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28/05/2019

Attente

Elle attendait au bout du quai
Dans son imperméable vert olive
Ses cheveux blonds en halo
Jaillissaient telle une flamme
Mais ses yeux étaient baissés
Modestement elle attendait

Elle patienta trois jours
Puis, enfin, décida de partir
Elle ramassa sa valise en carton
Chercha la sortie, apeurée
Monta sur ses grands chevaux
Et, au galop, franchit les portes

Elle entra dans la ville lumière
Avec un bruit d’enfer
Personne ne l’attendait
Elle en surprit plus d’un
Ils courraient tous, hagards
Le sandwich à la main

On la vit fuir au loin
Les yeux à l’horizon
La chevelure au vent de la colère
Tous sont menteurs, pensa-t-elle
Pas de partage ni sourire
Chacun pour soi, sans dieu

Elle franchit monts et merveilles
Déjeuna au bord du lac
Avança vers l’eau bleutée
Tendit la main et la trempa
Elle lui parut accueillante
Elle se déshabilla, blanche de nudité

Ainsi finit la vie de celle qui attendit
Un soir d’orage au bout du quai
L’homme qui lui était destiné
Et qui ne put venir, ayant oublié
Le nom de cette gare inconnue…
Au bout de la jetée, elle sauta !

©  Loup Francart

26/05/2019

Expérience de pensée

L’imagination est plus importante que le savoir.
Einstein


Connaître, c’est voir de l’extérieur
Acquérir une vision où l’on n’est pas inclus
Voir avec les yeux froids d’un veau mort-né
Rien alors n’imprime notre imagination
Vierge de tout regard et de toute connaissance
On se laisse aller comme un amateur
Ou le collégien qui ne peut laisser entrer
Des idées qu’il ne comprend ni ne vit

Le délire s’empare alors de vous
Vos sens ne vous servent à rien
Vous errez dans un paysage inconnu
La tête vide, les bras ballants, le corps flottant
Rien de ce que vous connaissez n’est visible
L’au-delà de l’espace et du temps se dévoile
A côté de ceux-ci apparaissent d’autres dimensions
Non perceptibles et étroitement mêlées aux nôtres
Vous vous accrochez à ces cordes d’énergie
Qui créent sans cesse la lumière et la matière
Vous passez ensuite d’un univers à un autre
Par des trous noirs qui vous propulsent
Non seulement au-delà du mur de Planck
Mais également au-delà de ce que votre imagination
Peut suggérer à votre petit cerveau

Ce rien est plein de tout
Et ce tout cache un autre rien
Qui vous conduit à un autre tout
Qui sans cesse crée un Un singulier
Où nous sommes heureux de vivre

©  Loup Francart

24/05/2019

Toi-même ?

Es-tu toi-même ou joues-tu à être toi-même ?
L’image que tu te donnes de toi
Est-elle l’image que les autres voient ?
Elle est belle cette image, mais est-elle véridique ?

J’ai connu un être qui ne sut jamais qui il était
Un jour, il disparut derrière l’imagerie
J’eus beau chercher, je ne trouvais plus rien
Pas même l’emplacement d’un mirage
La route était vide et sans bas-côtés
Je partis en courant de peur de me voir

Depuis j’erre dans un rêve sans réalité
Regardant mon double, hilare d’inconnaissance
Oui, la vie est un rêve qui finira bientôt
Qu’y aura-t-il après ?

©  Loup Francart

22/05/2019

Déplacement

Tous plongés dans leur tête
Pas celle qu’ils portent sur leurs épaules
Non, celle qu’ils tiennent comme un talisman
Dans une main aux doigts multiples
Qui s’agitent sans cesse joliment
La tête, l’autre, la vraie, dodeline
Au gré de la musique endiablée
Les fils sortant des oreilles comme des éclairs

Parfois l’un d’eux cesse et réfléchit
En a-t-il encore réellement la volonté ?
Ses batteries semblent à plat
Un voyant rouge s’allume. Que faire ?
L’homme sort de son sac un boitier
Et branche un autre fil sur l’autre boitier
Comment s’y retrouve-t-il ?
Mais ça marche, il reprend son dodelinement

