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02/01/2016

Aube

Elle n’ouvre qu’une paupière discrète,
Un regard de biais, en faiblesse.
Elle étire un bras hors des draps
Et engage l’horizon au lever.
Les nuées lui font obstacle,
Un nuage barre l’accès à la transparence.
L’aube des matins d’hiver
Peine à se lever en fanfare.
Enfin, son visage s’éclaire,
Un rayon de feu sur la platitude
S’empare des formes vagues
Et leur donne une allure squelettique.
Ce doigt décharné déclenche
Un ruisseau d’or et de mauve
Qui déferle à vue d’œil
En éclats de diamant
Et paillettes de sang.
L’aube, de ses cheveux blonds,
Ébouriffée sur l’oreiller,
Contemple l’univers endormi,
Écoute l’avertissement des oiseaux
Et attend le retour du hibou.
Le voici ! Il s’engouffre, majestueux,
Dans le bois du vieux saule
Pour y cacher ses yeux béats.
Alors, en un moment divin,
L’espace prend ses dimensions.
Il enveloppe de son corps puissant
Cette aube aux yeux de biche
Et l’élève dans le ciel pur
À sa place de reine, un trône
Tendu d’une main égale
À la contemplation du mouvement.
Telle une femme de feu,
Elle lance la langueur du nord
À l’assaut de l’intercardinal,
Vers ce nord-est ouvert dans l’océan
Où déjà les vagues humaines
S’agitent et s’organisent.
Ont-elles pu admirer l’étrangère
Qui sortit du lit la marée
Et lui fit dire "l’heure est venue
De reprendre votre vocation".
Alors sous les derniers festons,
Encore colorés de pourpre,
L’espace infini du jour
Se revêt de son bleu virginal.

 ©  Loup Francart

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

29/12/2015

Feu

Ce n’est pas le feu des nuits d’été
Quand la braise n’en finit plus
Ce n’est pas celui des hivers glacés
Contemplé du haut des monts
C’est un feu doucereux et charmeur
Qui t’entraîne dans le non être
Et tu te vois, squelette errant
Dans le froid des brumes matinales
Et la caresse de la couverture céleste
Vers laquelle se porte ton regard
« Marche vers ton destin qui n’est rien ;
Mais toujours laisse-toi retourner
Par l’embrasement d’un instant unique ! »
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Il arrive parfois que celui-ci se renouvelle
Apporte une nouvelle brillance, plus détachée
Au souvenir de cet moment mélancolique
Ajoutant une traine à la pointe de l’âme
Pour qu’elle demeure en mémoire

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Alors la vie reflue dans les veines
Et s’enfonce plus profondément dans le souvenir

25/12/2015

Cette nuit de Noël

Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit

On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence

On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches

On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappaient les larmes de froid

Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon s’époumonant...

Plongée dans la nuit noire
qui dessinait des sourires ébahis...

Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir

Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés

Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin

Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »

©  Loup Francart

 

Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.

Denys l'Aéropagite

23/12/2015

Arbre

L’arbre est tenace
Coupez-lui les bras
Il repart à l’assaut du ciel

Sa tronche lui tient lieu de tête
Il sait se dresser sur la pointe des pieds

Mais quand vient la dernière saison
Ses jointures fatiguées se crevassent
Il rend grâce et ouvre son corps aux cieux

Il finit sous la scie, rétractant sa chair fendue
Et s’épanche désormais d’un cœur tendre en volutes de fumée

©  Loup Francart

19/12/2015

Mouche

Incongrue, elle se tient là, perdue,
Sur une assiette, comme morte.
Vu d’un peu plus près, en se penchant,
Elle vibrionne de toutes ses ailes
Et aspire à grandes goulées
Le jus sucré des restes du repas.

Voici la fine mouche du coche,
Parjure et insaisissable,
Fine mouche volant sur les idées.
Elle t’accompagne dans la nuit,
On ne l’entend pas voler,
Elle te pique l’occiput, mais…
Qui peut lui faire du mal ?

Certains ont peur des mouches :
Ce tas de poils dans mon assiette
Où donc a-t-elle traîné auparavant ?
Sortie d’un manuscrit serré,
Ses pattes deviennent illisibles
A celui qui les tente avec du vinaigre

D’autres les préfèrent sur le visage
En décor inusité et pointe d’asperge
Sur le nez ou la joue câline.
Ce grain de beauté sur le décolleté
Donne des ailes à la gent masculine.
Les mouches les attirent impitoyablement.
Quel aérodrome délicieux, se disent-ils.

