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08/12/2014

La pauvre vieille

Elle tenait encore debout, mais comment faisait-elle ?
Dans la nuit tombante, j’ai failli marcher dessus
Petit tas de vêtements sans consistance réelle
Je n’ai vu de sa chair blême que sa main tendue

Les gens circulaient sans la voir, la pauvre vieille
Affairés dans leur tête, échangeant mille soucis
Jamais ils n’oseraient lui tenir la chandelle
Elle se tenait là, ferme sur ses jambes endurcies

Le noir des nuits se mêlait au deuil de ses vingt ans
Elle en paraissait dix de moins, fine tellement
Que son manteau lui tenait lieu d’habitation

Et sous la pluie aigre qu'elle endurait sobrement
Je ne vis jamais ses yeux vêtus d’un pansement…
Elle partit à pas menus, comme en méditation

 © Loup Francart

04/12/2014

Matin

Hier encore je marchais en rêve dans une rue sublime
Où la transparence de l’air  et le sourire du passant
Soulevait le cœur et rendait la marche alerte
Des femmes au regard profond passaient devant les vitrines
Les enfants courraient de ci de là sans un cri

L’homme seul allait pied nu dans la poussière
Pesant le poids du monde dans sa démarche lourde
Il avançait sans s’arrêter un seul instant
Sans même admirer le sourire maternel
Et le rire joyeux et tendre de l’enfance délivrée
Il poursuivait sa route les pieds poudreux
Le regard fiévreux, le front empli de mille soucis

Elle avança altière dans la lumière du matin
Tenant haute sur ses chevilles sa jupe plissée
Dévoilant ses mollets de verre sur ses bas étirés
Portant son ombrelle comme un casque vainqueur
L’amour n’eut pas pu être plus convainquant
Avançant sans traîtrise dans la brume du matin
Elle portait sa tête blonde sans ostentation
Et ses cheveux de paille flottaient dans la brise

Elle allait passer près de lui quand elle s’arrêta :
– Qu’est donc cet être sans vie qui passe à ma hauteur ?
Lève donc les yeux et admire ma poitrine
Baigne ton souffle dans mon haleine tiède
Respire le parfum qui m’entoure, frais et vivifiant
Et revit ses instants inoubliables et décoiffant
Où la fine brillance de la rosée sature la pensée
Et la laisse s’échapper dans la vanité du moment
Tu ne reverras jamais plus cette échappée folle
Et ma marche assurée par la franchise de l’heure

L’homme alors leva son bras décharné et anxieux
Et condamna irrémédiablement la femme d’un geste vif
Et se faisant il partit en fumée épaisse et pesante
Jusqu’à ce que la clarté dissolve son odeur pestilentielle

Alors, délivrée de son reproche silencieux
Elle se mit nue dans la rue et entraîna les enfants
Dans une ronde infernale, virevoltant sans vergogne
Entre les pavés où l’intention n’était pas à la hauteur
De son cynisme encanaillé entre ses dents jaunis

Elle poursuivit sa route, sautant les caniveaux
Riant de sa folie, emmenant les enfants dans la moiteur
D’un jour qui n’avait rien d’humain...
La sorcière a posé son emprise sur la rue si calme
D’un matin ordinaire peuplé de fantômes sans vie

© Loup Francart

30/11/2014

Poussière

Elle lui fit mordre la poussière. Qu’était-elle, cette furie ?
Pourtant ses cheveux d’or lui donnaient l’air guilleret
Il tenta sa chance, cherchant à l’embrasser à pleine bouche
Sans dire mot elle lui prit le col, le regarda sans haine
Et d’une hanche adroite le fit passer sur sa tête

Souviens-toi, une femme est un roseau de douceur
Pour qui sait l’approcher avec mérite et respect
Elle ne jette pas la poussière aux yeux du monde
Elle se tient droite, implorante et discrète
Et t’entraine dans son sillage odorant et subtil

Tu es poussière et tu retourneras à la poussière
Le vent te chassera de tes lieux habituels
Tu erreras en solitaire autour de tes envies
Paillettes de cristaux, gemmes éblouissantes
Et le temps passera, rafraichissant la nuit

Bien souvent les hommes se réduisent en poussière
D’autre fois ils baisent la poussière de ses pas
Ses pas adorés parce que menus et annonciateurs
De caresses et tendresses tant recherchées la nuit
Quand le vaincu pleure son combat perdu

Mais n’est-ce point ces poussières cosmiques
Qui se formèrent un jour au-dessus de nos têtes
Pour devenir soleil et lune en harmonie
L’une soutenue par l’autre, froidure et brûlure
Grains en devenir, tourbillon d’ivresse cosmique

Elle vole, perceptible dans le rayon du matin
Lorsque les yeux ouverts sur le jour naissant
Tu contemples ton avenir en brillance
Et te prends à rêver, la larme à l’œil
A celle qui souffle sur la poussière de ta vie

© Loup Francart

26/11/2014

Les rats

Ils sortent par milliers des plaques d’égouts
Des soupiraux, des portes et des fenêtres
Qu’arrive-t-il à cette masse de poils
Qui surgit ventre à terre dans la nuit ?

