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17/07/2015

Envol

Entre en toi !
Quitte le nuage de tes opinions
Et plonge entier et nu
Dans le vide céleste

Plus rien ne te retient
Ni l’oiseau au réveil
Ni le bâton de feu à midi
Ni la crème rosée du soir

Entre en toi !
Franchis la grille de ton apparence
Laisse le nombril de ton personnage
Et choit jusqu’à la délivrance

Dépasse ce cercle de chair
Aspire à la chute vertigineuse
Au fond de ton être un brasier
Suspendu à ton abandon

Entre en toi !
Fais-toi fugace, entre ta clé
Dans l’œilleton de ta suffisance
Et plane sur les eaux primordiales

L’air frais du renouvellement
Réveille tes sens endoloris
Le parfum iodé du large
Te prend à la gorge

Entre en toi !
Saute dans l’azur imprécis
Et, d’une ivresse sans fin
Noie ton être dans la lumière

©  Loup Francart 

13/07/2015

Pourquoi ?

Dis Maman, pourquoi les canards ont des plumes ?
Dis Maman, pourquoi n’ai-je pas des écailles ?
Dis Maman, pourquoi les singes sont poilus ?

Dis Papa, pourquoi les étoiles sont brillantes ?
Dis Papa, pourquoi le jour se lève ?
Dis Papa, pourquoi la nuit est noire ?

Que de questions se bousculent dans sa bouche
Que d’interrogations devant le monde
Que d’étonnement dans ce qui est naturel

Combien les adultes sont heureux et fiers
De ne plus se poser ces questions
Ils en rient entre eux, moqueurs

Ils ont perdu leur innocence
Ils n’ont plus l’esprit curieux
Mais... Pourquoi ne s'émerveillent-ils plus ?

©  Loup Francart

09/07/2015

Sommeil

L’air reste lourd, chargé de poussières.
Une à une, les voitures passent.
Puis un silence... A nouveau...
Un bourdonnement imperceptible
Qui grandit jusqu’au hoquet ombrageux
De son passage au bout de la rue.
Là... Elle est passée... Plus rien…
Et, encore, le bourdonnement,
Comme une étrange horloge
Pénétrant sournoisement dans notre univers.
Un bruit de vagues sur la plage
Rythmé par le feu rouge passant au vert
Situé plus en arrière, maître de ces intermittences.
Et maintenant, j’attends…
J’attends que revienne l’entendement
D’une situation si quotidienne
Qu’elle procure un engourdissement naturel.
Les pensées se brouillent dans la voûte
Elles deviennent confuses.
Seul le bourdonnement les réveille.
Broo… â…âm. Je n’ai plus la force
De les écarter. Elles emplissent le noir
Et retombent à plat, sans préavis.
Tous marchent dessus.
Le trottoir est couvert de feuilles de papier
Emplies d’une écriture fine
Qui ne va jamais au bout d’une phrase.
Cela porte un poème, parait-il.
Des kilomètres qui ne s’arrêtent
Que lorsque les paupières closes
Immobilisent leur tremblement.
Plus d’image, plus de sons.
Quel étrange monde que celui du sommeil…

©  Loup Francart

04/07/2015

Fièvre

Jour et nuit…
L’étouffoir…

Vous respirez...
Mais sous une bâche

Les bruits vous parviennent
Ralentis par la moiteur
 
Vous n’avez pas la force
De tendre le bras...
Vous le laissez retomber
Entre les draps brûlants

Votre front ruisselle…
Nu, souhaitez-vous aller…
Mais est-ce possible ?