Certaines peuvent servir de modèles
Aux bateaux parisiens qui se piquent
De montrer le meilleur de la capitale
En courant d’est en ouest ou inversement.
Artificielles, elles ne sont qu’un appât
Qui attire le touriste au centre de la cible.

La mouche devient indicatrice.
Elle espionne pour le compte d’un autre.
Portée sous la lèvre inférieure
Et dénommée la Royale ou l’impériale,
Cette petite boule de poils renforce
L’ardeur de l’éclaireur ou mouche d’escadre.
Elle ne peut servir à cacher le visage.
Juste faire mouche un instant d’égarement.

Dieu, que d’imagination pour cet insecte
Qui vaque et prend la rage
Sans qu’on ose lui faire du mal.
Mais que vaut-il mieux ?
Disposer d’un chasse-mouche
Ou être piqué par les mouchetiques…

©  Loup Francart

15/12/2015

L'espérance

Espérer est un verbe aérien qui élève
De l’espoir à l’espérance, du Un au Tout
Le zéro est-il sans perspective
Et l’infini signifie-t-il croyance ?
Nul ne le sait sinon celui qui connaît
Et a franchi le pas de l’idée à l’action

L’espoir traduit l’attente et n’est qu’un mot
Il converge entièrement vers son objet
Et le rétrécit à la pointe d’une aiguille
Sous la peau se cache l’épine
Qui une fois découverte abrège l’inquiétude
Sans pour autant affaiblir la souffrance
Qui revient par une autre porte
Ouverte sur un autre objet

Pour certains, l’espérance est oubliée
Et devient illusion et aliénation
En effet, elle ne poursuit pas un gain précis
Et dépasse l’espérance mathématique
Elle n’a pas d’ambition
Et la gloire épuise son souffle
Elle est sans perspective
Et reste dans l’expectance
Elle ne court pas après un objet

L’espérance n’est qu’un état d’être
Elle est confiance et ouverture
Capte l’éternité et la rend palpable
Devenue vertu parce que persévérante
Réponse de l’homme au silence de Dieu
Elle est au-delà de l’espoir
Elle est l’ancre de l’âme
Elle est action, libre et libératrice
Elle est le chemin de l’accomplissement

Toi, l’au-delà de Tout
Plus réel que la réalité
Donne-moi d’espérer
Dans la vacuité de l'instant

©  Loup Francart

12/12/2015

Brouillard

Hors de toute gravité l’ouate flotte dans l’air
Et encombre les bronches révoltées
Par le passage des particules délétères
D’une brume persistante et illimitée

Enfoncez-vous mollement dans la purée
Laissez-vous aller sans bras ni jambes
Et ouvrez grand votre regard enchanté
Sur les nuages devenus ingambes

Il lui prit la main, hors de toute mise en scène
Gonflé d’un hélium envahissant et obscène
Il frémit de bonheur. L’angoisse attendra !

Va où te conduisent ton cœur et ta nature
Marche vers l’inconnue en toute droiture
Va vers la porte blanche et avance d’un pas !

©  Loup Francart

08/12/2015

Prière au Tout Autre

Toi, au-delà des mondes visibles et invisibles
Plus intime à moi-même que moi-même
Un et inconnaissable
Contenant le tout et contenu en tout
Merci à Toi, si proche et inconnu
Qui s’empare de mon être et le presse
Sur le vide intense de ta présence
Tu es là, hors de toute raison
Sans jamais te nommer ni te dévoiler
Et tu m’aspires en Toi, en toute liberté
Sur la seule foi de la confiance
Qui m’étreint et me bouleverse
Fais de moi ce qu’il te plaît
Permets que je me noie en Toi
Qu’encore et toujours, à chaque instant
Je n’oublie pas ta brise divine
Et avance les yeux ouverts
Sur la splendeur de ta création
En moi et hors de moi, entre le zéro et l’infini
Au-delà de tout toucher et de toute pensée
Dans ce lieu qui n’est pas moi
Et que je nomme Toi

©  Loup Francart

04/12/2015

La légèreté

Quel curieux mot… Légèreté…

La légèreté peut être habileté
Elle signifie la souplesse et l’aisance
De l’homme dans le monde et la vie

Mais elle exprime également
Le peu de poids à lui accorder
Le manque de consistance
L’étourderie et la désinvolture

Peut-elle être à la fois
Synonyme d’élégance
Et manquer de consistance ?

