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15/11/2012

Eternité

Un coup de tonnerre
Un grattement d’ongle de la main de Dieu
Qui retire toute démangeaison
Dans cette cloche de verre opaque
Où j’erre dans la solitude
Quel choc !

Cela n’a ni commencement, ni fin
Mais une énergie infinie
Qui se renouvelle sans cesse
Sortez donc la boussole
Elle n’indique rien
Tout est en tout
Ou encore
Rien n’est en rien
0 + 0 = 0
Ou encore
∞ + ∞= ∞

Ce n’est pas que rien ne bouge
Au contraire… Tout s’évapore
Emporté sans retour
Vous filez en éclair
A la pointe du progrès
Le cycle est accompli
La cuisine est finie
Plus de pâtés
De la consistance vide
Du son sans ouïe
Des images sans lumière
Le vide au bout des doigts

Vous flottez dans l’éther
Vous vous diluez dans l’espace
Chaque instant est tous les instants
L’éternelle éternité
Mon Dieu, quel ennui !

Eh bien non…
Revêtu de pourpre et d’or
Vous marchez la tête haute
Comme un roi en balade
Ou un gueux dans la fange
Plus rien ne vous touche
Même votre propre présence
Vous paraît absence

Qui suis-je, moi
Pour vous dire
Ce que personne ne sait ?
L’éternité devenue présente

11/11/2012

Apparition

Vêtu de noir, il possédait tout
Si jeune et déjà propriétaire dans le ciel

Il sonna à la porte, doucement
Entra sur la pointe des pieds
Et son sourire chaleureux
Fit passer de la rue obscure
Au seuil encaustiqué
La lueur violette et transparente

Son regard perçant noircissait
La matière des objets entassés
Plus loin…  Il cherchait l’inconsistance
L’atome derrière le toucher
La tranche pénétrable
Du vide au-delà de la rugosité

Parfois il s’enflammait
Les mains fermées sur sa vision
Tenant la pomme imaginaire
D’un Adam révolu, mais présent
Le divin insaisissable
Ouvrait ses portes aux gueux
Et caressait avec tendresse
Leurs pensées sauvages

A d’autres moments,
Il apparaissait souverain
Dans sa robe noire
Comme une mariée
Il allait à l’aventure de la vie
Tenant sa citrouille haute
Illuminant son chemin
De la clarté de la vérité

Il repartit tôt, encouragé
Auréolé de pièces bigarrées
Paysan, intendant, apôtre
Sachant tout faire
Ignorant le savoir
En connaissance d’instinct
Avec la lumière divine

07/11/2012

La turpitude

La turpitude est-elle devenue morale ?
Ignominie et indignité, criaient nos grands-pères
Mais nous qui la côtoyons chaque jour
En avons-nous tellement horreur ?
L’âne nu se délecte de son attitude
Devant ces dames en sous-vêtements
Pourtant rien ne le distingue
Du personnage à trogne rougie
Qui joue du saxo devant notre porte
Et qui tend la main fourchue
Aux passants qui s’écartent, désorientés

La honte soit sur eux, ces avatars
D’une dissolution indélébile !
Ils avancent main dans la main
Comme deux gendarmes poursuivant
La folie du genre humain
Et regardent de tout côté
Si l’œil du cyclone n’est pas perdu
Ou seulement égaré

Oui la turpitude n’est plus ce qu’elle était
Elle s’est apprivoisée
Et ne court plus dans la campagne
Mais dans les chambres maudites
De ces hôtels où se concentrent
La caresse de l’interdit et du stupre

Et le noir désir qui chatouille la pensée
Tourne autour de chacun, vertigineux
Comme un ouragan tourbillonnant
Et pénètre par l’œil et l’oreille
Dans la loge cachée et rouge
De l’adolescent qui sommeille en vous
Au fond du désir indécent

03/11/2012

Brillent les larmes

Brillent les larmes dans les feuillages
Jour endeuillé de coton
Le son étouffé des corbeaux
S’entend d’un champ lointain

A nu, regarde-toi
Tes mains de glace
Comme la caresse de la mort
Autour du cou

Vienne la source chaude
Des réminiscences d’été
Quand tu courrais dans le sable
Après l’élan du cœur

Aujourd’hui seuls les crépitements
Sur le toit encombré de mousse
Jouent le rythme endiablé
Des veilles d’hiver

