, de Mozart, et préparait à version concert de l'opéra Carmen, de Bizet.

 From:https://www.musicologie.org/Biographies/borge_victor.html

09/03/2020

Joie de la musique

Quand on écoute de la musique, il est important de ne pas se laisser aller à la mélodie, surtout si le morceau est déjà connu, car on n’y prend que le plaisir de l’habitude et la musique devient un procédé d’excitation des réminiscences du passé.

Il est préférable de faire le vide en soi de toute connaissance de ce morceau de façon à le percevoir dans sa verticalité et non dans son horizontalité temporelle. Alors chaque instant nous pénètre dans sa nouveauté spaciale (percevoir l’espace musical).

La joie de la musique est une joie toujours renouvelée.

 

08/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (3)

            Et c’est ainsi que deux jours plus tard, la famille partit pour Calama en train. Presque deux jours de voyage pour franchir la Cordillère. Le capitaine fut bien accueilli par son chef qui le prit à part pendant trois heures, lui expliquant la situation, les forces chiliennes et les risques que sa compagnie courrait du fait de leur proximité. Il détailla la défense qu’il avait organisée, très mobile, par patrouilles montées et quelques postes fixes, dont celui de San Pedro. Il lui affirma que si ce bourg tombait aux mains des Chiliens, ceux-ci seraient très vite à Calama.

Après une nuit de repos à l’hôtel, ils partirent le lendemain vers San Pedro : un homme, quatre femmes, trois chevaux, une carriole et un sabre, avec une dizaine de soldats chargés de les escorter jusqu’à ce qu’ils soient en vue de San Pedro.

Plongé dans ses pensées, le capitaine n’avait pas vu qu’ils arrivaient presque devant la porte de la ville.

 

Juanito Abrosa, un des soldats de la compagnie qui défendait San Pedro, était ce jour-là en poste sur la tour de guet. Le soleil battait son plein de chaleur, il était trois heures de l’après-midi et il était en faction depuis midi, ayant pris son déjeuner plus tôt que le reste de la garnison. Il se sentait somnolent et s’efforçait de ne pas laisser ses yeux se fermer. Il regardait ses camarades  également en faction sur les remparts, si l’on peut appeler ainsi les pieux dressés derrière un fossé creusé à la hâte et consolidés par un chemin de ronde rudimentaire. Comme lui, ils semblaient écrasés par la chaleur, cherchant, pour les mieux lotis, l’ombre que la descente du soleil sur l’horizon créait derrière les pieux de deux mètres cinquante de haut. Il ne se passait habituellement rien au cours de ces gardes. Trop éloignés les uns des autres pour parler et plaisanter, les soldats attendaient avec patience la fin de leur garde. Juanito pensait à sa famille qu’il avait laissée au bord du lac Poopo dans une fraicheur bienfaisante. Il avait été convoqué peu de temps après la déclaration de guerre avec le Chili, le 1er mars 1879. A peine formé, il avait été envoyé à San Pedro, un bourg situé en première ligne, ce qui n’était pas sans lui déplaire. Mais au bout de quelques mois, le découragement s’était emparé de lui. Garder le désert n’est pas une sinécure. Ce même terrain, plus ou moins plat, décharné, tirant de l’ocre jaune à la couleur des tuiles de son village, lui donnait le cafard. Il s’était bien fait quelques amis dans cette compagnie somme toute sympathique. Les gens du village acceptaient sans rechigner les consignes et corvées que l’adjudant de compagnie leur imposait. Le capitaine était un homme sympathique, même s’il faisait preuve de rigueur. Mais il s’était perdu avec sa patrouille une nuit de tempête et n’avait été retrouvé que huit jours plus tard. Ne pouvant s’abriter de la poussière soulevée par les vents violents, lui et ses quelques hommes étaient morts de soif, les poumons encrassés de boue. La garnison attendait donc un autre capitaine et était commandée provisoirement par le lieutenant major, adjoint de la compagnie. Elle ne savait quand le nouveau commandant de compagnie arriverait, assez vite probablement, étant donné les circonstances.

07/03/2020

Autre vision

Le ver de terre voit

La forêt de séquoias

Que voit-on d'en haut ?

 

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06/03/2020

Vérité poétique

L’enfant est naturellement un poète . Il faut lui parler en images compréhensibles et avec des mots qui le touchent.

Rien n’est plus difficile, car c’est au fond le langage de la vérité pure et non celui de la raison logique ou sociale. C’est dans la simplicité et dans la pureté que se trouve la vérité, mais comme elle est difficile à saisir pour notre raison d’homme.