Tiens, une sonnerie intempestive résonne
Une dame, robe rococo, bouche rougissante
Se jette sur son sac, fouille dans les écueils
Sort rose aux joues, rouge à lèvres
Parfum pour les aisselles, brosse à cheveux
Enfin, l’objet magique hurlant son appel
Allo ? crie-t-elle dans l’appareil
Tous se retournent, elle n’entend pas
Elles retirent ses boules Quies
Parle moins fort, hurle-t-elle

Dehors la nature fait silence : le train passe
Laissant filer les pensées dérisoires
Émanant des antennes emmêlées
De voyageurs inconscients, mais tranquillisés
Plus de prés verdoyants, plus d’hirondelles en folie
Plus même de tracteurs crachant et fumant
La vie est à côté, dans le train fonçant
Dans le boitier noir qu’ils tiennent en main
Et auquel ils donnent le nom de toile

La vie ne serait-elle plus qu’une toile peinte
Où se passent en catimini des événements virtuels
Certes toujours des émotions, mais expurgées
Elles ne viennent plus de leur cœur
Mais de leur tête, la seconde,
Celle qui n’est rien pour toi
Mais tout pour eux
Bientôt plus besoin de guillotine
Seul importera la poche à transfusion
Ou mieux, le fil baladeur
Qui vous remettra dans le droit chemin

Allez, dors donc et rêve au bienfaiteur
Qui s’efforce de te faciliter la vie
La gare viendra bientôt, rose de confusion
En attente d’espoir et de vraie vie

©  Loup Francart

19/05/2019

Dieu

Dieu est un être singulier
Parfois, il se perd dans le cosmos
Et n’ouvre plus les yeux sur ma misère
Où es-tu ?
Je crie dans la nuit sans réponse

D’autres fois, il est si proche
Que je le confonds avec moi
Serais-tu Dieu toi-même ?
Je me cherche sous mes vêtements
Sans trouver de réponse

Le plus souvent, il dort en moi
La bouche ouverte, comme un bienheureux
Il est là sans y être, perdu pour les autres
Présent comme une sentinelle
Gonflant ma poitrine d’un gaz hilarant
Éclairant ma nuit sans fin
D’une lueur délicate et savoureuse
Mais il ne se révèle pas
Aucune réponse à mes questions

Au fond, existe-t-il, ce Dieu
Dont tous parlent doctement ?
Je ne l’ai jamais touché !
Si, peut-être, en caressant la douceur enivrante
D’une femme, réchauffé par son souffle
Mais ces jours-là, je ne suis plus moi-même
Car enduit de crème de bonheur
Dont il me couvre avec patience
Dieu, où es-tu ? lui crie-je
Je suis là réponds l’aimée
De sa voix enchanteresse
Mais où ?
Je suis ton double fidèle
Ton inséparable compagne
Tu n’es donc pas Dieu ?

Il m’arrive parfois de l’entendre
Les yeux fermés, replié sur moi-même
Vibrant telle une membrane
Aux chants caressant l’être
Et perçant ma carapace
Alors je monte au paradis sans vergogne
Délaisse les humains terre à terre
Je n’entends que le grattement de ses pas
Je l’appelle, mais il ne répond
Qu’en trompettes et violons
Peut-être n’a-t-il rien à me dire ?

Il m’arrive d’être écrasé d’absence
Je cherche sous les meubles, dans les greniers
Sous mon lit ou derrière la cuisinière
Mais ne trouve rien de palpable
Et ma gorge se dessèche
J’ai soif de Dieu
Mais je ne sais pas boire

Alors, le plus souvent, je repars dans le monde
Solitaire, cherchant l’air
Les pieds collés à la glaise
Gros balourd attendri et peureux
Mais où est-il ce Dieu que je cherche
Perdu en haut de la colline
Explorant les vallées verdoyantes
Et même les mines ne menant à rien
Ne serais-tu rien ?