Sur le seuil d’une porte un enfant est assis
Il joue d’une flûte de bois au son aigrelet
Avec deux doigts qui s’agitent frénétiquement
Et impriment au ciel la valse lente des étoiles

Et chaque rat se sent revivre et danse
Sans pouvoir s’arrêter même au lever du jour
Leurs membres sont reclus de fatigue
Mais la danse leur tient au ventre

Quel étonnant spectacle que cette samba
Accompagnée de frôlement  de fourrure
Qui font grincer des dents les passants
Et rire les petites filles aux jambes claires

Quand donc cessera ce vacarme insolite
Y a-t-il encore dans ce Paris aux caves sourdes
Un rat non mélomane perclus de rhumatismes
Qui dort sous la gouttière bouchée ?

Non, tous sont là, enchantés et joyeux
Ils dansent à pleines jambes, le tutu de travers
Souriant de leurs longues dents de lait
Pensant aux enfants qui vont sortir des portes

Tout à coup l’un d’entre eux donne l’alarme
Le tintement de l’ouverture électrique
Déclenche l’hallali à la porte de l’immeuble
Ils se précipitent tous dans l’ouverture...

Ce qu’il se passa au-delà de l’entrée
Ne peut être raconté...
Les journaux en parlèrent le lendemain
Mais personne ne sut le triste sort
Des enfants de l’immeuble 69
Dans la rue des Martyrs
Dont les caves s’effondrèrent
Dans un frôlement de poussière 

Seul l’évêque Denis, décapité
Qui marcha jusqu’à la basilique
Connait cette histoire ignorée
Car il portait sa tête à hauteur des soupiraux

© Loup Francart

Cette rue fut ainsi nommée car c'est celle qu'aurait empruntée, selon une très ancienne tradition, saint Denis, premier évêque de Paris, martyr, sous l'Empire romain. Après avoir été décapité, il marcha sur cette route, tenant sa tête entre les mains, pour s'écrouler quelques kilomètres plus au nord, où fut fondée la basilique de Saint-Denis. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Rue_des_Martyrs)

22/11/2014

Le grand repos

Elle est venue l’heure sans en connaître le lieu
Tu as senti cette crevasse qui s’ouvrait en toi
Un éclair et puis rien que ce silence mélodieux
Et ce pas dans le vide qui te laisse pantois

As-tu encore le droit de vivre sans connaître
Le temps et l’espace de ta détermination
Ou sais-tu déjà à qui remettre ta lettre
De démission à faire sans vertes ablutions

S’ouvre sous tes pieds fragiles l’ouverture
D’un univers sans fin et même sans reliure
Tu tombes évanoui dans les plis de l’oubli

Et tu ressors lavé de toute forfaiture
Planant en solitaire et déployant toute voilure
Jusqu’à l’instant mythique du bref coupe-circuit

© Loup Francart 
 

18/11/2014

Cosmos

Où cours-tu ? Ne peux-tu rester calme ?
Entre en toi-même et admire cet espace
La liberté est là, présente et enchanteresse
Une brise douce sous un soleil radieux
Tel le bouchon de champagne qui saute
Tu changes de monde et de portage
La grande classe du cosmos est ouverte
Tu t’y promènes les mains au dos
Et contemples les croisements galactiques
Le siphon du monde ancien vers le nouveau
Te rend plus léger. Le liquide devient gaz
Qui t’élève en toi-même. La vie s’écoule
Les secondes résonnent en toi patiemment
Le temps s’arrête ou, au moins, ralentit
Les images se dédoublent en louchant
Qu’emporterai-je dans cette nouvelle destinée ?
Quelques miettes d’amour, un brin d’amitié
Un trou d’air à la surface des pensées
Et le passage émouvant de mes turpitudes
Aux yeux de ceux qui restent

Merci la terre, le cosmos m’appelle
Désormais je me glisse, mince et serein
Dans l’espace virtuel de la page blanche
Pour y déposer la tache de l’immortalité

© Loup Francart 

13/11/2014

La chambre à grâce

Il arrive que je sente en moi des fuites.
Quelques temps je regonfle mon fond,
Puis, flottant au vent de l’inconduite,
Je repars, à nouveau, vêtu en caméléon.

D’autres fois, le cœur n’y est plus.
La fuite s’accentue jusqu’au trou d’air.
Ce n’est pas que je me sente exclu,
Mais je n’ai plus l’allant de l’écuyère.

Les batteries usées de la tempérance
M’inclinent à la modestie. Trou noir !
Je n’attends pas cette panne de conscience.
Elle survient comme un coup de tranchoir.

L’air me manque, j’étouffe et suffoque ;
Je panique telle la grenouille mal à l’aise
Dans l’eau qui chauffe et la rend équivoque.
Sur mon véhicule, je ne suis plus qu’un obèse.

Sans s’annoncer, elle survient en catimini.
La chute s’accentue, mais je me regonfle
A cette bouffée rafraichissante de paradis,
Telle une caresse vers l’homme qui ronfle.

Je m’éveille à moi-même, l’esprit purifié.
J’aborde cette étape avec circonspection.
Suis-je certain de pouvoir m’évader ?
Je redoute encore une nouvelle crevaison.

Pourtant je repars les naseaux ouverts,
Humant ce ciel limpide en amoureux,
Appréciant ces mouvements de l’air
Qui m’agitent et me font un être radieux.