Vous enviez les filles…
Petite robe, très petite
Qui flotte au vent
Elles vont partout
Où se presse l’ombre
Et étirent leurs jambes
Sur la terrasse d’un café

Les enfants jouent toujours
Mais ils se sont amollis
Ils ne crient plus pointu
Une somnolence les imprègne
Ils ne peuvent se serrer
Contre le cou de leur mère…
Trop collant…

L’homme, digne de lui-même
Se réfugie dans le glaçon
D’un verre au bar bruyant
A l’odeur aigre de promiscuité

Le garçon n’en peut mais…
Il ploie sous le fardeau tintant
De ses verres enchevêtrés
Qu’il jette distraitement
Dans l’eau fraîche du bar

Ah, vous glisser dans cet évier
Et vous laisser couler dans la bonde
En mille perles d’eau fraîche
Jusqu’à complète dissolution !

Blup… Blup…
Puis…
Le savez-vous ?

©  Loup Francart

30/06/2015

Transe

Il courut longuement dans la plaine
Sans savoir où aller et se réfugier
Il fuyait ses cauchemars et ses rêves
Et ne savait comment les effacer
Autrefois, il avait appris l’égarement
Et pratiquait l’oubli et la désinvolture
Mais toujours on lui dit : « Souviens-toi ! »

Alors aujourd’hui sa mémoire est pleine
Et déborde de présupposés gris
Sa course s’alourdit et colle
Au palais qui ne peut que bégayer
Devant les mots qui veulent sortir
Aucun ne veut céder sa place
Et tous se bousculent et grincent
Si bien que rien ne vient d’intelligible
D’une bouche si bien faite

Il la vit sur le pont, venant vers lui
Sa chevelure au vent, l’œil ouvert
La joue rosie d’une course récente
Elle poursuivait mots et images
Mais sa jeunesse était un poids
Elle le vit, oublia sa poursuite
Son seul regard enfiévré tourné
Vers cet homme qui venait vers elle

Elle ouvrit les bras, tremblante
D’un désir imperceptible et nouveau
Il se réfugia dans cette immensité
Et ils partirent à deux, légers
Sans autre bagage que leurs corps
La tête vide de désirs
L’âme en transe

Elève-moi…

©  Loup Francart

28/06/2015

Le temps

Le temps te presse… Rien ne va plus
Le cerveau dévide sa faiblesse...
En jaillissent des  pourritures nobles
Mais rien de sérieux ne vient
A peine couché, tu te lèves, hagard…
Qu’ai-je dormi dans ce brouhaha
D’odeurs délavés et rugueuses…

Le temps te presse… tout va bien
Le corps étire sa force, en extase
Plus de sommeil, ni de repos
Tout entre en jeu, à fleur de peau
Devant l’inique débordement
Et la langueur des nuits d’été
A la poursuite du temps qui passe…

Le temps te presse…. Rien ne reste
Ni le souvenir des culbutes enfantines
Ni l’épais éclair des chutes de l’ange
Ni le chaud enveloppement de bras
Des femmes aux baisers profonds
Ni même cet étrange songe lisse
D’un trou noir s’emparant de tes rêves
  
Le  temps te presse… Et tu résistes
A l’appel de la fin des temps
Oublie tout,  ne crois en rien
Que l’absence s’installe au centre
De ton être et t’aide à descendre
Vers le puit sans fond et lumineux
Seule colonne qui doit rester debout…

Le temps te presse… Ne te presse pas...

25/06/2015

Haïku

Un haïkiste a le désir de retenir ce qui fuit, de ne pas laisser échapper ce qui passe. Désir surtout de manifester son assentiment  à tout ce qui survient : à tout ce qui bonnement est. Un haïku, c’est simplement ce qui arrive en tel lieu, à tel moment. (Fourmis sans ombre, le livre du haïku, Anthologie-promenade par Maurice Coyaud, Libretto,1978)

 

Lever de soleil, il est cinq heures. J’émerge de la houle des draps. Je me lève, ferme la porte de la chambre et regarde au dehors.

Le haïku surgit :

 

Regard rosé de l’aurore
L’ombre se noie entre les immeubles
Comment les empêcher de tomber ? 
 

