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17/03/2015

La chute du mystique

Tourné vers le mystère de la vie et de la mort
Le mystique se regarde vivre sans participer
Au ballet de ceux qui goûtent à la pomme
Acidulée, elle laisse un arrière-goût dans la bouche
Qu’il avait tristement ressenti un jour
Lorsqu’il se laissa aller à contempler
A travers le trou d’une serrure, l’œil écarquillé
La blancheur diaphane des filles dénudées

De toutes les fibres de son bas-ventre
Il avait senti monter le désir et la fièvre des corps
Quelle amertume ! Aucun contrôle. L’élan même
D’une animalité qui sourit de sa victoire
L’esprit chéri, choyé et caressé, refuge
Eloigné de l’agitation démesurée du quotidien
S’évada d’un coup d’aile, laissant place
A la lourdeur de la pesanteur et des viscères
Il pleura des nuits entières, sans bouger
Perclus sur son lit de douleur et de remord
Il s’enferma dans la caverne de l’inexpérience
Mais toujours et sans cesse, la concupiscence
Le taraudait, le laissant désespéré et exsangue  
« Je ne peux cependant me défaire consciemment
De ce que Dieu m’a donné en toute volonté
Qu’en faire ? »

Il abandonna ses rêves de blancheur
Il se roula dans sa chair et sa flamme
Il embrassa tous les recoins des corps
Ronds, polis, adoucis de talc, fermes
Des femmes, des demoiselles, vertueuses
Ou débauchées, nubiles ou fatiguées
Il se repue de sensualité exacerbée
De parfums capiteux, de caresses tentantes
Il connut l’ivresse des jours couchés
Et des nuits dénudées sans sommeil
Jusqu’à ne plus pouvoir distinguer
La vie des corps de la mort de l’esprit
Alors il appela son âme à son secours

Elle vint sous la forme de l’innocence

Une femme, encore jeune, débordante de vie
Plantée naturellement sur le fil du juste milieu
Qui lui tendit la main d’un sourire débordant
Mais le retint de toute manifestation
Il ne put que se laisse traiter ainsi
Entre charme et refus, flot et assèchement
Jusqu’à ce que la séduction l’achève
Et lui fasse rendre son orgueil de mâle
Elle le prit dans ses bras, le caressa longuement
Lui dit toutes les douceurs du monde
Et ils s’envolèrent légers et décoiffés
Dans la fraicheur d’un hymen inespéré

Désormais ils vont main dans la main
Lui, délivré de ses cauchemars
Elle, enfiévrée de vies à venir

16/03/2015

Sommeil

Enfin, le premier pictoème musical qui allie musique, dessin et poésie en un harmonieux ensemble qui vous permet de rêver en toute quiétude, avec les délices d'un assemblage conçu par le même artiste : composition musicale (une improvisation), dessin (au pied levé) et poème (pour la jouvencelle).

Avant de lire, mettre le son en cliquant sur : Sommeil.wma

 

Tu dors de ton sommeil écrasant de bonheur
Le drap frais rejeté d’un geste théâtral
Dévoilant cette débauche de blancheur
Dans une fuite jusqu’au triangle central

L’ombre de la nuit tamise ton image
Légers et fragiles sont les plis de ton corps
Je découvre en moi une envie d’abordage
Mais ton indolence devient un mirador

peinture,dessin,poème,poésie,taploème

Tu es belle de ton harmonie profonde
Je te contemple, enfant, comme les ondes
Sous les vibrations du chant du violoncelle

Ensemble nous sommes depuis la nuit des temps
Moitié rêvée, moitié réelle, jamais à contretemps
Tu demeures l’ineffable jouvencelle

© Loup Francart

 

Certes, le son n'est pas bon, mais les moyens sont limités. La seule fonction magnétophone de l'ordinateur ne permet pas de couper ou modifier le son. Nous améliorerons cela dans l'avenir.

14/03/2015

Pictoème

Après consultation de quelques amis, nous avons décidé de changer le terme de taploème par le terme pictoème, c’est-à-dire un poème exprimé tant par le graphisme que par les mots. Le poème ne va pas sans la peinture ou le dessin et inversement ceux-ci ne sont rien sans le poème. Les deux forment un ensemble indissociable évoquant un instant, une émotion, un sentiment, voire même une histoire.

Le préfixe « pict… » vient bien sûr de pictural, adjectif général signifiant ce qui a trait à la peinture. Le terme taploème a été jugé peut audible et sonnant mal. De plus le pictoème se rapproche du pictogramme et appartient à la même famille dont l’objet est le mélange de deux arts, l’art poétique et l’art pictural.

Alors, bienvenue au pictoème dont, espérons-le, la longévité sera plus impressionnante que le taploème, ce qui n’est pas difficile. Le pictoème peut se réduire à une couleur et un mot, il se rapproche alors de la synesthésie. Il peut être délirant dans les couleurs, le dessin et l’association des mots, qu’ils soient tirés du dictionnaire ou inventés. L’intensité du délire doit sans doute se mesurer ainsi.

