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31/03/2018

Un samedi différent

https://www.youtube.com/watch?v=r80whP_96pk 


 

Il n'est plus

La terre était informe et vide.

  Dieu n'a pas encore dit :

Que la lumière soit !

Les ténèbres sont à la surface de l'abîme

30/03/2018

Le nombre manquant (48)

Le soir de ce premier jour d’investigation dans les notes de Claire, nous avions convenu de faire un point de situation pour confronter nos points de vue, remarques, intérêts, voire points remarquables que nous avions trouvés. Mathias commença :

– Pour ma part, j’estime que ces notes ont une réelle richesse. Elles constituent, me semble-t-il, une bonne synthèse des différentes théories d’interprétation des différentes religions : leurs rôles réels, leurs doctrines, leurs influences évidemment et, bien sûr, leurs nuisances. Mais je constate, à travers ce que j’ai lu, qu’une étude des dogmes, doctrines, rites des religions ne nous apprendra pas grand-chose. Nous pourrons creuser, creuser encore, nous aurons toujours quelque chose à découvrir, mais serons-nous plus avancés dans notre objectif, j’en doute. Il y a dans toutes les religions, ou au moins la plupart, une part d’adhésion sentimentale ou intellectuelle ou encore sociale, qui en fausse la vision. Elles demandent de croire en leurs dogmes, c’est-à-dire d’adhérer à une image de Dieu qu’on ne peut penser que selon leurs critères. Dieu ne s’impose pas à notre évidence : il faut croire en lui, ou pas.

– C’est une démarche subjective inverse de la démarche objective de la science où tout passe par l’expérimentation.

– Oui, effectivement. La science ne demande pas une adhésion spontanée. Elle démontre et laisse son interlocuteur croire ou non à sa démonstration qui s’appuie sur une expérience et des conclusions tirées de celle-ci.

– Pourtant, répliquais-je, il a bien fallu une force d’adhésion au départ suffisamment convaincante pour que de nombreuses personnes croient, s’engagent et vivent leur foi. Et cette force constitue bien une expérience personnelle au même titre qu’une expérience de physique.

– Oui, nuança Mathias, mais c’est une expérience qui ne peut être partagée, alors que l’expérience scientifique consiste à prouver la véracité d’un fait en démontrant à tous son existence que tous peuvent partager.

–  Si je comprends bien, la religion implique de croire et non forcément de vivre ce que la religion déclare comme vrai. C’est pourquoi beaucoup pensent que la religion s’arrête à une croyance à laquelle il convient d’adhérer.

– Je te ferai remarquer que toutes les religions ne voient pas l’adhésion de leurs pratiquants de la même manière. Prenons par exemple le Zen. Seule l’expérimentation de la pratique du non-mental compte. De même pour le yoga au travers des exercices corporels ou mentaux.

– C’est exact, confirmais-je, et c’est pourquoi les religions dites révélées disent qu’il ne s’agit pas de religion, mais simplement d’états psychologiques à atteindre.

– C’est vrai qu’il y a une différence fondamentale entre les religions révélées et les autres, soit les religions orientales, soit les religions dites naturelles des philosophes des XVII et XVIIIes siècles.

La sonnerie de mon téléphone portable me coupa. Je décrochais et j’entendis la voix de Claire, une voix effrayée, très faible, comme téléphonant en cachette.

29/03/2018

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,1-15

Le lavement des pieds (podonipsie en grec ou pedilavium en latin) est le premier geste de Jésus qui le conduit à sa mort, sa résurrection et son ascension. Au cours de ces derniers vingt-quatre heures, il vit et donne au monde un résumé de tout son enseignement. Alors, qu’en est-il de cet épisode du lavement des pieds ?

Avoir les pieds sur terre, c’est manifester un grand sens des réalités. C’est la règle d’or des pragmatiques, des politiques et des hommes d’action. C’est le plus souvent un éloge envers l’homme sensible qui ne s’embarrasse pas de théorie, se veut concret, quitte à ne pouvoir réaliser ce que lui dicte sa conscience. Pour lui, la vie est ce qu’elle est, il ne faut pas vouloir s’élever trop haut.

Inversement, laver ses pieds consiste à s’alléger, à sortir du quotidien, à purifier sa vision. C’est une tâche à renouveler sans cesse, même si le corps est propre, il reste toujours ces points de contact avec le sol qu’il faut sans cesse laver. Jésus dit bien à Pierre : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds. » L’homme ne peut vivre que de pain. Il lui faut regarder plus loin que la survie et la simple vie. Sa part de divin lui confère l’obligation quasi charnelle de se tourner vers un ailleurs qu’il ressent en lui et qui le porte. C’est pour cela qu’il doit laver ses pieds.

Mais, n’oublions pas. Ce n’est pas lui qui se lave les pieds, c’est un autre homme qui les lui lave. Et comme nous avons tous la même espérance, il n’y a ni préséance ni privilège à cet acte. Je dois moi-même aider l’autre pour m’aider moi-même.

28/03/2018

Estérel, un jour comme les autres

Que font-ils là, comme des chiens qui cherchent par terre un bienfait jeté par une voiture pleine d’enfants qui hurlent ? Comme eux, ils fouinent, le nez sur les pierres ou les herbes odoriférantes, deux adultes et des  adolescents qui ne sont plus des marcassins, mais sur le dos desquels on voit encore les bandes marquant leur jeunesse. Sages, ils acceptent la promiscuité avec les touristes, s’en réjouissent même, venant renifler les chaussures, tendant le groin vers les mains ouvertes, l’œil implorant. La mère veille cependant et grogne lorsqu’ils s’approchent trop près.

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 Irréel et pourtant vrai ! On prend du recul, on observe, les yeux propres, les oreilles lessivées, dans l’odeur du romarin et du thym. On s’élève de quelques pas, on se pince, on sent bien sûr l’odeur forte du sanglier, comme un relent de vie sauvage. Mais très vite, on s’interroge : que font-ils là ?

