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01/02/2017

Espace

Les bords froissés de la fenêtre
Tracent leurs courbes dans l’espace

Ils réveillent en chacun le parfum
Des matins d’automne endoloris
Quand l’haleine glacée de l’océan
Se glisse sous votre dos et chante
La fin de l’extase dans la nuit

Dorénavant, l’ombre des caresses
Accompagne le héros qui sort
Vêtu de gris, sans entrain
Pour se laisser mourir gentiment
Dans l’air diaphane de l’aube
Quand apparaissent les premiers rayons

La nuit n’est pas le jour
Le matin n’est pas le soir
La lumière n’est pas l’obscurité
Il y a une ambiance délétère
Sans pouvoir sur l’artiste
Qui se noie dans la brume
Et s’estompe le jour

Mais pendant ce temps
Se déploie la rencontre
Sur le fil de la volonté
Entre l’existence et l’essence
Là où rien ne vient maquiller
La franchise de l’être

Nous ne sommes plus
Seul vit en moi et en toi
Ce gouffre inimaginable
Qui nous fait plonger
Dans l’inconnu chaleureux
D’absence d’être…    

 

 ©  Loup Francart

28/01/2017

Usine

 

Usine, le même geste,
la même cadence, répétée mille fois.


N’être plus qu’un bras de levier,
que le prolongement d’une machine.


Le temps est déchiqueté...

 

11/01/2017

Retrait

Il s’est retiré du monde en un instant
Une respiration, une plongée en soi
Et le voilà parti en d’autres cieux
Dans son ballon de lumière invisible
Qui claironne son absence à tous
La frontière est variable selon l’heure
La nuit est plus propice à cette évasion
Un trou dans la gorge et l’air revisité
Qui ouvre une brèche béante
Dans un moi qui ne s’avoue pas
C’est imperceptible et tendre
Comme une coulée de neige
Sans bruit, il se tourne au-dedans
Et s’ouvre à l’invisible palpable
Cela ne dure pas, mais quel bonheur
Comme un gant de velours
Enfilé sur une paume rugueuse
Il marche les mains en avant
Et glisse entre les objets et le passé
Sans rien faire tomber, en silence
Une glissade effrénée et contrôlée
Qui coule le long du dos
Et le remplit d’extase brûlant
Cela peut vite le ramener sur terre
Un instant d’inadvertance
Fait revenir les flots de la présence
Mais cela peut également se prolonger
Et le faire monter plus haut
Là où rien ne rappelle l’impact
De l’éveil et de la déception
Alors il flotte entre ces deux mondes
Ne sachant où se poser
En lévitation de l’esprit
Hors du temps et de l’espace
Là où rien n’existe que lui
Qui devient autre
Mais qui ?

 

 ©  Loup Francart

06/01/2017

Anesthésie

Parfois me prend une tentation folle
Un trou noir et l’évanouissement de l’être
Plus rien qu’un vide immense
Comme un ballon qui se crève
Mon corps et mes pensées se rétractent
Il n’y a pas d’oppression
Tout juste un pincement
L’avertissement d’un autre monde
Encore inaccessible, tentant
Comme un fil d’araignée
Suspendu à la branche de l’avenir
Concentration des cellules projetées
Et passage dans le trou de l’aiguille
Où cela mène-t-il ?
Cet instant dérisoire et doucereux
Est une cicatrice que l'on aime gratter
Une seconde de bonheur suspendue
A des minutes d’angoisse
Et la paix au bout du tunnel
Derrière je pressens la lumière
La respiration translucide
L’évasion attendue de la pesanteur
L’entrée dans le liquide amniotique
Qui anesthésie le toucher de la vie
Approche, approche, me dit-on
Mais ne franchis pas la ligne
Car tu ne reviendras plus !

 

©  Loup Francart

01/01/2017

Premier de l'an

Premier de l’an, mais lequel ?
Il en a tellement vécu qu’il ne sait plus
Pourquoi marquer d’un trait au calendrier
Ce jour délicat d’hiver blanchi
Contente-toi de frôler le verre
Pour percevoir le froid qui vient
Et qui dépasse ce que tu connais
Il te prend aux tripes par son brio
Et la blancheur du gel sur les branches
Te délaisse de tes espoirs insensés
Pause… retour aux quatre coins
Lequel de vous deux est pris
La main dans le sac à puces
Et l’oreille collée à la porte verte
De l’espoir d’un jour nouveau
Et d’une nuit fidèle à l’orage
Qui gronde au loin, près du buisson
Des cloches de verre, rompant
La série de flatulences inédites
Quel jour de nouveau jour
D’une nouvelle année, encore ?
Demain tu seras un homme neuf
Fraîchement éclos de cette année
L’œil vif, le poil lustré, le verbe haut
Pourquoi ?
Rien ne saurait te donner
Ce qui est en toi
Fouille ! Fouille encore !
Et naît de cet espoir insensé
Celui d’être à tout jamais celui que tu es
Chéris-le, il ne durera pas
Alors presse-le contre ton cœur
Et dis-lui ton amour de la vie
En ce jour nouveau d’une nouvelle année