21/06/2015

Vert

Les matins de cinq heures sont les plus beaux…
La brume encore noie les couleurs :
Le pastel domine, mêlant les verts.
Sortir à cette heure, c’est se baigner
Dans l’eau vive de la résurrection.
Les senteurs se font plus ardentes
Et les bruits plus discrets,
Vos caresses dans l’air frais plus vibrantes.
Vous marchez sur la soie
En toute discrétion, humblement,
Attentif à ne pas dépareiller l’ordonnancement
De ce jardin délicatement posé
Qui s’impose désormais à vos yeux.
Verts tendres des dernières feuilles,
Verts rouillés des premières,
Verts profonds de l’intérieur,
Verts assoiffés des jeunes pousses,
Verts bleutés sous la haie,
Verts jaunissants de la prairie,
Verts orangés du marronnier malade,
Verts transparents du verre
Que vous tenez en main
Pour célébrer ce jour et fêter
La fin d’une nuit si petite
Qu’elle est passée en catimini
Ouverte à tous les vents.
Et baissant le regard sur le vert gazon,
Vous remarquez ce vers qui coule
Entre les brins d’herbe sa vie paisible.

Vers quoi allez-vous donc aujourd’hui ?
Je m’applique à versifier la montée du jour
Pour réjouir l’esprit de l’abondance
Et que ces vers bercent ceux qui ne voient
Que maisons, trottoirs et autobus.

©  Loup Francart 

13/06/2015

Trou noir

Dieu, quel trou !
Mais en est-ce bien un ?
 Il t’enveloppe et te prend
Sans autre forme de procès

Tu dérives dans ce tourbillon
Tu confonds le haut et le bas
Y a-t-il même une dimension
Dans cet espace illimité

Tu ne sais, car tu tombes
De Charybde en Scylla
Et tu ne t’écrases pas
Y a-t-il même une pesanteur ?

As-tu d’ailleurs un corps
Un vrai, que tu ressens
Et que tu aimes encore ?
Tu ne sais où il se trouve

Seule ta pensée est là
Bien seule dans cet entourage
Où rien ne te raccroche
A ce que tu connaissais

Flotte tel un drapeau au vent
Joue la fusée et fuis l’horreur
De cette absence de présence

Reviens en arrière, va le chercher
Ce corps si mignon
Que tu ne peux t’en passer

Regagne ta carapace et protège-toi
Des malveillances de l’univers

Ces trous sont des passages
Mais où mènent-ils ?
Quel labyrinthe Dieu a-t-il inventé ?

Je suis las de ces échappées
Qui me donne le tournis

Garde-moi mon corps
Mais efface mes pensées
Pour plonger purifié
Dans le trou sans fin
De la miséricorde

©  Loup Francart 

09/06/2015

Regrets

Avez-vous de ces regrets cachés
Qui empoisonnent l’existence ?
Tous en ont, même les non-vivants
Ils se cachent dans la confusion
Des émotions et des souvenirs

Impossible de s’en débarrasser
Ils persistent à être présents
Comme les vagues d’un destin
Fait de tissus effilochés
A force de patience et d’attention

Il vous arrive de les oublier
Mais ils se rappellent à vous
Comme un mal de cœur incessant
Vous dormez et croyez en réchapper

Non ! Ils chatouillent votre mémoire
Jusqu’à vous réveiller de votre quiétude
Seul le vide immense de l’avenir
Peut vous guérir de cette seconde nature

Je marche vers mon futur inconnu
Comme l’oiseau entre en cage

©  Loup Francart

05/06/2015

Rêve

Courir dans un pré sous le soleil
Sentir la vie bouillonner d’aisance
Dans la pâleur des fins d’après-midi
Transpercé par un éclair de bien-être

Tu te couches sur les nuages
Et tu danses dans l’air pur et divin
Les yeux ouverts sur le monde
Qui tremble du bonheur d’exister

Et le soir dans l’herbe sèche
Tu pleures d’émotions contenues
Au passage d’un bourdon
Errant dans la paille odorante