 

04/03/2020

Tableau d'Auguste Haessler

oeuvre d'Auguste Haessler.jpg

L’inconnue dérive et marche sur les flots, écarquillant les yeux.
Le marécage s’enhardit, il boutonne ses maigres fleurs.
Le scorbut déverse sa rancœur, la fièvre saigne les pentes escarpées.
Le volcan lave ses blessures, criant de froid en enflammant le reflux.

Elle s’avance cachée, les yeux baissés, sereine,
à mi-chemin entre l’imaginaire et une réalité éphémère,
enfouie dans l’onde calme d’un jour d’été,
évanescente devant les forces de la nature.

©  Loup Francart

 

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (2)

Les femmes se changèrent sous la toile du chariot. Le capitaine revêtit son grand uniforme derrière un arbuste. Il accrocha son sabre au ceinturon en pensant à Sucre, la ville où il était instructeur il y avait encore quelques jours. Là-bas, le sabre était un ornement plus qu’un outil. Dorénavant, ce serait un bien précieux servant à défendre sa ville et sa famille. Encore une fois, il s’inquiéta pour sa femme et ses filles. Le gouvernement contraignait les officiers à emmener leur famille dans leur garnison, même sur la frontière. Que diront-elles lorsqu’elles verront ce petit bourg, presqu’un village, avec une place sans charme et ses maisons sans étage ?

Lorsque la famille fut prête, le capitaine reprit la tête, suivi du chariot portant tous ses biens, femmes et bagages. Il se rappelait sa convocation devant le Colonel : « Capitaine Barruez, vous êtes nommé à San Pedro de Atacama, sur la frontière chilienne. Vous partirez demain, car ils n’ont plus de capitaine. C’est un grand honneur qui vous est fait. Je suis convaincu que tout se passera bien et que vous défendrez notre frontière avec détermination. Alors, bonne chance. Allez prévenir votre famille et faire vos bagages. Il vous reste peu de temps et le voyage est long d’ici à Calama où vous vous présenterez à votre nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Daruega. Au revoir, Capitaine. » Même pas un remerciement pour les deux années passées sous ses ordres. Le Colonel n’était pas un mauvais chef, mais il ne faisait guère preuve de sentiment. Il lui avait cependant donné une carte du désert d’Atacama et un plan de la petite bourgade. Le capitaine s’était familiarisé avec la topographie, très simple dans un pays relativement plat bien qu’entouré de massifs volcaniques,  mais n’avait pu avoir une idée claire de la réalité de la vie dans ce pays désertique. Il avait prévenu Emma, sa femme, avant que les enfants ne rentrent du collège. Elle avait versé quelques larmes, sachant les amies qu’elle perdait et connaissant les dangers à la frontière chilienne. Elle s’était vite reprise et avait su communiquer la joie feinte d’une nouvelle affectation à ses filles surprises et dépitées.

– Mais Maman, qu’allons-nous faire dans cette bourgade perdue dans le désert ?

– Eh bien, vous ferez connaissance. Il y a surement des gens très agréables et des jeunes de votre âge dans cette ville.

– Et si la ville tombe aux mains des Chiliens ?

– Cela ne risque pas d’arriver. Vous connaissez votre père. Non, aucun problème.

03/03/2020

Mal faire

Mieux vaut mal faire par incompréhension que par incapacité.

Dans le premier cas, cela peut venir d'un manque d'intelligence, mais également  d'un manque de clarté du but proposé . Dans le second, il s'agit le plus souvent d'un excès de paresse.

Efforce-toi de comprendre et tu pourras tout faire !

 

02/03/2020

Impudence

Ma joie est dans l’ignorance
Mon bonheur s’épanche dans l’inexpérience
Je cherche ce que j’ignore, sans méfiance,
Puis, je découvre l’inexistence…

Je fouille donc les abîmes de l’incompétence
Et reviens orné des palmes d’une nouvelle naissance
Fort d’un plein auparavant sans nuance
Revêtu d’indécence et de munificence

Quelle jouissance, douce et bienfaisante
Que cette crème onctueuse et séduisante
Qui éblouit le monde et sa croissance
Et le rend vulnérable à la puissance

Je caresse alors le squelette de la déliquescence
Et l’emmène aux sommets de l’inconnaissance,
Ce lieu dont peu connaissent l’existence
Et qui conduit à l’évanescence…

Depuis, j’erre dans la redondance
Je contemple enfin la transcendance
Dans laquelle l’ascendance
Devient connaissance et surabondance…