 

©  Loup Francart

31/12/2016

Se voir

Écrire pour se voir et non pour se montrer,
c’est le début de mon crédo en poésie.
(Luc Bérimont, poète)

 

Jaillissant du cœur, la poésie tombe en pluie
Et lessive la mémoire de ses odeurs de suie
Elle envahie l’homme jusqu’à le faire femme
Et l’emmener au plus profond de l’âme
Alors, dressé sur la pointe des pieds
Il reconnaît sa déshérence et cherche un équipier  
Il trouve son regard dans le miroir
Et se dit qu’il est digne d’un tel homme
Il ouvre son cœur au plus offrant
Et rien ne l’empêche de devenir celui
Qui se presse et se hâte auprès de lui-même
Pour se contempler, hilare, en face à face
Et sourire dans l’adversité du destin

 

©  Loup Francart

 

30/12/2016

Situation poétique

Vivre avec un poète n’est pas une chose aisée,
Car on sait que toute situation est observée.
Qu’elle soit ordinaire, drôle ou insolite,
Elle est bonne à devenir objet de poésie.
Cela germe dans la tête du poète subitement
Et la litanie des vers sans fin se dévide.
D’où sortent-ils ? Nul ne le sait.
Ils montent dans la gorge en foule,
Se heurtent au portail de la parole,
Se transforment en écriture arrondie
Jusqu’à n’être plus qu’un peu d’encre sur le papier
Qui danse sous les yeux des non avertis.
Il s’isole donc pour écrire ses vers
Qui grouillent dans sa tête jusqu’à la sortie.
Il est délivré, heureux, et peut enfin se détendre.

©  Loup Francart

29/12/2016

Mémorandum

Étonnant que je puisse oublier (...) le principe à partir duquel seulement l'on peut écrire des œuvres intéressantes, et les écrire bien. [...]

Il faut d’abord se décider en faveur de son esprit et de son propre goût. Il faut ensuite prendre le temps, et le courage, d’exprimer toute sa pensée à propos du sujet choisi (et non pas seulement retenir les expressions qui vous semblent brillantes ou caractéristiques). Il faut enfin tout dire simplement, en se fixant pour but non les charmes, mais la conviction. »

Francis Ponge, Le parti pris des choses, suivi de proèmes, NRF Gallimard, collection Poésie, p. 109

 

Ponge invente le « proème » (Proêmes, 1948), mot forgé par contamination de PRO(se) et de (po)ÈME, mais qui reprend en réalité à la poésie grecque le terme de prooimon (« ce qui vient avant le chant » : oimè), qui désigne le prélude des joueurs de lyre (Dictionnaire mondial des littératures, entrée : “Francis Ponge”, Larousse). De manière plus simple, on peut dire qu’un proème est la partie introductive d'une œuvre, d'un poème, d'une prière ou d'un discours.

Ce mémorandum, c’est ainsi que l’appelle Francis Ponge, est justement l’introduction de son recueil Proèmes, c’est-à-dire ce qui ne doit pas être oublié avant de lire le reste. C’est bien en cela que l’auteur avance « le principe à partir duquel seulement l’on peut écrire des œuvres intéressantes et les écrire bien ». Il exprime sa conception de l’écriture qui est avant tout la conviction et non la recherche du style. Ce que les éditeurs appellent style est une manière d’écrire dans la mode du moment. Ils pensent que si vous n’avez pas de style, c’est que vos écrits ne valent rien. Ce fut et c’est vrai pour de nombreux auteurs, tels, par exemple, Proust, refusé aux éditions Gallimard par André Gide et Jean Schlumberger en 1912. Il faut attendre l’évolution progressive de la pensée de l’élite pour que le nouveau style instauré par l’auteur devienne Le Style.

Francis Ponge nous livre ici le fond de sa pensée : peu importe le style, c’est-à-dire la brillance ou les caractéristiques de l’écriture, seule compte la conviction de l’écrit et donc de l’auteur. Cette conviction s’acquiert d’abord par le choix, libre de toute mode et de toute influence, de ce que l’on veut écrire. On ne peut bien écrire que sur un sujet qui passionne et sur lequel on a réfléchi longuement. Ce n’est pas le sujet du jour, c’est vrai, mais peu importe, c’est un sujet qui vous intéresse, sur lequel vous vous êtes penché et que vous avez approfondi en vous questionnant en vous-même sans chercher à dire ce qu’en pensent les autres ou, peut-être même, en dépassant la pensée des autres. Dans Proèmes, Francis Ponge nous livre sa pensée avec sa conviction : « comment écrire pour exprimer quelque chose, c’est-à-dire soi-même, sa propre volonté de vivre par exemple, de vivre tout entier, avec les sentiments nobles et purs qui existent en vous » (Ibid p. 191). L’écriture est donc un engagement hors des conventions pour que l’auteur en exprimant sa vérité intérieure puisse trouver sa liberté et son épanouissement (même si elles sont difficiles à faire éclore).