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On n’ose pas leur dire qu’ils feraient mieux de fuir la compagnie des hommes, de ne pas abandonner leur liberté pour quelques maigres subsides, qu’ils sont faits pour galoper dans la montagne, chatouiller les racines des arbres, humer le pied des arbustes odoriférants, se baigner dans une mare boueuse et se sécher au soleil de l’après-midi. Mais ils sont là, indifférents à l’homme, cherchant petitement leur part, grouillant d’appétit, sans un regard pour ceux qui viennent troubler leur paradis. Les parents rappellent les enfants lorsqu’ils s’éloignent trop, mais tout ceci est fait de manière bon enfant, comme la nounou noire se souvient de ceux qu’elle a à garder.

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27/03/2018

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 13,21-33.36-38.

"En ce temps-là, au cours du repas que Jésus prenait avec ses disciples, il fut bouleversé en son esprit."

En un instant, changement de conscience. Non, ce n’est pas un trou noir, une échappée par le bas, mais un élargissement de la vision qui donne à voir non seulement le futur, mais même les intentions de chacun. Un mouvement comme un caléidoscope, un trou blanc dans la conscience, une fragmentation du temps qui révèle certaines parties du futur.

Mais l’étonnant n’est pas là. Ce bouleversement fait place à la paix de l’âme. Sachant ce qui l’attend, Jésus est transcendé, placé entre terre et ciel. Il puise dans cette situation, la sérénité pour aller au-delà de lui-même. Et en toute lucidité, il mène ce dialogue extraordinaire qu’il est seul à comprendre réellement : « Ce que tu fais, fais-le vite », dit-il à Judas. Et : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard », dit-il à Simon-Pierre.

A ce moment, Jésus s’affranchit du temps, de l’espace et de la matière. Nul ne peut dire s’il était ou s’il devint divin en cet instant. Mais on constate ce changement de vision : Jésus parle en tant que personne spirituelle et, tout en agissant en tant qu’homme, il s’établit dans le monde spirituel et sait ce qui l’attend.

Celui qui vit ce moment, acquiert une force morale qui transcende la force purement humaine et permet d’accomplir ce qui semble impossible à un homme ordinaire.

26/03/2018

Un parfum millénaire

Il y a deux jours mourrait le Lieutenant-colonel Beltrame dans les circonstances que vous connaissez. Sans le dire, beaucoup s’interrogent : cet échange avec un otage est-il un réel sacrifice ou une folie subite ? Quelle est sa signification ? Si l’on sort des significations sociétales et que l’on se penche, seul face à soi-même, sur ce mystère, on peut se poser très distinctement la question : qu’aurais-je fait ?

En ouvrant l’évangile du jour, on trouve la réponse d’une manière surprenante : Marie « versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum ». Rien à voir, diront les bien-pensants de la république qui, comme Judas, s’exclameront : « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? »,  c’est-à-dire : « Pourquoi donnerais-je ma vie alors que j’ai encore tant de choses à accomplir pour le bien de la société ? » Et Jésus répond : « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » Comprenne qui pourra !

Oui, quelle idée d’associer ces deux faits survenus à plus de deux mille ans d’histoire. Tous pensent à la signification pour la société du geste d’Arnault Beltrame. Mais cette impulsion qui l’a saisi face au terroriste et à la femme qu’il a sauvée est avant tout un geste personnel, plus profondément humain, surhumain pourrait-on dire, un pied de nez à la société pour mettre en évidence que l’être humain sait se donner en cadeau, faire don de sa personne gratuitement et que ce sacrifice répand un parfum subtil, celui du don hors de tout raisonnement, comme l’avait fait le Père Maximilien Kolbe dans le camp de la mort. Et ce don est un bienfait qui doit faire réfléchir le monde et la société. Plus profondément que l’héroïsme, il est la senteur d’un au-delà de soi-même, dans un don parfait qui ne pense pas, mais qui est là, bien là, et qui perdure en la personne, dépassant l’individu au sein de la société pour le mettre face à lui-même, englobant toute la création.

Oui, un homme peut saisir le Tout en redevenant néant, car il est Un, unique, incomparablement beau dans cette odeur que l’on dit de sainteté. Et le néant devient le Tout.

25/03/2018

Dimanche des Rameaux

Un cri de détresse, dans le noir, à la nuit
Un seul. Il l’entendit et écouta, encore
Des entrailles de la terre, il montait
De toute part, assourdi par l’épaisseur :
Sauve, sauve-moi, sauve-nous !
Quel impératif ! Le cri sort du ventre
Ils ne veulent rien demander, rien…
Et pourtant, cela vient à leurs lèvres
Ces gémissements du cœur
Ils ne peuvent les contenir
Ils jaillissent comme une exhalaison
Oui, ce fut un cri de détresse, humain
Naturel devant ce monde immobile

Il est venu, a regardé, a écouté, a parlé
Ils se turent devant sa parole prophétique
C’était un trou dans la poitrine
Qui précipitait l’être face à lui-même
Sans décor, sans possession, sans épaisseur
Rien qu’une pellicule transparente
Qui résonne des chants de fête
L’air vibrait, les corps dansaient
Les consciences s’émerveillaient
Les âmes tremblaient de joie
Alors jaillit la bénédiction de la libération

Béni soit celui qui vient !
Le jour fait place à la nuit
La lumière illumine le monde
Et le regard transcende la matière
Les filaments s’étirent et relient toutes choses
Elles prennent leur place naturellement

Respire cette joie qui t’envahit
Pleure devant la beauté de l’instant
Où tu découvres l’immensité
Au-delà du fini, du grain de sable
De l’émotion, de la pensée même
Il est celui qui vient au nom du créateur
Il entraîne au-delà de la compréhension
Dans le maelström de la joie
Et conduit à la résurrection
Hosanna n’est crié que ce jour-là
Mais il réveille pour les siècles à venir
Et résonne dans toutes les poitrines
La joie te sauve et tu crois…

 

23/03/2018

Demain

Demain est toujours un meilleur jour
Même les lendemains de fête sont auréolés
D’une vigueur implacable d’espérance
Les questionnements sont multiples
Et la première question est celle de la survie :
Verrai-je encore le jour, ce lendemain si proche ?

