Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/04/2014

Il est fini le temps

Il est fini le temps où nous allions ensemble
Etroitement, contempler l’étendue verte
Des eaux glacées de l’étang sauvage

La brume se coulait en épaisses couches
Entre les arbrisseaux et les cris d’oiseaux
Jusqu’à pénétrer l’oreille d’un pâle son
Celui des troncs de bois s’entrechoquant

Était-ce le soir, ou à l’aurore, que nous nous regardions
Tu portais l’ombre pâle de tes jours maladifs
Et je caressais lentement ton visage
Jusqu’au dévoilement de ta seconde peau

Alors tu t’enflammais d’émerveillement
Tu parlais sans cesse de notre amour
Qui n’en finissait pas de vivre
Une glissade ininterrompue sur la surface de verre

J’aurais voulu courir jusqu’à l’horizon
Là où la cime des arbres rejoint le ciel
Et chanter le chant celte du fond des bois
Pour remettre en route l’étouffement du paysage

Je posais la main sur ton épaule
Je caressais la courbure tendre de ta nuque
Je m’approchais de ton parfum sacré
Embrassant ainsi la naissance du monde

© Loup Francart

13/04/2014

Le parc Monceau

Ce parc immense aux longs bras déliés
De feuillages enchevêtrés et vert pâle
Ouvre ses allées aux passants à pas menus

Il est midi bien que le soleil ne soit pas au zénith
Une légère brume encombre encore ses pelouses
Les mères passent, poussant leur landau
Où repose, les yeux fermés, l’enfant chéri

Un homme, assis, revêtu d’un manteau noir
Mange à pleine fourchette dans un pot cartonné
Jusqu’à quelle errance des ventres peut-on aller !

Les enfants des écoles ne sont pas là. Que des adultes
Assis ou couchés dans l’herbe grasse des parterres
Parlant, dormant, grignotant, seul ou en groupe

Et douze petits coups résonnent, imperceptiblement
Perdus dans le brouhaha incessant de la circulation

L’heure avance. Voici les enfants enfiévrés
Courant sous les frondaisons en gestes étirés
La vie dans l’instant, pas une seconde en place

Tiens, un kangourou ! L’homme court en hauteur
Il n’avance pratiquement pas. Il monte
Il descend, au rythme sautillant de ses pas. Où va-t-il ainsi ?

Le ciel bleu gris, ouaté, s’abaisse jusqu’au sol
De maigres rayons émergent, blancs comme le feu

Ferme les yeux, que la machine à laver les idées
Ronronne autour de toi. Tu n’es plus là
Englouti dans ce trou béant de verdure
Au milieu des immeubles, sentinelles impitoyables
Ton fantôme erre dans les feuillages, la poussière et le soleil

© Loup Francart

09/04/2014

Faut-il sacrifier aux rites ?

Faut-il sacrifier aux rites ?
L’encens s’écoule en volutes
Les chasubles s’ébrouent
La parole envoûte les sens…
Une confusion décourageante
S’empare des corps et des esprits

Ombre et lumière
Foi et raison
Sincérité et habitude...
Enferme-toi en toi-même
Délivre-toi de cette pesanteur
Balaie la poussière de tes pensées
Et danse sur la flamme
Rougeoyante et tenace
De l’expérience inconnue…
Les charbons ardents
De l’indécision t’enchaînent ?
Fais sauter le cadenas
Et gambade librement
Dans l’éclaircie qui vient…
Que le corps est léger
Lorsque l’œil se regarde
Et ne voit que l’espace
Qui monte tel un ballon
Entre les gouttes de souvenir…

Enfant j’aimais entendre
Les voix mâles des hommes
Au fond du chœur, en écho
Aux voix grêles des femmes
Et d’une assemblée bigarrée
Et le prêtre délivrait
Du haut de la chaire
La parole sacrée et bienfaisante:
« Paix sur la terre »

Mais y a-t-il des hommes de bonne volonté
Des hommes libres et consentants
Le cœur ouvert et l’âme vierge ?
Les gestes séculaires rassurent
Ils plongent dans le rituel
Et délivre la conscience
Des choix qui restent à faire
Et qui se renouvellent
Instant après instant

Une goutte d’encens
Sur la lame brûlante
Du couperet du temps…
La chute… percutante !

A terre les anges l’enlevèrent
Il monta droit aux cieux
Ses lunettes terrestres tombèrent
Mes amis, quel adieu !