Ponge ajoute qu’il faut « tout dire simplement, en se fixant pour but non les charmes, mais la conviction ». Dire simplement, tel est le mot d’ordre, et non chercher à briller ou être dans le goût du jour. Simplement ne veut pas dire, je le suppose, de manière simple, comme tout un chacun. Mais avec ses propres mots, sa propre manière de voir, et non déguiser sa pensée dans le moule des pensées du moment. C’est sans doute ce qu’il y a de plus difficile à faire : garder sa ligne de conduite, c’est-à-dire sa propre façon de voir plutôt que de la diluer dans le verbiage des autres.  Beaucoup objecteront, avec juste raison, que nombreux sont les auteurs qui ne réussissent pas parce qu’ils ne sont pas capables de produire un style agréable qui sied au lecteur du moment. C’est vrai. Mais le plus souvent, c’est plutôt par manque de réflexion et d’approfondissement que se produit ce dysfonctionnement entre l’auteur et le lecteur. L’auteur ne va pas au fond des choses. Le lecteur non plus. C’est l’échec. Le succès peut d’ailleurs ne venir que tard, même après la mort de l’auteur. On découvre ainsi des manuscrits qui se révèlent bons parce que le temps est passé sur les modes du moment.

Mais rassurons-nous, n’en est-il pas de même pour toute idée nouvelle, d’abord rejetée par sa nouveauté, puis adopter par quelques-uns, puis par tous, en oubliant d’ailleurs qui l’avait exprimé le premier ?

25/12/2016

Noël

L’enfance, ce privilège ignoré
Donné à tous sans qu’ils le sachent
Et vécu différemment selon le cas

Vite oubliée par les soucis de la vie
Elle resurgit plus tard, vivace
Dans un souvenir pur de désir
D’un retour au monde perdu

Il faut s’en extraire, résolument
Pour ne pas tomber immanquablement
Et continuer à voir l’avenir
Pour vivre encore et toujours

Aujourd’hui, Noël nous rappelle
Ces jours heureux que l’on ignore
Lorsqu’on les vit et que l’on revit
Sans vouloir vraiment croire
Qu’ils furent et nous ont formés
Pour que l’on devienne
Ce que nous ne savions pas être

©  Loup Francart

24/12/2016

La barque

Faire un tour en barque, quelle aventure !
Quand on a une dizaine d’années derrière soi
Ce moyen de transport devient un mythe
Et elle est là, attachée par une chaîne au mur
Derrière la porte en fer forgé, flottant
Au gré des vents sous son auvent de pierre
Ah, monter dedans et s’en aller pour oublier
Le poids des ans et l’incertitude de l’avenir
Se laisser glisser sous le vieux pont grisâtre
Et partir au loin, quelques dizaines de mètres
Des mesures de géant pour de si petites jambes
L’envie les démange, leur corps est déjà assis
Sur le petit banc, tendu vers l’exaltation
D’un voyage merveilleux sur l’étendue liquide
Et se contempler dans ce miroir mobile
Sans pouvoir respirer pour ne pas le voiler
D’un souffle d’apaisement et de bonheur
Seules les rames ont ce pouvoir de l’onde
De marquer leur avancée sur la surface
Ils rament sans cadence tout au plaisir
D’agiter leurs bras et de pousser, en extase
Pour sentir sous leur être l’avancée du rêve
Mais la barque a sa volonté, elle va ou vient
Dans un sens, puis dans l’autre, en crabe
Ou comme une grenouille asymétrique
Ils sont passés sous une arche du pont
Criant leur joie qui résonne sur la voûte
Emmenée par le courant, la barque tressaille
S’agite, se rétracte, s’amuse de tant de naïveté
Elle sourit de cette turbulence sereine
Et se laisse porter, indifférente et polie
Sous l’injonction de petites mains sur les rames
Que d’émotion, de cris, d’effroi et de bonheur
Ont été ressenti cette après-midi-là
Dans ce petit bateau vert flottant sur l’eau
Pour exprimer ce qui deviendra un souvenir
Dont ils se rappelleront quelques années plus tard
En regardant le pont du haut de la terre ferme :
« Tu te souviens, la barque… C’est loin… »