Ferme tes paupières alourdies
Berce-toi de l’illusion de rêver
Laisse errer ton esprit endiablé
Repose en paix sur ta terre chérie

©  Loup Francart

01/06/2015

Entre deux

Le chaos des pensées et des songes
Sont une glue collante et répandue
Pas un souffle d’air dans la tête
Le poids du passé enseveli
Contre l’éclaircie de l’absence
Vaut-il mieux ne plus être
Et s’échapper dans l’air
Ou errer comme l’escargot
Lent et fier de sa majesté ?
Le silence… Il est prenant...
Tant de bras m’ont porté jusqu’à présent...
Aujourd’hui, plus rien
Une mince lueur entre les deux yeux
Qui seule guide l’autre
Celui que je ne suis pas
Et que je voudrai être

©  Loup Francart

28/05/2015

L'enfer

Avez-vous déjà marché dans la géhenne
Les pieds lourds et la tête pleine de néant ?
Une course épuisante après soi-même
Sans trouver autre chose que l’inanité

Et celle-ci est un véritable bazar
Tout s’y trouve de ce que vous abhorrez
Empli de vous-même vous étouffez
Le sac plein de votre être jusqu’à la gueule

Vous ne pouvez rejeter ce moi avide
Qui toujours vous a entraîné
Dans des turpitudes sans fin
Vers votre deuxième face de Janus

Quelle souffrance que de marcher
Avec sa forêt tassée sur le dos courbé
Les jambes flageolantes et les pieds désunis
Sans aucun secours de la tête dévissée

Pas espoir, pas d’aide, pas d’avenir
Le quotidien et l’habitude à vie
Vous tournez en rond et ressassez
Vos insuffisances et vos erreurs

Et vous ne pouvez même plus
Penser à cette délivrance physique
Que la douceur de la mort
Vous fait envisager et même rêver

Non, l’enfer ce n’est pas les autres
C’est vous-même, c’est ce Moi
Qui ne peut devenir Soi
C’est le rat qui court en Toi

©  Loup Francart

24/05/2015

Nostalgie

Noce… (T)... Algie…
Quelle douleur douce au toucher…
Et cette caresse de l’âme, vous y revenez
Vous ne pouvez vous empêcher
De la renouveler…
C’est un baume sublime
Entretenu comme une démangeaison…
C’est la noce du mieux et du pire
Qui produit cette peine sensible
Et vos poils se hérissent
Au plumeau de souvenirs
Au son d’une voix perdue
Au goût d’une madeleine
A la vue d’un livre d’autrefois
Au toucher d’un être disparu…
Mais le T qu’en faites-vous ?
Celui qui relie ce mariage à l’affliction…
Le T c’est le Toi
C’est ta noce et ton ressenti
Instant délicat où l’autre se mêle à toi
Jusqu’à ne plus faire qu’un…
Alors tu lis dans l’autre tes pensées
Tu retrouves tes sensations d’antan
Ce pincement des émotions
Qui t’envoie valser
Dans un souvenir figé…
Arrêt sur image...
Le film est cassé...
Blanc… La page blanche se déroule
Elle tourne dans le vide et s’étire
Et votre rêve s’arrête
Incapable de poursuivre
Cette plongée en eau douce
Il ne vous reste que les battements
D’un cœur fragile et nu
Qui vous donne la chair de poule…
Le poing de Dieu se resserre
Et étreint votre âme
D’un joyeux Shake-hand…
A bientôt…