Ici ne reste que le poids
Des souvenirs d’un être
En recherche de soi
Et d’un applaudimètre !

© Loup Francart

01/04/2014

L'absurde... un premier avril

Quel mot délirant
Il n’a qu’une seule rime :
Kurde !
Un mot sans existence légale…

Abs… Cela commence mal
Comme l’absence ou l’abstrait
Joignez-les ensemble
Abs…urde… est-ce une langue
Oui, peut-être, mais qui fourche
C’est normal
L’absurdité est contraire à la raison
Alors… abs…tinence !

C’est ainsi qu’il se trouve seul
Environné de pommiers
Une couronne sur la tête
Pour déclamer les vers
D’un peintre en bâtiment...
L’entourent des êtres chers
Le renard sans queue
L’agneau poêlé bêlant bêtement
La jeune fille, encore jeune
Mais sûrement plus fille
L’enfant roi sans casquette
Qui hurle par plaisir

Rien n’existe, mais c’est là
Dans la tête, comme un gong
Quelle fièvre vous prend ?
Mais l’abs…urde n’est-il pas
Proche de l’abs…olu ?

On raisonne sur l’absolu
Mais on agit dans la réalité
La frontière des deux mondes
N’est-elle pas un absurde raisonnable
Entrer dans l’absurde irrationnel
Ou demeurer dans l’abs…sens
N’est-ce pas une frontière vague ?

Un système royal l’ABS
L’anti-blocage des roues
La raison s’en porte mieux
Les dents courent le long de la roue
Et empêchent la catastrophe
La raison tourne, dans le vide
Elle existe toujours, inutilement
Alors que l’absurde ne peut exister

Le fou n’existe pas dans l’absurde
Il a sa raison à lui
Elle court dans ses rouages
Qui tournent parfois à l’envers
Vous puisez dans le sac à idées
Mais rien de logique
Ne sort du broyage…
Quelle ineptie !

L’imaginaire n’est pas le non-sens
 C’est la voie royale
Pour pouvoir voler
Et s’évader d’un monde raisonnable…
En avril, découvre-toi
de tous les fils de la raison
et entre dans la fournaise
de l'absolu chimérique

© Loup Francart

28/03/2014

Quelle différence ?

– Je suis femme et donc lasse
De n’avoir que mes yeux
Pour parler à ceux qui m’ignorent
Tout en me contemplant

– Je suis homme et donc prêt
A toute tentative de charme
Quand déjà ses yeux me fixent
Et me disent : Oserez-vous ?

– Adolescente, je contemplais sans honte
Les efforts sportifs des jeunes hommes
Et riais de les voir, rougeauds
Encore pleins de force virile

– Enfant, je me taisais
A quoi pensais-je donc
Lorsque la cousine me serrait
Et me pressait contre ses seins

– Tu m’as charmé de tes chants
Tu m’as donné ta vigueur
Et je suis devenue un rêve
Que je poursuis toute seule

– Et maintenant, après ces années
Je me gonfle d’importance
Pour croire encore à la vie
Et me dresser malgré moi

Oui, la vie est ainsi faite
Rien ne peut la changer
Surtout pas cette différence
Entre douceur et force

© Loup Francart

24/03/2014

L'heure sauvage

Trois heures trente, l’heure sauvage
Celle où rien ne pousse dans la tête…
Silence... On tourne autour de soi
Sans consistance et sans résultats…

C’est un autre monde, inédit
Qui ressort des pages bouleversantes
De cet entre-deux prenant la gorge…
Rien ne s’offre gratuitement…

Chaque nuit le même récit voilé
Le retournement des principes
Et la sûreté des geôles d’antan…
Un volcan sorti de la glace…

Mais toujours, simultanément
Vous prend cet immense désir
D’une évasion hors du monde
Jusqu’aux confins de vos songes…

A grandes enjambées vous parcourez
Les étendues désertiques de la pensée
Toujours plus loin, dans le lointain
Jusqu’au vide immuable de l’absence

Rien ne vous arrête… Un trou
Sans fin et sans parachute…
Vous fermez les yeux morts
Et ouvrez l’esprit au rêve…

© Loup Francart

 

20/03/2014

Hiver ou été ?