Notons qu’elle ne passe pas
Du positif au négatif en utilisant le zéro
Non elle saute à pied joint
D’un côté à l’autre de la ligne
Sans disparaître ou manquer d’être

La légèreté et un rêve réel
Une vision de l’invisible
La brume du vécu
Dans l’absence de mémoire

Curieux comme cette légèreté
Donne de la profondeur

©  Loup Francart

28/11/2015

Pictoème sous forme de haïku

Évadée
Évidée du contenant
S’évase l’âme

poésie,haïku,dessin,spiritualité

Haïku sous forme 3 - 7 - 5.

25/11/2015

Elle

Elle est là, maigre et misérable :
« Qu’as-tu, petite, à demander ? »
« Je cherche l’homme responsable
De ma vie et de ma pauvreté. »

Elle poursuivit sa route, clopin-clopant,
Les yeux fixes et l’haleine fétide,
Regardant ses pieds, penchée vers l’avant,
Tendant un doigt fragile vers le vide.

Le lendemain on la vit revenir,
Fière jeune fille sans un soupir,
L’œil vif et la chevelure brillante.

« Qu’as-tu, belle enfant, à nous donner ? »
Elle entraîna derrière elle le village entier
Pour un baiser supposé sur ses lèvres glaçantes.

©  Loup Francart

19/11/2015

Attentat

On a trois attitudes : la compassion, l’indifférence ou la rage

Le choix de la compassion est un choix simple et naturel
Celui de l’indifférence peut être personnel, mais ne pas le dire
Celui de la rage est pour les accros de la politique
Rage contre l’action, rage pour l’action, sans réflexion

C’est ainsi que la France se réveille ce samedi matin
Sans trop savoir quoi faire sinon mobiliser
Pour quoi, pour qui, contre quoi, contre qui ?
Seules les forces de l’ordre sont là et agissent

Chacun a son point de vue, c’est comme une explosion
Et plus l’on s’éloigne dans l’espace et le temps
Plus les divergences se font sentir pesamment

Ce ne sera plus le rassemblement, mais l’antinomie
Dans la passion des opinions et des réactions
Hors de toute analyse, recul et discernement

La seule union est autour des victimes
Vers qui affluent les pensées de tous
La France reste la France, le pays des troublions
Qui, en un instant, se relève et chante la Marseillaise

©  Loup Francart

15/11/2015

L'autre

Qu’es-tu toi pour me dire
La vanité des rencontres
La futilité des réunions
L’inanité de tout débat ?

J’y vois au contraire
Le propre de l’humain
La parole libre de l’être
Qui condense en un mot
Ce qui le met en joie
Le terrifie ou l’encourage

Seule, la créature s’étiole
Se réduit à elle-même
Et meurt d’absence

Ne te retire pas de toi-même
Tu y perdrais le meilleur
C’est-à-dire ce double
Que l’autre regarde
Avec concupiscence
Et que toi-même ignore

©  Loup Francart

11/11/2015

Vide

Se dit d’un contenant qui ne contient rien…
Le rêve de l’astrophysicien, les jours de pluie
Qui est de définir le vide sans lui donner du plein
Et dans lequel le zéro ne peut être déduit

La quatrième dimension peut-elle être vide ?
Est-ce à dire qu’aucun événement n’y apparaît ?
Le temps s’en va et ne circule nul fluide
L’univers s’écroule et tout devient muet

L’espace peut-il sévir s’il ne peut être mesuré ?
Le vide peut-il être limité par un contenant ?
Même le mot rien ne peut le délimiter
L’imaginer c’est déjà lui donner un lieu accueillant

Alors Dieu serait-il vide et sans saveur
Ou serait-il l’ultime recours de l’imagination ?
Au fond le vide est-il un alibi contre la peur
Ou une huile pensante à manier avec précaution ?

©  Loup Francart

07/11/2015

L'oiseau

L’oiseau, vert et cadencé, s’en est allé
Depuis, la pluie couvre les bois en silence

Une goutte se glisse et pénètre le col
Le frisson rappelle l’âme à elle-même

Envolée la luxure de l’automne
Qui tournait la tête aux biens intentionnés

Désormais le feu de l’hiver enchaîne
Le corps aux mouvements du cœur

Quelle est bonne cette odeur subtile
De salaisons et fumigations à ressortir
Lorsque la bise enlace la maison
Et vous force à rester là, tranquille
Dans l’attente imprévue d’une éclaircie
 
Et l’oiseau, vert et envolé, reviendra
Chantant pieusement le rayon de lumière
Qui frappe l’œil et fait fondre le cœur