©  Loup Francart

18/12/2016

L'infini

Contrairement à ce que beaucoup pensent
L’infini peut être moins grand qu’on l’imagine
Il n’est pas ce Tout nébuleux contenant tout
Il n’est pas ce qui ne contient rien d’extérieur
Il est l’inverse de ce que l’on imagine, dit Aristote
Car ce qui n’a rien d’extérieur est un tout
Et un tout complet parce que fini
Non, à l’infini il manque quelque chose
L’infini est incomplet et imparfait
On peut toujours le diviser ou le multiplier
En cela il n’est pas le contraire du zéro
Il procède du Un qui n’a pas de limite
Tout chiffre est divisible infiniment
Ou multipliable par un autre chiffre
Y compris par un Un qui, lui, ne multiplie pas
Et qui ne divise, hélas, pas non plus
N’est infini que ce à quoi il manque quelque chose
Et à qui il manquera toujours quelque chose
L’infini est donc un intérieur remplissable
Et non un plein parfait sans extérieur
Il ne sera jamais rempli, jamais complet
Il n’englobe pas tout, car il peut encore plus
Ou encore moins, si l’on part à reculons
Mais en chacun de nous se développe
Cette infinité qui ne peut compter jusqu’au bout
Mais qui peut tout concevoir au-delà
Dans le brouillard d’un tout devenu Un
L’infini est en toi, contemple-le
Mais ne te laisse pas prendre dans ses filets
Tu ne reviendras pas et ne sera pas délivré
La délivrance vient de l’ignorance
Qui t’envahit et te glace d’effroi
Ce n’est pas non plus le rien
Peut-être le Un, plein et entier
Mais innommable parce qu’inconcevable
Ce chiffre est le contraire du zéro
Il n’est pas infini, il est le plein
Et le plein est plus que l’infini
Il n’est pas mathématique
Il n’est ni divisible, ni multipliable
Il est lui et lui seul, plein et entier
Couvrant l’univers de son voile
Créant la transparence pure
Que sont la transcendance et l’immanence

©  Loup Francart

14/12/2016

Dés

A nouveau l’être maléfique et blanchi
Qui courre sans vergogne dans la montagne
A-t-il toute sa tête ce spectre jauni ?
Mérite-t-il vraiment ce retour du bagne ?

Sait-on ce qui vient ensuite, derrière l’ombre
De ce grand chacal enfiévré de douceur ?
Aurais-tu perdu au jeu des dés sans nombre
Ou donc serais-tu passé sans ta demi-sœur ?

Et cet autre monde sans corne ni fureur
Se prête aisément à l’échange d’imposteurs
Dieu soit loué, il se refuse à l’entrée

Quel rêve étincelant et maléfique
Tourne dans la tête du pasteur séraphique
Et l’entraîne vers une innocence feutrée ?

©  Loup Francart

12/12/2016

Malade

Entrer dans la chambre d’un malade
C’est déjà être malade soi-même
L’un l’est véritablement, le pauvre
L’autre, le visiteur, se rend malade lui-même
Dès l’entrée, il se sait vulnérable
Il jette un dernier coup d’œil dehors
Avant de poser son regard sur le sujet
Ses traits sont-ils altérés ?
Sa main tremble-t-elle dans l’adversité ?
Rien ne transparaît apparemment
Pas la moindre faute de comportement
Mais toujours il guette le défaut
Ne pouvant s’empêcher de l’attendre
Alors il joue la comédie de l’espérance
Tout sourire, voir tout rire
Une décontraction désopilante
Avec un rien de compassion
Le geste large, la mèche en bataille
Il s’invente des propos hors de saison
Étire ses jambes en les croisant
S’essuie les yeux avec son mouchoir
Et dit sentencieusement : quelle chaleur !
Le malade n’ose dire qu’il est bien
Au chaud dans ce lit de douleur
Ne pouvant bouger, ni même respirer
Alors il sourit aimablement
À l’être qui lui fait face et le regarde
Avec, lui aussi, un rien de compassion
Le visiteur est surpris et lève le sourcil
Que diantre, se dit-il, est-ce lui
Ou moi qui se trouve si mal
Il ne sait plus et se contemple
Dans ce miroir du jeu mondain
L’œil embué, il desserre sa cravate
Il se sent réellement mal, sinon malade
Mais un mal étrange, qui colle à la peau
Comme un mauvais rêve, un soir de bringue
Ou encore un réveil d’une nuit sans sommeil
Il refait enfin surface et devient aimable
C’est-à-dire aimant, sourires et en verve  
Il enclenche la première, avec douceur
Comment vas-tu ? As-tu mal ? Es-tu bien mis ?
De petites phrases qui ne coûtent rien
Qui permettent de se mettre dans le bain
En immersion dans le brouillard de la maladie
Il cherche le mot juste et ne le trouve pas
Il rit lui-même de son manque d’aisance
Bredouille une phrase incompréhensible
La rend sensible par une caresse dans l’air
Se reprend et finit par entrer dans le bleu
D’échanges intimes et de souvenirs communs
Une sorte de lévitation qui prend la gorge
Qui l’élève gentiment sous les aisselles
Et le transporte sur le nuage de l’entente
Enfin, il redevient lui-même, dans ce moi
Qui court à la surface de la peau
Et rayonne à l’extérieur sans rien dévoiler
De ce qu’il cache en lui, derrière la frontière
De la bien-portance et du bien-être
Il ne peut s’empêcher de se comparer
À un infortuné malade imaginaire
Qui n’en peut plus de traîner sa carcasse
Devant d’autres plus miséreux que lui
Que fait-il ici, lui l’indolent d’un jour
Malade de voir un vrai malade
Jouant la comédie de l’osmose
Jusqu’au moment où n’en pouvant plus
Il annonce doucement qu’il se fait tard
Qu’il a encore beaucoup de chemin à parcourir
Qu’il doit acheter telle chose, avant de rentrer
Que sa voisine l’attend, que son chien doit sortir
Qu’il doit porter son linge à la laverie
Bref, mille prétextes et excuses imaginaires
Qui lui sortent de la bouche en flots continus
Il lui dit presque à Dieu, se rattrape
Il le revoit bientôt, dans une nouvelle visite
Tout aussi malencontreuse et feinte
Laissant une lueur d’espoir au malade
Qui n’en dit mot et sourit d’un air las
Oui, tu dois te reposer ! Mais qui parle à qui ?

