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30/11/2019

Séduction

L’adolescente se pare de brouillard.
Quel est son lot dans cette cohue ?
Cachée par le maquillage, elle reluque
Les autres femmes dans leur transparence.

Que font ces filles au long bec acide ?
Ont-elles la vertu hasardeuse des pickpockets ?
Elles se couvrent de voiles épais
Pour cacher leur beauté translucide.

Dieu, quelle engeance et quel fardeau
Que ces mirages environnés de soleil !
Elles rient en groupes serrés,
Ricanant de leurs lèvres peintes,
Tournant leurs yeux de biche
Ouverts comme des soucoupes solitaires
Et filent sous la nappe de lin frais
Des coups de genoux aux plus offrants.

Plus rien ne viendra à vous, mes belles,
Sans un engagement de votre part.
Oubliez-vous et vous resplendirez
De bonheur fluidifiant sans préavis !

Mais déjà le disque d’or ferme la marche,
Envahissant de noirceur subtile
Le front des hommes égarés
Qui contemplent étonnés la manœuvre
De ces filles encore jeunes
Mais déjà rouées, dindes volatiles
Dans la basse-cour de la séduction.

©  Loup Francart

29/11/2019

La véritable joie

 

La véritable joie est dans l'acte de donner et non dans celui de recevoir,

car c'est une joie durable.

 

06:58 Publié dans 45. Maximes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joie, don, vie |  Imprimer

28/11/2019

Pourboire

Vêtu d’un filet d’eau, elle glisse entre toi
Et l’ombre de l’effort, offert aux plus vaillants
Son dos courbé de gloire te laissera pantois
Qui donc pourrait te dire qu’il te voit mécréant

Son doigt fin aspire tes larmes d’innocent
La douche est ambiguë et tu trembles d’horreur
A l’idée de la pluie sur le corps pâlissant
Et, douceur, pénétrant au fond de ton aigreur

Dans son ambiguïté, elle va plus loin encore
Elle ouvre ses jambes et déploie ses charmes
L’eau devient limon, requiert ton accord

Elle dérive et coule dans l’extase d’un soir
Riante de ses dents et mêlant ses larmes
Avec pour seul espoir obtenir un pourboire

©  Loup Francart

27/11/2019

Locédia, éphémère (39)

Alors, comme mu par un irrésistible besoin de chaleur, je te passais le bras derrière les épaules, prenant délicatement l’attache de ton bras dans ma main gauche et te pressant légèrement contre mon corps devenu insensible. Nous n’étions qu’un déjà sans possibilité de séparation. Et pourtant, si j’avais su alors ce qui nous attendait.

Doucement, tu te tournas vers mon visage, offrant tes yeux et tes lèvres, vestale offerte. Je te regardais, incrédule, et ton innocence inespérée m’inclina à te rendre cet abandon, cette lente respiration du corps et de l’esprit qui progressivement s’harmonisait. Je me penchais vers toi, effleurais le duvet au dessus de tes lèvres, respirant le souffle de ton existence comme l’unique bien de ce monde. Je posais mes lèvres sur les tiennes, avec lenteur, goûtant chaque frémissement de tes paroles muettes, leur ouverture impalpable vers d’autres promesses. Tu pris mon visage entre tes mains, comme une offrande que tu te faisais à toi-même et tu me rendis mon baiser, sereinement, dans une sorte de ralenti sans parole, avec une assurance séculaire. Je te contemplais alors, souriante, paisible, le regard clair, les paupières légèrement chargée de larmes, redevenue enfant, jeune fille, femme amoureuse, me semblait-il, jusqu’au plus profond de toi-même. J’essuyais lentement avec mes lèvres tes paupières mi-closes, aspirant cet aveu d’abandon avec ravissement. Irrésistiblement, je revins vers ta bouche, éprouvant le besoin de fraicheur qu’elle exhalait, l’irrésistible envie de mêler nos souffles dans un même cheminement comme une lente montée vers plus de félicité, vers une situation inconnue et profondément humaine. Merci, Locédia, de ces instants magiques, quand tu te livrais sans réticence et que je croyais te tenir, te détenir, te contenir dans les flots d’un amour irréalisable.

