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26/03/2016

Demain

La ville se prélassait derrière la vitre :
Des tours,  des barres, des hublots,
Des immeubles, des maisons, des taudis ;
Tout cela devant le moutonnement des nuages,
L’épaisse couche de ouate salie.
Elle le regardait, redevenue enfant,
Le visage détendu, le regard lavé,
L’inquiétude se lisait dans ses yeux
Mais le cœur restait calme et léger.
Elle mit son front dans le creux de l’épaule
Elle hoqueta une fois, doucement,
Pleine de sa sérénité royale,
Donnant le change, bonne comédienne,
Enfant jouant les adultes,
La tendresse au bout des doigts,
La pesanteur de son corps
Remplaçant sa liberté apprise.
Elle lui tendit ses lèvres, chaudes,
Ruisselantes de bonheur promis,
Lui caressa la joue, l’enveloppant
De fragrances pénétrantes.
Son souffle... comme un vent d’air frais
Sur la plaine ouverte devant eux.
Ils joignirent leurs aspirations,
S’enivrèrent l’un de l’autre,
Mêlant la source de leur être
Et se réfugièrent, enlacés
Là où plus rien n’existe,
Que la vie, indéfectible.

Demain sera un jour nouveau !

©  Loup Francart

22/03/2016

Noyade

Ouvre tes mains
Laisse-toi pénétrer de lumière
Lâche ta tension pesante
Cesse tes plaintes
Souris à la fourmi sur le gravier
Observe le plongeon de l’oiseau
Vers le moucheron suspendu
Écoute le bruit d’ailes
Des abeilles bourdonnantes
Vide ton cœur de ses trésors
Remplace-les par la résonance
Tremble devant l’inertie
Des hommes qui n’agissent pas
La parole est leur action
Elle est improductive
Sans odeur ni saveur
Elle harangue sans effet
Ils sont gonflés de mots
De verbes inoffensifs
De hurlements sauvages
Qui se retournent contre eux
Ils sont dans l’immédiat
Alors que l’expression
N’est que de longue portée
Claque les doigts
Marche avec tes pieds
Courent sur tes jambes
Foncent vers l’espoir
De tes remuements
Ne dis rien
Laisse-les parler
Remuer leurs lèvres desséchées
Garde ton cœur vierge
Sans une larme, sans un regard
Avance sur la scène de la vie
Ne regarde pas en arrière
Noie-toi dans l’absolu
Et prend ta jumelle
Pour contempler les mouches
Sur l’orange malmenée…

©  Loup Francart

19/03/2016

Etonnement

S’étonner, c’est toujours détonner
Tout dépend, bien sûr, du ton donné
Cela conduit à une franche adhésion
Ou peut provoquer une âcre division

Mais d’où naît cet éclair sagace ?
Pour certains c’est un trou noir fugace
Pour d’autres, un soleil jaillissant
Une explosion dans un silence angoissant

Et cet éblouissement soudain
Utilisé par d’inhabituels aigrefins
Devient un déclic judicieux

Il crée soudain un état d’objectivité
Fait naître l’étincelle de la créativité
Et ouvre un passage, sublime et malicieux

©  Loup Francart

15/03/2016

Nocturne

Le pied léger, elle courait dans la rue
Ce n’est pas qu’elle était pressée, non
Juste une envie de se défouler
Et d’exhiber ce corps, menu et flexible
Il était neuf heures, la nuit tombait
Les passants fuyaient le vent aigre
Le nez enfoui dans un foulard
Les mains de glace dans la poche
Ils virent passer l’orage. Nue
Elle courait sans contradicteurs
Peu pressée d’en finir, y prenant plaisir
Elle souriait aux étoiles qui ouvraient
Leurs froides et célestes rondeurs
Cours, cours, la belle, il le faut
Voici celui qui vient, l’enjôleur
Souple et ferme, il divague
Entre les pavés, il te remarque
La flèche blanche sur les portes
Les fils d’argent flottant au vent
Il est pris dans le filet pervers
Et se dresse derrière elle
Tendu comme un aimant
Ils courent ensemble sans savoir
Qui suit qui, qui est qui
Ce n’est plus qu’un seul corps
Qui se rejoint pour exister
Leurs ombres s’ajustent
Leurs regards se dédoublent
L’effort les revêt de rosées
Le souffle s’accélère