L’audace revient à grands coups de pagaie.
J’ai chassé en une pensée mes angoisses.
Gonflé à bloc, enivré et béat, je me recrée. 
Au fond de l'être, j'ai trouvé la chambre à grâce…

© Loup Francart 

09/11/2014

Lui

Longtemps elle l’a rêvé, il est là l’homme radieux.
Qu’est-il devant elle, la charmante résolue ?
Il vient, se sachant découvert et craignant Dieu.
Elle le regarde, mais signifie-t-il l’absolu ?

Lui qui n’a jamais rêvé devant une femme nue,
S’interroge sur son destin d’homme délétère.
Le guerrier a-t-il encore le pouvoir malvenu
D’outrepasser son rôle et passer la frontière ?

Elle est pourtant ténue cette limite imaginée.
Tendre le bras, pailleté d’or… Vêtue de nuée...
Elle ouvre son regard d’ange et le contemple.

L’homme n’est qu’un double incertain d’elle-même.
Il a moins de forme et se peut-il qu’il m’aime ?
Elle le reconnait et, seule, le conduit au temple.

© Loup Francart 

08/11/2014

Parution de "Dictionnaire poétique"

poème, écritre, recueil de poésie, édition

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Faites rêver... Offrez donc un recueil de poésie en cadeau de Noël. L'heureux élu vous en sera gré, il pourra rêver pendant ces jours où la réalité dépasse parfois la fiction. Avec cet ouvrage, la fiction n'est jamais dépassée.

Un mot, c'est une image, un son, un picotement qui étire un fil ténu qui, s'il est suivi, vous entraîne au bout du monde et de l'imagination. Vous fermez le livre et cela se poursuit en vous inconsciemment. Alors, vous devenez vous-même poète.

Détails du Livre

Pages :

186 pages

Genre :

Poésie

Paru le :

07/11/2014

Référence :

ISBN 978-2-7547-2626-9

Format :

13x20 Broché

31/10/2014

Vitalité

Laisse monter en toi le délire de mots
Ferme les yeux à l’apostat !

Elle partit d’un jet, courant sur le pré
Encombrée de sa robe de mariée
Elle nous quitta sans bruit
Pfuit… Plus rien devant nous

J’eus beau chercher sa taille
Je ne trouvais que le bruissement
Des fils de soie de sa ceinture
Qui se dévidaient entre mes doigts

Alors moi aussi je me mis à courir
Derrière les courants d’air
Prenant garde de ne pas m’enrhumer
Jamais je ne pus la rattraper

Nous parcourûmes le monde
Puissant dans nos besaces
L’espoir de nous retrouver
Et de nous jeter dans les bras l’un de l’autre

Mais elle s’échappait plus vite
Allez savoir pourquoi
Elle sentait le stupre et la caresse
Mais volait comme une princesse

Nous passâmes au pôle nord
Refroidis jusque sous les aisselles
Nous parcourûmes le désert
Pleurant de soif derrière l’ombre

Nous naviguâmes toutes voiles dehors
Jusqu’aux confins de la terre
L’œil sur l’horizon, la main sur la barre
Sans jamais rencontrer un être vivant

Aujourd’hui, je poursuis nos fantasmes
Seul, sans pilote ni moteur
Ronronnant petitement, nu sous le soleil
Et me brûle au rêve de mes prédécesseurs

Où donc es-tu passé sous ta robe de taffetas ?
Ton fantôme court-il encore, invisible
Aux regards des hommes en attente
D’un plus grand désespoir ou abandon

Fuis-tu toujours sous l’opprobre
De cette matinée aérienne
Quand tu te levas avant de dire oui
Et sortis sereine sans un pleur

Plus rien ne pourra cacher
Cette blessure béante à ton flanc
Celle de la séparation mortelle
D’avec l’homme d’une vie morose

Altière tu nous quittas, tête haute
Les larmes aux yeux, mais souriante
Et marchas vers ton destin
L’adoration sans faille de la vitalité

© Loup Francart 

27/10/2014

Danse

Ils étaient trois
Trois pigeons sur le bord d’un toit
Dans le carreau de ma fenêtre
Ils dansaient la valse des pigeons

Non… Il était seul, sans autre aide
Que celui du rebord de pierre
Sur lequel il s’épanchait
Sous l’œil impavide des deux autres

La gorge haute, il se dressait
Et avançait à petits pas
Puis deux tours sur lui-même
Sans autre forme de procès

Il revenait vers eux, crânement
Reprenait ses deux tours
En sens inverse, en métronome
Puis repartait en riant

Vraisemblablement, il délivrait
Aux deux autres un message
Que je ne compris pas
Je le voyais, aller et venir

Il poursuivit sa complainte
Devant le manque de réaction
De ces compagnons ahuris
Et s’arrêta, interrogatif

Ne voyez-vous pas, compatriotes
Que j’esquisse la danse sacrée
Des pigeons délurés
Jamais je ne tombe ni m’étourdis

Oui, il est temps de partir
Devant tant d’incrédulité
D’ailleurs l’un d’eux
Se jeta dans le vide

L’autre, penaud et embarrassé
Voulut conclure ce message
Il se redressa courroucé
Et monta droit dans les cieux

Le danseur resta unique
Sur le bord du toit
Là où toi et moi
Ouvrons nos cœurs de chair

Alors il partit lui aussi
D’un coup d’aile, un froufrou
Qui traversa la rue
Et vint frapper l’attente

Oui, trois pigeons au coin du toit
Dont un dansait la valse
Pour les deux autres
Qui ne virent rien

© Loup Francart

22/10/2014

Double

Il est parti celui qui est plus que moi-même
Et je ne sais même plus qui je suis devenu

Un grand noir s’est installé, froid de marbre
Je m’y cogne la tête. Elle est toute cabossée

Où es-tu passé mon frère, toi qui m’accompagnais
Au cours du périple inhumain de la vie ?