©  Loup Francart

03/11/2015

Eternel

Toi, revenu sur ta parole
De la tête à la queue
Tu refuses pourtant le cercle
Et te projettes sur la ligne

Elle s’enfonce dans l’espace
Et s’enfuit dans le temps
Tu es là, seul, innocent
Perdu sur ta branche

Tu agites les ailes de la tentation
Et tombes les bras en croix
Tu es saisi par le vide
Qui courre sous tes pieds

Suis la corde de ta trajectoire
Prends la tangente de ta peine
Et parcours la moitié
Du paradoxe d’Achille

Toujours tu seras derrière
Et la course dure mille ans
Plus tu avances, plus tu ralenties
Jusqu’à t’arrêter au bord de l’éternité

Alors seulement tu pourras revisiter
Ta destinée dans l’éternel retour

30/10/2015

S'il vous plaît

Trois petits mots qui forment un tout
Mais ce tout ne suffit pas à savoir
Ce qui se cache derrière ces termes
C’est un ensemble vaillant s’il est suivi
D’un autre ensemble de … demandes
Qui sonnent comme des clochettes :
« J’ai besoin de toi, j’ai besoin de toi ! »
Oh, ce peut être minime, un simple souhait
Une supplique sans autre forme de procès
« Donne-moi à boire, j’ai soif… »
Et derrière cette  requête se cache
Un désir d’attention, d’aimable retour
Comme un set de tennis au fond d’un court
Plock… Allez… Plock… Retour…
C’est sans doute pour cela
Que ces trois mots vacillent
Et deviennent pâles et inusités
Ils ne sont plus à la mode
Dans un monde où communiquer
Revient à agresser le sollicité
Certaines professions en font plus
Elles n’usent d’aucune formule
De bon sens ou de simple politesse
Oui, il faut aller à l’essentiel
Et les trois mots disparaissent
Pour laisse place à l’utilitarisme
A l’efficace, au direct… Jusqu’à la mort
Pourtant ces mots laissent libre l’auditeur
Ils le sollicitent sans exagération :
« Vous plairait-il ? »
Mais c’est trop demander
A ceux à qui tout est dû
La prière n’est plus d’actualité
Seul compte le bonjour officiel
Qui permet ensuite de n’avoir
Plus à briguer l’attention
Il a rempli son contrat de civilité
Maintenant il exige, le verbe haut
Et ne pense plus à la caresse du poil
Et fond le respect dû à l’autre
Qui ne devient qu’un simple pourvoyeur
D’amabilités sonnantes et trébuchantes
Plutôt qu’un rêve enchanteur
Qui vous fait flotter sur le lac
De vos désirs de fraternité…

S’il vous plaît… Sans suite…
Comme une brise d’air frais…

©  Loup Francart

26/10/2015

Vivre

Je vis mille vies
Et pourtant je n’en ai qu’une
J’habite à l’autre bout du monde
Et pourtant je ne suis jamais sorti de chez moi

Je suis ermite
Et pourtant élastique

Même le temps ne peut rien contre moi
Aussi à l’aise chez le boucher qu’à l’église
Je suis tout ce qui n’est pas moi
Je ne suis rien de tout ce qui est moi

J’ai trouvé la paix un jour de marché
Lorsque j’ai vu les œufs en gelée
Descendre les escaliers dorés
Et rebondir encore à mes pieds

Oui, rien de tout cela n’existe
Sinon dans l’imagination
D’un cafard alourdi par le rêve
Et d’une grenouille sans voix

Merci chers auditeurs
D’écouter à nouveau
L’histoire sans fin ni passion
D’un pauvre vagabond
Qui vit mille vies
Et pourtant n’en a qu’une…

©  Loup Francart

22/10/2015

Clinique

L’odeur lisse et sans arôme
Des cliniques d’un jour ou d’une nuit…
Vous entrez à l’accueil en fantôme
Et ressortez vert comme un fruit

La puissance de l’enfer médical
Ne vous incline pourtant pas à la survie
Le néant vous envahit dans cet hôpital
Et subsiste bien au-delà de l’ennui

Lorsque vous vous dressez en chantant
Autour des lits sur lesquels gisent
Ces morceaux de chair vivants

Vous ne savez où est passé le plaisant
L’espiègle, le morne et le brigand
Tous atteint d'une triste catalyse…

L’odeur lisse et sans arôme
S’empare du moindre atome…

La puissance de l’enfer médical
Envoûte jusqu’à l’homme normal

L’existence…
Quelle importance ?