Soudain il aboie, une fois…
Il s’approche et lèche
Le poil hérissé. Tremblante
Elle se tourne vers lui
Et s’offre en pleine rue
Aux yeux des passants
Qui assistent, impuissants
A la danse de l’amour

©  Loup Francart

11/03/2016

Concert

Dans leur montée en intensité
Les sons pénètrent ton opacité
Transpercent l’apparence funeste
Et te conduisent au vide céleste

L’harmonie est fleuve, puis mer
Envahissant l’être et ses recoins amers
Emportant cœur et esprit en ballade
Te ceignant d’une aimable accolade

Viens à l’horizon, dit la mélodie
Viens danser sur la ligne hardie
Déploie tes ailes ankylosées
Et plane sans plus te reposer

Les sons huilés des violons
Enferment tes appréhensions
L’aigre discours de la clarinette
T’incline au repos dans la dunette

Le chant solitaire de la soprane
Te fait franchir la membrane
Qui contient ton être intérieur
Il te confie à l’auguste prieur

La porte est franchie sans peur
Vient l’intense moment de stupeur
Quand l’œil vacille et plonge
Dans les eaux translucides des songes

©  Loup Francart

07/03/2016

Numériser

Je numérise
Tu numérises…
Quelle menue risée !

C'est un haïku !
Certes, il manque d'élégance
Est-il possible de s’esbaudir
D’un vilain jeu de mots
Prolongé en mauvais jeu de mains

Mais où en est-on ?

Le chameau a-t-il trois bosses
Ou le boss a-t-il un cerveau ?

Qui tire les vers à la ligne
Et quel poisson d’avril
Les rend rectiligne ?

C’est bien ainsi le délire !

©  Loup Francart

03/03/2016

Aspiration

Quel est ce feu bouillonnant
Qui monte de tes entrailles
Tel le trop-plein d’un volcan
Déversé en pluie de mitraille

A peine sorti de la nuit sans fond
Il t’entraîne dans sa danse
T’étourdit, te promène sur le pont
T’étreint et sans cesse te relance

Pourquoi cette aspiration vers le large
Sans lieu ni durée, qui t’entraîne
Vers cette promenade inhumaine

Tu te tiens, de toi-même, à la marge
Et tu contemples ce double, hagard
Qui t’emporte, sans aucun égard

©  Loup Francart

28/02/2016

Firmament

Dans le vert firmament
Au pied des monts feuillus
Court la belle salamandre
Qui étincelle sous la lune

Rien ne trouble la quiétude
De cette nuit maigre et froide
Qui récite ses salamalecs
Au son de l’eau qui passe

Trois heures, bien sûr
L’heure de la renaissance
De l’ouverture à l’autre monde
Un écart et tu tombes
De Charybde en Scylla
Les genoux couronnés
Les larmes aux yeux vaillants
Le corps tremblant de caresses
Entre les mains de la nuit

Le voici le trou sans fin
Il avance à grands pas
T’envole, te prend, te vide
Tu n’es plus toi, tu n’es plus moi
Rien que ce gouffre ouvert
Qui te regarde, attendri
Et t’appelle de sa voix douce

Viens, viens dans ma moiteur
Couvre-moi de baisers
Ensevelie-moi dans l’ombre
De mon innocence perdue

Alors tu te laisses tenter
Tu ouvres cet élan sincère
Qui te fera dire ensuite
J’étais mort et je vivais…
Je suis vivant et la vie s’en va…

©  Loup Francart

25/02/2016

Impression

L’amitié tient à peu de chose
Une rencontre… Une parole… Un regard…
Parfois même, une plaisanterie…
Juste un signal de reconnaissance

L’amour tient-il à plus ?
Un doigt effleuré sans penser à mal
Un parfum qui tressaille dans le corps
Le frisson d’une chevelure sur la peau

L’indifférence existe-t-elle sous le soleil ?
Une ombre incertaine sous un réverbère
Le dépit d’un alcool sans arôme
L’attente, tous, dans le métro

Le mépris est-il naturel ?
Une main sur l’épaule d’une autre
Un rire plus puissant que nature
Un contentement dans la voix

Dieu que ces petits riens
Façonnent un avenir incertain
Et répandent sur une vie sans faste
Un onguent mirifique ou néfaste

©  Loup Francart

22/02/2016

La vente de livres

Que les livres s’étonnent
D’être ainsi rassemblés.
Même si aucun de détonne,
Pourquoi les vouloir mêler ?