©  Loup Francart

20/05/2015

Espoir

Ce filet d’air entre en tête
Tu sens juste un vague souffle
Tu ne perçois pas encore
L’espoir qui surgit en toi...
Ton horizon s’élargit cependant...
La prison ouvre ses portes
Située haut sur le cap
Elle est placée pour contempler
L’océan immense et vide
Mais souvent… une brume empêche
Le cœur de porter aussi loin...
Tu n’entends que les flots
Qui voyagent en train
Et s’écrasent à leur rythme
Sur les lèvres blondes de la berge
Il y fait chaud sur cet observatoire
L’œil faibli en luminosité
Perdu dans l’étoupe tiède
Pour tout horizon…
Cette maigre caresse légère
Profite de ton ignorance…
Elle emprunte la route
Des départs imprévus
Tu montes dans la barque
Qui tangue de colère
Qui agite ses bras de bois
Au rythme des ondulations
Tu peines à t’assoir, mal vêtue
Ta robe de pourpre éblouissante
Entre en conflit avec le gris vautour…
Simultanément, tu observes
Cette glissade lente et majestueuse
Vers le trou de l’enfer
Ou, peut-être, du paradis…
Sais-tu le lieu de ce pays
Où vêtue de papier crépon
Tu agites les mains en tous sens...
Personne ne vient à ton aide…
Sur la pointe de la caresse ailée
Tu divagues et balances
Et les espoirs déçus
Lancés comme des grains de semis
Deviennent geyser à la surface
Tu t’allèges pour être prête
A aborder l’avenir sans fin
Dont tu ignores encore
Le moment qu’il choisira
Pour couper le cordon
Qui te relie au monde...
Tu partiras vaillamment
Ramant de toutes tes forces
Puis, bientôt, cesseras même
Le mouvement des bras
Pour te laisser prendre
Dans la douce froideur
Du souffle divin

16/05/2015

Le vol du bourdon

L’entends-tu ? Il bourdonne puissamment
Son diesel fonctionne à plein régime
Et pourtant, il est léger, empli d’allant
Sautant de fleurs en senteurs allègrement
Rien ne peut le distraire, ni le vent
Ni la pluie, ni le bec d’un oiseau
Il change de régime, accélère, ralentit
Selon sa position et celle de la convoité
Parfois, il s’accroche et meut ses hélices
Pour extraire d’une aspiration sans fin
Le suc vénéré et délectable d’une pâquerette

Tendant ses pétales, elle aspire également
A ce mariage forcé. Elle dresse son bouton
Le faisant moelleux et plus chatoyant
Aiguisant ses phéromones, battant des ailes
Toutes de blanc vêtue telle une jeune marié

Sous le poids de l’être frémissant qui l’aborde
Elle ploie et baisse la tête, gênée et heureuse
Et lui, un peu rustaud, mal embouché
Se jette sur l’or offert, d’une douceur inespérée
Il n’a pas le temps, ne serait-ce qu’un instant,
D’arrêter son manège et de contempler
De ses yeux bigarrés la dorure enchantée
Entourée de ses demoiselles d’honneur
Blanches et recourbées, riant entre elles

C’est fait et déjà il repart, plein gaz
Son moteur à plein régime, un peu plus lourd
Des reproches muets de l’aimée en extase
Elle se redresse, jaunit, plus étincelante
Mais rien n’y fait, il est parti, seul

Tiens, en voici un autre, plus bourdonnant
Plus majestueux. Mais il est déjà passé
Elle a reçu le pollen sacré. Cela suffit

Vas-t-en ! Cours ta vie ailleurs !
Et préserve ta trompe des tentations…

©  Loup Francart

12/05/2015

Grignotement

La nuit… Moment d’incertitude…
Quand le vent devient coupant…
Quand le noir est vouloir
Sans rien savoir du pouvoir…

Tel un fantôme déchu
L’esprit s’évade et fuit
Plus rien ne court et fouille
Dans une mémoire sans fond

Oui, ce sera la dernière fois
Que tu contempleras le tissu
D’un ensevelissement précaire
Voile funéraire de l’éternité

Mais bientôt pointe le crayon…
Coloré… trait magique…
Au fil de l’horizontal…
Entre nuit aérienne et terre durcie

Plus rien ne viendra entendre
Les cris de désolation solitaire
Poussés par l’escargot
Qui déroule sa traine

La chanson a surgi, lente…
Repue des repos d’une âme
Qui danse au matin frais
Et se couvre de rougeur…

Réveillez-vous, que diable…
Remettez en branle la course
Des grignotements infernaux
Ne cessant qu’au retour de la nuit !