Ce n’est que lorsque je crois
Qu’il n’y a rien derrière le tout
Qu’il me fait un clin d’œil
Et se révèle dans sa beauté
Il me caresse de ses doigts de brise
Me fait une couche de plumes
M’ouvre aux mystères de l’absence
Et dévoile sa présence dans le tout
Qui n’est rien sans lui

J’exulte dans ce vide
Et… Oui… je me prends pour un Dieu

©  Loup Francart

16/05/2019

Sagesse

Flotte, émerveillé, aux vents de la brise
De ton appétence et ta légèreté.
Vois en toi l’inconnu, sans fausse méprise.
Les oiseaux s’envolent, fuyant l’impureté.

Devant l’ouverture, tu crains de te lancer
Largue l’attitude, défais l’appréhension
Étale l’absence sans aucune pensée
Que celle du vide et de la non-tension

L’oiseau résiste, le lapin se raidit
Le poisson se délie, le vers s’enfonce encore
L’amour te fait-il peur face à ton vis-à-vis ?

Crée en toi sans cesse l’absence pleine de vie,
Ressens sa profondeur et vois tes désaccords
Viendra alors la joie dans l’absence d’envies

©  Loup Francart

14/05/2019

Absence

Les mots s’envolent sans un regard vers eux
Ne reste que l’opacité des souterrains
Et la candeur des ponts suspendus
L’absence de paroles te transperce
Seul un nœud frais dans la gorge
Engage la lumière encore présente
Remonte à la source, au-delà des impressions
Et laisse l’être s’emparer de toi
Tu seras perdu et tu te sauveras !

©  Loup Francart

11/05/2019

Fin du voyage

Le ronron moutonnant des roues sur l’acier
La neige bleuissant d’un ciel tapissé
De crème chantilly éprise de soleil
Les bras levés des lignes haute-tension
Et nos cœurs si petits regardant le défilé
Des terres et des prairies blanchies

Le retard est-il contrainte ou sauvetage ?
Depuis l’annonce, l’éclaircie dévoile ses mystères
Les mains de lumière fouillent les recoins
Et courent derrière les paillettes de poussière
Les places occupées des voyageurs partis
Creusent les fauteuils de douleur invisibles

Cela finira-t-il un jour ces arrêts maléfiques
Qui transportent l’impatience au long des voies
Et grillent les pieds déchaussés des dormeurs ?
Lente montée vers la fin du jour et du voyage
Court, court l’ombre de l’impatience
Court, court le fantôme de l’absent solitaire

C’est fini, hélas, plus de routes ni même d’espoir
Tout ralentit à la tombée de la nuit
Le gris se pare de noir, le blanc s’effondre
Loin encore est l’arrivée même coupée
Allez, debout, ne bêlons plus ni ne raillons
Le cauchemar s’en va loin de nous, noir comme le soleil

©  Loup Francart

10/05/2019

Sortie d'école

Le calme avant la tempête…
Les passants vont et viennent, devisant
Au pied de l’école, sur le rond-point
Quelques parents s’exclament
Le policier attend sur le trottoir
Les voitures roulent, au pas
Au galop, deux gamins se poursuivent

Après le calme, la tempête…
La cloche sonne,
Les portes s’ouvrent,
Les cris atteignent les oreilles
C’en est fini de la quiétude
C’est l’instant de la libération
Des gorges sortent les diables
Les pieds se font des crocs-en-jambe
Les mains valsent en l’air
Les professeurs sourient
Ce n’est plus leur affaire
Les parents se précipitent, protecteurs
Le policier se met en place
Et arrête les voitures des parents
Les enfants s’engouffrent à l’intérieur

La tempête dure, puis se calme
Quelques enfants retardés et excités
Crient encore, avec moins de fermeté
Les professeurs ferment leur classe
Les parents à pied tiennent la main
De leurs progénitures endiablées
Le policier raccroche à la ceinture
Son bâton de maréchal

La tempête est passée…
Les passants reprennent possession
D’une rue qui leur appartient
Les oiseaux peuvent à nouveau chanter
Adieu, les écoliers...

Vive les enfants de la rue !