Ils sont dans leurs cagots,
Au garde-à-vous des vaincus,
Sur la tranche, l’air vieillots,
A l’inventaire des invendus.

La couleur ne manque pas ;
Ils se repoussent bigarrés.
C’est leur manière d’élever la voix
Et de se désolidariser.

Les auteurs s’égrainent.
Inconscients, ils flottent devant vos yeux.
Chateaubriand côtoie Verlaine,
Hugo devient plus soyeux.

Les titres divaguent à pleins poumons.
Ils crient la chaleur du soir,
Les après-midis sans fond,
Les blancs matins d'espoir.

Seuls les éditeurs sont sans rébellion.
Ils s’alignent sagement, heureux
De figurer en couverture,
Même en bas, comme des peureux.

Derrière, à voix basse, fusent les éloges.
C’est si dithyrambique, que le silence règne.
Oui, c’est un bien triste épilogue
Que de finir en telle enseigne.

Pourtant, ce soir, à la veillée,
Vous ouvrirez l’un d’eux
Et du bon temps vous passerez
Pour oublier ce jour cafardeux.

©  Loup Francart

14/02/2016

Sous la lame

Sous la lame ronde du vent et de l’eau
Je glisse sur la planche en déhanché
Tel un fil dans le trou d’une aiguille
Qui ressort au bout de ce déroulé

Environné de gouttes et de paillettes
Mon esprit s’enchante de ce bain forcé
Qui nettoie la rouille de l’inertie
Et conduit heureusement  au bonheur

C’est vrai, la rosée n’est plus ce qu’elle était
Elle ouvre son parapluie et coule des jours heureux
Pendant que tu vis, petitement, en solitaire

Repu, tu cours sous la pluie froide
Et te laisses pénétrer des glaçons coupants…
Adieu. Le pôle m’attend, au centre de la croix…

©  Loup Francart

10/02/2016

Beauté

La beauté peut être tendresse
Comme le cou d’un enfant qui vous presse
Et s’endort sans pudeur dans vos bras
Pour encore dire son amour sans embarras

La beauté peut être innocence
Elle va pieds nus sur le sable des sens
Et éveille en vous l’effervescence fatale
Qu’éprouve le marin avant chaque escale

La beauté peut être frivole
Comme la femme avide qui se pose en symbole
Et va au-devant de la gente masculine
Revêtue du mouvement de ses crinolines

La beauté peut être profondeur
Elle vous suit de ses yeux enchanteurs
Et le brouillard divin de son regard offert
Ouvre en votre âme la porte de l’univers

La beauté peut être harmonie
Tel un château fantôme à l’ordre établi
Par la symétrie des sons, des lignes et des couleurs
Qui vous revêt soudain d’une insolite splendeur

La beauté peut être magicienne
Elle vous berce de surprises quotidiennes
Vous retourne d’un doigt habile
Et fait de vous un être étonné et immobile

La beauté peut être légèreté
Et seule vous conduire vers la pureté
Que vous respirez en coup de vent
Et qui vous détourne de vos serments

La beauté peut être vide
Elle installe en vous un poids avide
Et vous conduit dans les affres de l’absence
A la révélation de votre quintessence

La beauté c’est ce rien
Qui, par son parcours aérien
Vous conduit au plus que le tout
Là où l’humain se dissout

©  Loup Francart

06/02/2016

Suis-je réel ?

Suis-je réel ?

Cela vous arrive-t-il de vous demander
Si vous-même n’êtes qu’une seule conscience
Sans limitation ni précise consistance
Errant dans un univers sans finalité

Ou encore, avez-vous imaginé
Que ce que vous voyez est bien réel
Mais que votre personne, elle
N’est qu’une idée effleurant la vérité

Pire encore, ces deux chimères
Se côtoient-elles dans la danse charnelle
Tel un sucre dans la boisson mortelle
Qui refroidit au fond d’une théière ?

Peut-être êtes-vous le non-être
Face à l’autre si plein de volonté
Ou cet autre est-il vierge de réalité
Une amibe transparente dans l’éther ?