Dans un brouillard intense, j’erre, solitaire
Je marche les yeux fermés, les oreilles bouchées
Le nez au vent, les mains en avant
Sans revivre ces jours intenses et rafraîchissants
D’une présence personnelle et troublante

Moi-même devenu autre et pourtant moi
Errant dans l’absurdité du monde déchu
Percé de courants d’air et de gaz purulent

Quel malheur ce départ !

Il est parti celui qui est plus que moi-même
Et je ne sais même plus si je suis.

© Loup Francart

19/10/2014

L'ombre

Longtemps, je ne l’ai pas remarquée
Elle passait inaperçue à mes yeux
Peut-être ne voyais-je pas le soleil ?
Un jour cependant, ou plutôt un soir
Elle m’est apparue, fragile
Comme une ombre d’elle-même
C’était bien mon ombre à moi

Oui, elle me ressemblait
Même profil, encore que j’ai du mal
A contempler mon profil altier
Sans utiliser une glace fraiche
Embuée à sa sortie du frigo
Depuis elle ne m’a plus quitté
Je la trimbale avec moi
C’est ma sœur, encombrante
Elle veut parfois passer devant moi
Elle me pousse vers le chambranle
Et se propulse en courant d’air
Pour entrer la première, rosissant
Devant les regards acérés

Oui, elle me fait de l’ombre
Cette enveloppe sombre
 Qui se détache de moi
Sans avoir le courage de me quitter
Parfois elle me sourit
– Qu’en penses-tu ?
Semble-t-elle me demander
J’avoue ne plus savoir
Si elle est mon double
Ou si elle se joue de mes hésitations
Je la contemple se mouvoir
Et sourire à tous, enchantée
De ce subterfuge honteux
Et je dois moi-même sourire
Pour ne pas délier ce mariage
Hors nature avec mon double

Oui, il lui arrive de se coucher
A mes pieds, vers midi,
Et de me dire – Ne bouge plus
Je suis bien près de toi
Laisse-moi reposer contre toi
Me réchauffer à ton corps brûlé
Enflamme-moi dans tes bras
Et courre plonger dans l’eau
Là où les rayons de l’astre
Ne peuvent m’atteindre
Je pourrai alors te laisser en paix
Blottie dans ton corps refroidi
Jusqu’à devenir transparente
– Quelle idée, lui ai-je répondu
Sans toi je ne serai plus
Si tu deviens invisible
C’est que moi-même ne suis plus
Même dans l’eau claire
J’ai besoin de ma consistance
Comment pourrai-je nager ?
Je coulerai et disparaîtrai
A jamais aux yeux de tous

Et c’est ainsi qu’un jour
Il y a déjà longtemps
Je devins transparent
Invisible
Nu
Comme une amibe
Même au microscope
Mes voisins ne m’ont pas trouvé
Ils pleurèrent quelques jours
Puis, de guerre lasse
Me laissèrent partir vers d’autres cieux
Dans ce pays où la lumière
Envahit tout, y compris les êtres
Là l’ombre n’existe pas
Et ne fait plus peur aux femmes
Elles ne se remaquillent plus
Sûres de leur effet sur l’unique
Sans doublure vertueuse
Qui les regarde béatement
Volant de ses petites ailes
Autour de leur personne
Qui rayonne de bonheur
Sans l’ombre d’un doute

© Loup Francart

15/10/2014

Ange

Quelle expression ! Il est aux anges.
Serait-il confit de sucre et d’olives
Dans un sourire figé et malheureux
Comme le chevalier du ciel

Certains en font le saut
Ils s’élancent de la falaise
De leurs idées préconçues
Et plongent dans la folie

D’autres, en cheveux fins
Enlacent leur possession
D’un filet protecteur
Pour mieux les conserver

Les anges de mer
Planent dans les eaux
Et font de l’ombre
Aux plongeurs ensommeillés

Ils se mangent également
Ces fins vermicelles argentés
Flottant dans leur potage
Comme des bras de poulpe

Peut-être vivront-ils assez longtemps
Pour entreprendre l’estomac
Et vous courber en deux
Dans une crampe dithyrambique

Avec une patience d’ange
Elle contourne le viril
Et le retourne sur le gril
Pour convertir son égo

Les enfants comme les anges
Volent en paquets rieurs
Ils s’amusent de l’effroi
Qu’ils causent inconsciemment

Parfois même, ils se moquent
Des remontrances outragées
Que font dans le village
Les guetteurs de scandale

Pourtant ils existent ces anges
Qui protègent la victime
De l’inlassable opprobre
Des veilleuses à la fenêtre

Mon ange s’exclame la mère
Mais ange est-il celui-ci
Qui court en sabots
Dans la neige de l’innocence

L’ange est fidèle et serein
Il ne cache pas sa préférence
Pour le meilleur de l’homme
Il l’enrobe de ses bras protecteurs