©  Loup Francart

08/12/2016

Palimpseste

Un nom barbare, comme une robe moulante
A coller sur la peau d’un cadavre bien mûr
Ou encore un animal inconnu et pervers
Qui fouille dans les corps et s’y installe
Le palimpseste n’est ni un sentiment
Ni un animal, ni même un outil
Ce n’est qu’un bout de papier
Flétri, gommé et réutilisé
Une commodité jetable
Un vrai brouillon
Un mot en trop
Ne disant
Rien
Ah !
Dire pal
Un supplice
Si douloureux
Vécu par el-Halabi
Assassin du général Kleber
Limp, tel une boiterie anglaise
Qui produit une dissymétrie funeste
Quant au zeste, péricarpe des agrumes
Que devient-il une fois dans la transparence
Du liquide agréable qui enivre le palais et l’esprit ?

    C’est vrai ce n’est qu’un palimpseste
    Un manuscrit qui toujours fut modeste
    Parce qu’utilisé et devenu indigeste
    Puis jeté, sans être devenu manifeste

©  Loup Francart

03/12/2016

Bleu

Bleue la lame du couteau dans le froid
Juste un bout de ciel et d’horizon voilé
Où courre le train noir et peureux
Dans la plaine réchauffée de lumière

Les notes cristallines des éclats de glace
Résonnent aux oreilles du voyageur averti
L’intensité tranchée des rayons réfléchis
Crée un voile subtilement bleuté

La pointe d’un glaçon brisé par les pieds
Rouvre la plaie de l’absolue transparence
Le monde s’éloigne à grandes enjambées
La lumineuse beauté bleuit le paysage

Bercé par le ronronnement des rails
Je me replie dans la chaleur du fauteuil
Envahi par cette froideur étincelante…
La vitesse façonne le vent de la solitude…

©  Loup Francart

28/11/2016

Fantomatique

Au creux des arbres, dans le feuillage
Apparaît la lune verte, rapiécée
Elle crie au monde sa folie
Elle se précipite sur les passants
Qu’a-t-elle fait, se dit-elle
Pour mériter pareille opprobre
Rien ne va plus dans ce monde altéré
De railleries où chacun conserve
Son quant-à-soi et son désir altier
Pourtant elle avait rêvé sans répit
Dans le mystère de son autre face
Dans les champs écarlates et sans fin
Elle avait ouvert son sourire
A d’autres qu’à elle-même
Elle s’était baignée dans le froid
Et la transparence de la nuit
Regardant sans se lasser son âme
Enfouie dans l’eau glacée
Miroitant de possibles ombres
Sur sa clarté limpide et cruelle
Et lui, l’homme éveillé et perdu
S’était mépris sur ses intentions
Rien ne bouge, rien n’existe
Qu’elle, perchée au sommet
Des cieux et des étoiles
Double intense de votre âme
Courant dans les bois, esseulée
A la recherche de son moi
Et ne trouvant que le vide
Fumeux et sans consistance
Un fantôme sans papier
Qui court après son ombre
Et ne trouve lui-même
Qu’une lueur d’espoir
Sans commune mesure
Avec la solitude
Adieu, toi qui fut moi
Adieu, moi qui fut toi
Le voile est levé
Je suis là et ne suis rien
Qu’un peu d’humanité
Sans nom, ni visage

 ©  Loup Francart

23/11/2016

Perte sèche

Je perds la tête…
Mais en avais-je réellement une ?
C’est bien une grosseur que je porte
Depuis longtemps au bout du cou
Mais il suffit d’un vent aigre
Pour que j’en perde la notion
Passent alors en moi des bruits
Des couleurs, des odeurs
Qui n’ont rien à voir avec moi
J’erre dans le paysage moite
De mon insuffisance trompeuse
Un balai en haut du corps
Où coule l’air frais des tempêtes

Il m’arrive aussi de perdre la main…
Elle part de son plein-gré, entière
Et contre ma volonté batifole toute seule
L’autre main peut chercher à la rattraper
Mais elle n’arrive pas à la repérer
Alors cette seconde erre sans fin
En recherche d’un moindre mal
Et ne trouve que le vide appauvri
Des jours nostalgiques et pluvieux

Attention ! Je n’ai jamais perdu mon âme…
Elle m’est solidement ancrée
Au plus profond de moi-même
C’est probablement parce que je ne sais pas
Où elle se loge dans cette carcasse
Que jamais elle ne m’a fait défaut
Elle me rend transparent
Me donne sa vertu simpliste
Et m’enrobe de miel sauvage