L’astre vous bourre de ses rayons
Tourné vers lui le visage s’ouvre
Chaque pore dégorge son eau
Vous ruisselez dans le froid de l’hiver

Les cris des enfants du village
Entament comme une scie obscure
Le solo patient et quotidien
D’une journée écrasée de rouge

Le portail ouvert, béant de fureur
Dont on nettoie les dents noires
Laisse passer les géants de la route
Ombres parasites et fugitives

Oui, c’est une après-midi soft
Un air de déjà vu et si bon
Vos genoux dissous dans la poitrine
Vous baignez dans votre jus amer

Vous ne bougez plus, le front altier
Vous laissez le temps s’en aller
Et vous regardez sans les voir
Ces arbres aux doigts tendus

La nature vous donne sa foi
Laissez-vous faire, ignares
Laissez votre intelligence au placard
Et croulez de bons sentiments

Encore quelques temps
Quelques pas de danse
Pour profiter de cette huile
Que donne la lumière du soir

Tout à l’heure, refroidi
Roulé en boule, respirant
La morsure de la glace
Le feu du soir vous ravivera

© Loup Francart

16/03/2014

Sa chambre est une gare

Sa chambre est une gare, une gare de province
Où l’on entre pour faire un long voyage
Aux pays ignorés de nouveaux princes
Qui règnent sur la géométrie de l’esprit de leurs pages.

On y voit des affiches couvertes de couleurs
Où l’Espagne s’ombre sur le sable des arènes d’or,
Où l’Escorial étale ses vertus de l’honneur
Dans la nuit des étoiles et des nébuleuses de la mort.

© Loup Francart

12/03/2014

Les formes

Les formes lui courraient dans la tête
Carrés noirs, ronds blancs, lignes
Points, rien… Quel mélange…
Une symphonie muette et colorée
Qui danse pour lui seul !
Dans son sommeil il les voit
Elles se dressent au pied du lit
Elles envahissent ses songes
Et ne lui accordent aucun repos…
Il les assemble au gré de la pensée
Du crayon sur le papier quadrillé
Elles se gonflent en trois dimensions
Prennent leur aise… Elles enflent…
Parfois elles détonnent… Douleur…
Comme une explosion dans la tête
Un vaisseau qui éclate…
Alors le sommeil vient
Il s’ouvre à l’esprit dérangé
Il balaye tout sur son passage
Et le vide s’installe, bienfaisant…
L’artiste flotte entre deux nuages
Eperdu de reconnaissance
Avant de retomber sur terre
Se cognant aux formes et aux couleurs…

© Loup Francart

08/03/2014

Elle s’élevait haut sur la scène

Elle s’élevait haut sur la scène
La danseuse aux pieds agiles.
Elle ne manifestait pas de gène
Seule, perdue sur cette île.

Parfois d’un saut plus truculent
Avant de redescendre d’un geste ample,
Elle dévoilait ses pauvres flancs
Et même un blanc triangle.

Sais-tu pourquoi les hommes
Se pressent au premier rang ?
Ils contemplent ses pommes
Et rêvent au noir sang.

© Loup Francart

04/03/2014

Elle était belle

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle court maintenant vers sa fin
De ses pieds menus et désespérés
Elle pousse un cri de désespoir
Mais se réjouit des jours passés

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle va vers son destin tragique
La tête couverte d’un cache noir
Elle sait le drame qui l’attend
Mais elle chante pour le courage

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Elle s’agenouille humblement
Tendant son cou fragile à la lame
Elle prie dans son cœur d’enfant
Mais pleure sur la vie à venir

Elle était belle, elle avait vingt ans...
Admirez sa superbe innocente
Elle vous regarde et vous n’êtes plus là
Vous avez peur de la voir, nue
Mais plus vivante que jamais

Elle était belle, elle avait vingt ans…
Mais qu’avait-elle fait ?

Elle était belle

© Loup Francart

24/02/2014

Le consternant silence de la nuit

Le consternant silence de la nuit
Quand l’œil ouvert promène sa caméra
Sur la chambre agrandie d’obscurité...
Un reflet dans la glace… Froid dans le dos
Un grincement de meuble… Mal aux dents
Le vol d’un moustique… Attente sans fin

La nuit n’est plus ce qu’elle était...
Elle court sans savoir où elle va
A l’aveugle, en femme échevelée
Elle me tient de sa main gantée
Et m’entraîne dans les précipices
En farandoles inlassables et vertueuses
Jusqu’au réveil hurlant

Premières lueurs de l’aube...
Les cheveux se dressent sur la tête
Rien d’autres ne te retient
Love-toi sur toi-même
Et sois comme le juste…
Endormi...