Nous sortîmes du cinésens, égarés, perdus chacun dans un bonheur inexprimable, séparés par la violence de nos sentiments et une attente irrésistible des événements à venir.

_ Si nous allions chez toi, me dit-elle joyeusement. Je crois que tu habites à côté.

26/11/2019

Grâce

 

La grâce te conduit au-delà des contradictions.

 

25/11/2019

Lumière et ombre

Vue de la plage
Le soleil suit son ombre
Derrière les barreaux

 

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24/11/2019

Une seule vie

Douce comme toi jusqu’où iras-tu
Pour être aiguë comme lui ?
Le cœur tendre ou la peau dure
Tu ne sais que choisir
Où se trouve celui que j’aimais
Et qui me chérissait plus que tout ?
Je n’ai en face de moi
Qu’un modèle de bienfaisance
Qui n’est autre que la souffrance
Et l’aiguillon du paraître
Où se trouve le vrai ?
Où se trouve la vie
Lorsque la nuit monte
Et les bruits croissent ?
Cherches-tu toujours l’universel ?
Vois-tu toujours la bonté
Qui court le long des rues
Et grimpe dans les jambes
Des passants, même des assassins ?
Oui, l’homme est ainsi fait
Rien ne vient conforter l’espoir
Tous meurent de ne plus pouvoir vivre !

©  Loup Francart

23/11/2019

Locédia, éphémère (38)

Je me souviens avec émotion du jour où j’ai cru te prendre dans les filets de notre amour. Tu m’avais téléphoné la veille d’une voix claire, différente, sûre de toi. Tu m’avais donné rendez-vous devant un cinésens, me disant ton besoin de me voir. J’avais deviné que ton attitude envers moi changerait ce jour là. Aussi est-ce avec excitation que j’ai attendu le lendemain. Je me souviens du titre du film : L’interprète désœuvrée. Par contre, je n’ai aucun souvenir de l’histoire du film, juste quelques images qui passent devant mes yeux, sans que je sois capable d’en reconstituer la logique. Je te reconnus, silhouette frêle à l’entrée de la salle de spectacle, dans une pose détendue sans être alanguie. Tu semblais parfaitement maitresse de toi, sans réserve, comme libérée de tes soucis quotidiens et du poids de la vie.

_ Bonjour, me dis-tu en me tendant la main. Je la pris entre les deux miennes, avec douceur, ému de ce contact simple, normal, mais annonciateur d’autres effleurements. Du moins était-ce ainsi que je voyais l’avenir. Tu me regardas avec douceur, sans espièglerie, comme délivrée de tes blocages intérieurs.

_ J’avais besoin de toi, de ta voix dans le creux de mon oreille, de ton rire incertain sur mes pitreries, de ta main sur mon épaule, rafraichissante et sereine. Viens, c’est l’heure, allons nous rejoindre en pensée devant l’écran tiède.

Nous entrâmes dans la salle, nous installant au milieu, dans l’obscurité ou plutôt au travers des éclairs de lumière diffusés par le film, émus déjà par une incompréhensible expectative. Tu retiras ton manteau, nous les posâmes sur le siège à côté de toi. Tu t’assis et te penchas vers moi, reposant sereinement ta tête sur mon épaule. Ton parfum m’envahit, capiteux, envoûtant, me pénétrant de toute part, m’ensorcelant de ta présence. C’était la première fois que tu m’accordais cet abandon de ton être, comme une aile de papillon effleurant mon épaule sans toutefois s’y poser. Nous commencions une nouvelle histoire, engagés dans un processus insolite. J’éprouvais un grand vide intérieur, une lente descente au plus profond de moi-même, dans le secret du nœud vital situé sous la gorge. L’air que je respirais devint transparent. Je le sentais s’écouler et envahir mes poumons, les délivrant de leur lourdeur habituelle. Je discernais en moi-même l’enveloppe fragile de mon corps, mince pellicule de matière impalpable, semblable à celle des bulles de chewing-gum que je faisais étant enfant. Au-dedans plus rien que ta présence, ton parfum, ta beauté, ta tendresse et ton abandon miraculeux. Je ne distinguais plus rien au dehors, englouti dans la danse de tes cheveux sur mon épaule, dans la tendresse exprimée sans un mot d’une attitude qui ne t’était pas familière. Toi aussi, tu étais devenue inconsistante. Je ne sentais plus le repos de ton buste contre moi. Nous étions deux enfants redevenus virtuels, en devenir l’un envers l’autre, sans autre futur que notre attirance mutuelle.