Une fenêtre ouverte,

Un carré de chaleur,

Le rouge d’une obscure clarté

Œil fermé,

Le blanc de l’aveuglement

Œil ouvert

Une lettre, le A

Un Ah de stupéfaction…

Bienheureuse

12/03/2015

Accomplissement

Ils partirent séparés. Ils joignirent leurs efforts. Ils s'accomplirent, bien que prisonniers.

dessin,art cinétique,poème,écriture

11/03/2015

L’inconnue d'avant-hier

Elle réfléchit, mais elle sait se moquer d’elle-même.
Elle n’a pas la beauté grecque, mais elle a un charme fou.
Lorsqu’elle sourit, son cœur s’entrouvre.
Elle ne se livre pas, mais se fait connaître.
Elle a fait mille choses et très sérieusement.
Elle est si naturelle qu’elle vous rend libre.
Elle voyage géographiquement et combien mieux en pensée.
Elle mêle la vraie vie et l’existence imaginaire
Et l’on ne sait si elle se trouve au recto ou au verso.
Elle s’évadera un jour des pages de son livre
Pour flotter dans l’azur, imperturbable et passionnée.
Elle attend tout de la destinée, mais elle a déjà tout,
Sauf, sans doute, ce double d’elle-même
Dans lequel elle pourra se mouler.

Elle est française, bien sûr, et…
Parisienne évidemment !

 

© Loup Francart

09/03/2015

Elle franchit l'enceinte

 Elle la franchit le cœur battant, mais la tête haute, fière de son audace :

Elle franchit l'enceinte3(pol 16).jpg

07/03/2015

Tuyau

Un tuyau c’est ce nœud dans la gorge
Qui s’ouvre béat en un instant
Sur le mystère de la vie
Et t’assied là, seul
Face à face avec toi-même
Devant l’immensité du désert

L’air s’y engouffre, d’abord en filet
Puis en flots continus
Et te vide de tout sens
Jusqu’à l’innocence

Tu n’es plus qu’une frontière
Entre le monde palpable
Et ce rêve étrange et laiteux
D’un devenir sans objet

Dans ce passage étroit
Résonnent les harmoniques
Qui transforme toute couleur
En blanche lumière
Eclairant ta lanterne

Tu es seul et le Tout
Devenu parcelle du vivant
Parce que tu as accepté
De n’être plus rien

Pars, nu à la conquête de ce monde
Que tes yeux ne peuvent voir
Deviens cosmos et atteins
Les portes de l’immortalité

© Loup Francart

04/03/2015

Sommeil (taploème)

Sans titre (6).wma

Tu dors de ton sommeil écrasant de bonheur
Le drap frais rejeté d’un geste théâtral
Dévoilant cette débauche de blancheur
Dans une fuite jusqu’au triangle central

L’ombre de la nuit tamise ton image
Légers et fragiles sont les plis de ton corps
Je découvre en moi une envie d’abordage
Mais ton indolence devient un mirador

peinture,dessin,poème,poésie,taploème

Tu es belle de ton harmonie profonde
Je te contemple, enfant, comme les ondes
Sous les vibrations du chant du violoncelle

Ensemble nous sommes depuis la nuit des temps
Moitié rêvée, moitié réelle, jamais à contretemps
Tu demeures l’ineffable jouvencelle

© Loup Francart

02/03/2015

Au-delà

Un vrai taploème :

poème,poésie,dessin,acrylique

01/03/2015

Le taploème

Un taploème est un mélange de tableau et de poème. Le poème ne va pas sans le tableau et inversement le tableau n’est rien sans le poème. Les deux forment un ensemble indissociable évoquant un instant, une émotion, un sentiment, voire même une histoire.

Le taploème est plus que le calligramme, mot formé par la contraction de « calligraphie » et d'« idéogramme », créé par  guillaume Apollinaire (Calligrammes, 1918). Il dépasse la notion de poésie graphique, bien qu’en 1914 le poète belge Fagus interpelle ainsi Apollinaire, dans un article de Paris-Midi, à propos des calligrammes : "Mais c'est vieux comme le monde, la machine de ce farceur d'Apollinaire ! C'est proprement la poésie figurative, qui fit les délices de nos ancêtres ! Le Verre de Panard est dans tous les dictionnaire de littérature, sans parler de la Dive bouteille de Rabelais !"

 La réponse d'Apollinaire : "Je suis habitué à ce que l'on me traite de farceur et de pis. Cela ne me gêne plus. […] J'ai cherché avec mes idéogrammes à retrouver une forme qui, sans être le vers libre, ne retombait pas dans le vers dit classique. Mes images ont valeur d'un vers. Ils ont une forme typographique ou lapidaire déterminée (ainsi que non seulement le vers, mais encore la strophe, le sonnet, le rondeau, etc.) ce ne sont donc plus des vers libres et ce ne sont points les vers réguliers dont pour ma part je suis las. Remarquez que je ne me force point à m'en priver et ils peuvent fort bien entrer avec la rime dans mes figurines. Je crois la tentative originale, en dépit de Rabelais, de Panard, de Mallarmé."

Le calligramme contraint le spectateur à devenir acteur ou tout au moins déchiffreur. Dans quel sens lire le poème que l’on voit avant tout comme dessin. Par quel bout le prendre ?

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                     Le taploème ne cherche pas à représenter un objet par des vers libres prenant la forme de cet objet. Il cherche à amplifier l’impression, à créer une synergie entre une réalité visuelle et la réalité des mots. Chaque vers devient un tremblement qui permet au dessin de prendre vie de la même manière que le dessin renforce le sens du poème. Ainsi le poème prend une place particulière dans notre appréhension de la réalité. Le spectateur en lisant le poème s’enfonce dans le dessin, laissant l’imagination devenir étincelle de réalité ressentie de l’intérieur.