Oui, cela je ne le perdrai jamais
Elle m’appartient plus que moi-même
Je la contemple et ris
D’y retrouver un peu de celui
Que je continue de chercher tous les jours
Et que je ne trouve nulle part

 ©  Loup Francart

20/11/2016

Bouillonnement

Quel est ce bouillonnement
Qui sourd de tes entrailles
Tel le trop-plein d’un volcan
Déversé en pluie de mitraille

A peine sorti de la nuit sans fond
Il t’emporte dans sa danse
T’étourdir, te promène sur le pont
T’étreint et sans cesse la relance

C’est l’aspiration du large
Sans lieu ni durée qui t’entraîne
Jusqu’à l’horizon et ses marges

Le cœur soulevé d’absence
Tu pars en goguette hors de l’arène
Comme aux jours de ton adolescence

 

©  Loup Francart

 

15/11/2016

Boucle

Il est venu, vert de lui-même
Il prit son courage à deux mains
Et sauta le ruisseau des eaux folles
Rien ne va plus, entendit-il
Dans un lointain vécu sans faille
Alors il repartit penaud, mais détendu
Vers d’autres cieux plus verts
Au ciel chargé de plomb et d’airain
Il naviguait dans les espaces sidéraux
Chantant sa complainte sauvage
En solitaire habitué à l’absence
 De cohérence et d’embonpoint
On l’appelait le fil volant
Mais ce n’était qu’un point
Sans même un abri où dormir
Qui parcourait le monde virtuel
Et s’attardait sur les litotes
Parfois il tombait dans le vide
Interminablement, solidaire
De l’ivresse des trous sans fin
Il franchissait la porte du trou noir
Et se retrouvait, exclu
Dans un monde moins consistant
Engagé dans une boucle infernale
Qui se terminait par une impasse
Demi-tour, criait-il aux vents
Qui le poussaient vers sa fin
Et le point repartait vers les pleins
D’une cervelle aiguisée et proliférante
Toujours plus au fond de l’imagination
Dans ce plein où rien n’existe
Hors du soi qui n’est pas le moi
Mais un autre fou, ivre de puissance

 

©  Loup Francart

 

10/11/2016

Présent

Le cœur soulevé
La pensée envolée
Le vide sans espace
Au fond de l’impasse
La main cherchant
L’ombre du contrechant
Le noir dans le trou
Imposant son verrou
Et par-dessus tout
Le meilleur des atouts
L’aspiration de l’être
Vécu sans altimètre
Tornade qui pressure
Ouvrant la blessure
De ce moi sans partage
Tapis dans l’ermitage
Jeté dans le désordre
Veut-il en démordre ?
Non, sans doute
Car de la céleste voûte
Tombe l’avertissement
A l’usage des amants
Rien ne sera fait
Au plus-que-parfait
Seul compte le présent
Du vide jaillissant
Ne pense plus
Ne reste pas exclu
Tu es sans être
Pars sans maître !

 

 ©  Loup Francart

06/11/2016

Lubie

Elle avait la prunelle aiguisée
Elle voyait les baigneurs à mille mètres
Et quand la mer était haute et verte
Il lui suffisait de se mettre sur la pointe des pieds
Pour savoir si les chaluts étaient remplis

Elle n’avait pas ses yeux dans sa poche
Ni les mains d’ailleurs qui s’activaient
Et piochaient des noisettes dans son sac à main
Lorsqu’elle voyait un homme comestible
Ses yeux lançaient des éclairs de convoitise

Oui, la capitaine du port a des lubies
Elle repère les marins en perdition
Envoie le bateau orange pour les sauver
Mais tient à sa compensation très chère
L’étendre encore mouillé dans sa cabine

Non, elle n’a pas d’idées lubriques
Elle ne veut qu’une chose, qu’il lui raconte
Le moment où, prêt à se noyer
Il appela la madone d’un grand cri
Et fut porté par les bras des méduses transparentes

Alors, seule, elle ouvre les bras au ciel
Et crie d’une voix forte : « Merci »

 

 ©  Loup Francart

02/11/2016

Détournement

Le train roule, roule et roule encore
Mais il ne va pas dans la bonne direction
Il a été détourné.

Nous sommes partis vers l’inconnu
Le pays des rêves et des cauchemars
La boussole est déréglée et vide de sens
Est-elle également détournée ?

Les voyageurs se regardent, inquiets
Vers quel noir destin nous conduit-on ?
L’ignorance est pire que la frayeur
Elle nous retourne sur nous-mêmes
Et conduit à d’autres détournements

L’atmosphère progressivement s’alourdit
Le ciel s’obscurcit de nuages sombres
Qui se chevauchent sans vergogne
L’être se tasse au fond de son fauteuil
Et boude la vue câline des terres
Pense-t-il encore au déraillement ?