Qu’importe ! Vous pouvez être seul
A vous heurter à la matière persistante
Ou, parmi la multitude chatoyante
N’avoir jamais été de chair et de gueule

Votre seule conviction, si floue
Est cette lumière, une petite fenêtre
Qui flotte autour de votre être
Et fait de vous l’unique dans le tout

©  Loup Francart

05/02/2016

Haïku

 

De retour chez toi
Le noir absolu
Elle ouvre. Éblouissement

©  Loup Francart

 

Noirs et blancs, l'éblouissement des mots éclaire l'âme qui erre en toi !

02/02/2016

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

29/01/2016

Renaissance

Qu’en est-il de lui-même ?
Elle bourdonne au fond de lui
La marche silencieuse de son être
Elle est bien là, enfouie au plus profond
Il rit toutes les larmes disparues
Des jours d’antan et des nuits rêvées

Oui, toujours il sut attendre
Ces instants divins et rares
Où derrière la peau si douce
Apparaît le bain chaleureux
De l’entente au-delà de la passion

Elle est partie la caresse des jours
Il ne tiendra plus l’enfant délicate
Et ne modèlera plus l’Ève première
L’être chérie ne bouillonne plus qu’en lui

Mais l’Autre est déjà née de lui
Évanescente et translucide
Comme une goutte d’eau pure

Elle étend son ombre sur l’existence
Et rompt la possession palpable

Oui, elle est Autre et plus que lui-même
Elle est… L’âme…

©  Loup Francart

25/01/2016

Fenêtre

Elle est ouverte
Sans filet sur le monde
Un grand vide, noir de nuit…

C’est de là que montent les bruits :
Feuillages fouettés par la bise
Craquelures d’arbres fatigués de droiture
Envol claquant d’un pigeon insomniaque
Tiens ! Là, une souris, derrière la plinthe...
Oui, la maison aussi peut se plaindre…

Je me penche sur ce trou noir et froid...
Au loin un ver luisant qui divague
C’est une voiture qui monte la colline
L’onde sonore s’épanche et vibre
Elle s’amplifie et frisonne d’aisance
Puis s’épuise derrière la côte, après le virage…

Restent les bruits non identifiables...
Ce grincement des dents d’une lourde porte
Le frottement des écorces dans la haie
Le clapotis tendu d’une carpe dans la mare

L’orchestre de la vie n’a plus le rythme du jour
Et les notes libérées se déchaînent en étincelles
Puis reposent à nouveau dans le caveau obscur…

Je passe une jambe derrière l’appui
Et je m’élance d’un pet sonore dans le silence…

Moi aussi, je ne sais plus ce que je fais !

©  Loup Francart

21/01/2016

Folie

Il a vécu et s’en est allé…
Il n’avait pas envie de partir
Mais son âge l’imposait…

Alors une dernière fois
Il regarda le vide
Se combla de nos visages
Et sauta par-dessus le bastingage…

Emporté par la houle
Pris dans le tourbillon
Des marées et des oscillations
Il fut entraîné au loin
Puis se laissa glisser
Dans l’onde chatoyante
Avec un dernier signe de la main…

Ce n’était pas une fin
Juste une dernière danse
Un pied de nez aux spectres
Qui peuplent l’orange bleue…

Maintenant, dans l’écume cosmique
Erre son image tremblante
Celle d’un petit d’homme
Qui but tout l’océan
Pour y trouver la clef
Ouvrant à l’éternité…

©  Loup Francart

17/01/2016

Derrière

Là, dans ma carapace, isolé
Je me revêts d’innocence
Et me gonfle d’absence…
Devenu univers
Par le trou de la serrure
Je me vois, si petit !

Entre en toi…
Retourne l’enveloppe de chair
Pour faire apparaître
Ton envers derrière l’endroit…
Il n’y a rien, oublie-toi
Et tu vogueras, allégé !

Dans ce puits transparent
Tu plonges dans la nuit…
Dissoute dans le plasma
Ton absence devient présence
Jusqu’à ne plus distinguer
Si tu es dehors ou dedans

Extérieur et intérieur…
Confusion des sensations…
Y a-t-il vraiment une différence
Entre ce que vous pensez
Et ce que vous vivez
Dans ces tressaillements incessants

Contorsion de l’esprit…
Vous empruntez les tuyaux
De l’incertitude et de l’ignorance
Pour atteindre votre être réel
Celui que nul ne connaît
Ce trou d’air qui vous taraude

Alors vous vivez pleinement
Dans ce gaz léger et hilarant
Qui vous entraîne loin de vous
Sur les pistes blanches
Au bord du précipice

Partir, oui
Mais en soi…
Quel saut périlleux
Et quelle délivrance !