Il est encore possible d’affermir cette impression par la musique, dans un musitaploème ou un chantapoème. Comme son nom l’indique, le musitaploème est un taploème accompagné par une musique spécialement composée pour renforcer l’effet de l’ensemble. Mieux encore, le chantaploème met en musique le poème et le restitue chanté.

Mais n'oublions pas : un taploème, un musitaploème ou un chantaploème doivent être composés par le même artiste et constituent une œuvre à part entière, indissociable. La dissocier, c'est la laisser mourir.

Demain... Un taploème...

27/02/2015

Premier instant

L’amour naît d’une impression subtile
Et le plus souvent ignorée…

Mais celle-ci se fraye un chemin
Dans les plis de la mémoire et de l’attention
Elle rampe derrière les émotions
Laissant un brouillard doré. Elle se cache dans la nuit
Mais résiste malgré tout à l’absence et à l’oubli

Elle resurgit à un moment, lorsqu’on s’y attend le moins
Sous l’effet d’une émotion ou sous la pression d’un spleen.
L’image envahit le rêve, le rouge de ses lèvres
Devient ardeur sur la joue blanche du paysage
L’arabesque de sa main dans le feu de ses paroles
Est danse dans l’air du matin.

Elle emplit l’univers d’une présence occulte
Et renverse les verrous d’une mémoire bousculée
Et chaque pas, chaque avancée dans la nuit
Devient un appel émoustillant le nuage doré
De ce premier échange au-delà des mots et des regards

Seule l’intonation, la vitalité d’une expression
Ramènent  à l’enclos de la découverte
Au cercle magique et centrifuge de la complicité

Fondu dans cette attraction brève et puissante
Vous dérivez, partez en glissade sur cet instant unique
Où le coin des lèvres envoûte le son de sa vivacité

Vous êtes pris, piégé, ensorcelé, apprivoisé
Et chaque pas fait dans l’espace de sa réminiscence
Vous rattache à ce moment sacré : une impression
Devenue obsession et autel de sa présence

© Loup Francart

23/02/2015

Quel but ?

¤Mon but n’est pas dans cette vie ²
Je ne crains pas la sortie de route…
Au fond de moi-même quelqu’un sait
Et me donne le coup de volant circonspect.
J’enrage de cette irruption dans ma liberté.
Mais ensuite, longtemps après,
J’approuve cette escapade démente.

J’ai vu des paysages et des visages.
Je ne m’y suis pas attaché ;
Toujours derrière surgissait l’ombre,
Profane disent les uns, mystère pour d’autres,
D’une existence au-delà de la vie.
« Ne fais pas cela », dit celui qui sait.
Et je lui obéis tenace et ridicule.
Ma fierté est dans cette étonnante fin
Qui n’est qu’un commencement.

Il m’arrive d’être angoissé et perclus
Devant un dilemme ratiocinant
« Dois-je dire oui à l’aimable caissière
Ou lui jeter au visage son offre inestimable ? »
Selon le côté de la barrière blanche,
Ce sera l’un ou l’autre ou même les deux.
Haut et bas, ou encore droite ou gauche,
Quels sont les choix dans cette vie ?
Tout est mobile, je tiens le volant
Mais c’est la route qui tourne
Et s’entrechoque avec le futur.
Le carrefour des espaces-temps
N’est pas pour les fainéants !

Je rêve d’une autre vie, plus lente
Où les eaux calmes de la nuit
Font briller sous la lune les mystères.
Le cœur secoué d’attributs désaxés,
Je contemple son déroulement
Avec indifférence, sans sentiment.
Seules importent les zébrures
De la vitesse des épanchements,
L’impact énorme du langage dans la bouche
D’un enfant roi qui ne dit mot.

Oui, mon but n’est pas dans cette vie,
Mais dans ce trou dans la poitrine
Que je palpe parfois, chaud et humide
Et qui fait s’envoler les rêves les plus fous.
Je nage en pleine confusion et rage
Dans un monde où rien n’est prévu
Pour noyer le poisson d’un trait de plume
Et s’envoler l’oiseau d’un geste las.
La vie ne se lasse pas de vous jouer des tours
Et je continue à chercher l’enjeu
De ses contours et maléfices,
Jusqu’au moment où tout redeviendra
Comme cet horizon plat de l’océan
Vers lequel je marche le cœur léger
Les poches pleines d’eau, en souriant.

² Michel Houellebecq, La poursuite du bonheur, Flammarion, 1997 (4. J’ai peur de tous ces gens…)

© Loup Francart

 

19/02/2015

Buzzy

Etre seul, ne voir personne et… créer
Le comble du bonheur et pour d’autres de l’horreur
Se lever à trois heures, se coucher à minuit
Laisser tourner les rêves dans sa tête
Ne rien entendre, que soi, en recherche
Cela bourdonne, c’est le buzzy
Les mouches tournent et tombent
Les morts s’entassent, à mon grand regret
Çà continue, çà chauffe, çà siffle
La pression monte et s’échappe
En volutes d’or, pointes de diamant
Dans le ciel bleu de l’imaginaire
La main tremble, l’esprit fourgonne
La peinture envahit l’espace
La musique le temps
La poésie la vie
L’écriture l’absence
Qui devient présence
Et l’existence se déroule respectueusement
Parce qu’il a dans sa tête
La calotte de l’irrespect
S’il se couche, il se relève
Pour noter les flots de paroles
Qui lui sorte de la boite
S’il est assis, il va peindre
S’il peint il va s’assoir
Et écrit son poème
Quelle folie, cela arrive
A tous ceux qui se regardent
S’expatrient dans la noosphère
Et y creusent leur nid
Avec l’aisance de l’éléphant
Et la souplesse du lynx
Quel cloaque…
Oui, sans doute l’expansion
A partir du point zéro
Vers un infini charmeur
Qui attire les hommes et les femmes
Vers l’inconnu jamais fini
Allez, finis ton verre,
Plonge dans ton lit et ferme la radio
Tu as entendu assez de délires
Qui te conduisent vers la frontière
Entre le visible et l’invisible