Elle s’efforçait de ne plus penser à ce futur
Vers lequel elle tombait inexorablement
Entraînée par le poids de ses fautes
Et la fanfare de ses instants de volupté
Rien n’y faisait, elle revenait au point de départ
Ce goût immodéré pour les frottements
Pour la chaleur amère des rapprochements
Pour l’odeur inconnue de ses semblables
Et pourtant si différents d’elle-même

Rêve toujours ma petite, demain est là
Piège mortel d’affrontement des corps
Face à l’atonie des esprits vagabonds
Qui peut encore aller bien plus loin
Toujours plus loin, jusqu’au jour où disparaîtra
Ce lendemain si proche et si lointain
Plein d’espoirs amers et de joies amènes

Viendra alors la délivrance de cette lenteur
Des écoulements, des successions, des effusions
Pour ne vivre plus qu’un état d’abandon
Qui flotte depuis toujours dans la tête
Des humains en quête d'anéantissement

 ©  Loup Francart

22/03/2018

étrange torpeur

Elle éprouvait une étrange torpeur, comme un désintéressement morbide de toutes choses, sauf à l’action, une action primaire, sans intérêt, sans but, mobilisant chaque geste possible du corps, occupations inutiles, mais nécessaires pour ne pas sombrer dans l’ennui. Et encore, l’ennui était-il possible à ce stade du détachement de la pensée, comme si tout ce qu’elle avait aimé, ces idées manipulées avec délices, s’était évadé d'elle-même.

Un grand besoin de paresse, d’hébétude, de torpeur qui l’entraînait inévitablement aux portes du rêve, un rêve permanent, qui n’a pas de motif, de sujet, mais seulement la consistance de l’anarchie turbulente de l’esprit.

Change d’air, lui conseilla-t-on, car celui-ci est vicié !

Alors, elle partit droit devant, sans savoir qu'elle se perdait.

21/03/2018

Le nombre manquant (47)

Il nous restait deux jours avant de déclencher une alerte massive auprès de la police, de l’ambassade de France, du Saint Siège et des médias. Il s’agissait de bien utiliser ces moments, aussi avions-nous décidé de les consacrer à la recherche, moi dans un domaine assez nouveau pour moi puisque c’était Claire qui était en charge des aspects religieux, mystiques et spirituels. Mathias devait travailler sur les trous noirs et mêmes, nouvelles découvertes oblige, les trous blancs.

Nous décidâmes avec Mathias de jeter un œil sur les dernières notes de Claire qui se trouvaient sur la base de données et que nous n’avions pas eu le temps d’examiner. J’avoue avoir eu du mal à dormir en raison des circonstances et me suis réveillé tôt. Aussi dès sept heures, je me plongeais dans les notes que Claire avait prises suite à ses lectures de livres traitant de ces sujets ou d’interviews d’auteurs ou même de véritables hommes de Dieu. Il y avait de nombreuses notes, plus ou moins importantes, certaines peu intéressantes ou pour un point seulement ; mais d’autres détenaient de véritables informations sur le point de vue que nous recherchions, c’est-à-dire la notion de déité au-delà des problèmes de dogme et de théologie. Ces notes posaient des questions importantes qui dépassaient la notion de Dieu vu à travers une religion : comme il y a de nombreux Dieux puisqu’il existe de nombreuses religions, y a-t-il derrière ce Dieu, un Dieu unique, une déité qui serait le seul véritable Dieu ? Ce Dieu pourrait être exprimé en concepts théologiques globaux ou non ? Aurait-il des attributs définissables ou non ? Cette Déité est-elle perceptible, identifiable ? Y a-t-il un monde spirituel comme il y a un monde physique et un monde psychique ?

J’avoue que je fus assez vite emmené dans des sommets qui me semblèrent impossibles à franchir. Le lecteur conviendra qu’un homme peu porté sur la théologie, les dogmes et même l’illumination mystique peut avoir des difficultés à se retrouver dans les écrits de saints, soufis, cheikhs, swamis, maîtres et autres appellations d’hommes supposés éclairer l’humanité. Il y avait également des résumés de livres ou d’articles de philosophes ou chercheurs en religion et enfin d’opposants à toute religion. Cela représentait un travail considérable effectué en peu de temps par, incontestablement, une personne à l’esprit clair et synthétique. J’en fis part à Mathias qui prit à sa charge l’analyse des théoriciens alors que je me chargeais de celle des praticiens.

20/03/2018

Haïku

 

La clameur du jour

Silence des nuits sans sommeil

L’éclat de l’être

 

19/03/2018

Prière

Mon Dieu, je ne vous adresserai qu’une seule prière, c’est de me laisser le temps d’apprendre et de connaître, en vous, toutes choses, dont moi-même. Donnez-moi la volonté de chercher, car ce n’est qu’ainsi que je vous trouverai.

Faites de moi celui qui n’est rien, apprenez-moi à m’oublier dans le reste des choses, et c’est en appréhendant le Tout que je deviendrai moi-même.

18/03/2018

Le dimanche de la solitude

Froid ! Le dimanche de la solitude s’étouffe
Marron, vert, qui va-là ?
Un canard court sur sa jupe
Pour voir la nuit se lever au matin
Je cherche une barre pour glisser sur une main
Gel, froid ! Glace rompue sans ou pied de corne
Qui cherche la fraîcheur d’une herbe blanche
Courre,
    Saute,
        Courre,
Là, là, arrêtes, arrêtes !
Trois fois ma tête tombe
Je la relève, lui prend l’oreille
Et lui chuchote
« J’aime ta bouche de sucre »
Mes doigts sont tombés
Une rêne prend sa place
Je la cherche sans la trouver
J’ai des gants, mais je n’ai plus de doigt
Ma main en fer ne sent plus que ton cœur

©  Loup Francart

17/03/2018

Le nombre manquant (46)

– Oui ! J’ai reçu un paquet, s’écria Vincent. Mais tu m’as téléphoné à ce moment-là et je l’ai laissé sur mon bureau sans l’ouvrir. Je pense qu’il s’agissait de câbles de connexion que j’avais commandés trois jours auparavant. Mais c’est peut-être autre chose en effet.

– As-tu le moyen de le faire ouvrir pour que l’on te dise ce qu’il contient ?

– Euh… Laisse-moi cinq minutes et je te le dis. Il faut se méfier et ne pas le faire ouvrir à n’importe qui. Cela peut être compromettant pour la vie de Claire ou du professeur ou déclencher chez celui qui l’ouvre des réflexes l’amenant à la police sans qu’il sache de quoi il retourne.

– OK, réfléchis.

– Et toi, Mathias ?