Es-tu encore là ?
L’absence devient présence…
Tu t’enflammes

Ton innocence dévoilée
Découvre le cosmos…

Je… suis…

©  Loup Francart

13/01/2016

Années

Tu attendais impatiemment ton jour
Celui, surprise, qui te prenait une année
Tu grandissais si vite ce jour-là
Que tu te situais au sommet de l’humanité
Perché sur une montagne d’années
En équilibre instable, miraculeusement
Défait d’une pesanteur insatiable
Le lendemain redevenait plat et lisse
Tel une tête de chauve un jour de grand vent
Mais ce jour-là, fier de tes années
Sur la pointe de tes petits pieds
Tu contemplais le monde avec ardeur
Partant à la conquête d’une vie future

Puis, les années passèrent, modestes
Enveloppées de souvenirs
Ils s’accumulaient tendrement
Derrière le masque reconductible
D’anniversaires et de paquets
Emmaillotés de papier doré
Il en était de même au premier jour
D’une année nouvelle, séduisante
Parce qu’inexplorée et méconnue
Progressivement le rêve devenait réalité    
Il s’épanchait en volutes frivoles
Conduisait à des impasses illuminées
Par les illusions si longtemps retenues
Et par les succès passés au cirage

Aujourd’hui, chaque jour est le premier
Ou peut-être le dernier
Le premier d’une vie encore vivante
Le dernier d’une vie sans avenir
Où l’on s’enfonce benoîtement
Comme dans un édredon de plumes 

©  Loup Francart

09/01/2016

Haïku

La lune plate

Embrase le lit...

Mort subite

 

06/01/2016

Nature

La nature a ses lois que n’a pas le rêve
L’eau se heurte au rocher sans méfiance
L’œuf casse sa tirelire sans retenir la sève
Seule la fiction agit sans défaillance

Oui, il n’y a rien qui ne vaille ce pincement
Que donne la rencontre de l’immuable
Tout est à sa place, au creux des fondements
Et le songe n’est qu’une évasion pitoyable

Parfois, s’ouvre la porte de la gratitude
La raison ne monte pas sans peine en altitude
Alors... Lâchez le lest et poursuivez nu

Là, un vent frais vous hérisse le poil
Malgré cela vous hissez la voile...
Dans ce monde, nature et fiction sont inconnues...

02/01/2016

Aube

Elle n’ouvre qu’une paupière discrète,
Un regard de biais, en faiblesse.
Elle étire un bras hors des draps
Et engage l’horizon au lever.
Les nuées lui font obstacle,
Un nuage barre l’accès à la transparence.
L’aube des matins d’hiver
Peine à se lever en fanfare.
Enfin, son visage s’éclaire,
Un rayon de feu sur la platitude
S’empare des formes vagues
Et leur donne une allure squelettique.
Ce doigt décharné déclenche
Un ruisseau d’or et de mauve
Qui déferle à vue d’œil
En éclats de diamant
Et paillettes de sang.
L’aube, de ses cheveux blonds,
Ébouriffée sur l’oreiller,
Contemple l’univers endormi,
Écoute l’avertissement des oiseaux
Et attend le retour du hibou.
Le voici ! Il s’engouffre, majestueux,
Dans le bois du vieux saule
Pour y cacher ses yeux béats.
Alors, en un moment divin,
L’espace prend ses dimensions.
Il enveloppe de son corps puissant
Cette aube aux yeux de biche
Et l’élève dans le ciel pur
À sa place de reine, un trône
Tendu d’une main égale
À la contemplation du mouvement.
Telle une femme de feu,
Elle lance la langueur du nord
À l’assaut de l’intercardinal,
Vers ce nord-est ouvert dans l’océan
Où déjà les vagues humaines
S’agitent et s’organisent.
Ont-elles pu admirer l’étrangère
Qui sortit du lit la marée
Et lui fit dire "l’heure est venue
De reprendre votre vocation".
Alors sous les derniers festons,
Encore colorés de pourpre,
L’espace infini du jour
Se revêt de son bleu virginal.

