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02/03/2020

Ignorance

Au retour de la rue encombrée
Des paroles mièvres des passants,
Il s’arrêta au tournant de l’escalier,
S’assis sur une étroite marche
Et contempla le colimaçon de ses aspirations.
Il creusa loin et en profondeur
Pour prendre conscience de la futilité
D’un coup d’œil sérieux sur sa vie.
Il ne tenait rien dans ses doigts,
Sinon un mince morceau de chair
Qui se débattait mollement
Dans la poussière cosmique
Ou se noyait éperdument
Au bord du rivage escarpé.
Où est passé l’animal agile
Qui courrait, endiablé, au gré des saisons,
Sautant d’une pierre à l’autre,
Fouillant toujours plus la surface
De l’étendue brillante et nue
Qui s’ouvrait devant lui.
Il en conçut une certaine gêne,
Comme une larme de crocodile,
Verte et grosse comme le poing,
Un avocat encombrant et tenace
Qui conduit à l’écrasement.
Où donc vais-je courir
Devant cette patinoire luisante
Qui glisse sur la peau
Et donne le vertige de l’absence ?
Il avança d’un pas précautionneux
Tâta le plan froid et morne
Se dit qu’il conduisait à la vie
Et pourtant il n’osait y croire.
Un pied, puis l’autre, à plat,
Les deux jambes bien tendues,
La main sur la rambarde,
Le cœur battant la chamade,
Il risqua un pas, précautionneusement,
Puis poussa sur l’autre pied.
Ce fut un trou d’air qui le prit dans ses bras
Une valse lente et aventureuse
Dans les bras d’une femme inconnue
Belle comme la musaraigne
Qui passe entre les meubles
Et court se réfugier auprès de l’ombre,
Effarouchée de se trouver là,
Bercée par le bonheur
D’un jour nouveau et inattendu.

Depuis, il fuit éperdument
La terre ferme et rugueuse
Et se contemple, étincelant,
Dans le miroir de sa félicité.
Elle se tient là, auprès de lui,
Amoureuse de l’homme
Qui lui sauva la vie,
Sans connaître son existence antérieure.
Elle est bien, et lui de même.
Ils ont atteint leur raison d’être :
Mourir pour vivre un avenir inconnu !

©  Loup Francart

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