© Loup Francart

15/02/2015

Au-delà

Il a proféré la parole sacrée
Il s’est adonné au silence
Il a fermé les yeux
Il s’est retourné contre lui
Regardant son double
A la peau étrange
Transparente et grêle
Telle une pierre ponce
Et en une seconde plus rien
Il a rejoint un nouveau monde
Que personne ne connaît
Ni toi, ni moi, ni elle
Il ne sentait plus rien
Mais il était encore lui-même
Il était sûr de son esprit
Il n’a pas cessé un instant d’exister
Mais cette existence est autre
Privé de sens il flotte
Mais le sait-il ?
Peut-être est-il entre deux eaux
Sans doute est-il perdu dans le cosmos
Rien n’accroche son regard
S’il en a encore un
Mais son cœur déborde
Son esprit profère la parole
Son âme même sourit encore
Aux vagabonds qu’il croise
Sur la route inconnue
Des bienfaits de l’au-delà

© Loup Francart

11/02/2015

Le parc Monceau, un dimanche après-midi

Ils courent, hommes et femmes confondus
Ils tournent en ovale, faisant le tour
Du parc encombré d’enfants et de vieillards
Jamais ils ne s’arrêtent. Inatteignables
Ils entrent en eux-mêmes, courant sans pensée
Le regard fiévreux, la jambe tressautant
Bardé de fils pour écouter, pour s’écouter
Pour communiquer, pour ne pas mourir
Quelle est ma tension, où bat mon cœur
Comment je respire, et, si cela m’arrive
Quelles sont mes pensées dans la course ?
Et l’appareil magicien va leur livrer
Une succession de chiffres et commentaires
Qui vont les rassurer : je peux continuer…
Alors ils repartent, pour un dernier tour
Se donnant le courage du vainqueur :
J’ai vaincu ma terreur, je n’ai rien perdu
Ils se donnent quelques distractions
Les hommes regardent les filles transpirant
Les femmes font semblant de ne pas les voir
Les enfants passent sur leurs trottinettes
Les vieillards sont assis, somnolents
Le gardien siffle pour montrer son autorité
Le gamin s’enfuit en courant et riant…

Ainsi va le monde, un dimanche comme les autres
Depuis que ce jardin existe, avec plus d’ombres
Mais toujours autant d’êtres sombres…
Paris éternel les regarde passer
Et rit sous cape d’un sourire chaud
Grâce à l’astre lumineux qui fait vibrer
Le cœur et trembler les sentiments

© Loup Francart

08/02/2015

Acédie

L’homme n’en pouvait plus. Il avait marché toute la journée et le soir tombé. Il s’assit sur la pierre et prétendit n’en point bouger. Elle tenta vainement de l’entraîner à sa suite, sans succès.

Il lui confia son mal : le noir de la nuit correspondait en lui à un noir de l’entendement. Il ne savait ni où il était, ni quel jour il était. Plus rien ne lui permettait de se rattacher à l’espace et au temps. Il attendait la fin de cette acédie avec patience, pensant dans le vide de son encéphale jusqu'au lever du jour.

Errer sans fin dans les plis de son cerveau, parmi les vagues délirantes et blanchâtres, s’enrouler sans tomber entre les neurones, n’est pas une promenade de santé. Il poursuivait en rêve son voyage de la journée, mais sans ressentir la fatigue liée à la pesanteur. Il était dans un état de grâce dans lequel tout devient charme. Le sourire aux lèvres, la pipe à la bouche, il allait sans fatigue, sans prendre garde aux voleurs d’idées à un carrefour de rues. Plus rien dans la caboche et un corps frêle et harassé qui n’offre aucun refuge aux âmes qui errent sans savoir où elles vont. Il poursuivit longtemps ce double de la vie jusqu’au moment où il se sut évadé.

Flash ! Que fait-il dans cette galère ? Il se retourna, ne vit rien que le vide, fit à nouveau demi-tour et ne vit toujours que le vide. C’est sur cette tête d’épingle qu’il persista dans son existence, loin du monde et des hommes, enlacé des circonvolutions du temps et de l’espace.

Bienheureux cet homme qui sut ne pas se poser de question devant l’absurdité de la destinée.