22/11/2019

été

Bouquet de baisers

Sens la chaleur de l’été

Plus rien n’existe

 

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21/11/2019

Chine immuable

https://www.youtube.com/watch?v=Tlsev6ZepqE


Voyage en Chine impériale. Chaque note se détache dans l’air. La note vibre, puis s’éteint remplacée par une autre. L’eau s’écoule dans la pensée et l’étouffe.

Le guzheng est un instrument de musique à cordes pincées traditionnel chinois de la famille des cithares sur table, dont les plus anciennes traces datent du IIIe siècle avant notre ère.

Il comporte généralement 21 cordes placées sur 21 chevalets mobiles utilisés pour accorder l'instrument; le nombre de cordes diffère selon le type de zheng (certains ont plus d'une trentaine de cordes).

Dans le cas le plus courant (21 cordes), l'instrument est accordé selon une gamme pentatonique, fréquemment en ré majeur (ré - mi - fa# - la - si). La tessiture de l'instrument est de quatre octaves (généralement du ré1 au ré5). L'instrument comporte souvent quatre cordes de la vertes, pour aider l'instrumentiste à se repérer visuellement.

(From = https://fr.wikipedia.org/wiki/Guzheng )

20/11/2019

Religion et spiritualité

La religion est le politique, le social et l’économie de la spiritualité.

La religion est le corps, seule la spiritualité est l'âme.

Ne te laisse pas berner !

 

19/11/2019

Locédia, éphémère (37)

D'autres fois, je laissais conduire Locédia dans ce ravissement mêlé de crainte que donne l'interdit. J'arrêtais la voiture sur l'accotement caoutchouté et la laissais prendre place au volant. Elle regardait pendant un moment les compteurs et manipulait le levier de vitesse avec indécision. Je lui rappelais les différentes manœuvres à effectuer avant d'appuyer sur le déclencheur de roulement qui nous remettrait sur la chaussée de plastique et nous repartions après quelques douloureux tressaillements du moteur dus à sa maladresse.  Nous étions vite repris par le vertige voluptueux de la vitesse. Locédia... Frémissement de tes lèvres à l'abord d'un virage. Cette attention qu'elle portait au ruban gris se déroulant sous nos roues. Précision de l'enclenchement des vitesses, l'œil au compteur. Mais pourquoi manipuler le levier de vitesse comme s'il s'agissait d'un battoir à œufs ? Je craignais toujours qu'il lui reste dans la main et que nous ne puissions plus nous arrêter, condamnés à rouler sur le ruban grisâtre de la route jusqu'à l'épuisement du carburant. Assis à côte d'elle, j'allumais une cigarette tout en surveillant la route.

Locédia, assise, penchée sur le volant, le cou tendu vers le ruban mobile de la route, les paupières légèrement fermées. Déroulement monotone des lignes discontinues avalées par le capot. Locédia assise, penchée vers moi, les paupières closes, offrant ses lèvres. Abandon de ton corps dévêtu que nous contemplions comme un paysage étrange.

Au début, il lui arrivait d'enclencher une mauvaise vitesse et les voyants rouges clignotaient jusqu'à ce que le dispositif de sécurité nous ramène vers l'accotement. Nous devions attendre plusieurs minutes avant de repartir. Elle s'impatientait et appuyait sans arrêt sur le déclencheur de roulement, mais l'œil électronique devait signaler un interstice entre le flot des voitures pour que nous soyons renvoyés sur la chaussée. Plus tard, quand elle eut pris l'habitude de la voiture et de sa conduite, nous roulions sans heurt, pendant des kilomètres, dans le sifflement du vent sur les ailettes métallisées du stabilisateur de vitesse, écoutant inlassablement la même suite de Bach qui était devenue pour nous un élément indispensable au plaisir de rouler.