©  Loup Francart

 

 

09/05/2019

Recherche

Le vent lui rase la chevelure
Chaque poil tend son arc
C’est une belle mélodie
Que celle du temps et de l’obscure

La pluie coule sur sa pensée
Et trace ses sillons dans son humeur
Cela forme un fleuve chétif
Où nagent rêves et cauchemars

La solitude enrage de mauvaise conscience
Et coud ses remarques de désespérance
Sur les champs et les prés intérieurs
Jusqu’au moment fatal d’implosion

Plus rien alors ne va en continuité
Grain par grain se dénoue l’ensemble
Éclate la tendre jonction des pensées
Et tombe la façade entretenue

Désormais il vivra sans guide
Il errera sans assurance
Il piochera les cailloux de la honte
Et marchera vers son martyre

La tête haute il entrera, fier
Dans le pays des songes
Sans autre aide que lui-même
C’est-à-dire la bise caressante

Dieu sait-il la recherche incessante
Et subtilement dévoilée
De ce brouillard indescriptible
De la joie et la liberté

©  Loup Francart

07/05/2019

Vibration

Jusqu’où laisseras-tu vibrer ton inconstance
Le jaune citron rouille sur la toile étendue
Le pinceau se prélasse à la lueur des étoiles
Tu observes sans contester et chantes
La tiédeur du soir et la fraîcheur des nuits

D’autres fois, tu danses, insolite et mortel
Dans le paysage d’une vie rose et heureuse
Là où seules les pépites de bonheur
Résonnent dans l’air diaphane du matin
Et sautent à la gorge des égarés

Tu descends, tu remontes, tu ne sais
Où va ton cœur de pierre et de plastique
Qui sonne l’hallali et enrage d’être là
Dans la boue verte des rêves indécents
Et les vapeurs rougeoyantes des jours

Ainsi va la vie, indolente, mais intègre
Formées de particules incandescentes
D’ombre et de lumière selon l’heure et le jour
Elle traverse ton destin d’un seul trait
Et conduit au dernier plongeon, finalement sans savoir

©  Loup Francart

06/05/2019

Perfection

Elle repose débordante d’inconscience
Son pull rose fané serre ses pommes débordantes
Ombrant sa poitrine de candeur et d’innocence
Sa tête tombe, ses lèvres s’ouvrent
Les yeux restent clos, ouverts sur le vide
Sa franche rejoint les cils, arrêtée sur les sourcils
Elle dort en toute innocence, fraîche de sommeil
Ses mains reposent l’une sur l’autre à hauteur du nombril
Reste béant le haut du buste finissant dans le pli des seins
Ils sont là offerts aux regards comme deux collines assoiffées
Dévoilant leurs formes douces, pleines, joyeuses et rayonnantes
Que la nature est généreuse sous cette tête qui oscille
Seule la bouche tombe en deux plis égarés
Comme pour dire que rien n’est parfait dans cette nature florissante

©  Loup Francart

05/05/2019

Voyage

Noyés de vert comme dans un tonneau
Puis, plus haut, environnés de bleu azur
Nous partons au long de paisibles cours d’eau
Accompagnés des cris de mouettes qui rassurent

La gare annoncée se révèle vide de sens
Où donc avons-nous pris naissance aujourd’hui ?
Cette nuit le froid soulevait les jupes de sa présence
Maintenant il dévoile l’acidité du sourire qui nous suit

Sors de ton refuge, baigne-toi d’inconnu
Concasse tes souvenirs et broie le blanc des nus
Que la couleur rayonne au chant des possibles

Rien ne pourra empêcher le goût du paradis
D’arrondir les virages et de lancer sur la droite
Les espoirs et les projets de bonheur disponibles

©  Loup Francart

 

 

 

04/05/2019

Visite au bois de la Chaise (Noirmoutier)