07/02/2015

Peur

Il courût longuement, poursuivi par un chien
Il fut le soleil et la lune et les étoiles
Le vent qui souffle sur les plaines et les collines
L’être suprême et le chien rampant
Qui se poursuivent sans cesser de se haïr
Il plana sur les eaux sacrées du Gange
Il survola la poussière des déserts de Tasmanie
Il s’engouffra dans les grottes de la Cappadoce
Et toujours il sema comme venant de lui-même
L’encouragement et la gloire sur les hommes
Qui peinaient dans la brume ou la chaleur
Dans l’obscurité tenace ou la clarté acide
Dans la soif et la faim des corps fatigués

Oui, il fut le tout et le rien dans ce monde
Sans âme, ni galoches. Il courait toujours
Sans relâche ni découragement, ni même
Une ombre de rancœur envers celui
Qui fit de lui cet animal bizarre
Un sphinx atone et purulent
Rejeté par ceux qui l’exploitent
Pour semer la terreur dans les foules

Peur, tu nous tiens sous ta férule
Et  tes barreaux sont doux
A ceux qui t’observent et te haïssent

© Loup Francart

03/02/2015

En parcourant les dunes

Quand nous partions libres et nus
Vers les lointains pays d’Orient
Et que nous rêvions de ces danses endiablées
Au pied des chameaux bleus
Nous parcourions les dunes
Et chantions inexorablement enlacés
Notre bonheur au ciel jaunissant

Tu me tenais par la main
Et je ne pouvais que te suivre
Prisonnier de ces battements
Que j’entendais dans la résonnance du moi
Nous parcourions les dunes
Assis sur la selle de l’évasion
Sous la nuit chaleureuse

L’ombre de la pure volupté
Nous enlaçait, peau frissonnante
Bouillonnement des enlacements
Le désert avait fait place à la luxure
D’un vert tendant vers le violet
Et de bruns tendres et chauds
Nous parcourions les dunes
Et nous rêvions d’eau en cascade
Et de fraicheur toujours honorée

Nous marchions dans la fange
Des vallées encombrées d’arbres
Aux feuilles persistantes et maigres
Et nous parcourions les dunes
Nous avançâmes plus loin encore
Jusqu’au repos dans les limbes
Après la mort des corps tendus
L’un vers l’autre, inexorablement
Dans la solitude de l’ardeur

Nous atteignîmes le non-retour
En parcourant les dunes  
Environnés du blanc brouillard
De nos joies nouvelles
Là nous fermâmes les yeux
Et virent défiler notre avenir

Nous agréâmes cette vision
Et nous nous laissâmes endosser
La responsabilité de cette vie
Que nous menons depuis
Entre la vie et la mort
Etroite, mais combien douce
De frôlements imperceptibles
De nos corps ensorcelés

Main dans la main, nous naviguons
Dans l’air pur de nos aspirations

© Loup Francart

30/01/2015

Destinée

Descendre les marches vers l’eau douce
Laisser tomber ses vêtements
Se présenter nu devant la reine
Celle qui choisit ton destin
En jaugeant les heureux bénéficiaires
Et courir se cacher parmi les joncs
Tout ceci en rêve indolore et sans saveur
Telle était la vie sur l’île de la Marquise
Morceau de terre acquis sur les flots
Inconnu des hommes du continent
Seules les femmes légères et sveltes
Se promenaient parmi les orangers
Respirant en petits halètements
L’odeur sacrée des fruits célestes
Et la reine tendant la main donnée
Vous indique celle qui sera vôtre  
Elle se présente charmante et vive
Souriant de ses dents blanches
Elle ne porte que sa liberté dévoilée
Quelques cheveux au bas du buste
Et ses pommes replètes entre les bras
Elle marche comme une princesse
Mais a déjà un sourire canaille
Et vous regarde comme une proie
Vous êtes celui qu’elle a choisi
D’un clin d’œil rapide et discret
Et votre nudité attire ses regards
Oui, c’est lui, le futur dévoilé
L’homme de mes rêves et envies
Sur qui je porte un œil prude
Il exprime ma vitalité et ma faiblesse
Il a le regard tendre et novice
Des hommes sortis de l’enfance
Un matin au soleil du printemps
Il luit de tous ses pores dilatés
Et enfonce sa présence
Au plus profond de ma passion
Ah, ma reine… Mariez-nous
Et partons pour ce voyage d’une vie
Tendus vers l’horizon
Haletant de baisers
Avant de nous mêler
A satiété

© Loup Francart

22/01/2015

Echo

Enfants, nous nous plaisions à crier…

Le bruit c’est la vie, puissante

Nous aimions cet étrange son
Qui s’étirait comme un chewing-gum
Et n’en finissait pas de mourir
Telle la queue d’un crocodile qui diminue
Et qui s’agite jusqu’au bout en soubresaut
De sons diffus, de plus en plus rares
Mais qui s’embellissent au fil du temps

Le premier son est oublié
Le dernier mis en valeur
Il peut être puissant comme le A
Il peut être ténu comme le E
Ou gratter l’oreille de sa pointe
Ou étouffer comme un plat de gruau
Il peut s’onduler comme le U

L’oreille suit cette course
Mais elle finit par perdre la trace
De ce ricochet entre les immeubles
De l’entendement et du bon sens
Ne reste que le silence, unique
La nuit après l’aveuglement du jour
Un instant de repos mérité
Comme un bain dans la chaleur de l’été

Les enfants aiment répéter à satiété
Alors repart un son inusité
Pour apprendre l’art de la répétition
C’est une sorte de poésie profane
Qui court le long de l’échine
Et se déracine dans l’espace
Jusqu’à mourir d’atonie

Vous vous sentez lessivé
Ce tremblement compulsif
Vous donne le vertige...
Marcher sur un fil à mille pieds
N’est pas un exercice commun

Parfois l’envie de plonger vous prend
Mais vous vous retenez sagement
Et avancez sur la pointe des pieds
Sans jamais, oh non, les mouiller
Le son meurt comme la vague
Au bord de la consistance
De ces grains de sable qui ornent
La côte de l’imagination délirante
Et qui boivent le hurlement
De la masse d’eau s’effondrant

