25/03/2020
L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (6)
Ils virent le cavalier étriller les chevaux, puis se raser et enfin revêtir un uniforme d’apparat. Dans le même temps, des formes s’agitaient à l’intérieur du chariot. Puis l’attelage repartit, solennel, au pas, comme pour une lente procession, et se dirigea vers la porte. Mais arrivé à cinq cent mètres de l’entrée, l’ensemble tourna à gauche, rejoignit le chemin qui longe le rio Puritama et, suivant son lit, revint vers l’entrée le long des défenses en bois derrière lesquelles quelques habitants les observaient. Le cheval gris de l’officier avançait d’un pas lent, une sorte de pas d’école qui rendait plus majestueux encore ce défilé improvisé et surprenant. Les militaires observaient, curieux, certains riant et se moquant de cette mascarade. Mais peu à peu, un certain respect se lut dans leurs yeux. Leurs commentaires se calmèrent et ils regardaient, médusés, cet attelage se diriger vers la porte d’entrée. Les habitants s’étaient mêlés aux soldats, jusqu’aux notables, c’est-à-dire le juge de paix, le commissaire de police et le maire. Tous se demandaient ce que signifiait ce lent cheminement, ce petit tour d’honneur, gratuit, entamé par le capitaine, dont ils commençaient à entrevoir la silhouette. L’homme semblait bien fait, grand, mince, dominant sa monture qu’il dirigeait d’une seule main. Celle-ci était de velours, semblait ne rien faire et pourtant ce cheval avançait majestueusement, levant les antérieurs plus haut qu’un simple pas et accompagnant cette démarche d’un déhanchement qui lui donnait encore plus de puissance.
Le chariot attelé de deux chevaux alezans était conduit par une femme, son épouse sans doute, qui se tenait assise bien droite, mais pas figée, naturellement à l’aise comme si personne ne l’observait. Elle regardait au loin, faisant de l’horizon sa destination. Sa robe bleu clair brillait au soleil couchant, tranchant sur la poussière qui avait envahi l’attelage durant les jours de marche. Ses cheveux blonds flottaient sous la légère brise du soir, lui donnant un air provoquant de satiété et d’indépendance. sur ses lèvres, un léger sourire se dessinait, non de défi, mais de bien-être, comme si elle faisait le tour du bois dans une ville de province un soir d’été pour se détendre d’une journée chargée de milles projets menés à bien. On devinait vaguement trois jeunes filles qui se tenaient sous les montants de toile.
03:18 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bolivie, chili, désert, guerre | Imprimer
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