Certains cependant se sont révoltés
Et on acquit l’indépendance
Mais pour quoi faire ?
Ils errent dans le noir et le froid

Déchus, ils recherchent compagnie
Et tendent leur bâton sucré
A ceux qui méditent en silence
Sans savoir vers quoi pencher

Les quatre cavaliers de l’Apocalypse
Ministres de la vengeance divine
Epuisent en rond leurs montures
Pour assurer une victoire amère

Mais il est des anges féminins
Qui font craquer l’homme quel qu’il soit
D’un regard assuré et d’une caresse maligne
Le cœur retourné, le baiser sur la bouche

L’ange de lumière ne se dévoile
Qu'à ceux qui se laisse aller
Dans les bras de l’absence
En toute innocence

Toi, mon ange,
Qu’es-tu pour m’attirer à toi
Ouvrir mon âme asséchée
Et la couvrir de baisers ?

© Loup Francart

14/10/2014

desideri

http://www.youtube.com/watch?v=nVjh-oY0hek


 

Quel chant ! Il ouvre le corps en deux et le projette dans l’espace et le temps et vous vous laissez écarteler, déchirer jusqu’à ne plus être que cette nostalgie délibérée qui vous agresse et vous conduit à l’absence. Vous êtes envoûté et seul un changement de ton, le son frêle du piano vous ramène à la vie tout en vous laissant un goût amère dans la bouche.

C’est un poème de Konstantinos Kavafis (1863-1933) que chante Kyriacoula Constantinou. Il s’éteint comme il est venu, avec insistance et bienfaisance et est remplacé par le silence non pas de l’oubli, mais de la mémoire qui se cherche sans parvenir à savoir d’où est sorti le chant.

11/10/2014

Moi et Toi

Moi et Toi. Qui de nous deux ?
Serais-tu celle que je suis ?
Suis-je celui que tu es ?

Nous sommes deux ou un
Selon le cas, selon l’heure.
La nuit, dans l’obscurité,
Je prends ta main pour la mienne.
Tu me caresses le visage
Et ton souffle veille sur mon corps.
Enveloppé de douceur
Je ne sais plus où je suis.
Suis-je même encore moi-même ?

Je m’approche de ton être.
Tu deviens ce que je suis
Et je suis ce que tu es.
Ensemble nous marchons
Dans notre tête enrubannée
Et portons haut et fort
Notre volonté de vaincre
Ceux qui ne savent pas
Qu’ils sont un en étant deux.

Moi et Toi. Qui sommes-nous ?
Nous sommes l’un multiple
Et rien ne nous détachera.

Si ! Sans doute… la mort.
Mais qu’est-elle finalement
Au regard de l’amour.

© Loup Francart

07/10/2014

Elle avait des bagues

Elle avait des bagues plein les doigts
Peut-être pour cacher leur fragilité?
Des bagues en poils d’éléphant.
D’autres en eussent fait un manteau,
Le chameau est si commun.
Il eut sans doute été trop lourd
A soutenir par la tige d’acier
Où repose la pyramide de verre.
La tête, comme les doigts, entourée de bagues
Se tisse une couronne d’innocence volontaire.

© Loup Francart

03/10/2014

Qu'es-tu, toi qui n'es rien

Qu’es-tu, toi qui n’es rien ?
D’où viens-tu, toi qui n’as pas été ?
Où vas-tu, toi qui deviens tout ?

Je me cherche à l’extérieur de moi-même
Je me trouve derrière la frontière
Elle est de verre, invisible, incolore
Je la trouve en un clin d’œil
Mais cette enveloppe est vide
Et d’une richesse infinie
Rien ne vient la troubler
Enfermé dans cette coquille de noix
Je promène mon inexistence
Au-delà des planètes et des galaxies

Tu es ce que je ne suis pas
Je suis de chair et d’os
Tu me donnes l’inexistence
Un être sans squelette
Je flotte entre les strates
Des univers cloisonnés
La lumière se dévoile
Et me rend aveugle

Oui, qui est-il lui qui est tout ?

© Loup Francart

29/09/2014

L'huître

Ce n’est qu’une sorte de caillou
Très grossier et difficile à saisir
Transpirant des larmes vertes
Ouvrant parfois un sourire
Et riant béatement d’une bouche
Sans lèvres ni douceur

Il sent la marée des matins d’été
Quand vous partez à peine levé
Vers l’écailler du port fantôme
Et que vous entendez les cris
Des marins partant vers le large

Vous éprouvez l’irrésistible envie
De vous immerger dans l’iode
Rugueuse et foisonnante
Et d’éclater en les pressant
Les bourgeons des algues noires
Alors vous quittez vous aussi le port
Et voguez librement dans vos rêves
Secoué par les ondulations
D’un bateau qui vous emporte
Dans le monde inconnu et cruel
Des sirènes et des dauphins

Réveil !