 ©  Loup Francart

Recherche

L’homme est insatiable
Sans cesse occupé à chercher…

Une vie en recherche…
Des grands explorateurs
Il passe aux astronautes
Enfourchant son moteur
Il erre dans la matière
Et palpe toute chose
En les nommant, tel un Dieu…

D’autres inversent la proposition
Ils cherchent en eux-mêmes
Ils se penchent sur leur nombril
Et regardent béatement
Les plis accumulés de leur être…

Ils n’entrent pas dans ces cachots
Qu’y découvriraient-ils ?
Un peu de terre et de salive
Qui, réunis et mêlées, forment boue
Et ne guérit que les corps

Seul l’esprit doit revivre !
Oui, mais… Où est-il ?
Personne ne l’a trouvé !
C’est un parfum trop puissant
Une note trop harmonieuse
Une couleur si chaleureuse
Qu’il est exclu de la connaissance
Et va ainsi dans le monde
Inconnu de la face des hommes…

Toutefois, l’enfant innocent
Voit en lui l’avenir étoilé
Et, regardant au loin
Se laisse guider sans interrogation
Au fil des rencontres ailées

©  Loup Francart

29/12/2015

Feu

Ce n’est pas le feu des nuits d’été
Quand la braise n’en finit plus
Ce n’est pas celui des hivers glacés
Contemplé du haut des monts
C’est un feu doucereux et charmeur
Qui t’entraîne dans le non être
Et tu te vois, squelette errant
Dans le froid des brumes matinales
Et la caresse de la couverture céleste
Vers laquelle se porte ton regard
« Marche vers ton destin qui n’est rien ;
Mais toujours laisse-toi retourner
Par l’embrasement d’un instant unique ! »
 IMG_2662.JPG

Il arrive parfois que celui-ci se renouvelle
Apporte une nouvelle brillance, plus détachée
Au souvenir de cet moment mélancolique
Ajoutant une traine à la pointe de l’âme
Pour qu’elle demeure en mémoire

IMG_2668.JPG

Alors la vie reflue dans les veines
Et s’enfonce plus profondément dans le souvenir

25/12/2015

Cette nuit de Noël

Quand enfants, nous vivions ce jour
Qui n’en était pas un
Parce que la nuit n’était pas une nuit

On se couchait, transis
Dans l’attente du réveil douloureux
Ouvrant sur l’église froide
Et les chants de magnificence

On se coulait, endormis
Sous le manteau d’un proche
Et attendions, vainement
Le vacarme des cloches

On adjurait l’enfant, si petit !
Quelle gageure de rester éveillés
Lorsque du sommeil tirés
S’échappaient les larmes de froid

Enfin du clocher venait l’orage
D'un carillon s’époumonant...

Plongée dans la nuit noire
qui dessinait des sourires ébahis...

Le rêve se précisait, pressant
Vainqueur des inclinaisons de tête
Et de l’absence de conscience
Les yeux ouverts sur l’espoir

Les enfants que nous étions,
Désormais éveillés et vivants
Ayant vécu l’enchantement de l’esprit
Attendaient courageusement à l’entrée
La libération de l’impatience
Et l’envol vers l’affairement
Du déballage des mystères empaquetés

Et bien que couchés tard
Et levés tôt d’excitation fervente
La journée s’écoulait
Portée par une ardeur sans fin

Aujourd’hui, dans le vide du souvenir
Renaît en nous l’enfant si nu
Qui étreint le cœur et l’élève
Dans le cri de l’humanité :
« Viens, toi qui es plus que moi-même
Emplis-moi de ta présence
Transparente et unique »

©  Loup Francart

 

Il nous faut maintenant célébrer cette vie perpétuelle d'où procède toute vie, et par qui tout vivant, à la mesure de sa capacité, reçoit la vie...
Que tu parles de vie spirituelle, rationnelle ou sensible, de celle qui nourrit et fait croître, ou de quelque vie que ce puisse être, c'est grâce à la vie qui transcende toute vie qu'elle vit et qu'elle vivifie...
Car c'est trop peu de dire que cette vie est vivante.
Elle est principe de vie, source unique de vie.
C'est elle qui parfait et qui différencie toute vie, et c'est à partir de toute vie qu'il convient de célébrer sa louange...
Donatrice de vie et plus que vie, elle mérite d'être célébrée par tous les noms que les hommes peuvent appliquer à cette vie indicible.