Paisible, ça glisse sur la planche…
L’église au beffroi raidi
Le château nu sur la place gelée
Le fil d’argent passant à ses pieds
Et filant vers le large au gré de l’heure
Les passants d’humeur sombre
Mais riant d’un rien, étonnés et peureux
Un soleil éclatant ouvrant les façades
Les feuilles en tortillons ruisselants
Effaçant le défilé permanent des vertus
Et l’élégance d’une inactivité recherchée
La mort aiguë des roitelets prudents
Enferme le drame dans la cellophane
Quand donc viendra le temps des maraudes ?
Plus loin, dans le bois de la Chaise
S’éventrent les maisons repues
Ruisselantes de laisser-aller
Et d’opportunité cachée
Sombre est l’environnement mi-clos
L’œil ouvert et la patte folle
Qui danse l’amour à petit prix
La lente promenade des boxeurs
Aux bras dressés vers un ciel clair
Infamie que cette procession morose
Qui troue l’après-midi de bruits suspects
Et d’aigreur indéfinissable
Marche sur le sable de l’inconstance
Et piétine tes souvenirs moelleux
Que le sable t’engage
A une plus grande prudence
Dont chaque grain te console
De ton inaction définitive
Seuls les arbres pleurent leur passé glorieux
Le vent des tempêtes emportant
Le feuillage vert acier de leur impuissance
Les cabanes bourgeoises courent sur la plage
En minuscules cailloux alignés
Mais où sont donc passés les sous-bois
Qui gonflent ainsi les tertres déboisés
Et font frissonner la peau dénudée

Il rentra le cœur vide, oublieux
Et plongea dans sa lecture sans fin
Des malheurs de l’humanité

©  Loup Francart

03/05/2019

Ordinaire

Il tenta de remonter dans la conscience
Mais comme toujours, il n’alla pas loin
Revenu au point de départ, il prôna
Un extrémisme plus radical
Pourquoi ne pas chercher l’anéantissement des fous
L’abêtissement des faibles ou la crispation des furieux ?
Faisant fi de la raison, écartant les sentiments
Il entra dans un avenir sans consistance
Enrobé de miel, parfumé de myrrhe
Toujours vulnérable et peu avisé
Proche d’une détonation de lumière
Cela arriva comme un cataclysme
Et l’ensevelit de silence décoiffant
Fin du monde ou fin du moi
Il ne sait plus et recherche dorénavant
La suave douceur des blessés de la vie
De ceux qui ne savent où aller et vivre
Hors de l’opium de la médication
Et le renversement des valeurs chéries
Des hommes de bon sens et de mauvais rêves

Depuis, il chaloupe entre les vagues de l’innocence
Comme un enfant perdu mais intègre
Plus rien ne l’agite ou le trouble
Il dort d’un œil et se déplace sans tête
Rien ne l’encourage à faire mieux

Glauque est la vie d’un homme ordinaire

©  Loup Francart

01/05/2019

Retour

Un silence de velours… Chut…
Le raclement des pieds sur les souvenirs
Le sourire de la biche aux lèvres moites
Le plafond d’où tombe l’engorgement
La raison est faite de divine inconnue
Qui s’enchevêtrent mollement
Où part donc notre tendresse
Où coulent donc nos espoirs
Devant cette platitude abusive
Qui monte des poitrines ouvertes
Rien ne peut plus évoquer le passé
La course vive dans les flots de la haine
L’hiver enfoui dans la charpente humide
La bienfaisante prétention des marins
Qui se laissent souffler dans les vents
Et d’un "chaloupement" majestueux
Elle plonge son regard sous la tenue
Des sergents de ville bottés et casqués
Que croît-elle, la charmante déchaînée ?
Jamais elle ne pourra retrouver
Celui qu’elle a aimé un soir de vague à l’âme
Et qui lui donna la blancheur de ses yeux
Merci à tous ceux qui furent circonspects
Et craintifs devant la lune pleine
Elle tombe au coin de l’œil humide
Et emplit son humeur glaciale
D’une amertume sans précédant
Pars au loin derrière les monts de vertus
Secoue ta somnolence innocente
Et emplis-toi d’arrogance amère
Tu pourras alors marcher vers ta victoire
Sur le fil du temps et de l’espace
Et avancer au loin dans le pays sans fin
Des rêves dodus et voluptueux
Qui te bercent depuis l’enfance
Et obsède ton esprit curieux