La vacuité te déleste
Va, contemple d’en-haut
L’horizon courbé
Envole-toi vers l’inconnu

30/10/2012

Renouvellement

Avance, avance encore
Jusqu’au bord de l’abîme
Là où la terre quitte le ciel
Pour s’enfoncer dans le rien
Nuit d’or et de pierres précieuses
Constellée de cris sauvages
De souvenirs et de regrets
Attachant de couleurs humides
Coupant dans l’histoire d’une vie
Et chaque aube lève son voile
Sur le désastre des pensées

Aujourd’hui encore, avance
Quelques pas de plus
Lève la tête, respire la pluie
Prends ta douche d’aventures
Engrange ces petites victoires
Comme le pain des pauvres
Et le soir, dans ce lit dévasté
Mange la croute râpeuse
Et la mie indigeste
Des échappées de l’oubli

Dans ce brouillard interminable,
Surtout, n’oublie pas
Ce qui t’anime chaque jour
Ce creux dans l’estomac
Qui te conduit aux portes
De la béatitude inavouable
L’élan vital, la passion fulgurante
Qui prend l’être en un instant
Et fait de lui l’ombre des dieux
Création, déjection, vomis ton désir
D’être autre et toi-même
Et délaisse les rivages
De précaution et d’ennui

Lentement bâtis cet être nouveau
Sans regard en arrière
Et contemple la marche naturelle
De ce qui devient toi
Même si tu ne le connais pas

Que chaque acte te soit propre
Renouvelle ta vue et tes pensées
Ouvre le devenir à l’inconnu
Jusqu’à l’extinction

26/10/2012

Le masque

Tous portent un masque, toi comme l’autre
L’ignores-tu, l’oublies-tu ou le sais-tu ?
Peu importe, te voilà pourvu d’un refuge
Et d’un mensonge permanent

Il y a le masque de la dignité outragée
Le masque de la camaraderie sociale
Celui de la pudeur du timide
Et celui du voyou belliqueux

Le poids du masque est variable
Il peut être léger comme l’air
Découvert, il s’évapore
Et révèle l’autre moitié de Janus

Il peut être utile dans l’ampleur du soleil
Il est indispensable au souffleur de verre
Comme au sidérurgiste face au feu
Il protège le délicat des déchirures

Il est parfois le fait de dames en-maquillées
La peinture leur va bien, tache rouge
Sur fond blanc des geishas immortelles
Qui jouent leur rôle, immuables

Le plus beau masque vient de celui
Qui ne sait qu’il en possède un
Il va de par le monde sans pudeur
Et cette absence est celle de l’innocent

Bas les masques ! Qu’enfin règne
La beauté sans partage, nette
Des visages rajeunis et radieux
D’hommes et de femmes sans mensonge

22/10/2012

Elle est revenue

Elle est revenue cette hantise
Elle vous tient le cœur et la main
Je la laisse parler, féconde
Comme il est difficile d’obéir
A cette voix interne et incertaine
Qui joue à cache-cache
Un mot en éveille d’autres
Un autre en voile certains
Une distraction rompt l’enchaînement
Revenir sur ses pas, doucement
Et reprendre le fil des mots
Cette liqueur qui coule abondamment
Sans jamais se répandre intégralement
Elle babille, splendide d’hésitation
Elle sort sa tête parfois,
Elle peut se taire, muette et absente
Pour revenir ensuite à petits pas
Et encourager la caisse de résonance
D’un son maigre, mais ferme
Elle a un goût amer et reconnaissable
Le sablier se déclenche et fuit
Le désert envahissant me submerge
A gauche
Les eaux débordent
A droite
Les berges sont à sec
Au milieu, rien, le néant

Où donc avais-je donc la tête ?

18/10/2012

Dehors

Pour qu’il y ait un dehors, il faut un dedans
De deux choses l’une, je choisis l’extérieur
Ce lieu d’espace, sans portes ni fenêtres
Où se perd le regard et s’usent les pieds

Dehors n’est pas qu’un mot, même bref
C’est une philosophie sans développement
Partir sur son nuage, la tête vide
Et revenir chargé de souvenirs prolixes
A conter aux enfants des autres, ébahis
Au fond d’un lit bien chaud, en hiver

Oui, on raconte bien le dehors extravagant
Lorsqu’on est dedans, lié par la somnolence
Ce sont des histoires à coucher dehors
Ecoutées avec la gravité d’un magistrat

Toute voile dehors, ils filaient sans vergogne
Le cœur léger, vers l’aventure cinglante
La faim au ventre, la soif toujours
Jusqu’au retour vers les ports inconnus

Sauver les dehors, entendons-nous crier
Et la façade bien nette, proprement nettoyée
Impose au passant son apparence offensive
Quel voile de vertus s’agite sous nos yeux ?