© Loup Francart

20/02/2014

Le virtuel et le réel

Oui, c’est vrai, comment distinguer
La réalité de la virtualité ?
Certes, je palpe la première
Et ne goûte que des yeux la seconde
Je me baigne dans le réel
Et nuage dans le virtuel…

On me dit que le virtuel
Existe sans se manifester
Pourtant les réseaux sont bien là
Pour signifier le mécontentement

On me dit que la parole est réelle
Mais la langue virtuelle
Ah ! Parler est vrai
Mais le Français n’est pas révélé ?

Le virtuel est le réel en puissance
Le réel possède-t-il tant de force ?
La mémoire virtuelle se déconnecte
Mais ma mémoire ne fait-elle jamais défaut ?

Oui, c’est vrai, quelle potentialité
Que ce plus qui vous accompagne
Et vous tire par la manche
Pour vous noyer d’une brume d’informations !

© Loup Francart

16/02/2014

Le corps et l'âme

Je fouille en moi vainement
Pas une trace de l’âme
Descente dans l’obscurité du corps…
J’ai le vertige des vierges…
Le noir et rien, sans palier…
Un nœud lâche, puis deux...
Détente de la carcasse
Les défenses s’évanouissent…
Une lueur apparaît, lointaine
Je la perds, je la retrouve
Je m’allège et je me perds
Il reste toujours cette pellicule
Qui colle à l’être, tenace
Et qui empêche le départ…
Soudain, éclaircie, directement
Le blanc succède au noir
Le ying au yang
La hauteur à la profondeur
En descendant je monte
Et cette montée me ravit
Je perds mon poids
Je ne suis plus qu’une colonne
D’air purifié et rafraichissant
Et cela me suffit…
Ouverte à tous vents
Seule l’âme subsiste

 © Loup Francart

12/02/2014

Un poème

Un poème, c’est un rond dans l’eau
Créé par l’impact d’une ivresse soudaine
Une gifle décoiffante d’un fait insolite…
Les sens en alerte tu guettes l’éveil
Aujourd’hui il ne vient pas, pourquoi ?
Remue la tête, déménage tes poussières
Souffle sur le décor et entame la valse
De la folie des mots qui s’enchaînent…
Laisse-toi bercer par la cathédrale
Et les résonances  de ses fils de verre…
L’orgue se tait, l’organiste est mort
D’une crise de larmes et d’étincelles
Le chien aboie dans la tribune
Quoi de plus naturel !
Le fumet des mots d’antan a disparu…
Odeur des greniers ou des caves
Un relent de moisi ou de renfermé
Qui saute à la gorge étonnée…
Et tu poursuis en tournant à la main
Ta perceuse, fouillant dans le sable
Et la pierre jaunie d’écume
Jusqu’à l’étincelle attendue divinement
Qui met le feu aux poudres
Et chavire tes perceptions latentes…
Sautez le chat huant et l’éléphant rose
Ça clignote dans l’ellipse grammaticale…
Secoue la caisse de résonance…
Extrais le jus de l’ignorance
Et couche-le sur le papier 
Laisse-le baver sur la feuille blanche
Qu’il se dessine seul en noir
Tache bienfaisante et fertile
Qui fait rire l’innocent
Et ricaner l’averti…
La mer des mots n’en finit pas de déborder…