18/11/2019

Première neige

La première neige

Les cristaux se renforçent

Gel sur la forêt

 

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17/11/2019

La nécessité d'agir

Vous arrive-t-il d’agir en vue d’un bien alors qu’une autre partie de nous-même trouve absurde cette attitude ?

Cette nécessité qui s’impose à vous n’incombe qu’aux choses possibles. Elle procède de la possibilité et de la conscience surnaturelle, mais réelle. Elle impose l’action pour elle-même et non pour son objet.

La nécessité du bien ne peut venir que d’ailleurs. Elle s’impose à nous presque contre notre propre volonté.

 

16/11/2019

Nuit câline

Doucement, avec tendresse, il lape son café
Le chat ne lui arrive pas aux chevilles
Les ombres de la rue pleurent en écoutant la danse
Des rats dans la cave et des souris dans l’appartement
Les éclairs se succèdent, la tension monte
Le verre se déforme et le mercure explose
Dans la tête de qui vous précède, hautain
Il ouvre sa fenêtre et libère les odeurs
Qui partent vers la lune en chantant
Rien n’existe que le silence terrible
Qui assaille l’intercostal jusqu’au noir
Les souvenirs broyés en minces tranches
Ensevelis sous cellophane et ficelés
Sont prisonniers du maelstrom des caprices

Rien ne va plus, fiston, l’ordre règne
Vite, au lit et fait de beaux rêves

15/11/2019

Locédia, éphémère (36)

Las de ces rencontres ébauchées dans la chambre exigüe, nous partions en voiture, sans but précis, avec comme seul plaisir le défilement bourdonnant et monotone des bandes de roulement. Il fallait sortir de Cipar en empruntant les souterrains insonorisés. Nous glissions sur le sol lisse en fibres de plastique qui renvoyait sur la voûte le ronronnement du moteur. En passant au dessous des turbines inhalatrices de son, nous nous taisions, de peur de ne pouvoir saisir nos paroles qui étaient aspirées. Il y avait d'ailleurs des pancartes rouges et lumineuses qui indiquaient les zones de silence. Les conducteurs s'y étaient habitués peu à peu, mais lorsque les turbines furent installées, il était arrivé qu'un chauffeur imprudent qui vitupérait contre un autre, fût arraché de son volant par l'aspiration. La voiture allait s'écraser contre les aspérités caoutchoutées du tunnel, ce qui la rejetait invariablement dans les larges caniveaux récupérateurs de fumée. Souvent les autres occupants de la voiture périssaient asphyxiés avant l'arrivée des agents du soutènement.

Tu parlais. Tu te taisais. Le bourdonnement du silence établissait entre nous un lien que les turbines venaient détendre à intervalle régulier. Glissement silencieux, à peine troublé par le sifflement de l'air sur les ailettes stabilisatrices à demi-sorties en raison de notre faible vitesse. La lueur verdâtre des lampadaires suspendus à la voûte par des câbles d'acier enchevêtrés, envahissait l'intérieur de la voiture d'une indéfinissable couleur fade. Je te regardais noyer tes yeux dans la fumée des caniveaux récupérateurs de fumée. Tu te tournais vers moi en relevant le menton, les sourcils légèrement haussés, puis replongeais ton regard dans la fumée ou sur les flancs caoutchoutés et granuleux du tunnel.

Nous sortions des souterrains en pleine campagne, entourés de verdure, roulant à travers la forêt de lampadaires chevelus qui s'éclaircissaient à mesure que nous quittions les grands axes. Un jour nous nous sommes perdus dans l'enchevêtrement incroyable des routes, les panneaux lumineux étant tombés en panne. Nous errions dans cet univers désertique de plastique et de fer où se reflétaient les lueurs de la lune. Comme nous n'en avions qu'une paire et qu'elle avait peur de cette conduite dans l'obscurité, elle s'était emparée des lunettes de conduite et me guidait le long des arbres à lampadaire que la route contournait et enlaçait en bras incurvés. Glissant à petite allure dans la nuit, nous entendions le sifflement désagréable de l'air rejeté par les troncs. Je me souviens de la lueur de nos deux cigarettes dans l'épaisseur de la nuit. Elle posait sa main sur mon bras et je savais que je devais ralentir et tourner du côté où elle exerçait sa pression.