Extraverti, il raisonne en tambour
Il s’ignore, incompétent, sans moi intérieur
Où donc se cache la fumée de l’être ?
Quel brouillard, on n’y voit goutte !

Cette cloison qui sépare toute chose
Fait-elle l’exclusion du dehors agissant
Au profit du dedans chaud de réflexion
L’œil blanc, l’homme se regarde vivre
Et enfle ses propos de reflets brillants
Mais inutiles aux oreilles fanées

Quel juste équilibre permet de s’engager
Dans une conviction sans partage ?
Le funambule avance sur sa corde raide
Le dehors devient vertige insoluble
Seul le balancier rattrape la peur
Equilibré par la concentration

Oui, plus rien ne nous retient encore
Saute, te dis-je, et vogue l’âme !

14/10/2012

Histoire

Histoire,
Histoire de tes vingt ans,
Histoire de nos années passées
Et de celles à venir
Cette histoire que tu racontes
Toujours semblable, jamais la même
Entre deux sourires
Pour notre émerveillement

Vous découvrirez aussi les histoires
Celles de quelques milliers d’hommes
Qui vécurent ensemble et s’aimèrent parfois
Et nous sommes parmi eux
Vivant notre amour
Pour partir un jour

Géographie
Géographie de nos vingt ans
Celle de notre paysage
Et de nos attitudes diverses
Comme une carte du monde
Comme un monde sans fin
Que je découvre au fil des ans
Jusqu’à celui de notre achèvement
Où nous irons ensemble nous aimer
Éternellement

12/10/2012

L'art, peinture et poésie

« J’ai dit que la poésie devait assaillir le système nerveux, la peinture aussi. Peinture et poésie sont pareilles. Un choc visuel ici, un choc auditif là. Quelques mots suffisent parfois pour le créer alors que les longs discours de Shakespeare ou de Racine le réduisent. » (Francis Bacon, dans Comment dire la grâce en peinture, écrit par Dominique Vergnon, Editions Michel de Maule, 2010).

 Que cherche-t-on dans un musée ? Sûrement pas à voir chaque tableau dans sa profondeur et sa vérité. Ce n’est pas possible. Notre capacité à nous laisser séduire par une œuvre d’art a des limites. Non, nous marchons, nous regardons, admirons de l’extérieur, jusqu’au moment où le flash survient. En un instant l’œil voit autre chose, un éclair de libération, une bouffée d’invisible qui vous prend le corps et l’esprit et vous rend autre. On entre dans une autre dimension, plus large, plus aérienne, mieux dotée de pouvoirs magiques, qui fait dire : Que ce monde est beau. Et il en est de même pour la poésie. Une phrase nous transperce, déclenche une cascade d’étoiles autour de nous, et nous permet de nous oublier nous-même.

« L’art est un mensonge qui aide à comprendre la réalité », disait Nietzche. On pourrait inverser la proposition. L’art est la seule façon de saisir la réalité parce qu’un chef d’œuvre ne peut mentir. Car la compréhension de l’art est au-delà de l’œil, il est dans cette combinaison difficile du regard, de l’intuition et de la connaissance qui, par une alchimie subtile, embrase l’être et le transforme.