 © Loup Francart

08/02/2014

Tempête

J’émerge et respire un grand bol d’air
Quel bruit ! Un grondement incessant
Une autoroute de départ en vacances
Ecrasé sous les roues et asphyxié de gaz
J’ouvre un œil. Où suis-je ?
Dans quelle machine à laver suis-je tombé ?
Un  incessant mouvement de grains de sable
Qui balaye les toits, entre par les fenêtres
Et passe le plumeau sur toute surface nue…
Levons-nous puisque le néant nous refuse…
Le sol est froid, l’air est moite
Collé contre le carreau glacé
Je contemple la danse du vent
On ne le voit pas. Certes on l’entend.
Les arbres s’agitent et se plient
Ils frémissent et gémissent de crainte...
En gros bouillons irascibles
La rivière charrie sa boue jaune
Entraînant toutes sortes de brindilles
De branches, d’herbes et de malheur…
Le vent ne se démonte pas, il s’amplifie
Je suis assis sur la bande médiane de l’autoroute
Et les véhicules passent à droite et à gauche
Hurlant indistinctement : écarte-toi, écarte-toi !
Alors, las de cette agitation non maîtrisée
Je ferme les yeux, ouvre mes paumes
Lève les bras à la force du souffle…
Je me dénude de mon immodestie
Et crie.
Les sons se perdent dans les branches
Mais quel bienfait ce passage hors du temps
Je suis sourd aux gesticulations
Assis sur mon tonneau, balloté par les flots
Je m’envole vers je ne sais où
Je perds mon identité pour redevenir
Celui qui a toujours été, qui n’est rien
Et qui devient le tout, par absence…
Je suis le vent et je caresse la terre
Montant dans les cieux, passant sous les portes
Et je regarde éberlué et chagrin
Celle qui se met nue dans les caresses…
Elle est parce que je ne suis plus…
Je suis par absence, courant d’air…
La mort guette l’inquiet, le modèle
Avant de s’enfuir sans rien
Ricanant de l’absurde et du bonheur

© Loup Francart

04/02/2014

L’artichaut

Effeuille-toi tel l’artichaut
La première feuille est la plus difficile
Tire un petit coup sec
Et lâche la feuille dans le vide...
Allons prend-en une seconde...
Bien. Laisse-la partir...
Tu t’allèges, courage !
Ah, tu as perdu du poids
Tu affines ta silhouette
Déjà tu vois au-delà de l’horizon
Des soucis et contraintes
L’aube approche, encore une feuille
Tu arrives au cœur
Dans cette chair tendre
Qui coule son miel parfumé...
Elles sont si petites
Les dernières feuilles, rouges
Ou violacées et pâles
Que tes doigts ne peuvent les saisir
Et puis ces poils au bout sucré
Qui suggèrent plutôt que nourrissent
Avant de pouvoir entamer
La surface jaune beige
Piquée de pointes imperceptibles
Avec ton couteau aiguisé
Et prendre ta part de rêve
Et d’ortolans vivaces...
Le parfum, le goût et la couleur
S’allient pour conjuguer
Un mariage délicieux
Qui t’ouvrira les portes
De l’éternité désirée

 © Loup Francart

31/01/2014

Pétard !

Nous connaissons un homme
Qui sait jurer noblement :
« Pétard ! »
Et cette explosion subite
A une féérie de significations

Juron d’inefficacité : Je n’y arrive pas
Quelle saloperie cette mécanique !

Omniscience : J’ai raison, pétard
Et personne ne m’en fera démordre !

Ou l’inverse : pétard, que je suis mauvais !
Mais utilisé rarement…

Ebahissement : « quel pétard ! »
Signifiant par là un dérèglement total

« Pétard de pétard » traduit un égarement
Il ne peut en croire ses yeux

Il peut aussi être en pétard
Mieux vaut ne pas tenter d’éteindre la mèche

Cependant il ne parle pas de gros pétard
Devant l’élégante démarche d’un surpoids

Ces pétards ne simulent pas un coup de feu
Et ne signifient pas une rupture de dialogue

Les pétards dispersés dans la conversation
Sont l’expression de ce qui ne s’exprime pas

Parfois même il suffit de le dire des lèvres
Sans le prononcer ouvertement
Tous comprennent et sourient

Pétard, quelle douce expression
Pour dire son mécontentement
Son affolement, sa rage
Sa colère ou son étonnement

Mais, pétard, quel silencieux manifeste !

© Loup Francart

27/01/2014

Portrait

C’est ton portrait tout craché !
Qu’est-ce à dire ?
Ces traits tracés sur une feuille
D’une main sûre, avec facilité
Serait-ce toi, serait-ce moi ?
Et derrière ces couleurs pâles
Où se trouve nos âmes ?
Je ne vois qu’un morceau d’être
Au visage tendu dans la nuit
Les yeux ouverts et le cœur vierge...
Il contemple les astres
Sans connaissance de l’au-delà...
L’incertitude se lit sur le portrait...
Je ne sais qui je suis
Tu ne sais qui tu es
Pourtant tous te disent que c’est toi
Cette figure oblongue sans reflet
Tu as la consistance du verre
Transparence inutile et perverse
Et l’image du monde déformé
T’écarquille le regard
Et secoue ta passivité...
Et toi, que disent ces formes tendres
Ces fils mouillés de tes larmes
Cette bouche rouge offerte
Et tes cils se mouvant dans la froideur
D’un hiver sans fin ni soif...
Tu me tends la main
Vierge, tu  me regardes
Et alignes tes doigts tendres
Sur mon visage égaré...
Oui, nous sommes deux
Sur ce portrait d’un seul
Réconciliés pour la vie et la mort
Dans l’étonnante tiédeur
D’une retraite forcée...
Toi, et moi, seuls dans l’immensité
D’une vie ouverte sur le monde
Soudain trop petit
Pour nous satisfaire...
Alors, une dernière fois,
Saluons-nous
Laissons-nous monter
Et flotter dans l’air pur
Pour devenir une seule âme...