Vous reprenez souffle et espoir
Mais rien ne vous empêche
De crier à nouveau votre désespoir
Aux anges et aux lutins ailés
Qui s’enchantent de ces débordements
Et s’enivrent de votre folie

Toujours crions encore
Ce qui passe par la tête
Et finit dans le ciel étoilé
Qui nous renvoie sa joie
De nous entendre hurler

© Loup Francart

21/01/2015

Un nouveau mardi littéraire de Jean-Lou Guérin

C’est toujours une surprise cette entrée dans la salle du haut, aux escaliers raides, environnée du brouillard de paroles qui descendent jusqu’au rez-de-chaussée. Saluer le maître de maison, Jean-Lou Guérin, un sphinx assis à l’entrée, blasé sans doute, mais présent et heureux de cet engouement pour sa création. Oui, ces mardis sont intéressants parce que très divers, peuplés de passionnés sincères, vieux et jeunes réunis dans la manducation insolite de mots qui s’égrainent et s’envolent pour le plus grand plaisir de tous.

Aujourd’hui, une poétesse, Linda Bastide (voir son site : XX), est présentée par le professeur Giovanni Dotoli, professeur de langues et de littérature française à l’université de Bari en Italie. Sa faconde efface quelque peu la poétesse, mais son attendrissement envers elle fait qu’il est pardonné. On ne peut penser qu’il est professeur, malgré la rigueur de sa tenue. Son propos n’est ni cadré, ni logique. Il parle de la Méditerranée où l’Europe a les pieds et la tête en Scandinavie et qui se résume en deux mots : l’eau (de la mer et des sources souterraines) et la pierre. Il devise sur le 7ème art qui englobe tous les arts, des films d’Abel Gance, dont « La roue » (il faut que je regarde si Internet ne nous le cache pas dans les plis de sa mémoire fabuleuse). Il devise sur la poésie bien sûr. La poésie doit foudroyante et fulgurante (quel programme !). Il met en évidence l’arrière-pays invisible qui se cache derrière le pays et que seuls les poètes contemplent au-delà de la pensée rationnelle et la font partager aux autres : le poète remonte à l’origine parce qu’il a besoin de pureté. L’histoire, elle, est impure. La poésie est éternelle parce que non liée au temps. Il nous fait part, d’une voix gourmande, d’un conte chinois : un empereur donne six mois à deux équipes de peintres pour faire le plus beau tableau. Il installe les deux équipes dans deux pièces côte à côte. Une équipe travaille sans cesse au cours de ces six mois, perfectionnant nuit et jour son œuvre. L’autre équipe ne peint pas. Elle ponce le mur et lui donne l’aspect d’un miroir. Le jour arrive du jugement de l’empereur. Il fait abattre la cloison existant entre les deux pièces. Le seul tableau apparaît deux fois. Le plus beau est le reflet de la seule œuvre existante. Son brillant séduit l’empereur. L’image reflétée est plus belle que la vraie image, c’est l’image de la poésie de la vie. Il ajoute qu’à Venise on ne commande pas en disant donnez-moi un verre de vin, mais en demandant une ombre de vin.

La pauvre poétesse sourit, assiste impuissante à cette faconde, mais malgré tout heureuse de n’avoir pas à s’exprimer elle-même. Elle lit d’une voix faible et fragile trois « poèmes verticaux » (c’est ainsi qu’elle les appelle). Elle a cependant le sens de la communication ou au moins celui de la publicité. Son amie ne cesse de nous présenter des photos de journaux datant des années 60-70 où elle fut mannequin, actrice et bien d’autres choses encore. Elle écrit plusieurs romans, de nombreux poèmes et elle est bonne aquarelliste. Une personne intéressante qui déclame ses poèmes lentement, délicatement, susurrant les mots comme un bonbon.

Voici un exemple de sa peinture :

20/01/2015

Haïku nécrologique

Radieuse
L’amour collé à la peau
Elle fut

Le haïku est une forme japonaise de poésie permettant de noter les émotions, le moment qui passe et qui émerveille ou qui étonne.
C'est une forme très concise, dix-sept syllabes en trois vers (5-7-5), mais aussi 3-5-3 ou encore 3-7-3
C'est une forme très active, très vivante, vraisemblablement la plus utilisée au monde. Il y a des concours de haïku (haiku taikai) portant sur un thème donné, organisés au niveau mondial par de grandes entreprises japonaises ou par des institutions. On n'y gagne généralement qu'à voir son haiku publié. Il n'est pas rare d'y voir plus de 10.000 participants (30.000 pour un concours de Japan Air Lines, 22.000 pour le concours annuel du journal Mainichi). Ce sont des fêtes éclatantes.

À titre d'exemple, voici l'un des plus célèbres haïkus japonais, écrit par le premier des quatre maîtres classiques, Bashō :

Une longue rivière
Il saute dedans,
et il meurt.