– Non, je ne vois pas. Ah, je me souviens ! J’ai fait une étrange rencontre il y a deux jours à Paris. Quelqu’un, un homme assez fort a glissé en arrivant à ma hauteur, s’est accroché à moi ou plutôt à ma veste, si bien que mon bras est sorti d’une des manches. Il s’est excusé, m’a aidé à la remettre en ordre, puis à l’enfiler et est reparti en renouvelant ses excuses.

– Si je comprends bien, dit Vincent, il a complètement fouillé les poches et t’a ensuite rendu ta veste. Avais-tu quelque chose dans les poches de compromettant concernant nos recherches ?

– Je ne crois pas. Ah si, peut-être. J’avais pris des notes chez un libraire concernant le mur de Planck et l’impossibilité de voir au-delà. J’avoue que tu m’as téléphoné aussitôt après et que je n’ai plus pensé à ce papier.

– Encore une chose à vérifier si je comprends bien. Il se peut que nous soyons traqués, probablement pour les informations que nous récoltons. Il pourrait être intéressant de savoir s’il en est de même dans le cercle des connaissances du professeur. Il a peut-être eu quelque problème de ce type, sait-on jamais.

– Tout cela est bien, dit Vincent, mais par quoi et où commence-t-on ?

– Comme Mathias l’a proposé tout à l’heure, attendons encore un jour ou deux. Ils vont peut-être revenir ou donner signe de vie. Mais ne restons pas inactifs. Je propose que nous poursuivions nos investigations.

– Mai moi, je ne peux rester ici, car j’ai du travail à Paris. Je rentre donc et poursuivrais mes recherches là-bas.

– Moi je peux rester étant assez libre. C’est l’avantage de la retraite. Je pense qu’il est préférable que je reste avec Clément qui se retrouve seul pour faire face à on ne sait quoi. Je préviens ma femme et nous pouvons nous mettre au travail.

– Fort bien. De toute façon Vincent, tu nous téléphones pour nous donner la réponse concernant  ta veste et puis tu pourrais peut-être, si Mathias est d’accord, aller regarder si les notes qu’il avait prises sont bien toujours dans sa veste.

– Oui, ajouta Mathias. Je téléphone à ma femme, qu’elle ne soit pas surprise.

16/03/2018

Etrange torpeur

Désespoir : symbiose entre la matière, tissu élémentaire du vivant, et le psychisme, propre à l’homme. Le désespoir est le résultat de ces contradictions, mais rien ne nous empêche d’aller au-delà, dans la confrontation du tout où l’homme trouve sa propre place dans l’évolution des choses.

Le désespoir est le défaut d’adaptation de l’être à l’évolution. Il existe sous de multiples formes, mais tout se ramène à cela : désespoir sociale le plus souvent, désespoir amoureux aussi, désespoir religieux.

Faire de l’individuel le collectif, de l’unique le général, tout en conservant à l’unique ses caractéristiques propres, mais enrichies.

15/03/2018

Le sexe des mots

Le sexe des mots: Un texte précurseur de Jean-François Revel. (1924-2006 )

 Il aurait pu être écrit aujourd'hui en réponse à "l'écriture inclusive".

 

" Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges. Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots. 

La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand.

D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins.

Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.

Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle.

Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. 

Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.

De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie.

Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ?

Absurde !

Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.

Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre.

On dit: «Madame de Sévigné est un grand écrivain» et «Rémy de Goumont est une plume brillante».

On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.

Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres.

Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.

Certains substantifs se féminisent tout naturellement : une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse.

Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. 

Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. 

Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. 

L’usage est le maître suprême !

Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. 

Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. 

L’Etat n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire.

Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à tout une jeunesse.

J’ai entendu objecter: «Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?». 

Certes.

Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants.

Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.

Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. 

La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique.

Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.

Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique : faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes…’’

 Jean-François Revel

14/03/2018

Sentence

 

La vie : une volonté de recherche permanente.

Sans cette volonté, la vie n'est que physiologique.

Combien se contentent de cette vie d'endormis.

 

13/03/2018

Le nombre manquant (45)

– Quels États pourraient mener de telles actions, finalement ?

– Je pense tout de suite aux États-Unis, dit aussitôt Vincent, toujours intéressés par l’innovation et les idées permettant de maintenir leur supériorité sur le monde. Cela suppose des contacts avec des organisations comme la CIA ou FBI. On peut essayer, mais attention, on est ensuite sous leur œil et pisté définitivement.

– Pensons bien sûr également à la Chine ayant de visées de maîtrise mondiale économique et derrière géopolitique.

– C’est vrai, mais ce genre de recherche est moins dans leur habitude. Alors pensons plutôt à la Russie concernée sur le plan religieux par l’Orthodoxie, religion quasiment d’état, sur le plan géopolitique par une ambition ancestrale et sur le plan culturel par leur compétence en matière de renseignement.

–  C’est exact. Plaçons la Russie en numéro deux derrière les États-Unis. Quant aux autres États, je ne vois pas lesquels pourraient être concernés.

– Mais bien sûr que si. Vous oubliez l’Islam en tant que religion qui couvre l’espace politique du Moyen-Orient. Les gouvernements de ces pays associent leur action politique aux visées politiques islamistes. Je pense bien sûr à l’Iran, à l’Arabie Saoudite, à la Turquie avec Erdogan, et aux rivalités entre tous les petits pays du Proche-Orient. Ah, et puis, bien sûr au Pakistan devenu un foyer important de l’islamisme avec derrière le spectre du nucléaire.

– Là aussi, trop de pays, trop de renseignements à acquérir, trop de contacts à établir. Et il nous reste encore les organisations !

Le lecteur doit commencer à trouver qu’on exagère. Au cours de ces deux heures de brainstorming beaucoup d’idées furent remuées. Elles concernaient des domaines inconnus de nous autres : la géopolitique, le renseignement, la diplomatie, la direction des religions et beaucoup d’autres choses encore. Ils se demandent si cette frénésie d’hypothèses n’est pas un peu exagérée pour une disparition de 48 heures de deux personnes qui n’ont jusqu’à présent jamais manifesté la moindre intention de s’attaquer ou même s’intéresser à la marche du monde et au pilotage difficile des rapports entre les nations ou les religions. Aussi je pris la parole :

– Non, on laisse tomber. On a déjà beaucoup trop de pistes qui sont plus probables que celles des organisations qu’elles soient mafieuses et scientifiques.