©  Loup Francart

18/10/2015

Destinée

La vie, c’est cette tête d’épingle
Que l’on a du mal à domestiquer
Ce n’est ni le mont Everest
Ni les collines de la satiété

C’est un pic qui vous fait frissonner
C’est un creux où l’on enfonce le doigt
Il ne dure qu’un instant, immense
Et s’en va aussi vite qu’il est venu
Vous laissant hagard et délirant
Secoué de tremblements de bonheur

La vie se révèle alors, intense
Embrasant l’univers, vous et lui
D’une même flamme aspirante
Qui vous fait repartir, ragaillardi
Vers un autre sommet, différent

Et c’est cette succession de haut et de bas
Qui fait la magnificence d’une destinée
Différente pour chacun, inégalée
En intensité et en circonstances
Mais qui conduit, pour tous
A cette extase d’un jour qui vous fait dire
Si c’est à refaire ? Oui, tout de suite !

Peut-être cela sera différent
On ne peut vivre deux fois la même chose
Mais les péripéties n’ont pas d’importance
Seul compte le frisson d’un instant
Cette envolée inénarrable de quelques secondes
Qui transforme l’homme ou la femme
Et le ou la fait devenir Dieu

Dieu a fait l’homme pour que l’homme devienne Dieu

©  Loup Francart

14/10/2015

Marine

Il partit loin de tout, au-delà de sa volonté
Il enjamba de nombreux barrages
Il se contorsionna et s’enveloppa de courage
Il arriva au port du fond des mers
Et coucha dans le premier lit venu
Le lendemain il embarqua sur le voilier
Et partit sur l'océan, assoiffé…
Il parcourut la moitié de la terre
Et la moitié des cieux bleus
Toujours enfoui à mi-torse
Dans les huniers au sommet des mâts
Il voyait les animaux volants autour de lui
Il sentait la fin arriver, un air de musique
Tendu entre deux cordes raides
Crac. Elle cède sous la pression inusitée
Des vers de carabin enfilés sur une aiguille
Et l’homme dénudé s’engloutit dans les eaux
En fumant sa pipe vénérée. Ah, la marine !

10/10/2015

L'arbre

De ses doigts feuillus, il grattait le ciel

Il se hissa sur la pointe de ses racines
Poussa une exhalaison parfumée
En se couvrant de rose et de blanc

Rien ne le différenciait d’un thuriféraire
Portant haut et fort ses amours
Mais tous ces atours le dissuadaient
De s’élever encore en laissant ses chausses
La sève ne peut monter que gorgée
De la magie souterraine du jardin

Il passa l’été à s’extasier vertement
Attendant le matin et la chaleur ruisselante
Tendant les mains vers la piqure
Des dards brulants assiégeant son écorce

Venue l’automne, celle-ci se rida
Il courut alors se mettre à l’abri
Derrière les nuits rafraichissantes
Où naissent les champignons

Puis vint la fin, la chute, le dénuement
Il vit s’enfuir ses pellicules
Tomber les cheveux décolorés
Et il resta nu devant l’éternité
Avant de sombrer dans l’hiver
Enfilant sa robe de mariée

Ce fut alors un nouvel envol
La sève monta entre ses jambes
Il esquissa quelques pas de danse
Qui firent monter les bourgeons
Et le para de mille scintillements
Les pointes vertes de son désir s’épanouirent

Voyez comme est belle cette saison
L’amour vient et vous saute à la gorge

Et à nouveau de ses bras tendus
Il chatouilla les cieux
Et les fit rire aux éclats

©  Loup Francart

04/10/2015

Roselyne

Un prénom informel, ligne et pétales
Cela fait une enfant, délicate et chantant
Presqu’un courant d’air, au comportement royal
Quelle rose tiendrait devant ce trait béant

Le nez grec comme il se doit pour un tel prénom
Elle courait partout, virevoltant, secrète
Apparaissant seule comme un caméléon
Parée de mille couleurs et si gentillette

Oui, c’est l’enfant trouble, au regard perturbé
Elle secoue ses talents et fait trembler l’abbé
Qu’a-t-elle de plus que son caractère enjoué ?

Non, répond-elle radieuse. Je suis la bise
Qui sous la porte glisse ses vocalises.
Cours derrière moi et laisse-toi enchanter !