Le couteau à la main, vous cherchez
Cette lèvre émincée qui suinte
Son odeur subtile et froide
Ne vous laissez pas charmer
Prenez l’air du tueur à gage
Fouillez dans ce corps dur
Pour d’une pression de la pointe
Enfoncer la lame aiguisée
Et d’un revers du poignet
Forcer l’animal à se dévoiler

Il résiste encore faiblement
Et du tranchant cette fois
Vous achevez votre sinistre besogne
Coupant le lien ténu, maintenant
Fermement le couvercle
Encore un effort pour désolidariser
Ce contenant aux reflets voilés
Du liquide clair et transparent
Qui sent le fond des mers
La folie des grouillements obscurs
La vie sans mouvement des pierres
Qui se révèlent fécondes

Baignant dans ce désir palpable
Elle est là, légèrement rosée
Et dévoilant son corps nu
Offerte au regard concupiscent
De l’amateur éclairé et enfiévré
Elle n’est parcourue que d’un frémissement
De ses membranes ondulées
Comme les amants avant l’amour

Avec douceur et respect
Vous approchez vos lèvres de sa froideur
Pour y trouver ce surplus de vie
Que vous guettiez dans l’inertie
D’un caillou fermé sur lui-même
Ce baiser glacé, au goût de mort
Envahi votre bouche et la réveille
Vous montez dans l’air du matin
Et vous êtes à la porte du paradis

Délicatement, avec soin, avec intérêt
Vous détachez cette chair offerte
De son point d’encrage
Pour la laisser une dernière fois
Baigner dans son élément fluide
Et s’épanouir avant de mourir

Vous portez cette coupe improvisée
 A vos lèvres avides et aspirantes
Et goûtez toute la subtilité
La fraicheur, l’innocence,
De cette chair qui s’offre
En toute impudicité et bravement
A vos dents qui la tranche
Pour en goûter intimement
Le suc ailé de l’éternité

Etes-vous au ciel ou sous les eaux ?
Vous ne le savez
Englobé de fraicheur acide
Vous n’êtes plus sur terre
Vous flottez à nouveau
Dans le liquide amniotique
Du commencement du monde
Lorsque vous n’étiez qu’en devenir
En espérance de volupté
Prêt à mourir ou à vivre
De cette expérience inqualifiable

© Loup Francart

25/09/2014

Neuf heures

Neuf heures…
La ville dort, l’ombre veille
Les yeux ouverts sur ton image
Je t’entends ébaucher de tes lèvres vivantes
Mon nom comme un murmure insaisissable

Au-delà des collines
Derrière l’amas de fer et de béton
Qui crée notre séparation
Tous les mots prononcés
Tous les rires jetés en l’air
Rebondissent sur le miroir
De ton regard tourné vers moi

Neuf heures encore…
Comme un sourire inépuisable
Lorsque le soleil apparaissant
Sur tes cheveux épars
Parmi les aiguilles de pin

Proche et lointaine
Vivante ou morte
Ton absence évanouie sur cette heure
 Cerne mon visage attentif

Encore quelques secondes
Quelques minutes volées
Une caresse rêvée et malhabile
Et la nuit reprendra son bien
Pour l’ensevelir parmi les étoiles

© Loup Francart

21/09/2014

Abstrait

Le regard éperdu, il courre
Il échappe ainsi à l’abjection
Ils le poursuivent sans le prendre
Il s’est caché entre leurs jambes

Va-t-il arriver à s’en sortir ?
A-t-il encore le souffle
Du lutteur ou du coureur
Ou s’épuise-t-il sans fin ?

Ils le guettent sur la plage
Ils savent qu’il viendra
Savourer sa victoire
Dans l’eau bénie des mers

Pourtant il ne vint pas
Il se glissa dans le tuyau
De l’infamie, discrètement
Jusqu’à disparaître de leur vue

Où donc est l’artiste
Qui s’est moqué de nous ?
Comment croire un instant
Qu’il sait tenir un crayon ?

Non, il n’a rien dessiné
Que quatre traits et un rond
Qui forment la seule forme
Digne d’être contemplée

Ainsi naquit en un seul jour
Par distraction ou crainte
Le trait de génie
De l’abstrait pur et simple

© Loup Francart

17/09/2014

Perte

Quelle perte ! Rien n’égale cette disparition
Qu’avait-il besoin de partir en toute liberté
Et de laisser derrière lui la porte ouverte
Les objets se sont envolés, en rangs serrés
Sans autre forme de procès que leur adieu
Et le vide laissé derrière eux, gonflé d’air
Empli de senteur molle de putréfaction
Laisse un goût de défaite sur la corde à linge
Toujours tendue entre les colonnes vertes
Soutenant le balcon du premier étage

Oui, c’est la perte de notre identité
Le reproche toujours vif des petits chefs
Qui cherchent encore à assurer leur pouvoir
Sur les gens, insensibles à leurs cris
Gonflés de prétention absurde et voyante
Les papiers de reconnaissance citoyenne
N’existent que pour maîtriser
Les aller et retour des mouvements de la vie
Au-delà d’une obéissance apparente

Il est parti sans rien laisser et rien prendre
Le vide s’est installé. Les bras tendus
Il erre dans le temple de la sagesse
A la recherche de l’’inconnu ailé
Qui parfois lui prend la main et l’emmène
Si loin qu’il se dissout dans le cosmos
Qui n’est que la prison de l’existence

De l’autre côté, le calme sans nom
De l’absence, du repos préparé et conquis
Sur les ans qui s’étirent comme un élastique
Et rompent le destin inachevé de chacun
Pour revêtir l’uniforme des mortels

© Loup Francart

13/09/2014

L’art du phare

D’une part, elle fait la part du feu ;
D’autre part, elle lui fait la part belle.
Mais de quelle part parle-t-on ?