Denys l'Aéropagite

23/12/2015

Arbre

L’arbre est tenace
Coupez-lui les bras
Il repart à l’assaut du ciel

Sa tronche lui tient lieu de tête
Il sait se dresser sur la pointe des pieds

Mais quand vient la dernière saison
Ses jointures fatiguées se crevassent
Il rend grâce et ouvre son corps aux cieux

Il finit sous la scie, rétractant sa chair fendue
Et s’épanche désormais d’un cœur tendre en volutes de fumée

©  Loup Francart

19/12/2015

Mouche

Incongrue, elle se tient là, perdue,
Sur une assiette, comme morte.
Vu d’un peu plus près, en se penchant,
Elle vibrionne de toutes ses ailes
Et aspire à grandes goulées
Le jus sucré des restes du repas.

Voici la fine mouche du coche,
Parjure et insaisissable,
Fine mouche volant sur les idées.
Elle t’accompagne dans la nuit,
On ne l’entend pas voler,
Elle te pique l’occiput, mais…
Qui peut lui faire du mal ?

Certains ont peur des mouches :
Ce tas de poils dans mon assiette
Où donc a-t-elle traîné auparavant ?
Sortie d’un manuscrit serré,
Ses pattes deviennent illisibles
A celui qui les tente avec du vinaigre

D’autres les préfèrent sur le visage
En décor inusité et pointe d’asperge
Sur le nez ou la joue câline.
Ce grain de beauté sur le décolleté
Donne des ailes à la gent masculine.
Les mouches les attirent impitoyablement.
Quel aérodrome délicieux, se disent-ils.

Certaines peuvent servir de modèles
Aux bateaux parisiens qui se piquent
De montrer le meilleur de la capitale
En courant d’est en ouest ou inversement.
Artificielles, elles ne sont qu’un appât
Qui attire le touriste au centre de la cible.

La mouche devient indicatrice.
Elle espionne pour le compte d’un autre.
Portée sous la lèvre inférieure
Et dénommée la Royale ou l’impériale,
Cette petite boule de poils renforce
L’ardeur de l’éclaireur ou mouche d’escadre.
Elle ne peut servir à cacher le visage.
Juste faire mouche un instant d’égarement.

Dieu, que d’imagination pour cet insecte
Qui vaque et prend la rage
Sans qu’on ose lui faire du mal.
Mais que vaut-il mieux ?
Disposer d’un chasse-mouche
Ou être piqué par les mouchetiques…

©  Loup Francart

08/12/2015

Prière au Tout Autre

Toi, au-delà des mondes visibles et invisibles
Plus intime à moi-même que moi-même
Un et inconnaissable
Contenant le tout et contenu en tout
Merci à Toi, si proche et inconnu
Qui s’empare de mon être et le presse
Sur le vide intense de ta présence
Tu es là, hors de toute raison
Sans jamais te nommer ni te dévoiler
Et tu m’aspires en Toi, en toute liberté
Sur la seule foi de la confiance
Qui m’étreint et me bouleverse
Fais de moi ce qu’il te plaît
Permets que je me noie en Toi
Qu’encore et toujours, à chaque instant
Je n’oublie pas ta brise divine
Et avance les yeux ouverts
Sur la splendeur de ta création
En moi et hors de moi, entre le zéro et l’infini
Au-delà de tout toucher et de toute pensée
Dans ce lieu qui n’est pas moi
Et que je nomme Toi

©  Loup Francart

04/12/2015

La légèreté

Quel curieux mot… Légèreté…

La légèreté peut être habileté
Elle signifie la souplesse et l’aisance
De l’homme dans le monde et la vie

Mais elle exprime également
Le peu de poids à lui accorder
Le manque de consistance
L’étourderie et la désinvolture

Peut-elle être à la fois
Synonyme d’élégance
Et manquer de consistance ?

Notons qu’elle ne passe pas
Du positif au négatif en utilisant le zéro
Non elle saute à pied joint
D’un côté à l’autre de la ligne
Sans disparaître ou manquer d’être

La légèreté et un rêve réel
Une vision de l’invisible
La brume du vécu
Dans l’absence de mémoire

Curieux comme cette légèreté
Donne de la profondeur

©  Loup Francart