Un soupir inaudible de soulagement sortit de la bouche des deux autres participants qui, eux-mêmes, commençaient à trouver qu’on avait du travail pour dix ans alors que l’objet de nos recherches était bien différent.

– Je propose, dit Mathias, que, dans un premier temps, nous attendions un peu plus avant de nous lancer dans ces investigations. Disons encore deux jours. Et puis, essayons de penser à une action volontaire de leur part et de savoir ce qui aurait pu se passer. Rappelez-vous ce qui vous est arrivé depuis deux jours. Auriez-vous été contacté à Paris par quelque personne dont la demande vous aurait paru bizarre ? Ou par quelqu’un qui vous aurait proposé quelque chose d’insolite ? Auriez-vous reçu une lettre incompréhensible que vous auriez jetée parce qu’elle vous semblait hors contexte ? Ou encore un paquet que vous n’auriez pas encore ouvert ?

12/03/2018

L'infini de l'amour

Comment ne pas se sentir ridiculement petit devant ce monde à aimer en même temps que Dieu ?

Une vie ne suffit pas pour apprendre à aimer Dieu.

Une vie ne suffit pas pour apprendre à aimer le monde.

Pourtant, Dieu ne nous demande pas un choix.

Il veut l’un et l’autre.

11/03/2018

L’inconnu d’Arras, pièce d’Armand Salacrou

L’inconnu d’Arras est la plus belle et une des plus puissantes pièces du théâtre moderne. La rencontre d’Ulysse qui est mourant avec les figures de son passé atteint des moments extraordinaires. Ulysse se tue pour l’amour de sa femme Yolande qui le trompe avec son meilleur ami d’enfance, Maxime. Le temps de la pièce et le temps de la seconde qui précèdethééâtre,destin,detinée,peine,espoir sa mort, pendant laquelle il revit ses souvenirs un par un.

Si Ulysse a la surprise de découvrir en la personne d’un jeune soldat (son cadet) le grand-père tué pendant la guerre de 1870, celui-ci a la désillusion de voir apparaître sous les traits d’un vieillard la petite fille qu’il avait espéré avec sa femme qui était enceinte.

L’opposition du Maxime de vingt ans au Maxime de trente-sept ans concrétise, avec une rigueur incroyable, l’antagonisme de l’adolescent plein d’un idéal intransigeant et de l’homme mûr qu’il est devenu, avec ce regret du Maxime de vingt ans : « Et penser que mes enfants ne me connaîtront jamais ».

Autre image poétique, celle du nuage bourdonnant qui environne Ulysse mourant. Ce sont les paroles qu’il a prononcées durant sa vie qui reviennent et dont l’amoncellement a soudain quelque chose d’effrayant : « Chasse toutes ces petites mouches bavardes, crie Ulysse à Nicolas, écrase mes paroles… »

Nicolas, le serviteur d’Ulysse, est le raisonneur du théâtre de Salacrou : « N’avez-vous jamais vu deux langoustes essayer de se caresser, puis partir bras dessus, bras dessous, comme à la noce ? Aussi grotesques, aussi maladroits, aussi caparaçonnés sont deux êtres de notre race qui cherchent à aimer ? »

Et cette inconnue rencontrée par Ulysse à Arras. Personnage fugitif entrevu à peine une heure, mais dont la présence demeure la plus forte, la plus émouvante, la plus vraie. C’est que Salacrou a eu le génie d’exprimer dans la silhouette de cette jeune fille égarée avec son propre malheur, au milieu du malheur universel, toute la peine et tout l’espoir de l’homme : il a imaginé un mythe de la fraternité.

10/03/2018

L’œil

L’œil est le fond de l’âme,
On y admire la pointe de l’humain.
Il peut être un soleil chaleureux,
Une lune chafouine, une étoile scintillante,
Ou même un trou noir aspirant les regards…
De braise, certains le portent,
De jais, il roucoule tendrement,
Noisette, il sort des bois, croquant,
Vairon, l’âme boite dans son logement.
C’est le monde vu de l’œil-de-bœuf.
Seul, l’œil de verre est impassible,
il ne voit pas le blanc des yeux.
Faut-il tourner de l’œil pour apercevoir l'âme ?

©  Loup Francart

09/03/2018

Le nombre manquant (44)

– En fait, remarquais-je, tout ceci ne nous apprend rien de plus que ce que nous savions déjà. Il faudrait maintenant entrer dans une recherche beaucoup plus poussée des individus, organisations ou États susceptibles  d’être intéressés, ce qui n’est pas une moindre affaire. Mais on peut y réfléchir. Prenons par exemple, la catégorie des religions. Lesquelles énumérer ?

– Eh bien, tout d’abord, la religion catholique, organisée, institutionnelle, détentrice ainsi de pouvoirs sur les sociétés et le affaires du monde. Ce n’est pas nouveau et il est inutile d’énumérer les exemples.

– C’est vrai, mais est-ce si sûr de nos jours ? Il me semble que l’église a perdu beaucoup de pouvoir temporel et que la société civile et les notions de laïcité bloquent leurs prétentions.

– Justement, raison de plus pour inciter certains fanatiques à agit pour un retour à leur capacité de pouvoir.

– Je vous ferai remarquer, dit Mathias, que l’Islam est au moins autant, sinon plus, susceptible d’avoir les mêmes raisonnements et donc les mêmes actions. Je dirai même, beaucoup plus susceptible.

– C’est exact. On pourrait même la faire passer en premier dans l’ordre des probabilités, en raison des événements actuels et de leur montée en puissance dans tout le Moyen-Orient. Leurs capacités à utiliser Internet pourraient même nous inciter à étudier en premier lieu cette possibilité.

– Pour poursuivre notre tour des religions, je pense que l’orthodoxie et le judaïsme pourraient également être concernés.

–Oui, certes, mais pas pour les mêmes raisons, me semble-t-il. Se mêlerait alors un fort aspect politique et étatique, que serait la défense de la Russie telle que l’imagine Poutine ou la défense du peuple hébreu, moteur de l’action du gouvernement de Tel-Aviv. Ce qui réduit considérablement leur intervention. Ces États attendraient simplement que nos recherches soient beaucoup plus avancées pour intervenir.

– C’est exact. Gardons-les, mais pour des recherches ultérieures.