S’agit-il du départ de Gaspard,
L’homme-léopard fumant des boyards
Et courant d’un air égrillard
Vers d’anciens Louis-Philippards
Pour, gaillardement, leur faire part
Des gares éparses de Montbéliard.
Il se déclare grenouillard
Et tente comme les braillards
De s’en prendre aux Magyars.

Participer c’est prendre part,
Avec quel écart, au rempart
De la plupart des salopards,
De tristes vieillards en retard,
Errant dans le brouillard
Et guettant le nasillard renard 
Avec l’art d’un franchouillard.

Sans art et sans antibrouillard,
Elle s’empare de milliards
Et se pare de rondouillards gaillards
Pour noyer son cafard
Dans le lupanar de Kandjar.
Mais elle repart vers le corbillard
Qu’elle déclare vasouillard.
Par quel hasard la bagarre
Barre-t-elle aux scribouillards
Le départ du tortillard ?

Ah, la plus grande part
Des pillards accaparent
Le billard qui effare
Le regard des paillards.
Où part-il ce canard
Qui s’autodéclare débrouillard ?

Départ hasardeux des chevillards
Vers une partie de colin-maillard.
Fini, je le déclare, ce retard
Des couards qui s’effarent
Des déboires sans espoir.

Edouard le bavard, tais-toi ! 

© Loup Francart

09/09/2014

Au fil des heures

Au fil des heures, au fil des jours
Dans la pâleur de ma solitude
Je retrouve l’ignorance et l’absence
Je perds mon manteau de lumière

Le monde s’endort et pèse
La pesanteur reprend ses droits
J’en ressens le poids intense
Et le pouvoir de son enracinement

Pourtant, je le sais, présente,
Elle est encore au rivage
Le corps tendu vers l’amour
 Le cœur noyé de bonheur

Les heures et les jours passent
Le ciel descend sur son image
Ensevelie de sa certitude
Elle s’épanouit en moi.

© Loup Francart

05/09/2014

L’assassin des idées nouvelles

Qui es-tu, toi l’assassin des belles idées ?
Et nous sommes tous des assassins !
Qui d’entre nous n’a pas médit
A l’annonce d’une idée nouvelle ?
La France n’a pas de pétrole,
Elle a des idées. Oui, certes,
Mais personne n’en veut de ces idées.
Le Français est un homme ou une femme
Qui vit sur un lit d’idées toutes faites
Il se bauge dans sa vision du monde
Sans tenter même d’y trouver satisfaction
Car, de plus, il vitupère sur celle-ci…
Mais en changer, jamais !
Cependant il a l’avantage inusité
De répondre toujours présent
Aux sollicitations de la mode
A condition qu’elle ait déjà été expérimentée
Et de préférence aux Etats-Unis
Ainsi un bon quart des Français marche
Le derrière à l’air, comme un prisonnier
De cette mode idiote apportée des Amériques
Plus je montre mon slip
Plus je suis décontracté…
Curieux non ? Heureusement
Les femmes ne s’y sont pas encore mises.
Il est vrai que libres du haut comme du bas
Elles pourraient très vite abandonner
Toute idée de s’habiller…
Oui, le Français est un être plein de contradiction
Pour le prestige et non pour le plaisir
Il construit une ligne à grande vitesse
Et il sait qu’elle ne sera pas rentable
Peu importe, le décideur aura laissé sa marque
L’empreinte de son pouvoir sur le sol
Cela se passe à tous les niveaux
Le président du Conseil général
Veut son musée dans le désert
Le maire veut sa piscine chauffante
Un gouffre à faire monter les impôts…
Mais ceci fait-il avancer les idées nouvelles ?
Non, une idée nouvelle assaille le cerveau
Et est rejetée derrière la haie, vulgairement
Elle enhardit la critique…
Alors lorsqu’une idée nouvelle
Germe dans la tête d’un Français
Il la garde bien au chaud et attend
Un moment favorable pour qu’elle fasse mode…
En faisant un tour au dépôt des idées nouvelles
J’ai rencontré des auteurs et des inventeurs
J’ai vu des femmes merveilleuses
J’ai vu des hommes entreprenants
Tous venaient déposer leur enfant
Sur l’hôtel de la déficience…
Oui, le Français et un assassin
De la France inventive et généreuse
Au nom de l’égalité et de la fraternité
Où se trouve la liberté ?
Que produire dans un pays
Où tous veulent être l’égal de tous ?

© Loup Francart

01/09/2014

Grandeur

Chacun se veut grand, mais grand de quoi ?
Les rêves ont-ils le pouvoir de faire grandir ?
La grenouille sauteuse rêve au kangourou
La puce à l’éléphant qu’elle ne peut même pas voir
Quel univers sans dimension si ce n’est celle
De l’imagination débridée, insolite et impossible
Chacun de nous se peuple d’ambitions
Est prêt à échanger sa montre
Contre un baladeur de secondes vides
Qui le fera gonfler jusqu’à l’éclatement
Suis-je plus grand que vous ?
Et je regarde ce malotru gonflable
Qui tente de jouer dans la cour des grands
Mais moi-même, je ne sais si je suis
Sur le dos d’un éléphant ou d’un poisson pilote
Ma taille importe peu au fond
Ce qui compte c’est l’univers qui nous reçoit
Si je n’en vois l’horizon et ne peux me rendre
Au-delà des collines qui barrent la visibilité
Je reste le freluquet qui achète des échasses
Qui tombe bien souvent dans la boue
Collant à ses bâtons et entravant ses pas
Mais si d’un coup d’œil j’admire
Ma grandeur dans le paysage étroit
Je m’abuse moi-même et ne peux bouger
Pour rire et m’esclaffer de cette immensité
Prisonnier de mon regard désenchanté
Je m’interpelle moi-même en un clin d’œil
Fait le tour du pâté de maison
Et me réfugie dans ma faconde vertueuse

Oui, la grandeur est le propre des petits hommes
Elle leur permet d’attendre le jour
Où rien ne sera comparable à rien

© Loup Francart

28/08/2014

La vérité ?