14/11/2019

Loi

Obéir à la loi parce qu’elle est la loi et non parce qu’elle est juste. La loi n’est pas juste, mais elle est nécessaire. Elle ne peut que tendre vers la justice à travers l’ordre. Et l’ordre est nécessaire à la justice et à son amélioration.

La loi, à travers l’ordre, vise la justice sans l’atteindre.

 

13/11/2019

Opposition

indépendance ?

Un ne peut devenir Deux

l'attraction déroute

mais Deux peut redevenir Un

Brisure du temps !

 

penrose,géométrie,expension

 

12/11/2019

Hiver

Ici, la terre s’endort bordée des dernières fleurs
L’obscur moineau sautille et plonge son bec en terre
L’eau s’évade sans bruit, s’écoulant sans douleur
Les pas marquent le sol d’un œil protestataire

La douceur rougit seule sous le froid égrainé
La femme se couvre et l’homme fait le dos rond
L’écureuil réjoui crée son garde-manger
Seul le poisson file et échappe au héron

S’instaurent le non-être et l’absence de bruit
L’ombre ne profile plus la présence d’autrui
L’herbe devient fouillis et va sans "verdoyance"

Peu à peu vient la mort, la nature s’effeuille
Afin de survivre ouvre ton portefeuille
Et laisse aller ta peine jusqu’à la bienveillance

©  Loup Francart

11/11/2019

Locédia, éphémère (35)

_ Moi, je veux connaître chaque jour le bonheur. Personne ne m'en empêchera, pas même toi, disait-elle d'une voix de petite fille gâtée pour qui chaque exigence nouvelle devenait réalité. Elle parlait posément, comme si elle avait beaucoup réfléchi pour énoncer ce lieu commun. Elle regardait ses mains qui jouaient avec les miennes de même que l'enfant joue avec la craie lorsqu'il passa au tableau pour exposer une leçon devant ses camarades. Ses yeux m'étonnaient souvent par la multitude de leurs expressions. Ils semblaient contenir plusieurs individualités. Ils erraient de ses mains aux miennes, remontant sur mon bras pour s’arrêter à la naissance du cou ou un peu plus haut derrière l'oreille, à l'endroit où les cheveux commencent à se lover en spirales. Ils se concentraient ensuite sur mon regard, un peu plus éveillés, un peu plus tendres aussi.

Pourquoi parler d'une chose qui n'existe pas. « Connais-tu des gens qui s'aperçoivent de leur bonheur ? Ils le rêvent dans leur vie passée, comme le présent qu'on ne peut vivre parce qu'il est déjà du passé, » lui répondais-je. J'étais agacé par cette recherche enfantine du bonheur qu'elle n'avait cessé de poursuivre jusqu'au jour où, bien après cette conversation, elle avait découvert les jardins aux fleurs de lèvres et l'employé débonnaire qui l'avait initiée. Il est possible que ce soit cette découverte qui créa par interposition l’événement que nous avions fini par attendre, imprévisible, inconnu, révélé à la dernière minute, indescriptible. Sans doute n'a-t-elle pu trouver d'autres raisons d'exister une fois sa découverte exploitée et ternie par le temps.

_ Dieu que tu es triste, que l'humanité est triste. J'en ai assez de côtoyer des pleurants et de les soigner comme les plantes grises. Je me demande ce qu'ils foutent tous sur terre. Ils feraient mieux de la quitter tout de suite.

_ Qui ils ?