– Voyez-vous d’autres religions qui pourraient être intéressées ?

– C’est assez réduit, je dirai même inexistant. Les religions et courants religieux issus du Bouddhisme sont moins organisés, plus foncièrement pacifiques et moins missionnaires. Je pense qu’on peut les écarter. Les religions hindouistes peuvent être plus guerrières, mais elles restent géographiquement tournées vers l’Asie et idéologiquement et historiquement plutôt pacifiques, comme le Bouddhisme.

– Alors, pour devenir plus pragmatique, conclut Vincent, il faut se concentrer sur l’Islam et l’Église catholique principalement, voire l’Orthodoxie et le Judaïsme. Êtes-vous d’accord ?

Ce fut unanime et cela représentait déjà un travail énorme et une recherche de renseignements trop importante pour trois personnes, d’autant plus que les deux autres possibilités d’acteurs n’avaient pas encore été envisagées : les organisations à visées dominantes et les États.

08/03/2018

Présomptueux

En un instant, l'homme de chair vivante, de gestes inconnus, de paroles sans réponse, devient un corps raide, immobile, sans esprit. Un mort, matière revenue à la matière, qui, une seconde auparavant, était le monde.

La noblesse, la beauté, le savoir, puis le néant.

Il n'imagine pas le monde sans lui. Le monde est sa propriété, sa joie, sa raison de vivre. Quand il disparaîtra, le monde cessera de tourner.

07/03/2018

Sable

Les sables sont le plus souvent mouvants
La confiance n’est pas de mise avec eux
Qu’un papillon passe, la tempête se produit
Vous étiez au sommet et vous voici à terre

Les vents sont contraires, vous dit-on
Le Sahara apporte les fantômes d’une nuit
Une neige jaune et gluante recouvre cet été
La campagne habituée au blanc hivernal

Chaque grain de sable n’est rien
Qu’un pet dans la symphonie de l’univers
Mais quel bruit effroyable se produirait
Si venait le vent du doute irrationnel

Bâtie sur le sable, votre vie s’affole
Vous avancez un foulard sur le nez
Et même vos yeux sont fermés. Seul
Le bruit de l’innocence vous fait avancer

Et pourtant, le sable peut servir de moule
Mais il ne sert qu’une fois et meurt
C’est la beauté du provisoire et de l’unique
Où l’on se moule pour la vie, seul au monde

 Certains échouent et proclament haut et fort
Je suis sur le sable, sur un banc en pleine mer
Aucun fou ne vient les voir. Personne n’ose
Affronter l’infini des mers et du sable réunis

D’autres ont les yeux qui piquent
Le marchand de sable est toujours présent pour eux
Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez
Et se contentent de leur myopie reposante

Il arrive cependant que d’autres s’élèvent
En une rage incompressible et fugace
En statue de sable érigée sur la notoriété
Qui, un jour, fondra au soleil de la vérité

Les psychologues bâtissent des jeux de sable
Où l’inconscient s’ébat lourdement dans les grains
Jusqu’au moment où jaillit la guérison
Alors le patient s’étale au soleil et pleure

Dans le sablier s’écoule votre destin…
Se perdre dans les sables
Et ne plus voir l’horizon
Est bien une souffrance humaine...

©  Loup Francart

06/03/2018

Pourquoi ne nous parle-t-on plus de l'âme ?

L’âme n’est plus un mystère. Elle n’existe plus. En avez-vous entendu parler ? Même au catéchisme, elle est ignorée le plus souvent. C’est vrai qu’il est difficile de parler de ce qui vous est le plus intime et dont on ignore tout au départ de la vie.

Mais, est-ce d’abord si sûr ? En réfléchissant les premières années de la vie sont un réservoir de l’approche de l’âme par les sensations et les quelques images qui nous restent de certains moments dont on se souvient encore, souvenirs qui viennent dont ne sait où, mais qui vous marquent au fer rouge. Puis en vieillissant, on ne perçoit plus cette aide. On se fait confiance à soi-même, c’est-à-dire à tout ce qui nous sollicite, attire nos sens et notre intelligence si peu que nous en ayons un peu (et tous nous en avons, Dieu soit loué). Il y a cependant des sursauts épisodiques qui nous ramènent à une réflexion irraisonnée. Souvenir d’adolescent : j’emmène une cousine une journée. Elle est jeune, belle, douce, amusante parfois. Nous avions déjà tenté de nous rapprocher par des contacts de mains, par des regards sensibles, par mille détails qui nous font dire qu’il faut aller plus loin dans l’aventure. J’étais heureux, comme elle je pense, de pouvoir le faire au cours de cette journée. Nous partons en voiture, parlons de choses et d’autres, chacun pensant à ce rapprochement des aimants qui s’attirent à une certaine distance. Nous étions proches de cette zone d’influence qui obligatoirement nous projette l’un vers l’autre. Après avoir laissé nos mains errer autour du changement de vitesse, elles finirent par se toucher, d’abord de manière occasionnelle, puis volontairement, jusqu’à se caresser, puis se serrer avec bonheur. Nos regards se croisent, nos yeux se disent des paroles qu’on ne peut proclamer, nous nous enflammons et nous rapprochons. Tout à coup, du fond de moi-même, au plus intime, monte cet interdit : « Non, tu ne peux trahir la confiance que t’a faite ton oncle en l’autorisant à venir avec toi. » Je doute de cette contre-pensée qui m’enlève une occasion d’expérience de la vie. Je poursuis nos serrements de mains, mais peu à peu le doute s’installe. « Tu ne peux trahir. On te regarde d’en haut et on sait ce que tu fais. » Idiot, me direz-vous ! Peut-être, mais efficace. Nous ne sommes jamais allés plus loin, un interdit était tombé venant du plus profond de moi et je n’ai pu que le suivre, finalement pour mon plus grand bien.