Le soleil revient, il écarte le manteau,
Et les nuages fuient, volés au soleil par le vent.
Chacun s’affaire, avec sérénité,
Dans une maison où passe la vie.

Hier, longue discussion :
Qu’est-ce que la vérité ?
Cela me rappelle Ponce-Pilate !
Elle n’est ni blanche, ni noire, elle n’est pas grise non plus.
Elle n’a pas de couleurs, et pourtant
C’est la couleur !
Elle n’a pas de VE majuscule,
Elle ne RIt pas,
Elle TE parle, à toi seule,
Au fond de toi et tu la connaîtras,
Un jour d’abandon, une nuit d’espoir.
Alléluia !

© Loup Francart

24/08/2014

Indolence

Il a longtemps hésité : que faire ?
Et encore, faire est un bien grand mot
Que devenir ? Trop volontaire...
Qu’être ? Quelle surenchère...
Que penser ?

Stop ! C’est fini...
Plus rien ne sera comme avant
Le chat longe la gouttière
L’écureuil valse sur la branche
Et lui que fait-il ?

Rien, tel est son charme...
Peut-être caresser l’étoffe
D’un lit défait sur la nuit
Ou la remonter sur le corps
Par crainte de l’invasion

Le jour se lève
Quel chaos ! La chambre,
Qu’est-elle ? Le refuge
De son indolence

Eperdu, il se regarde
Et ne voit rien
Qu’un trou, noir
Comme la braise éteinte

© Loup Francart

20/08/2014

Bague

Et cet autre univers s’offre à moi sans pudeur
Cette plaine caressante que j’approfondis
Du bout du doigt devenu élégant habilleur
D’un voile d’innocence et de beauté recueillie

Quelle autre plage serait si sûre et sensible
J’atteins le feston de l’eau vive, émerveillé
Un embrasement coloré de vie indicible
Que l’on hume le nez au vent du désir rentré

Glissement vers cette dénivelée tangible
Centre de l’amour exalté ouvert à la flamme
Qui monte et déborde tressaillant dans l’âme

Le feu me brûle dans cette possession subtile
Délicieusement je m’engloutis dans la vague…
Oui, c’est certain, cela mérite bien une bague

© Loup Francart

16/08/2014

Parenthèses

Deux petits signes comme la lune
Ou le sourire d’une femme endormie
Presque rien à dire, juste un mot
Mais ce mot explique, ravit, ensorcelle
Il ouvre l’horizon vers le large
Le vent s’engouffre dans la voile
Larguez les amarres, moussaillon !
C’est une matinée de plus à vivre

Entre parenthèses : un départ à la dérive
Spontanément, sur un coup de tête
On agite les mains, voire les bras
A la monotonie et la morosité
On sourit à l’imaginaire
Protégé par les fentes courbées
Comme dans une coque de noix
Enrobé de coton, la tête sortie…
La terre s’éloigne, devient ligne
Puis, plus rien, le vide à l’entour…
Quelle plénitude dévorante
Un plongeon dans le bouillonnement
D’une multitude de bulles odoriférantes
Le parfum de la liberté enrobé
De l’espoir de jours meilleurs

Introduire une parenthèse
C’est ouvrir la porte à un inconnu
Vous-même, ne savez pas encore
Ce que vous allez écrire dans ce trou
Mais une fois ouvert, béant
Comment le refermer si ce n’est
Le remplir d’autres matériaux
Légers de rêves colorés et sucrés
L’inconnu s’introduit, invisible
Pousse un cri délirant
« Eh, n’oublie pas de refermer ! »
Ouvrant la barrière du souvenir
Il passe tel un spectre rose
Dans le cabinet des curiosités
Fouille dans le quotidien
Se revêt de fanfreluches
Et s’assied entre les demi-sphères
Hautain et béat de bonheur

Le contenu entre ces gifles ?
Un mot quelque peu poil à gratter
Une expression qui en dit plus en moins
Trois syllabes et deux voyelles
Ouvrez vos oreilles, murmurent-elles
Mais vous n’entendez que le vent
Qui gonfle les voiles de l’étonnement
Que va-t-il chercher là ?
La dévoration de l’insolite
L’obscure certitude de l’aventure
Dans ce noir absolu de l’entre deux
Comme un sandwich moelleux
Dont le contenu reste incertain
Pouah ! Sucré salé amer
Un éclair de l’autre monde
L’étincelle de la connaissance
Mais de quoi ?

La parenthèse est assassine
Mais cette vie entre deux
Est le réconfort des faibles
Choyez ces instants de lumière
Qui ne sont que des fantômes
Pour passer un moment
Face à face avec vous-même

© Loup Francart