 

10/10/2012

Egarement

Perdu, même en lui-même
Il se cherche
Il regarde sous ses vêtements
Où se trouve son corps ?
Il ne voit que du blanc
Pure colombe sans duvet

Caresse. Ses mains secouent
La peur du lendemain
Les heures sonnent au clocher
Et sortent lentement du rêve
Quel lieu insolite
Que celui des nuits
Noir, calme, vide
Prison ouverte sur le monde
L’esprit dénote et s’embrouille
Les yeux se ferment
Sur le mensonge des pensées

D’autres folies peuvent surprendre
Elles incitent, elles bousculent
Elles vous prennent le cœur
Et vous voilent la lumière
Projeté hors de vous
Vous errez sur le fil de soie
Sans jamais tomber
Ni vous arrêter

Où donc ai-je la tête ?
Je la porte lourdement
Elle me regarde et rit
Les yeux fermés
Sur les rêves enfiévrés

Je me suis égaré
Sur la route de la vie
Et poursuis mon chemin
Sans canne ni soutien
Allons, remets ta tête
Sur les épaules larges
De l’avenir sans horizon

06/10/2012

La résonance

Sonne la campanule dans l’église
Résonne son timbre dans la mémoire
Qui diffuse la fraicheur d’un dimanche
Et l’éclat d’un rayon sur les vitraux

Terre et lune sont elles-mêmes en résonance
Comme deux vieilles sur le pas de leur porte
Devenues jumelles par mimétisme
Elles errent dans leur vie trop large

Chaleur et mirage, effet de la réverbération
L’œil se lasse de se vouloir ouvrir
Alors que l’obscurité étincelante
Réduit la pensée au battant qui vibre

L’écho intérieur est plus puissant
C’est une vague qui submerge l’être
Et qui tintinnabule dans la poitrine
Eclatante de verdeur juvénile

Cette résonance profonde fait chavirer
Vos plus intimes convictions
Et vous entraîne dans des paysages
Aux couleurs chimériques. Flash !

Le coloriste émet ses signaux
En tonalités multiples et souples
Et le regard se noie dans le nuage duveteux
Emportant la magie en écho

Nostalgique est la résonnance
Qui tinte, inflexible, la même mélodie
Elle chuchote dans l’oreille qui l’attend
Et d’un baiser vous emplit l’âme

02/10/2012

Terre

La terre entassée, lourde, dure, et pourtant belle
D’un pouvoir d’arrachement de soi égale
A sa collante attraction de pesanteur
Oui, mes membres ne sont plus à moi, mais à elle

Elle peut être pomme, velouté et rondeur
Que l’on tient dans sa main, charnue
Avant de la cuire à sa convenance
Et de s’emplir de son goût si varié

D’autres sont terre à terre, face contre face
S’observant en combat, les yeux exorbités
Et bouillonnants d’impatience d’en venir aux mains
Les pieds encrés dans la chair de la glèbe

Parfois elle se sent battue, piétinée par l’humain
Et, humblement, silencieusement,
Elle se couche à ses pieds, en attente
Comme une femme enceinte, à son terme

Cuite, elle devient bronzée, comme l’olive
D’un soleil chaleureux et odorant
Admire la pâte devenue autre
Objet de convoitise et rêve de beauté

Quand le cavalier met pied à terre
Il descend de son nuage, blanc d’écume
Et semble un fantôme évadée
Des rêves d’enfants devenus grands

Elle fut promise à beaucoup, mais peu
Poursuivirent jusqu’au bout
Aussi semble-t-elle un mirage, incandescent
A  qui la regarde de loin, en rêve inconnaissable

De Sienne, elle se colore d’ocre, de brun et de rouge
Son bonnet s’enflamme parfois, la faisant brûlée
Mais naturelle elle est femme dans son huile
Et revêt son chaste abandon au désir

Jean s’est trouvé sans terre, orphelin
Des îles de propriété, rien, sans pain
Ni même un souffle de désir
Esclave du temps et de l’espace

Adélie, elle s’appelle vierge et animale
Pourtant les glaces survivent, raidies
Transparentes d’un long séjour
Au royaume de la mort coupante

Malgré tous ces défauts les vers
Se régalent de leur pâtée quotidienne
Creusant inconsciemment dans la nuit
Des routes tracées et significatives
De la vivante résurgence de tant de naissances

27/09/2012

La plaine

L’espace ouvert à perte de vue, sans obstacle
Le temps s’arrête dans cet horrible désert
Pourtant c’est là que se tient la richesse
Là où poussent les plantes nourricières

Parfois s’incrustent un fil d’argent
Dans ses profondeurs veloutées
Il courre en lacets au gré de l’invisible
Comme un couteau ouvrant la peau
Et ses flots sont la respiration
De ces terres, poussière ou limon

Parfois noyée, la plaine est abyssale
Et s’enfonce dans les mers
Lorsque les eaux sont au plain
Les vaisseaux les labourent
Visibles au seul plain de la poupe

De plain-pied dans ce malentendu
La plaine s’oppose à la montagne
Sur les bancs de la Convention
Et vote à l’opposé les lois de la république

Morne est la plaine de la défaite
Wellington serait-il vainqueur ?
Pourquoi tous ces coups échangés
Pour finir en exil, sans un regard d’envie

Dans l’espace du plain-chant
Rien n’émerge de cette monotonie
L’unisson y est la règle stricte
Les autres chants seraient-ils vides ?