©  Loup Francart

Ignorance

Au retour de la rue encombrée
Des paroles mièvres des passants,
Il s’arrêta au tournant de l’escalier,
S’assis sur une étroite marche
Et contempla le colimaçon de ses aspirations.
Il creusa loin et en profondeur
Pour prendre conscience de la futilité
D’un coup d’œil sérieux sur sa vie.
Il ne tenait rien dans ses doigts,
Sinon un mince morceau de chair
Qui se débattait mollement
Dans la poussière cosmique
Ou se noyait éperdument
Au bord du rivage escarpé.
Où est passé l’animal agile
Qui courrait, endiablé, au gré des saisons,
Sautant d’une pierre à l’autre,
Fouillant toujours plus la surface
De l’étendue brillante et nue
Qui s’ouvrait devant lui.
Il en conçut une certaine gêne,
Comme une larme de crocodile,
Verte et grosse comme le poing,
Un avocat encombrant et tenace
Qui conduit à l’écrasement.
Où donc vais-je courir
Devant cette patinoire luisante
Qui glisse sur la peau
Et donne le vertige de l’absence ?
Il avança d’un pas précautionneux
Tâta le plan froid et morne
Se dit qu’il conduisait à la vie
Et pourtant il n’osait y croire.
Un pied, puis l’autre, à plat,
Les deux jambes bien tendues,
La main sur la rambarde,
Le cœur battant la chamade,
Il risqua un pas, précautionneusement,
Puis poussa sur l’autre pied.
Ce fut un trou d’air qui le prit dans ses bras
Une valse lente et aventureuse
Dans les bras d’une femme inconnue
Belle comme la musaraigne
Qui passe entre les meubles
Et court se réfugier auprès de l’ombre,
Effarouchée de se trouver là,
Bercée par le bonheur
D’un jour nouveau et inattendu.

Depuis, il fuit éperdument
La terre ferme et rugueuse
Et se contemple, étincelant,
Dans le miroir de sa félicité.
Elle se tient là, auprès de lui,
Amoureuse de l’homme
Qui lui sauva la vie,
Sans connaître son existence antérieure.
Elle est bien, et lui de même.
Ils ont atteint leur raison d’être :
Mourir pour vivre un avenir inconnu !

©  Loup Francart

01/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (1)

Commence une nouvelle histoire qui se déroule en Bolivie, dans le désert d'atacama, à la fin du XIX° siècle :

 

– Nous arrivons en vue de San Pedro. Il faut nous préparer, dit le capitaine Alexandro Barruez en arrêtant son cheval. Le chariot conduit par sa femme s’immobilisa à côté de lui. Il faisait chaud et l’écume encombrait l’encolure des chevaux, libérant un peu de vapeur au-dessus de l’attelage. Ils étaient partis il y a plusieurs jours de Calama, couchant dans de petites auberges disposées sur la route. Ce matin, pour la dernière étape, ils s’étaient engagés sur la piste menant vers le sud ; le ciel était clair, dégagé, aveuglant. Devant eux s’étendait à perte de vue un sol presque plat, caillouteux. Quelques vagues arbustes y poussaient. Au loin, ils aperçurent un petit bourg, presqu’un village, avec ses maisons blanches faites de torchis, entouré de quelques arbres.

– C’est là que nous allons. Oui, un village pour défendre la frontière de la  Bolivie !

Trois têtes de jeunes filles sortirent de la bâche du chariot. Elles ouvraient grand leurs yeux. C’est là qu’elles allaient vivre, et peut-être mourir si leur père se laissait submerger par le nombre. Elles auraient bien voulu poursuivre leurs études dans la capitale bolivienne, mais la guerre les avaient jetées vers une autre destinée.

– Habillons-nous et faisons bonne figure.

– Papa, dit l’une d’entre elles, avons-nous réellement besoin de nous déguiser pour faire croire que nous sommes frais et inconscients de ce qui nous attend ?

– Oui, nous devons faire comme si rien ne nous effraie, ni la guerre, ni le désert et encore moins la province. Ce n’est pas de l’inconscience. C’est simplement montrer à tous que nous n’avons rien à craindre. C’est cette constance face à l’inconnu qui force le respect des autres. Et nous en avons besoin pour faire face à un ennemi plus nombreux et plus fort.

Les femmes se changèrent sous la toile du chariot. Le capitaine revêtit son grand uniforme derrière un arbuste. Il accrocha son sabre au ceinturon en pensant à Sucre, la ville où il était instructeur il y avait encore quelques jours. Là-bas, le sabre était un ornement plus qu’un outil. Dorénavant, ce serait un bien précieux servant à défendre sa ville et sa famille. Encore une fois, il s’inquiéta pour sa femme et ses filles. Le gouvernement contraignait les officiers à emmener leur famille dans leur garnison, même sur la frontière. Que diront-elles lorsqu’elles verront ce petit bourg, presqu’un village, avec une place sans charme et ses maisons sans étage ?