_ Tout le monde. Tous les gens sont tristes. Moi aussi, constatait-elle avec un petit mouvement de dégout envers elle. Elle réfléchissait : je suis triste aussi, mais ce n'est pas la même tristesse, pas le même désespoir. J'ai trouvé avec toi une parcelle de bonheur et je ne veux pas la perdre. Les gens me rendent heureuse en participant à mes jeux. Quand je m'ennuierai avec toi, je m'en irai.

_ Et je deviendrai un cadavre que tu viendras contempler pour jouir de ton bonheur. Les mains jointent sur la poitrine, je serai jaune et vert, ma barbe aura poussé et tu te diras : « je suis heureuse. »

_ Tu n'as pas de barbe, constatait-elle en souriant.

_ Évidemment, je me rase tous les matins. Tu ne te rases pas, toi ?

_ Si, tous les jours, entre les seins.

Et elle éclatait de rire en me prennant la main ou en posant la sienne sur un de mes genoux. Elle riait longtemps, très longtemps, avant de redevenir instantanément sérieuse. Elle était persuadée, avec une de ces intuitions féminines que nous ne possédons pas, que ces instants ne dureraient pas, que nos rencontres étaient éphémères. Je sentais qu'elle avait peur de me perdre. Elle savait que cela arriverait un jour ou l'autre. Elle me regardait tristement, la main posée sur mon genou et fermait les yeux en levant son visage vers moi. Et je ne pouvais que l'embrasser lentement, les yeux ouverts, comme on embrasse une déesse de bronze.

_ Salaud ! Tu profites de ce que j'ai les yeux fermés pour m'embrasser. Tu ne penses qu'à cela, me tripoter. Tu ne m'aimes pas.

10/11/2019

Foi

Il y a trois formes de foi :

* la première est la foi pratique, celle du charbonnier. C’est la foi de celui qui croit parce qu’il désire croire sans avoir à se poser des questions. Elle établit un marché avec le monde divin : sauvé au prix d'un sacrifice.

* La deuxième est la foi logique, étayée par la théologie et un raisonnement intellectuel. Elle n’est pas forcément meilleure que la première et s'attache aux preuves de l'existence de Dieu. Là aussi l'amour n'est pas don.

* La troisième est la foi mystique. Elle est exigeante, car c’est la foi du renoncement et de l'amour.

Renoncer, oui, non par ignorance, non par connaissance, mais accepter le nuage d'inconnaissance et se laisser bercer.

09/11/2019

Silence des nuits sans sommeil

Silence des nuits sans sommeil
Où le cœur marque inexorablement
L’écoulement des heures figées
Dans la pose de l’enfant endormi
Et que dehors, dans l’obscurité mouvante
La lune accomplit son périple immuable

Chaleur fade du poids de la veille
Dans la moite activité imaginaire
Des rêves du premier sommeil

Se lever et marcher sans l’obscurité
Sentir le carrelage froid sous le pied
Et l’odeur persistante du jour
Qui imprègne encore les pièces vides
Jusqu’à ce que la paupière lourde
Les membres las et la tête vide
Le corps replonge dans l’élément de son absence

©  Loup Francart (18 mai 70)

08/11/2019

Liberté

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Au cœur de la glace palpite la liberté
volcan des humeurs, privilège de la fuite
elle s’engorge de contradictions
mais toujours éclaire celui qui la porte

Dans le noir de l’être survit encore
le fer rouge du bonheur

 

07/11/2019

Locédia, éphémère (34)