Cette forme obéit à des règles très strictes de composition (fond et forme), Il faut choisir un maximum de règles en fonction des circonstances, mais la règle principale est de ne pas casser les images. Dans la pratique, chacun se fait son style qui est plus ou moins proche du haiku classique:

Ecrire pour être lu en une seule respiration.
Utiliser un mot de saison (kigo) ou une référence saisonnière (un ancrage dans le monde)
Toujours écrire au présent, ici et maintenant. On peut écrire aussi au passé ou au futur, ce qui important c'est de présenter une image vivante. On y arrive mieux en écrivant au présent.
Limiter au maximum l'usage des pronoms personnel
Utiliser une syntaxe simple.
Etudier l'ordre de présentation des images. D'abord le grand-angle, puis le moyen, enfin terminer par le zoom.
Réserver l'effet pour la fin.
Rendre les premières lignes attractives et éveillant l'attention.
Seulement écrire sur des choses ordinaires de manière ordinaire dans une langue ordinaire.
Respecter l'attitude du bouddhiste, observer les choses bien avant de les critiquer,  laisser le haïku exprimer des images sans besoin de commentaire.
Laisser un écho philosophique en arrière-plan du haïku.
Utiliser le paradoxe.
Utiliser des jeux de mots.
Décrire l'impossible de manière ordinaire.
Ecrire des images transcendantes (ni guerre, ni sexe offensant, ni crime).
Eviter la ponctuation pour créer l'ambiguïté
Mettre en majuscule le premier mot de chaque ligne.
Eviter les rimes ou rimer la première et dernière ligne.
Utiliser des sons reliés à l'image.
Le haiku doit être considéré comme une poésie et non une carte de vœux en vers.
Ecrire tous les haïku conçus, même les mauvais, qui peuvent en inspirer de meilleurs.

Mais il est bien difficile de respecter toutes les règles en même temps, sinon impossible. C’est pourquoi chacun doit se donner ses propres règles, mais ne plus les changer par la suite.

L’automne
Feuille volante
S’est enfui

C’est pauvre. Ce n’est finalement pas simple de construire un haïku !

10/01/2015

Fugue de mots

Une mèche de cheveux
Une flèche de camaïeu
Surtout ne dis pas
Le fourretout du repas

La bobèche des adieux
Empêche l’invincible insidieux
D'être dissout par l'épiscopat
Partout où règnent les béats

Reviens, ne t‘enfuit pas
Les Troyens ont leurs appâts
Qui les mènent jusqu’aux cieux

Plus rien ne t’interrogea
Au sein du conglomérat
Tu te promènes avec les dieux

© Loup Francart

06/01/2015

Quelques souvenirs de plus

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
De quoi nous parles-tu
Toi que rien ne touche ni ne broie ?

Hier tu m’as donné la leçon de vie
Aujourd’hui tu regardes l’effet
Rien n’est issu du tout
Il n’y a que le juste milieu

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Tu rêves en caleçon long
Perché sur ton trois mâts

Demain, que sera-t-il ?
Nul ne le sait si ce n’est
Celui qui parle pour ne rien dire
Ou qui se tait pour toujours

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Pourquoi te dessaisir
De quelques minutes de vie ?

Aujourd’hui tu n’es plus
Le temps et l’espace sont brouillés
Quand était-ce ce charivari ?
Où se trouve celui qui pense ?

Quelques souvenirs de plus
Quelques regrets en moins
Il est parti dans ce lointain pays
Où plus rien n’occupe la pensée

 

© Loup Francart

02/01/2015

Heure

Je n’ai pas une heure à moi, s’exclame-t-elle
Et pourtant que de temps elle passe à rêver
Aux jours heureux où elle allait seule
Se promener au village, la jupe courte
Retroussée sur ses genoux dorés
Tous l’admiraient avant qu’elle disparaisse
Un jour de pluie, fondue comme neige au soleil

Depuis les hommes courent à sa recherche
Et ne trouvent que le vide sidéral
Qui recouvre sa vie désespérée
Rien ne viendra d’elle-même. Ni le lys
Ni la rose ne peuvent la sauver
Elle était pourtant belle comme la main
Qui caresse le ventre des phoques
Ou comme la joue odorante et câline
Des femmes en mal d’être et de vie

Mais l’heure est achevée, trompeuse
Elle a tourné la tête du patient
Et comme la mécanique céleste
A déposé l’annonce à la chambrée
Qui sonna cette cinquième partie du jour
Une heure, c’est soixante minutes
Une minute, c’est soixante secondes
En êtes-vous si sûr ?

Elle vivait les heures comme en suçant
Un bonbon à la guimauve
Elle pouvait s’allonger en ver de terre
Elle pouvait rapetisser en gnome
Chaque heure devenait la dernière
Au-delà de la seconde rien que le vide

D’ailleurs on constatait qu’elle errait  
Ignorante de son savoir à venir
Il lui venait d’un coup, comme une pioche
Qui cogne sur le sel et le rend mesurable
Elle n’était payée que cent sous de l’heure
Pour une œuvre de salut public
Regarder l’horloge et annoncer son écoulement
Dans un temps devenu brouillard

Il lui arrivait de passer un mauvais quart d’heure
Arcboutée sur la petite aiguille
Pour l’empêcher de franchir
Le cap fatidique d’une journée
Elle rentrait épuisée de ces séances
Où le froid et l’effort se conjuguaient
Et l’entraînaient dans la folie
Les heures devenaient mortelles
Elles ne s’écoulaient plus
Et rampaient sous ses pieds malhabiles
La faisant choir du haut de ses vingt ans

Elle connut l’amour sans le vivre
Elle mourut à vingt ans et une heure
Vécue son dernier quart d’heure
Lovée sur elle-même, en prière
La prière de quarante heures

De son corps on ne sait rien
Il s’est évanoui le lendemain
Lorsqu’on ouvrit la salle
Où elle reposait, seule et vierge…

Depuis la vie est un désert !

 

© Loup Francart

 

28/12/2014

Vous arrive-t-il de danser dans la nuit ?