Le train s’endort par manque de patience
Les yeux clos nous nous cherchons à tâtons
Dans le noir, il prend la main de sa voisine
Qui la retire aussitôt, offusquée et tremblante
Pas de soutien, pas de voisin, pas de fin
Tout va à vaut l’eau, plus rien ne tient
Le contrôleur passe et la caravane nenni

Le voyage dura, dura, dura encore
Le conducteur a repris la bonne direction
Mais le cœur n’y est plus, vide et plat
On poursuit sur la lancée, aphone  
Le silence se fait oppressant et tendu

Tous semblent sans réaction aucune
Raides dans leur fauteuil ou amollis
Ils prient le ciel pour trouver la gare…

 

 ©  Loup Francart

01/11/2016

Equitation

Le cheval a l’élégance de son cavalier
Il ne se donne qu’à celui qui l’anime
En jouant de son centre de gravité
Et n’est en rien un partenaire anonyme

Il atteint sa joie et sa perfection
Lorsque, tendu comme un ressort
Il prend des allures d’idéation
Et devient son propre sponsor

Alors l’homme quel qu’il soit
De serviteur devient seigneur
Il s’élève dans le vide et la soie
Le cheval le fait monseigneur

Ce frémissement intense l’éveille
A une autre vie, devenue création
Qui le fait pure merveille
Dans le tremblement de la perfection

Il s’avance, fier et serein, au passage
Et semble dire toute sa puissance
Au service de celui qui, de l’apprentissage
L’a conduit à exprimer sa magnificence

Le couple devient dieu, émouvant
Il élève l’âme humaine du cavalier
Et transforme l’être de chair
De sa monture en feu vivant

Ce n’est qu’alors que l’équitation
En vérité, atteint son but ultime
Franchir le point de distanciation
Et naître en communion intime

 

  ©  Loup Francart

29/10/2016

Le volcan

 

http;//www.youtube.com/embed/iwwV4hGVEcQ


http://www.youtube.com/embed/iwwV4hGVEcQ



De rouge et d’or
Il déverse de toute sa hauteur
Les entrailles de la terre
Et hurle de ses profondeurs

– Non, n’approchez pas de ces eaux
Qui coulent de ma blessure géante
C’est le sang de votre mère Gaïa
Qui régénère l’apparence de la planète bleue
Admirez la vigueur de ses projections
Et le serpent qui se coule dans la pente
Pour rejoindre les eaux primordiales

C’est le dragon des îles du Levant
Dont les doigts bouillonnent à l’entrée dans l’océan
Qui crache ses vapeurs en chuintements sinistres
La roche en feu se donne, entière et consentante
En volutes de fumée et de sang mêlés

Agrandissant ainsi le socle des vivants
Le volcan se pâme d’adoration rougeoyante
Et chante en ces lieux solitaires le mariage
Du solide et du liquide dans l’éther enfumé

 

©  Loup Francart

 

27/10/2016

Détournement

Le train roule, roule et roule encore
Mais il ne va pas dans la bonne direction
Il a été détourné.

Nous sommes partis vers l’inconnu
Le pays des rêves et des cauchemars
La boussole est déréglée et vide de sens
Est-elle également détournée ?

Les voyageurs se regardent, inquiets
Vers quel noir destin nous conduit-on ?
L’ignorance est pire que la frayeur
Elle nous retourne sur nous-mêmes
Et conduit à d’autres détournements

L’atmosphère progressivement s’alourdit
Le ciel s’obscurcit de nuages sombres
Qui se chevauchent sans vergogne
L’être se tasse au fond de son fauteuil
Et boude la vue câline des terres
Pense-t-il encore au déraillement ?

Le train s’endort par manque de patience
Les yeux clos nous nous cherchons à tâtons
Dans le noir, il prend la main de sa voisine
Qui la retire aussitôt, offusquée et tremblante
Pas de soutien, pas de voisin, pas de fin
Tout va à vaut l’eau, plus rien ne tient
Le contrôleur passe et la caravane nenni

Le voyage dura, dura, dura encore
Le conducteur a repris la bonne direction
Mais le cœur n’y est plus, vide et plat
On poursuit sur la lancée, aphone  
Le silence se fait oppressant et tendu

Tous semblent sans réaction aucune
Raides dans leur fauteuil ou amollis
Ils prient le ciel pour trouver la gare…

©  Loup Francart

24/10/2016

Oui, maintenant, les pianos ont des oreilles !

Un piano doit être entre bonnes mains
Ces mains sont des danseuses vierges
Qui ne connaissent qu’un chemin
Celui où les jeunes filles gambergent

Arrivé tout frais acheté, laqué et enrobé
Il a trouvé sa place naturelle, sans souci
Il a sonné tout de suite sans se dérober
Bien que la tension des cordes se soit adoucie

Depuis il trône dans le soleil du matin
Brillant de ses dents blanches et de feux châtains
Le soir, avant de fermer, n’oublie pas son cache-col

Un piano c’est fragile, le rhume le rend inéligible
Alors il ne peut que pleurer des larmes inaudibles
Que seul entend l’artiste qui casque le piano-école

Oui, maintenant, les pianos ont des oreilles !