Un seul employé, étranger au pays, s'occupait de la machine à distiller le bonheur, une petite machine chaudière chauffée au charbon de bois et entourée de tuyauteries en colimaçon où se formaient de fines gouttelettes de parfum. Il habitait une petite maison envahie de lierres au fond de l'un des jardins et ne sortait que le soir pour s'assoir paisiblement sur le pas de la porte. La salle de la chaudière était formée de grandes baies vitrées et dépolies qui permettaient un éclairage permanent des différents cadrans de pression et de pourcentage d'acide. Les pupitres de commande en occupaient la majeure partie. La chaudière était reléguée sous une sorte d'auvent destiné à aspirer les effluves dangereuses. Les études prolongées des plus grands "psychochimistes", restées secrètes, étaient à l'origine du parfum d'amour. Ils avaient remarqué et isolé chez les autres vivants inférieurs cette drogue parfumée que distille la femelle au moment des amours en butinant de longues fleurs de lèvres. Elles poussaient en buissons sauvages aux feuilles irritantes. Ceux, qui parvenaient à en cueillir la fleur et à en respirer le parfum tenace étaient pris d’un vertige incomparable. Le célèbre Andropire, à qui un monument est dédié dans un autre coin du jardin et dont l'inauguration donna lieu à des réjouissances enivrantes, eut un jour l'idée, en distillant une betterave pour sa ration quotidienne de sucre, de distiller le fruit gluant de la plante pour en faire une eau au goût fade, mais aux effets concluants. D'autres chercheurs transformèrent 1'eau en parfum. Depuis ce temps-là, l'activité du pays tourne autour de la fleur de lèvres : plantation, culture, distillerie, parfumerie, étude d'hybrides à autres effets.

Cet employé, dont Locédia avait fait connaissance par la suite, était le maitre débonnaire du pays, craint et respecté par tous. Il n'utilisait qu'une seule sanction envers les fautes commises contre la morale sévère du pays : priver le fautif de sa dose quotidienne de drogue. Les heures atroces que passent l'esprit et le corps dans l'attente du bonheur suffisaient pour que la faute ne se renouvelle pas. Quelques vieux malins, vicieux ou misanthropes, recherchaient cependant la punition peur mieux profiter du bonheur après une attente prolongée. Ils constituaient une caste exceptionnelle qui n'arrivait à ces considérations sur l'absorption du bonheur qu'après une lente et difficile réflexion dans ces jardins les plus sobres et les plus enchanteurs que nous ayons pu voir. La forme galbée et arrondie de chaque arbre à femmes, le geste gracieux de leurs branches étaient exceptionnels. Un arbre mort aux membres décharnés coupait parfois l'harmonie de la végétation. Jardins enchanteurs, mais dangereux puisque chaque arbre possédait un pouvoir de préhension sur les promeneurs qui, cela arrivait peu après l'absorption de la drogue, se jetaient dans les bras tentaculaires des arbres à femmes. Le gardien du square les délivrait en coupant quelques branches. S’il tardait trop, le malheureux promeneur disparaissait dans un fouillis inextricable de pieds et de mains. Cette subite disparition ne troublait en aucun cas la béatitude du reste de la population affairée à humer les relents de parfum d'amour poussés par le vent. Drôles de gens que ces habitants marchant le nez au vent.

 

06/11/2019

Envol

Entre les feuilles fraîches et maladroites
Restent les serviteurs de l’année écoulée
Noués comme une canne de vieillard fatigué
Ils laissent encore passer le suc de la jeunesse
Tu m’as donné les meilleurs jours
Environné de désespoir, j’errais dans l’ombre
Fantôme détrôné à l’esprit déraciné
Me heurtant aux piliers du qu’en-dira-t-on
Tu es venu tendrement tel un nuage
Et tu m’as pris dans ton haleine vaporeuse
L’odeur de la vie m’a submergé et conquis
Ouvrant béatement le puits sans fond
Où j’ai pu jeter mon embarras et ma folie
Sais-tu que j’ai gardé longtemps ce parfum
Au creux de mes tempes endolories, muet d’étonnement
Je chevauchais la lune, bordé de garde-fous
L’œil acerbe sur les propres défaillances
Ressentant au plus profond l’effondrement du personnage
Et le souffle vital du renouvellement
Quelle piste d’envol pour l’enivrement
J’ai tout perdu, fort la vie
J’ai trouvé l’âme, ce nid de plumes
Qui pépie et brûle les doigts
Et j’ai atteint le lieu de transparence
Où le cœur n’a plus ni attaches ni souvenirs

©  Loup Francart

05/11/2019

Mondes

Par nature, l'homme se situe entre trois mondes : le monde physique, le monde psychique et le monde spirituel.