© Loup Francart

08/05/2015

Froid

Peut-on palper le froid ?
Il arrive que les doigts collent
Et que la peau ne fasse plus qu’un
Avec l’objet de sa convoitise

Peut-on sentir le froid ?
Lorsque vous ne sentez plus rien
Et que votre corps, nu, tremble
Sous le vent aigre du petit matin

Peut-on goûter le froid ?
La langue acide crie l’amertume
Et vos dents hurlent l’injure
De l’explosion en bouche

Peut-on entendre le froid ?
Quand l’oreille devient porcelaine
Et que vous passez vos mains
Sur le silence de leur crispation

Peut-on surprendre le froid ?
Certains se dénudent dans l’adversité
Et plongent dans l’eau glacée
Des remords qui les hantent

Peut-on rêver du froid ?
Le blanc seul surnage
Et recouvre toute rationalité
Même le rêve ne délie le cerveau

Peut-on ne plus avoir froid ?
Viens dans ma vallée profonde
Et donne-moi ta force virile
Jusqu’à brûler d’amour

© Loup Francart

04/05/2015

Douleur

Douleur,
Comme une étoile irradiée, tu éclates.
Plus rien n’existe.
Le soleil devenu fer rouge
Pénètre habilement la chair
Et le lit devenu enfer
Prend les dimensions d’un cachot.

Douleur,
Je ne sais plus te contempler,
Ni rire de mes contorsions animales.
Pourtant j’ai ri,
Ri de ce corps abandonné
D’où l’esprit puisait sa vigueur.

Maintenant je suis las.
Mon vieux corps aplati
S’accroche à moi et se plaint.
Descente, lente et malhabile,
Dans les ténèbres de la douleur.

© Loup Francart

30/04/2015

Les mardis littéraires, de Jean-Lou Guérin

Mardi dernier, présentation par l'auteur du livre « Conte d’asphalte », d’Anne Calife, Albin Michel, 2007 :

Un très beau livre qui conte la rue lorsqu’au bout de l’effort de maintenir une vie sociale et personnelle, il n’y a plus d’autre issue que celle de finir dans la rue. Comment fait-on pour en arriver là ? A la rue ? semble-t-il dire. En glissant, vilain petit canard, en glissant. (p.14)

http://lesmardisdejeanlou.blogspirit.com/ 

 

Echanges, mais de quoi ?
Des mots assemblés en idées
Des idées assemblées en sentiments
Des sentiments organisés rationnellement
Et à la fin, un poème-texte
Retour des mots à l’origine
Une conversation à deux
Dans laquelle trois se perdent
Mais comment organiser l’ensemble
Serait-ce sur les mots, les phrases
Les sons, les couleurs, les caresses
Faut-il lier les émotions
Les sentiments, les pensées
Les silences même ?
Elle lit, parle, elle converse
L’autre fait de même, où vont-elles ?
Elles babillent, elles papillonnent
Elles se laissent aller, jusqu’où ?
Elles se rendent heureuses
Par cet échange façonné
L’une cherche la conciliation
L’autre veut la rendre nue
Mais rien ne vient, le vide
Le bavardage conduit-il à quelque chose ?
Je ne sais
Et peu à peu tout s’éteint
Les cerveaux ne parlent plus
Seule la sensation reste
Plane dans l’air, flotte
En un instant nous partons
Et nous retombons, inertes
Le brouhaha des commentaires
Une dernière lecture…
Un silence… C’est la fin…
La fin d’un rêve simple
celui d’une vie décrite…