23/01/2014

Les souvenirs

Il est des jours où les souvenirs affluent
Oubliés, ils reviennent en masse
Ils cognent contre la vitre du présent
Et font sentir leur rage d’inexistence

Pourtant un lien invisible les rattache
Au moment présent. Une chaîne d’or
Les fait sortir de leur boîte

Ce n’est qu’un son discordant et pauvre
Qui ravive la solitude du garçon
Que vous avez été à quinze ans

C’est aussi le cri d’un passant pressé
Un autobus majestueux lui écrase le pied
Et vos doigts se rétractent à l’évocation
Du sabot d’un cheval sur la semelle de votre botte

Ce peut aussi être une brise tiède
Qui relance la caresse d’une main de femme
Et fait frissonner tout votre corps

Et ces liens sont présence
Ils entraînent votre être
Dans la ronde de la vie
En éternel retour
D’un passé révolu
Et vous tourne vers l’avenir
Qui reste encore ouvert
Pour tous les drames
Tous les rires
Tout ce qui un jour
Se ravivera
Par le grattement d’une araignée
Sur la transparence
De la mémoire

19/01/2014

Mourir de rire

Un oiseau gris sur un toit vert
N’est pas un pivert !

Un chapeau rouge sur une tête blonde
Ne fait pas une femme exquise !

Un éléphant rose dans un pré jaune
C’est un costume beige à un enterrement !

Un cheval blanc sur une neige molle
C’est un tableau de Malevitch !

Mais ces idées bizarres
Qui courent seules dans la tête
Sont-elles aussi à toi ?

Point n’est besoin d’études
Et de certificats
Pour regarder le monde
Et mourir de rire !

© Loup Francart

15/01/2014

Elle sortit dans la nuit noire

Elle sortit dans la nuit noire
Vêtue d’une simple chemise
Ouverte sur ses seins
Fraicheur bienfaisante du soir
Enveloppée de ses cheveux
Elle court sur la plage ruisselante
Que le sable est bon
Lorsqu’il est foulé au pied
Nu et vierge du passage des eaux
Elle sourit aux crêtes blanches des vagues
Et se laisse emporter par le flux
Qui aspire ses pieds et le sable
Tombe… Tombe dans ce vide
Qui se dissout en toi
Ouvre-toi aux vents et aux marées
Laisse flotter le drapeau blanc
De ton abdication au monde
Et de ta révolte désordonnée
Tu n’es plus, tu deviens
Tu vis de cette vie interne
Qui trouve dans ses espaces
De quoi déployer tes ailes
Et tu prends ton envol
Au-dessus des lamentations
Du peuple encapuchonné
Tu as laissé tomber tes lentilles
Tu vois à des kilomètres
Et ce nouveau pays
N’est rien qu’un champ
D’espoir vers lequel tu voles
Bats encore des ailes
Et plane maintenant
Dans la brume céleste
Ton but est à portée de la main
Cesse tes battements
Et plonge tête la première
Dans l’horizon subtil de l’ignorance

© Loup Francart

08/01/2014

Neige

Un flocon, puis deux, puis trois…
Ils éclairent la campagne
Ils délaissent le goudron…
La nature seule les charme…
Ils adoptent les doigts ouverts
Des arbres noirs et dépouillés
Ils craquent sous le pied
Et jouent à l’étouffoir …
Ralenti, le passant coule
Le long du chemin blanc
Laissant ses pas, fil ténu
Entre présent et avenir…
Dors petite fille, dors
Que tes rêves t’enlacent
Dans leurs saveurs aigres…
Ne regarde pas dehors
La montagne approche
Et entre par la fenêtre
Elle ouvre ses mains de glace
Mais ne l’écoute pas
Elle ne sait pas ce qu’elle veut
Sinon te dire « Viens, viens »…
Surtout ne sors pas
Ne la regarde pas, tiens-toi close
De tout regard fiévreux
Et d’envie de courir dans cette neige claire
Qui atténue toute réserve et crainte
Et te fait t’envoler en pensée…
Et… peut-être… en action