Ces trois mondes se côtoient :

* Le monde physique comprend la terre (qui elle même comprend la barysphère, la lithosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère ainsi que la biosphère), le système solaire avec le soleil et ses planètes, la voie lactée, les autres galaxies et d'autres phénomènes tels que les trous noirs ;

* Le monde psychique ou noosphère comprend la psychosphère, individuelle, et la sociosphère. "La conscience est de même une résultante de millions d'autres consciences concordant à un même but. La cellule est déjà une petite concentration personnelle ; plusieurs cellules consonant ensemble forment une conscience au second degré (homme ou animal). Les consciences au second degré, en se groupant, forment les consciences au troisième degré, consciences de ville, consciences d'Église, consciences de nation, produites par des millions d'individus vivant d'une même idée, ayant des sentiments communs" ;

* Le monde spirituel ou monde invisible, c'est-à-dire inaccessible aux sens. Ce monde se divise, au minimum, en monde des esprits et monde divin.

 

 

04/11/2019

La malemort

Quelle est cette part de rêve qui te prend comme la malemort ?

Chaque nuit prend le rêve, est-il fort comme la mort ?
Transpercé d’inconnus, j’erre dans un vide sans fin
Il est certes plaisant cet espace sans tort
Peut-on imaginer un néant aussi plein ?

Le réveil est glacé, où va donc ton esprit ?
Il est parti si tôt, qu'a-t-il fait entre temps ?
C’est donc cette part de rêve qui comble tes nuits
Et t’empêche de vivre le jour pleinement

Aussi demain, c’est promis, je ne viendrai plus
Tourmenter tes journées de rêves insensés
Je resterai bien calme dans oser ces abus
Qui ont comblé mes nuits et mes jours enchanté

©  Loup Francart

03/11/2019

Locédia, éphémère (33)

Dernier étage lentement révolu, ouvert sur la porte sans battant, sur un palier obscur où j'avais déjà vainement cherché un interrupteur. Il fallait deviner d'un pas hésitant, parallèle au sol, le départ d'une nouvelle série de marches plus abruptes, écrasées entre deux murs tachés de gris. Ce nouvel escalier ne sentait pas la cire, mais dégageait une vieille odeur de grenier, une odeur de bois vermoulu et poussiéreux, usé par les chaussures de plusieurs générations de collégiennes qui ont pris la désagréable habitude de dévaler ou de grimper, les marches deux à deux. Le nombre ces marches était impair, ce qui rendait égale l'usure de leur planche horizontale.

Dernière marche, plus usée que les autres puisqu’elle servait de marche de départ pour descendre ou de marche d'arrivée dans le mouvement inverse. Je m'arrête, essoufflé, les jambes molles. Qu'étais-je venu faire ici ? Etait-ce bien elle que j'allais retrouver ? Ne verrais-je pas apparaitre une étrangère qui posséderait ton visage ? Je frapperais à la porte qui s'ouvrirait sur un placard biscornu avec une minuscule ouverture sur la rue, un judas en plein-air, et elle rirait dans mon dos en disant : « Emmènes-moi. Je n'ai plus de chambre. Elle est devenue trop petite pour nous et je me cogne à chaque proéminence. » Elle prendrait un livre et ses disques, peut-être aussi ce chapeau de paille qui lui allait si bien.

Je frappe à la porte. Elle apparait nonchalante, parée de bijoux. Elle me regarde sans rien dire, la tête légèrement inclinée sur l'épaule. Elle me tend les deux mains : « Salut. Entre vite, j'ai tant de choses à te raconter. »

Est-ce ce jour-là ? Sans doute est-ce ce jour là, je ne sais plus, que tu m'as raconté ta visite au jardin des parfums, dans ce pays où la plante gagne certaines consistances de l'homme alors que celui abandonne sa vertu au parfum de la déraison. L'odeur subtile des plantes pénètre le corps d'attitudes bizarres que nous avions en vain cherchées ailleurs. Tu avais découvert par hasard au cours de ce voyage une nouvelle raison d'espérer.

01/11/2019

Trop !

Le printemps parti

Il fit un rêve étrange

C'est vrai, trop c'est trop !

 

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