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08/03/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (3)

            Et c’est ainsi que deux jours plus tard, la famille partit pour Calama en train. Presque deux jours de voyage pour franchir la Cordillère. Le capitaine fut bien accueilli par son chef qui le prit à part pendant trois heures, lui expliquant la situation, les forces chiliennes et les risques que sa compagnie courrait du fait de leur proximité. Il détailla la défense qu’il avait organisée, très mobile, par patrouilles montées et quelques postes fixes, dont celui de San Pedro. Il lui affirma que si ce bourg tombait aux mains des Chiliens, ceux-ci seraient très vite à Calama.

Après une nuit de repos à l’hôtel, ils partirent le lendemain vers San Pedro : un homme, quatre femmes, trois chevaux, une carriole et un sabre, avec une dizaine de soldats chargés de les escorter jusqu’à ce qu’ils soient en vue de San Pedro.

Plongé dans ses pensées, le capitaine n’avait pas vu qu’ils arrivaient presque devant la porte de la ville.

 

Juanito Abrosa, un des soldats de la compagnie qui défendait San Pedro, était ce jour-là en poste sur la tour de guet. Le soleil battait son plein de chaleur, il était trois heures de l’après-midi et il était en faction depuis midi, ayant pris son déjeuner plus tôt que le reste de la garnison. Il se sentait somnolent et s’efforçait de ne pas laisser ses yeux se fermer. Il regardait ses camarades  également en faction sur les remparts, si l’on peut appeler ainsi les pieux dressés derrière un fossé creusé à la hâte et consolidés par un chemin de ronde rudimentaire. Comme lui, ils semblaient écrasés par la chaleur, cherchant, pour les mieux lotis, l’ombre que la descente du soleil sur l’horizon créait derrière les pieux de deux mètres cinquante de haut. Il ne se passait habituellement rien au cours de ces gardes. Trop éloignés les uns des autres pour parler et plaisanter, les soldats attendaient avec patience la fin de leur garde. Juanito pensait à sa famille qu’il avait laissée au bord du lac Poopo dans une fraicheur bienfaisante. Il avait été convoqué peu de temps après la déclaration de guerre avec le Chili, le 1er mars 1879. A peine formé, il avait été envoyé à San Pedro, un bourg situé en première ligne, ce qui n’était pas sans lui déplaire. Mais au bout de quelques mois, le découragement s’était emparé de lui. Garder le désert n’est pas une sinécure. Ce même terrain, plus ou moins plat, décharné, tirant de l’ocre jaune à la couleur des tuiles de son village, lui donnait le cafard. Il s’était bien fait quelques amis dans cette compagnie somme toute sympathique. Les gens du village acceptaient sans rechigner les consignes et corvées que l’adjudant de compagnie leur imposait. Le capitaine était un homme sympathique, même s’il faisait preuve de rigueur. Mais il s’était perdu avec sa patrouille une nuit de tempête et n’avait été retrouvé que huit jours plus tard. Ne pouvant s’abriter de la poussière soulevée par les vents violents, lui et ses quelques hommes étaient morts de soif, les poumons encrassés de boue. La garnison attendait donc un autre capitaine et était commandée provisoirement par le lieutenant major, adjoint de la compagnie. Elle ne savait quand le nouveau commandant de compagnie arriverait, assez vite probablement, étant donné les circonstances.

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