© Loup Francart 

26/04/2015

Soi

Au fond de toi, il y a le Soi
Mais celui-ci n’est pas toi
Tu crois au Moi qui le cache
Et ne vas au-delà que je sache
Ce Moi n’est pas un, mais cent
C’est un choix angoissant
Dont tu n’es pas maître
Il entretient ton mal-être
Laisse partir ces brisures
Qui ne sont que poussière de sciure
Le vent les pousse au large
Envoie tout à la décharge
Alors dans cet immense désert
Apparaîtra l’unique et le sincère
Ce Soi qui n’est plus toi
Qui ne court plus aux abois
Celui que tu cherchas longtemps
Offert à toi en tout temps
La paix de l’âme enfin
Dont tu perçois le parfum

© Loup Francart

22/04/2015

Soir

Le jour entame sa dernière heure
Illumination…

Sur un ciel de mer, bleu pâle et rayonnant
Comme une fiancée pudique et frêle
Se détache la ramure d'or d’un peuplier
Ses lignes imprévues se déploient
Ouvrent leurs ailes à l’azur
S’évadent en dentelles et bigoudis
Avant de se mettre au lit dans le noir
Cette montée orchestrée des rameaux
Parfumés de liberté, d’évasion et de rêve
Accompagne ma nuit : jaune sur fond bleu
Une forêt vue par Maurice Denis
Un cri paisible vers le noir tombant
Tel un tableau du groupe des nabis

Le jaune étincelant de tous ces doigts
Reposant sur le tissu bleu du ciel
Devient la porte de l’illumination…

© Loup Francart

18/04/2015

Attitude

Vois l'or fascinant des navettes
Regarde le soleil dans les yeux
Lave-toi la face devant la lune
Plonge dans ces verts ombragés
Suffoque dans le bleu des mers
Souris à l’enfant qui te regarde
Pleure de joie devant ta belle
Ferme les yeux sur ces présents
Et marche environné de beauté
Jusqu’au vide infini et attirant
Qui t’engloutira de tendresse...
Tu n’auras plus besoin de rien !

© Loup Francart

14/04/2015

Ombre (poème pour rire)

Tout se trame dans l’ombre
Et sombres sont les nombres
S’échappant de la pénombre

Sorti de l’ombre, tu luis
A l’ombre, tu palis
Dans l’ombre, tu survis

Pourquoi faire de l’ombre aux rieurs ?
De ton ombre as-tu peur ?
Supprime l’ombre, dit le hâbleur

Sans une ombre de requiem
Tu es l’ombre de toi-même
L’ombre portée d’un zérotième

Si différent, tu nous encombres
Serais-tu en surnombre
Sorti, pâle, des décombres ?

Hombre, quel drôle de concombre !

© Loup Francart

10/04/2015

Pourquoi j'écris ?

Pourquoi j’écris ?
Pour éclairer le monde !

Comme les vers luisants
Un seul n’est pas éclairant
Mais si les écrivains
Se donnaient la main
Quelle magnificence
Dans la luminescence

Certains aiment s’éclairer
Le monde peut en profiter

D’autres éclairent en faisceau
Pointant un lieu falot

La plupart luisent pour eux
Et se regardent comme des dieux

Seuls quelques-uns, enfin
Distillent un lumineux parfum
 
Ils ne sont que les mots
Qui deviennent brûlot
Ils embrasent nos cœurs
Et enflamment nos ardeurs
Alors, dans notre émerveillement
S’ouvre les vannes de l’amant
Un filet d’air frais
Dans la fange des marais

L’écriture, un animal de compagnie
Qui engendre l’harmonie

06/04/2015

Miroir

Pourquoi me regardes-tu ainsi ?
Ai-je heurté ta conscience au point de la briser ?
T’ai-je vidé de l’écume de tes pensées ?