Mais l’âme est bien autre chose. Dans l’adolescence, elle se manifeste d’autres manières, dans ces bouffées de chaleur dont parlent les femmes et qui sont des trous d’air devant la beauté du monde et de la vie. Un souvenir : premier séjour en montagne, j’avais vingt ans. On montait en voiture sur des routes enneigées et la nuit tombait. Peu à peu, les lumières de chaque maison se sont allumées. Comme nous n’étions plus en plaine, elles s’accrochaient en hauteur, de manière féérique, comme des âmes dans le noir luisantes d’espoir. J’en ai conservé un souvenir merveilleux, comme une sortie de l’être ordinaire pour s’emplir d’évanescence. Sans doute d’ailleurs est-ce la présence des femmes qui me fit le plus prendre conscience de cette présence intime en nous qui nous dépasse et nous guide. Les femmes sont la mémoire de l’humanité pour ce qui concerne l’expérience de l’intimité personnelle. Elles ne disent rien, mais étendent leur filet de grâce sur vous et vous transforment en profondeur sans qu’on s’en rende compte, jusqu’au jour où l’on rencontre la femme. Elle devient votre modèle, vous modèle, vous projette hors de vous-même et vous fait entrer dans ce monde de l’âme où rien n’est écrit, mais où tout est légèreté palpitante qui ouvre au monde. Vous savez alors que vous avez une âme, qu’elle est plus qu’un guide ou qu’une morale. Elle est la vie même, au plus intime, plus vous-même que vous-même. Vous découvrez votre âme et vous la sentez. Elle est là, elle vous appartient et vous êtes heureux d’en posséder une.

François Cheng a écrit un livre merveilleux qui s’intitule De l’âme (Albin Michel, 2016). C’est une suite de sept lettres en réponse aux lettres d’une femme qu’il a connue autrefois quand elle était jeune et qu’elle osa, un jour dans le métro, alors qu’elle était assise en face de lui, s’assoir à son côté et lui parler de ses livres. Il lui dit : « Comment faites-vous pour assumer votre beauté ? » Et il s’interroge : « D’où vient que cette beauté soit ? » Sa réponse : « Il y a l’âme du monde qui aspire à la beauté, et il y a l’âme humaine qui y répond, par la création artistique, par la beauté intérieure propre à une âme aimante et aimantante – beauté du regard, du geste, de la donation, qui porte le beau nom de sainteté ». Vingt ans plus tard, elle lui écrit : « Je me découvre une âme. Non que j’ignorais son existence, mais je ne sentais pas sa réalité. Acceptez-vous de me parler de l’âme ? »

Lire et relire ce livre poétique et formateur à un mysticisme quotidien et naturel : la merveilleuse sensation d’avoir une âme et d’en vivre au plus intime de soi-même.

Nos contemporains balancent sans cesse entre le corps et l’esprit (ou l’intelligence ou la conscience ou le système nerveux ou… bien d’autres choses encore). C’est un équilibre instable qu’ils forment entre eux et ils sont tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. François Cheng nous dit, comme Pascal, que l’homme est constitué de trois parties : le corps, l’esprit et l’âme. Alors vient l’équilibre et l’homme devient adulte. Il sait où il va, ce qu’il fait, même si ce qu’il fait ou ce qu’il pense va à l’encontre des pensées du moment.

Dorénavant, non seulement cultivons notre âme, mais parlons-en. Elle nous enchantera et enchantera les autres.

05/03/2018

Le nombre manquant (43)

– Au fait que désirez-vous savoir ? me demanda l’artiste.

– Eh bien, je vous avoue que cela fait maintenant deux jours que le professeur et sa secrétaire sont absents et peut-être pourriez-vous me renseigner sur leur emploi du temps ou les raisons de leur absence.

– Je vous avoue que les pensionnaires ne sont pas mieux placés pour connaître l’emploi du temps du professeur. Peut-être devriez-vous vous adresser à la secrétaire générale, elle sera plus à même de vous indiquer où se trouvent le professeur et son assistante. Je vais la prévenir de façon à ce que vous n’attendiez pas.

Je rencontrais la secrétaire générale, une femme efficace, semblait-il, mais qui ne savait rien sur l’absence du professeur et encore moins sur celle de son assistante.

– Nos responsables ont besoin de nombreux contacts extérieurs et pour cela sont très libres dans leur emploi du temps, me dit-elle.

L’heure avançait, je devais rentrer à l’hôtel pour la réunion programmée. Aussi quittais-je la villa Médicis, sans avoir pu véritablement progresser sur la disparition de Claire et du professeur.

 

– Voilà. J’ai repris le tableau que nous avions fait à Paris. Que nous apprend-il ? s’interrogea Vincent.

– Plus je réfléchis, remarqua Mathias, sur les auteurs de ces actes encore non identifiés, plus je penche vers trois catégories de personnes : en premier lieu les religions toujours poussées par la protection des dogmes et de la morale ; en second lieu, les organisations à visée dominantes stimulées par la connaissance et l’influence ; enfin, les États dont l’objectif est la conquête ou le maintien à la fois au plus haut niveau géopolitique et en même temps réservé à la caste des politiques. Il me paraît évident que la première catégorie est la plus susceptible d’avoir un rôle dans nos difficultés. Juste un mot encore. On pourrait ajouter à ces trois possibilités certains scientifiques, individuellement, dont l’objectif pourrait être la reconnaissance de la communauté savante. Il y a et il y aura toujours des savants fous !

– Gardons cette hypothèse à 3% de possibilités, mais les recherches dans ce cas seront très difficiles, voire quasiment impossibles sauf erreur de sa ou de leur part, remarqua Vincent.

– Pourquoi ? Je te fais remarquer que nous avions mis un indice de 2 pour cette catégorie de personnes.

– Oui, c’est exact. Mais autant je vois la possibilité d’une intervention de scientifiques pour connaître nos recherches, autant je ne les vois pas organisant un kidnapping ou une action de force.

– Je le concède, cet élément nouveau, une éventuelle action contre Claire ou même le professeur change la donne des possibilités.

– En fait, remarquais-je, tout ceci ne nous apprend rien de plus que ce que nous savions déjà.

04/03/2018

Vivant

 

Futilité de la bonne chair.
Quand le ventre se remplit, l’esprit se vide.
La densité du ventre est en relation avec la légèreté de l’esprit.
Certes, l’homme est plus gai,
Mais sa gaité est celle de l’homme repu et non de l’homme contenté.
Il y a une gaité du corps et une gaité de l’esprit.
La seconde est rare, mais elle a plus de prix.
Nous ne voulons pas d’hommes bons vivants,
Mais des hommes bien vivants.