©  Loup Francart

29/04/2019

Foule

Fin de l’envol, le rideau tombe
Claque tes mains l’une contre l’autre
Sèche tes larmes de crocodile
La salle se lève et crie
Qu’ont-ils tous à hurler
Ce n’est pas d’admiration,
Mais de haine contenue
L’auteur est là
Caché par la loge
Bien lui en a prit
La boue de son cerveau
Imprègne l’air de volutes chargées
Rien ne peut plus convaincre la foule
Elle est morte aux idées
Et ne mesure que la violence
Qui se cache derrière les visages…
Dieu, que ces scènes se répètent

©  Loup Francart

27/04/2019

Rappel

Adieu l’île
Dans le port aux eaux dormantes
Sonnent les pas sur le pavé
Rien que ces pas, lancinants
Elle s’étonna de se sentir si proche
D’une terre aussi accueillante
Mais elle n’en distinguait qu’un point
Dans le brouillard mat et épais
Il lui fallait traverser le liquide
Où ses jambes baignaient maintenant
Au fond, pourquoi ne pas continuer ?
Elle releva sa robe à fleurs
Étreignit sa valise verte
Enfonça son chapeau
Et fit un pas vers le large
L’eau était froide, mais sans plus
Elle sentit quelque chose grouiller
Et vit un crabe s’approcher
Alors elle fit un pas de plus
Vers la profondeur sombre
Le liquide l’atteignait aux genoux
Puis au bas des cuisses
Elle frissonna d’une sensation nouvelle
Qui la prit soudainement
Et sourit à la pression montante
Elle se sentait bien
Elle poursuivit sans crainte
Avançant dans la soupe
Écartant les algues qui l’entouraient
Quand l’eau joignit son buste
Elle laissa tomber sa robe
Qui s’évasa autour d’elle
Comme les pétales autour d’une corolle
Elle sentit qu’elle ne pourrait plus
Sortir de ce piège de sensations
En proie au malheur immémorial
Des filles du pays du soleil couchant
Elle ouvrit sa chemise
Avança de deux pas
L’eau enserra ses seins
Qu’elle protégea d’une main
Suffocant de douceur
Et fit un pas de plus
Un cri pourtant l’arrêta
Il venait de la terre
Elle entendit un deuxième cri
Et vit un homme lui faire signe
Il était blond et svelte
N’avait rien d’un voyou
La terre la rappelait
Elle ferma les yeux, soupira
Et quitta l’étendue d’eau
Regrettant seulement
Le tremblement ineffable
Que lui avait causé ce froid intense
Qui la prenait au ventre
Aujourd’hui, elle s’en était sortie…

©  Loup Francart

25/04/2019

Scarabée

La rose traverse l’hiver
Laissant flétrir ses pétales
En tortillons affutés
Et pendre sa végétation assoiffée
Le vase reste de marbre
Où l’eau déborde d’envie.

Ma vue ne porte pas plus loin
C’est déjà beaucoup pour un scarabée !

Mais est-ce si vrai ?
Le scarabée poussant sa boule
Se guide sur les étoiles
Comme un capitaine de navire
Quel animal étonnant !

Il renaît chaque matin
Et protège les humains
Il dort près du cœur
Et est le siège de l’esprit

Alors par pitié
Contemplez-le sans courroux
Et admirez ses deux ailes
Qui vous font rêver
Malgré la lourdeur de son vol

©  Loup Francart

24/04/2019

Tel est pris qui croyait prendre

Il va sans savoir où, marche les pas perdus
Il revient en arrière et retrouve ses pieds
Ils sont bien tout crottés, ce qu’il n’avait point vu
Et tirent derrière eux la preuve de l’initié

A-t-il perdu la main et provoqué le pire
Y a-t-il plus malin et plus illégitime ?
L’homme court-il encore ou va-t-il s’accroupir ?
Tous l’entourent, le cernent. Mais est-il victime ?