©  Loup Francart

24/09/2015

Perdue

Son but à portée de main, elle plongea,
Nue et vierge du passage des eaux.
Elle sourit aux crêtes blanches des vagues.
Elle n’en ressortit pas…
Parvenue au centre de la sphère,
Elle se tourna vers le ciel.
Mais il était loin, voilé et discret
Comme le vol de l’oiseau.
Elle avait découvert le pli
Dans l’espace intérieur
Et s’y installa sournoisement
En attente d’un occupant.
Plus rien ne lui permettait
De courir derrière les ondes
Et d’en tirer profit.
Quelle écervelée !

21/09/2015

Odeur

Le paradis… ce lilas qui touche l’âme
Entre deux souffles de brise discrète
Coin de ciel entre les nuages gris
Qui dit : « Respire et va sans but ! »

Le nez au vent tu vas…
Cours aux senteurs du matin
Grise-toi des nuées du raisin
Rampant en pourritures nobles

En passant au pied du ruisseau
Jette ton appendice entre les herbes
Que le barbeau opère son demi-tour
Vers le marais putride

En odeur de sainteté il est parti…
C’est tout ce qu’on en retient
Un brouillard de sentiments
Et la tristesse d’un flacon vide

Combien de fioles as-tu usées
De la senteur des champignons
A celle des bouses animales
Jusqu’à l’acidité des rencontres

Et de toutes ces émanations
Ne manque que celle du paradis
Un bouquet léger mais grisant
Qui emporte l’âme dans l’au-delà

17/09/2015

Hôpital

Un hôpital a de grands yeux
Qui s’ouvrent sur la folie des infirmes,
De ceux pour qui le monde n’a pas d’odeur,
De ceux pour qui le monde est un trou noir,
De ceux pour qui les bruits restent secrets.
C’est une plaie béante sur la pauvreté,
Non de l’argent mais des humains déprimés.
Des flacons, des odeurs, des couleurs
Y vivent en harmonie
Pour complaire au malheur.
Du haut des plafonds
Arrive l’écho des plaintes
De douleur ou d’orgueil.
Il s’y imbibe en cercles ronds
Qui s’élargissent en ondes
Et se contredisent en préséance.
Seul le muet ne peut rien dire,
Mais ses convulsions montrent bien
Qu’il veut défendre son droit.
La douleur reste indifférente
A qui la côtoie chaque jour.
J’ai vu des hommes
Rire de la forme d’une blessure,
D’autres pincer pour entendre crier.
Seul reste, avec sa tristesse,
Le pinson suspendu dans sa cage,
A l’entrée de l’hôpital.

©  Loup Francart

12/09/2015

Trou noir

Il enserre dans ses griffes l’espace
Il le chiffonne de ses soubresauts
Et crée des perturbations incontrôlées
Le puits s’ouvre dans la courbure
Il tombe selon sa densité
Et se referme sur lui-même
Plus rien n’en sort
Même pas une parole divine
Le mystère reste entier
Où donc est passé le temps ?
Ce trou dans l’espace est-il
Creusé par le doigt de Dieu
Dans une motte de beurre ?
Même la matière a disparu
Plus rien n’est apparent
Et cet invisible est pourtant
Aussi surement que je suis
Immatériel, dans un corps matériel

©  Loup Francart

09/09/2015

Haïku

Matin, bleu divin
Voler entre les poubelles
Arriver, béat

 

haïku est une forme japonaise de poésie permettant de noter les émotions, le moment qui passe et qui émerveille ou qui étonne.

C'est une forme très concise, dix-sept syllabes en trois vers (5-7-5).

(http://www.tempslibres.org/tl/fr/theo/mode01.html)

05/09/2015

Attente

Ne rien chercher ! Ne pas penser !
C’est ainsi que viennent les idées
Quelle drôle de façon de trouver.
Y a-t-il des possibilités d’avancer ?

Laisse travailler en roue libre.
Ne te perd pas en recherche fébrile.
Retrouve un propice équilibre
Et soupèse arme et calibre.

L’idée vient lorsqu’elle est prête.
Elle dévoile sa fumée joliette
Et signale sa venue dans l’oreillette.
De pique-assiette, elle devient rondouillette.

Alors détend-toi, le regard à l’horizon.
Peux-tu te croire  ainsi en prison ?
Rien. Ne pense à rien. Pas de trahison.
Juste : attend la prochaine lunaison.

Tout viendra sans peine ni reproche.
Nul besoin d’engeance ou de taloches,
Tout se passe dans la caboche.
Et quel bonheur que cette approche !

©  Loup Francart