Tu ne peux me voir
Car moi-même, ineffable et serein
Erre dans les plis de mon aventure terrestre
Sans en connaître la sortie

Je vois bien cet œil jaune
Au bout du couloir de l’inconnaissance
Mais que vient-il faire ici
Dans ce fatras encombré

J’ai beau remuer le passé
Envisager l’avenir
Etreindre le présent
Je ne sais rien
Que la légèreté d’une caresse
Que la douceur de sa peau
Que l’ombre de son sourire

Alors je ne suis que le rêve
Qu’on ne contemple qu’une fois

La dernière…

© Loup Francart

01/04/2015

Premier avril

Lorsqu’enfant vous vous amusiez de ce poisson scotché dans le dos de votre mère et que celle-ci, par amour, faisait semblant de ne pas voir…
Lorsque, plus tard, glacé de terreur, vous figiez votre vie en attente de reproches…
Lorsqu’enfin vous découvriez la pâle tiédeur d’un amour malheureux…
C’était hier…

Aujourd’hui, c’est fini... Le poisson a quitté sa ficelle…
Vous n’avez plus peur de rien... Vous n’avez plus d’attente…
Vos amours sont partis... Seule reste l'aimée…
De quoi demain sera-t-il fait ?

Il vous reste le rire, plus que le sourire
Il n’y a plus de crainte, qu’un peu d’angoisse
Et toujours la présence caressante…
La vie n’est-elle qu’une impression ?

27/03/2015

Avatar

Qu’est-il cet avatar ?
Un homme ou un assemblage de 1 et 0 ?
Vient-il du fond des âges
Incarnant les dieux d’une Inde exubérante
Ou est-il un objet dans un univers virtuel ?
Une métamorphose de la fonction
Ou une mésaventure fonctionnelle ?

Tu as toujours rêvé devenir autre
Plus puissant, plus beau, moins timoré
Elle s’est toujours vue plus charmante
Et pourtant ce ne sont que des vivants
Qui peinent sous le poids de l’existence

Et qu’en est-il des avatars d’avatar
Ces incarnations successives en politique ?
Tel le papillon volage, ils courent
Après la fortune des voix qui crient
Toutes contre un système désuet

L’avatar implique un changement de nature
Mais cette métamorphose peut être intérieure
Tu es autre et, pourtant, le même
Brume de l’ignorance dans un même paysage
Ton destin est scellé, tu ne peux te changer

Enfin te voici,
Femme de toujours
Unique et véridique
Un sourire aux lèvres
L’œil aiguisé
Il se penche sur elle
Et ne trouve que le vide
Car il n’est rien lui-même
Qu’un morceau de chair
Dans le désert imaginaire

© Loup Francart

25/03/2015

Cosmos (pictoème musical)

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art abstrait,poème,poésie,écriture,peinture

 

21/03/2015

Conversion

Retourne-toi, retourne-toi !
Dans l’herbe tendre des jeunes années
J’ai longtemps cherché derrière
Ce qui pouvait guider les pas devant
Peine perdue…

Pourtant, parfois, je me suis fait tirer par la manche
Mais ce n’était que le temps pour ralentir mes ardeurs
Devant, toujours la même plaine
Rutilante de mirages,
Attirante comme le ventre d’un ogre
Où l’on coure et s’enfonce dans la lie
D’un bonheur à petits pas

Un soir, las d’un tennis de mots
Revenu solitaire dans l’antre de l’éveil
Je vomis le poids du cadrage moral
Quel soulagement ! Je ne suis plus tenu !
Cette peau principale et raide
Qui sert de frontière avec l’autre
S’est retournée et offre sa tendresse
Aux caresses des passants

Le vent frais y glisse
Et enivre le vieil homme
Redressé, il rage d’impuissance
Moitié dehors, moitié dedans
Il est crucifié par son initiative
Du ciel touché du doigt
Il garde la cloque de la connaissance
Du sol, empêtré, il ne peut s’extraire

Es-tu transformé ?
Ce retournement te satisfait-il ?
Un pas vers l’inconnu cette conversion
Je ne suis plus au centre
L’autre devient mon préféré
Je me cache derrière son ombre
Et poursuis ma quête le cœur dilaté

Un trou dans la poitrine
J’avance dans la troupe des vivants
Et attend l’extinction des feux

© Loup Francart