© Loup Francart

04/01/2014

Le ciel se noie

Le ciel se noie
Les murs se rapprochent
Je m’enlise sans retour
Je suis couvert de poussière
Je suis poussière
Un grain collé au monde
Parmi d’autres grains, d’autres poussières
Brouillard épais de crasse qui m’enlace
Je respire l’autre à pleins poumons
J’en perds parfois la respiration

© Loup Francart

01/01/2014

L'infini

 

Quel paradoxe : nous parler de l’infini un premier janvier, jour de finitude, marqué du sceau des mathématiques. Mais le premier janvier est réservé à la méditation : les idées ont-elles une existence ?


« Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine ;
mais en ce qui concerne l’univers,
je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. »
Albert EINSTEIN

poésie,méditation,poème,science,théologie,religion

Un hélicoptère s’enfonce dans le ciel
Toujours plus loin.
Hélice tournoyante, il devient point
Puis rien, ou tout

Le zéro et l’infini sont frères
Plus je divise un chiffre
Par une valeur proche de zéro
Plus le quotient tend vers l’infini
Et si je divise le fini par le zéro
J’obtiens l’infini

« …ces extrémités se touchent et se réunissent
à force de s'être éloignées,
Elles se retrouvent en Dieu et en Dieu seulement »
Oui, Pascal était théologien autant que physicien

Parce qu’Achille court avec célérité
On peut distinguer l’infini en acte
De l’infini potentiel qui n’est pas réalisable
L’infini serait-il un principe inapplicable
Ou une réalité tangible qui dépasse l’homme ?

L’infini, c’est tout ce qui n’est pas fini
Première approche…
Mais le temps est-il fini ou non ?
Et comme il est lié à l’espace
Celui-ci est-il fini ou non ?
Le temps et l’espace n’existe que par la matière
Un grain de sable et l’on fabrique l’univers
Sans lui rien n’existe, ni le temps, ni l’espace
Sans existence, plus rien… ou tout…

Pourtant il y a de nombreuses existences
Qui n’ont pas de réalité physique
Un concept a-t-il une existence ?
Oui… et non…
Il est réel et fictif
Du domaine de l’imagination
Mais celle-ci donne accès à la fois
A une réalité existentielle
Et à une réalité non essentielle
Les idées existent-elles ou non
Ont-elles valeur d’existence ?
Sans essence peut-on concevoir
L’existence non essentielle ?

Mais Dieu existe-t-il hors du grain de sable ?
Dieu est-il le grain de sable
Sur lequel tout s’appuie ?
Est-il en dehors de l’essence
Ou est-il lui-même l’essence ?

L’infini est cette interrogation permanente
De l’homme devant la grandeur
De l’action et de la pensée
Dieu joue-t-il à cache-cache ?

© Loup Francart

31/12/2013

Sont-ils, eux, qui ont tout ?

Sont-ils, eux, qui ont tout ?
Vous ne savez pas qui ils sont
Mais nous avons les preuves
De leur existence folâtre

Reflux… Retour en soi-même…
Une petite pièce, obscure,
Boursouflée et non meublée
Là, il va et vient, sans pensée
Il agite ses pieds, il regarde ses mains
Il secoue la tête, inconsolable
Viens, dit-il, viens près de moi
Solitude du chasseur 
Qui attend le fusil à la main
Prêt à tirer sur tout ce qui bouge
Mais qui ne voit pas
Que rien ne bouge en lui
Il est mort à la vie
Il survit par faiblesse
Par extension d’insuffisance
Plus de gaz dans le moteur
Il n’y a personne au téléphone
Qui sonne dans le vide de la pièce
Assis par terre, étendu
Il ne dort pas, il rêve
Et ce rêve n’a rien de drôle
Il se voit dans un marécage
Et ne consent à survivre
Que parce qu’il ne peut faire autrement

Evacue, évacue, meurs à toi-même
Et tu revivras transformé
L’échec n’est qu’un mauvais moment à passer
Ouvre ta porte et sors au soleil
Laisse-toi éblouir
Et envole-toi dans les cieux
Frappé de la pâleur des survivants