 

©  Loup Francart 

23/10/2016

Dimanche

Dimanche, jour du soigneur
Oui, le Seigneur est soigneur ce jour-là
Il vous nettoie le corps et le parfume
Il vous masse la nuque raidie
Il vous promène dans son paradis
En petite voiture comme un enfant
Et vous vous réjouissez de ces instants
Où l’univers devient intime
Il vous montre les petits à côté
Qui font du bleu du ciel
La matrice de votre vie rêvée
Le temps est retourné avec avantage
Vous en voyez l’envers, si doux
Comme un morceau de velours
Que l’enfant tient dans sa main
Humant son propre parfum
Et il devient une parcelle du divin
Dieu est immanent en toute chose
Y compris dans vos rêves de chérubin
Merci Seigneur de cet instant sublime
Où le monde se retourne
Et nous fait un pied de nez

©  Loup Francart 

21/10/2016

Visite

Elle apparut un jour
Personne ne l’attendait
Elle descendit la côte
Avec son port de reine
Que regardait-elle ?
Elle s’arrêta à l’auberge
Entra, l’air décidée
Mais ressortit aussitôt
Sans rien prendre ni toucher
Elle poursuivit sa route
Sans souci ni fardeau
Suivi par les gamins
Qui riaient sous cape
Ses cheveux blonds
Rayonnaient d’or
Son pied allait et venait
La poitrine en avant
L’œil à terre, blanc
Que cherchait-elle ?
Continuant à descendre
Elle souriait aux passants
Qui ne la connaissaient pas
Étonnés, ceux-ci ne savaient
S’ils devaient ou non répondre
Aussi personne ne sourit
Si ! Une femme seule
La regarda passer et sourit
Déjà elle s’éloignait
Environnée d’opprobre
Lorsque l’étrangère se retourna
Et lui fit un signe de la main
L’autre hésita ne sachant que faire
Qu’il est difficile devant tous
De prendre un parti
Alors que les autres ignorent
La beauté d’un sourire
Et la joie d’un regard
Elles marchèrent l’une vers l’autre
Se regardèrent sans rien dire
Se rapprochèrent, muettes
Et s’embrassèrent doucement
En amies, sans offense
Elles prirent la route des champs
Et plus personne ne les revit
Ni l’étrangère ni la Justine
Qui pourtant était native

©  Loup Francart 

18/10/2016

Taiseuse

Elle se tut sans effort
Que pouvait-elle dire ?
Ses mains cachées dans le dos
Battaient la mesure en silence
Effrayées d’entendre encore
Le boléro endiablé de l’automne
Et de sentir sur sa peau
Le vent léger et frais
Venant de la mer

Elle se tut sans effort
Que peut-on en dire ?
Vous l’écoutiez serein
Sans savoir qu’en tirer
Sa beauté s’évanouissait
Au fil des heures et des veilles
Jusqu’à ne plus tenir dans sa poche
Alors elle s’en allait, seule
Danser dans le désert
Et rire à satiété

Elle se tut sans effort
Que peuvent-ils en dire
Ces mâles fiers et penauds
Qui ne justifiaient rien
Et faisaient beaucoup de bruit
Elle baissait les yeux
Mais son corps de femme
Brûlait de tant de soins
De tant de caresses accomplies
Le tremblement léger de ces cils
Lui rendait sa vigueur d’adolescente
Saute dans l’arène et marie-toi !

Elle se tut sans effort
Que peut-il dire ?
Elle l’avait choisi, l’homme
Qui se complait dans son ombre
Il va et vient sans bruit
S’approche de la source de ses lèvres
Et embrasse calmement sa douceur
Puis il la prend dans ses mains
Et caresse sa tendresse
Jusqu’au tremblement suprême
Elle hurle alors d’un cri silencieux :
« Tu es ce que je suis
Car je ne suis rien de ce que tu es »

©  Loup Francart 

17/10/2016

mal de dent

16-10-15 Mal aux dentss.jpg

Ouille ! Quelle vrille s’enfonce en moi ?
Transpercé de part en part, je vibre
Et hurle, perçant, à la mort bienheureuse
Qui soulagera cette offense impossible
Plus rien, d’un coup, sans coup férir
Net de toute douleur, et pourtant…

Remâcher sans vergogne ni bourgogne
Pour rincer ce supplice interrompu
Puis danser sous l’œil familier
Des passants montant vers le cimetière
Quel objectif, n’est-il pas vrai ?

Aïe ! Quelle offense à l’optimisme
Nouvelle tête d’épingle enchâssée
On ne sait où, mais pas dans l’imagination
Un coup de rabot sur la face
La piqure étincelante de l’abeille
Le rire aigre de l’araignée poilue
Qui enserre dans ses tenailles
La gencive délicate et fêlée
Qui crie sans cesse et presse

La main tient la mâchoire
Le doigt plonge dans le gouffre
L’ongle cherche la faille
La langue enfin découvre
La pointe aiguisée de la douleur
Entre deux rebonds dentelés
Du moulin masticateur
Je te tiens, lui dis-je fermement
La suite est moins disant
Alors n’en parlons pas
De peur de voir fuir
Les amateurs d’histoire

©  Loup Francart