 

03/03/2018

Missa sine nomine, d’Ernst Wiechert

Missa sine nomine, c’est le livre de l’amour, amour plus fort que la solitude, plus fort que le mal, plus fort que la haine.

Le baron Amédée de Liljécrona, qui ne croyait plus à rien, pour qui l’homme n’a pas de pire en18-03-03 Missa-Sine-Nomine.jpgnemi que son semblable, renaît lentement à la vie et redécouvre la pitié, la compassion et l’amour véritable. Déchiré par quatre ans dans les camps nazis, il aspire d’abord à la solitude, et fuit le commerce des hommes et même de la nature. Mais d’autres lui feront retrouver le fond de l’âme, ce lieu éclairé d’une petite flamme fragile et  vacillante, qui ne s’éteint que rarement. Le pasteur Wittkopf et le vieux cocher Christophe, gens simples et bons, sont des personnages d’autrefois, grandes figures de l’âme humaine dans ce qu’elle a de meilleur.

Cet amour que retrouve Amédée, c’est l’amour du Christ pour les hommes, un amour pur, désintéressé, fait de multiples renoncements de soi, un miracle difficile à cerner, mais d’une incroyable puissance sur les autres.

02/03/2018

Dédoublement

Il est quatre heures du matin, une heure humaine…
Je rentre en moi-même, ne sachant où je vais…
Soudain, un bouton déclenche le dédoublement
Comme si l’aile d’un oiseau l’avait enfoncé…
La vue se dédouble, comme une brisure
Je louche dans mon être et me sens bien
Je prends de la distance et me regarde
Je sens la fragilité de mon enveloppe corporelle
Comme une membrane déchirable
Qu’il faut protéger des meurtrissures…
La rendre transparente est mon premier devoir…
Je reviens à moi en suspension interne
Au lieu où rien ne peut m’atteindre
Là où se creuse le dédoublement
Et où se bâtit la réunion des contraires…
Descente en soi-même et montée hors de soi
D’un même mouvement instantané…
L’autre, l’ancien, reste à sa place
Ou plutôt s’efface dans le brouhaha
Des tableaux temporels quotidiens…
Je deviens ballon d’air chaud, libre
Tranquillisé, l’œil ouvert, le cerveau vide…
Plus de pensée, plus d’être non plus ?
Non, j’ai simplement changé de véhicule
Montée en flèche dans le noir protecteur
J’erre dans la mousse vaporeuse
D’une réalité nouvelle, enveloppante
Sur un nuage de brume chaude
Où le cœur fond et le corps repose
Ah ! Se tenir là toujours et...
S’ouvrir à la réunification…

©  Loup Francart

01/03/2018

Le nombre manquant (42)

Je souhaitais revoir les artistes avec lesquels nous avions conversé lors de notre visite à la villa Médicis. Vous vous souvenez que j’avais pris le rôle de directeur d’une agence de communication pour nous introduire auprès des artistes résidents. Cela restait une bonne introduction pour aller prendre le pouls. Je pris le temps tout d’abord pour me promener dans les jardins, puis pour admirer la vue sur Rome et enfin pour visiter ce magnifique palais qui est bien plus qu’une simple villa. Je me laissais aller à regarder les pièces d’exposition et les tableaux qui ornaient les murs et  me présentais vers seize heures à l’académie. Rappelant mon rôle, je demandais à voir le jeune artiste qui travaillait sur les chiffres en verre. Après quelques minutes d’attente, je fus introduit dans son atelier.

– Je me souviens très bien de vous, me dit Pierre Englebert, et du jour auquel nous nous sommes vus. C’était il y a peu quand le professeur vous faisait visiter les logements de quelques pensionnaires et leurs travaux. Plus particulièrement de votre tête lorsque le professeur se fâcha à propos du nombre qui devait achever  le lustre en verre que j’étais en train de faire.

– Cela s’est donc tant vu ?

– Oui, nous nous sommes habitués à de telles sorties. Mais vous, quelle tête !

– J’avoue avoir été un peu surpris, sinon décontenancé.

– Oui, le professeur est parfois abrupt, décalé et surprend les visiteurs par des remarques originales traitant tantôt de cosmologie, tantôt de philosophie et tantôt de religion et même de mystique. C’est un être assez étonnant qui ne s’arrête pas à ce qu’il connaît et qui tente d’élargir en permanence sa vision du monde sur des sujets à l’extrême pointe de la recherche. C’est pour cela que les pensionnaires l’apprécient malgré ses sorties parfois scabreuses.

– À ce propos, savez-vous pourquoi celui-ci vous a dit « Non, pas zéro, orez ! » Est-ce habituel chez lui ou cette injonction est-elle nouvelle ?

– Vous devez vous souvenir qu’il l’a en partie explicité. Mais je ne l’avais jamais auparavant entendu dire quelque chose de cet ordre. Cela doit dater de trois à six mois au plus.

– Cet orez dont il parle a à voir avec l’infini, mais j’avoue que pour l’instant, je ne vois pas.

– Il parle assez souvent d’infini potentiel ou en puissance et d’infini en acte. Je concède que je ne suis pas capable de bien distinguer les deux notions. Il a repris une fois la définition d’Aristote, « l’infini est ce qui est tel que lorsqu’on en prend une quantité, c’est-à-dire quelque grande que soit la quantité qu’on prend, il reste toujours quelque chose à prendre »[1]. Je pense que c’est ce qu’il appelle l’infini en puissance : il est toujours possible de l’augmenter dès l’instant où l’on découvre quelque chose de plus.

– C’est sans doute ainsi, tentais-je d’expliquer, que Jean Duns Scot prétend que l’infini n’est pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable[2]. Mais ce qui me semble le plus intéressant chez Scot, c’est la transposition qu’il fait de la physique à la métaphysique. Il parle d’ « être infini actuel, indépassable en entité », qui serait « véritablement un tout, et un tout parfait ».

Mon interlocuteur resta coi. Il semblait avoir du mal à me suivre. Peut-être me trompais-je et le professeur n’avait jamais parlé de ces comparaisons possibles entre le monde physique et le monde spirituel.

 

[1] Aristote, Physique, III, 6, 206 b 32-207 a 15[207 a 7-8], dans Sondag 2005, p.119 

[2] Quolibet V (Olms, p. 118) dans Sondag, Duns Scot : la métaphysique de la singularité, p. 107