Je suis et ne peux m’en défaire
Mais je peux devenir autre
Allons… Partons…
Rien ne me retient plus…

© Loup Francart

27/12/2013

La nuit

La nuit, quand seule tourne
L’aiguille aigre de l’horloge
A la cadence de la course terrestre
Dans l’espace scintillant
Et que les couleurs anéanties
Se rêvent à la forme des objets
Comme un aveugle ignorant
Je te tends les bras pour retrouver
La douceur de ton visage inachevé
Et la chaleur de ton corps
Qui bat lentement dans ton repos
Au rythme éternel de la vie

© Loup Francart

22/12/2013

Ni queue, ni tête

Prends-tu tes jambes à ton cou
Lorsque le vers est dans la pomme ?

Te rinces-tu la dalle et joues-tu des coudes
Après avoir avalé des couleuvres ?

Du haut de ta tour d’ivoire
Tu comptes les tenants et aboutissants
Et, je te le donne en mille,
Tu n’es pourtant pas né de la dernière pluie
Ton cœur d’artichaut, peu m’en chaut !

Les doigts dans le nez et fier comme un pou,
Tu te mets sur ton trente et un
Et fais la bombe entre chien et loup.

Viendra le jour où tu fileras à l’anglaise
Après avoir payé en monnaie de singe
Celui dont l’habit ne fait pas le moine

Tu as eu le nez creux, fleur de nave
Sans prendre des vessies pour des lanternes
Bonne poire, sans te presser le citron
Tu bois du petit lait en tout bien tout honneur

Mis sur la sellette, tu tombes à pic
Trempé comme une soupe
Tu passes sous les fourches caudines
D’un être au bout du rouleau
Bien qu’il n’y ait pas péril en la demeure

Une fois encore tu as mis la charrue avant les bœufs
Sans apporter de l’eau au moulin
C’est passé comme une lettre à la poste
Et tu fais contre mauvaise fortune bon cœur
En tirant des plans sur la comète

Tu t’imagines sorti de la cuisse de Jupiter
Et il t’arrive de péter plus haut que ton cul
Mais tu as un poil dans la main
Alors, les châteaux en Espagne : évaporés ?

Je t’apporterai des oranges
Même si le jeu n’en vaut pas la chandelle
Gardes ton sang-froid et bats le chaud
Car tu ne peux être au four et au moulin

Tu n’as pas inventé l’eau tiède
Et bien que tu marches à voile et à vapeur
Tu fais long feu dans ton panier à salade
Tu tires le diable par la queue
Car tu n’as pas la science infuse

Merci tête de linotte
Demain on rase gratis
Tu auras pignon sur rue
Sans avoir droit au chapitre

Le roi n’est pas ton cousin
C’est à dormir debout
Ça tire à hue et à dia
Quelle mise en boite
Ce n’est pas une sinécure
Ne verse pas des larmes de crocodile
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Alors… Prends tes jambes à ton cou

© Loup Francart

18/12/2013

Tout est là !

Tout est là !
Mais que te manque-t-il ?
Le sang bat dans tes veines
La conceptualisation prolifère
Le mollet reste fier
Le cœur pleure à tout va
Tu t’émeus de rien
Tu ris de tout
Tu souris de peu
Tu exploses d’émotion
Sans savoir pourquoi

Ainsi va le monde
A fleur de peau
A rebrousse poil
Dans la chair de poule...
Quels bruits pour si peu !

Silence, on tourne !
Grise-toi d’images
De cris, de faits divers

Mais oui,
Ce qui te manque
C’est toi !

© Loup Francart

14/12/2013

Courir dans la campagne givrée

Sous un soleil d’acier
Courir dans la campagne givrée
Revêtue de paillettes d’argent
Et ne pas manquer de s’extasier
Devant le chef d’œuvre rarissime
D’une toile d’araignée
Enrobée de poudre cristalline
 
Un silence impressionnant
Un ciel bleu presque blanc
Deux pieds qui tressaillent sur la route
Et le souffle acide et glacé
Qui racle les poumons

Instant unique et merveilleux
Comme le son d’une cloche
Au fond de la vallée
Qui se disperse dans les bois
Et vient frapper l’oreille attentive

Que ton monde est grand
Et combien changeant
Ô créateur modeste et brûlant
Toi qui aère le moi chaque matin
Pour dégager le soi
Immortel, libre et unique


© Loup Francart