Alors le policier, ne sachant que faire
Emploie une astuce, sans chercher à déplaire
Il demande l’aide de celui qu’il arrête

Voici l’homme enchaîné trainant un innocent
Le pauvre prisonnier proteste vaillamment
Mais l’autre s’est bel et bien laissé conter fleurette

©  Loup Francart

23/04/2019

Egarement

 

Une nuit, il décida de partir
Pour aller où ? Il ne savait
C’était un voyage dans la tête
Les pieds n’avaient rien à y voir
D’ailleurs il roulait benoîtement
Sans même se poser la question
Du carburant à fournir
Il quitta sans regret une vie désolée
Entra dans ses pensées sans voile
Et zigzagua entre les piliers
De règles et obligations impératives
Il sortit du port de la naïveté
Pris le vent de la liberté
S’enfuit à tire d’ailes
Et fut pris d’une transe
Devenue viscérale
Il s’égailla tant qu’il ne put rentrer
Il erre toujours dans les brouillards
Des pensées oubliées antérieurement
Par des générations de perdants
Et dieu sait s’il y en a !

©  Loup Francart

20/04/2019

Sursaut

Il est venu le temps de laisser ton ardeur
Est venu le moment de te débarrasser
Du poids de ton néant et ta pauvre langueur
Dresse-toi ignorant et ne sois angoissé

La gangue du monde t’a assez endormi
Repose ton esprit et cours au vent furieux
Plus rien ne doit venir de cette académie
Largue tes chimères, tu sortiras glorieux

Oui, sors de ton sommeil et parcours librement
Les prairies désertées de ton avènement
Il est venu le temps du seul dépouillement

Ton regard est sacré, perçant la distance
Il t’ouvre l’hérédité d’une autre appétence
Dresse-toi et trouve ta réelle vaillance

©  Loup Francart

17/04/2019

Epilogue

Décoré, le fut-il, de l’ordre du Capriçon
Chaussettes vertes et caftan bleu
Il pleura longtemps sur la perte
D’un troisième œil sans ouverture
Et caressa le cou du chat couché

Il s’en fut ensuite, seul, dans le désert
Marcher à l’ombre des dunes
Sans trouver de quoi le satisfaire
Alors il se jucha sur la plus haute
Et proclama ces mots :

« Que crois-tu être, toi qui cours
Et n’attrapes jamais rien
Depuis longtemps tu erres
En solitaire et l’âme triste
Sans rencontrer ton double ! »

Puis il s’enfonça dans l’eau
Regarda autour de lui
Fit un clin d’œil au chat
Et se laissa glisser tranquillement
Vers l’être sidéral et sans forme

©  Loup Francart

13/04/2019

Pluie de couleurs

Bleu du ciel
Vert des prairies
Jaune des sables
Turquoise des mers
Rouge des baisers
Blanc des corps
Vanille des jeunes filles
Pourpre de l’amour

Gris perle des flatteurs
Noir des vilénies
Violet des enquiquineurs
Zinzolin des pervers
Viride des indécis
Topaze des bilieux

Bleue nuit des fougueux
Vert impérial des classiques
Bisque des peureux
Abricot des tristes
Brique des têtus
Terre d’ombre des veules
Souffre des vantards

Elles peuvent être :
Chatoyantes comme un vitrail
Pâles comme la mort
Odorantes comme le jasmin
Mais elles ne sentent
Que la couleur que vous leurs prêtez

©  Loup Francart

11/04/2019

Pluie de mots

Ouverte la main qui se tend

Obscène le visage de l’autre
Qui n’est plus toi-même

Séduisante la bouche qui profère
Et pépie à la face des hommes
La lente valse des souvenirs

Le panier de mots secoué en mains
Il sort sous la lune jeter le trop-plein
D’ivresse et de bonheur
A-t-il jamais rêvé ?

Elle se tient devant lui, blanche
Sur la réserve et éveillée
Elle tend ses lèvres entrouvertes
Et rit de voir l’effroi dans ses yeux
Où donc es-tu passé ?

Lente montée des sons
Brouhaha d’un passé révolu
Chaleur des mains sur la chair
Le tremblement du cœur exaspéré
A quoi peut bien servir
La dune des baisers perdus ?