Vous arrive-t-il parfois
En une nuit froide et verte
De courir à la pluie et danser
Nu dans le jardin du père

Vous lancez vos grands rires
Aux étoiles fraichement abattues
Et monte en vous l’ombre
Et le bruit du déhanchement

Du fond de votre boiterie
Vous laissez votre indifférence
Et pleurez en une fois
Sur vos illusions perdues

Mais ce néant qui vous entoure
Vous fait plus fort encore
Que le buis odorant et vieilli

Vous contemplez les eaux usées
Qui s’écoulent en silence
Et y jetez le caillou rageur
Pour emplir votre solitude
D’un plouf retentissant

Où vas-tu ainsi, criez-vous
A votre ombre mouvante
Qui vous entraîne vers le large

Vous ne pouvez résister
Et plongez dans l’eau noire
Irréel vous naissez dans la nuit
Seule une lumière vous guide
Vers la tranche des livres
Vous êtes derrière la bibliothèque
Et feuilletez le décor de la vie
Sans savoir ce qui s’y passe

Et les pages s’égrainent solitaires
Entre les gouttes de pluie
Et la chaleur exubérante
Des fous qui vous entourent

Mais sans doute est-ce vous-même
Qui divaguez dans votre cube
Même en levant les bras
Vous n’arrivez pas à sortir
De ce songe endiablé

Enfin naît le jour attendu
Vous retrouvez vos esprits

Envolée la peur de l’avenir
S’ouvre à nouveau l’espérance
D’une vie nouvelle et tendre
Auprès de celle que vous choyez
Parce qu’elle est le nord
Et le sud et l’est, et même l’ouest
De votre intuition ailée
 

© Loup Francart

23/12/2014

Le mal

Le mal se donne les apparences du bien
Il revêt ses habits sacerdotaux
Pour mieux séduire le passant
Il passe dans les rues illuminées
Et récite ses litanies ronflantes

Tout va mal, proclame-t-il
Vous êtes mal parti !
Il ne dit jamais où le monde va
Il s’engouffre dans sa diatribe
Et se gondole de plaisir malsain

De mal en pis il avance
A visage découvert, tête haute
L’œil égrillard, la jambe poilue 
Il danse une gigue déhanchée
Et sa musique de bastringue
Fait grincer les dents acidulées

Certains se laissent séduire
Ils courent à tout vent, en toute liberté
Ils suivent le danseur qui s’exhibe
Et pavane devant la foule extasiée

La voie du bien est barrée
Impasse peut-on lire difficilement
Elle est noire comme le ciel
Dans une nuit sans lune
Elle décourage les plus motivés
Qui soupirent à moindre frais

Mal vous en a pris
Vous êtes mal en cour
Mal aimé et mal cuit
Vous errez sans mal dans l’univers
Le cerveau enflé, l’œil désœuvré
Çà la fout mal cette scène
Vous vous sentez au plus mal
Diminué et mal entendant

Mais en vous-même, rayonnant
Vous chantez l’ave maria
Des roses sans épines
Vous regardez au loin
L’étoile du berger
Qui revêt sa lumière éblouissante
Et s’éloigne en catimini

Le mal se donne les apparences du bien
Mais le bien n’a pas de vêtement
Il est la vérité nue, discrète
Et embaume ce monde piquant
De subtils élans du cœur

Nettoyé et attendri
Vous repartez, délivré de cet héritage
Qui tourne mal et s’enfonce
Dans les souterrains de l’abandon

Le bien vaut plus, mais qu’il est mal !

© Loup Francart

20/12/2014

Avent

L’Avent, c’est le temps délicieux de l’attente
Quand l’obscurité demeure votre seul recours
Vous plongez en vous-même hors de tout discours
Jusqu’à ce que la vacuité vous tente

En un instant la main de Dieu vous prend, hagard
Et vous immerge dans l’abîme cosmique
Le rien devient le tout, vous régnez sur l’Arctique
Vous êtes ensorcelé par ce divin brouillard

Vierge vous devenez, comme la femme
Ouverte sur le monde sans même un requiem
Transfiguré, vous naissez à l’innocence

L’enfant naîtra en vous de l’esprit apaisé
Vous porterez sur les cimes un regard aisé
L’univers se parera de bienveillance

 © Loup Francart

16/12/2014

Entre en toi-même

Entre en toi-même et laisse couler le miel
De ton absence et ta détermination
Plonge entier et nu dans l’eau sacrificielle
Coupe-toi de ce monde sans hésitation

Dans ce vide abyssal deviens toi-même
Laisse résonner en toi le cri de la mort
Mais ne crois pas à la magie du baptême
Ni n’y cherche une sorte de réconfort

Parti sur le miroir de l’eau silencieuse
Laisse errer ta personne dispendieuse
Et va au large vers l’existence sans fin

Tel le fou exclu tu iras sans limite
Et poursuivra ce voyage en ermite
Tu n’auras plus à te soucier des aigrefins

 © Loup Francart

12/12/2014

Séparation

C'est en ton absence que je crois en toi
Lorsque tu baguenaudes au soleil et
Loin de tout et de tous te laisses enchanter
Par l'air pur et fragile de ta liberté

Alors je m'étire et m'imagine
La danse incongrue du vide sidéral
Qui te traverse, empli de souvenirs
Et fait de toi l'inclassable égérie

Dans mon lit, revêtu de froidure
Mon imagination se peuple
De passants drolatiques
Et de rêves ambigus

Je te rêve en paroles
Et t'étreins en pensée
Les paroles passent
Mais le rêve perdure, prenant...

 © Loup Francart