Et maintenant, redevenu l’enfant
Marchant d’une voix rebelle
Il décline l’offre du bien-être
Et va affronter l’ombre obscure
Des réserves insoupçonnées
Qui courent sur le toit du monde
Et planifient le devenir

Quel jour quitteras-tu ce corps ?
Quand revêtiras-tu l’évanescence
Pui reviendras-tu pourvu de nouveautés
Pour plonger à nouveau dans l’absurde
Des jours qui chavirent devant l’inconnue
Chaque nuit, seul face au souvenir
De bribes de vie et d’absence de mots
Quand donc s’ouvrira la lumière ?

©  Loup Francart

05/04/2019

une journée

Si petite et si fluette
Elle courrait les pieds nus
Survolant les cailloux
Le visage enfiévré
L’œil plongeant sur la vallée
Le cœur allégé
Les doigts ouverts sur le vide

Lui, se tenait en arrière
Comment courir derrière l’elfe ?
Et la vie passait
D’ombres et de rêves
A travers les rayons du soleil
Jusqu’à la transparence du soir

©  Loup Francart

02/04/2019

Bouche

Qu'y a-t-il de meilleur à chérir
Que ce morceau de chair
Qui tient lieu de bouche
A l’être opposé

L’approche est lente et périlleuse
Elle procure frissons et contretemps
D’autant plus qu’elle ne cesse de bouger
Pour parler ou sourire

Tu regardes ce pli sur son visage
Et la langue qui te guette
Et t’engage à d’autres démarches
Pour jouir de la fragrance aimée

Approche tes lèvres
Respire le souffle
Laisse-toi emporter
Vers la source de vie

Alors tu connaîtras la mort
Celle de l’être comblé
Qui te fera monter
Dans la descente des sens

©  Loup Francart

30/03/2019

Une vie

« Combien d’années sont passées
Je m’assieds toujours à la table
Je me fonds sur un point de l’être
Et perds toute notion de vie »

Où vas-tu ainsi, hors de tout contrôle ?
Ce brouillard laiteux te suffit-il ?
Soulèves les montagnes et bois la lie
Après la fraîcheur des rêves

La lente tombée des jours rejette
Les souvenirs sur le seuil
S’estompe la splendeur des vagues
Et monte l’obscur désespoir

Une vie, ce n’est qu’un moment
Mené tambour battant
Juché sur les échasses
De l’audace et de  l’angoisse

©  Loup Francart

28/03/2019

Plus tard

Cesse donc ce bavardage incessant
Entre en toi-même, aspirant au vivant
Et en toi-même, vivant sans aspiration
Tiens-toi debout entre ces deux motions
L’une t’érigeant en rêve sans espoir
L’autre bâtissant une réalité sans savoir

Rien ne va plus dans ce corps
Et dans ce cœur plus encore
Derrière la fente entrouverte du temps
Tu glisses un regard dépendant
Quand donc viendra le moment
Où tu délaisseras tes amants ?

©  Loup Francart

25/03/2019

Charmée

Partie un jour sans savoir où aller
Elle parcourut les mines et les prisons salaces
Une mouche l’accompagnait sans jamais la piquer
Mais jamais elle ne se plaignit de cet étrange passager

Et lui, toujours charmé, la suivit sans jamais se lasser
Par-delà les pierres, les tunnels et les voyageurs
Lui jetant parfois une œillade qu’elle percevait
Mais sans y prendre garde, elle poursuivait sa route

Arriva en fait le moment de leur rencontre
Elle trébucha et tomba sans pouvoir se relever
Lui, qui la suivait attentivement, comprit sa gêne
Il s’étira et la cueillit dans la rosée, endolorie

Elle laissa échapper un soupir convenu
Ouvrit les bras sans restriction ni modestie
Entrouvrit ses lèvres dévoilant ses blanches dents

Il dit :
Je t’attendais depuis longtemps
Maintenant tu ne peux m’échapper

Elle répondit :
Je t’attendais depuis longtemps
Je suis heureuse de te laisser venir

©  Loup Francart