Le plain est sans obstacle
Lisse de laine tissée
Quelle contradiction avec le plein
Qui suggère la hauteur et la profondeur
Empli d’une multitude de tout

 

23/09/2012

Un instant

Qu’est-ce qu’un instant ?

Pour beaucoup, ce n’est qu’un petit espace de temps
Mais pourquoi nous parler d’espace lorsqu’il s’agit du temps
Serait-ce un petit coin de paradis, ou d’enfer parfois
Un papillon qui s’envole dans l’espace à partir d’un toit ?

D’autres le voit plus long, ils le situent dans la durée
Mais cette continuité infinie du devenir appartient au passé
Comment concilier cette anomalie précaire
D’une définition juste bonne à un bibliothécaire ?

Un instant, c’est aujourd’hui, c’est maintenant
C’est le t que j’écris et il est déjà passé pourtant
Dans cette course du temps, ne nous arrêtons pas à cela

L’instant, c’est l’éclair d’un sentiment ou d’une impression
C’est une note de musique sur la vague des émotions
C’est le moment crucial où tout s’arrête, là

19/09/2012

Passion

Passionné je suis, pour tout et tous.
En même temps, indifférent et solitaire,
Aux autres et à moi-même.
Je préfère voler dans le ciel pur !

Fruit de la passion : l’achèvement de l’œuvre.
Alors vous la laisser partir, mener sa vie
Propre, sur sa barque enchantée,
Et vous contemplez ce désir qui fuit.

Plus rien ne vous rattache à l’objet
De vos attentions longues, hésitantes.
Il s’en va solitaire et vous laisse seul,
Face à une nouvelle inspiration, en ébullition.

L’énergie de la vie et de la mort.
Quelle émotion ! Je bous, je tremble.
Plus rien d’autre ne m’attire.
Ce nouveau mirage est mon unique bien.

Si cette passion devient amour, libre à toi
Le mirage se transforme en paradis
Et vous montez, bulle d’air
Au plus haut des cimes de votre exaltation

Mais passion signifie aussi mort cruelle
Asservissement au destin des grands hommes
Ou de l’inconnu ignoré et découvert
Lorsqu’enfin son corps repose, détendu

Quel mystère, un si grand bonheur
De telles peines encouragées et joyeuses
Comme le fil ténu à tirer sans cesse
Jusqu’à l’instant ailé du mot fin

17/09/2012

Rencontre

Rose pâle d’un ciel du soir
Lorsque l’ombre gagne les clairières
Et envahit le mur encore chaud
Arrivée dans cette atmosphère
Où rien ne trouve l’équilibre
Et se trouver apaisés, allégés
Par l’étendue des voiles du cèdre
Qui volent au-dessus du moulin
Et s’enfoncent dans le miroir de l’eau
Elle coule avec parcimonie
Mais respire la quiétude éternelle
L’envie soudaine de s’y plonger
Dominés par les murs rafraichis
De ce rose tenace et bienvenu
Nous contemplons le vide
Prêt à prendre notre élan
Pour sauter à pieds joints
Dans le salon gris
Ouvrant sur ce paradis

13/09/2012

Nuit

Plus rien !
Le vide,
L’absence,
Un désert inexistant,
Une coque sans fond,
Et résonne dans le crâne
La présence du trou
Mais comment le cueillir
Puisqu’il n’est rien ?

Je le sais…
Ce rien devient le tout
Lorsque vous vous oubliez

Parti le chatoiement des pensées
Partie la tendre ficelle du raisonnement
Partie encore la solide résurgence
D’une mémoire qui s’éveille
Vous reposez, ignare de votre savoir
Et vous laissez votre main
Dans la sienne, petite, accueillante
Votre sourire vaut de l’or
Mais vous ne savez pas votre richesse
Elle s’échappe en volutes colorées
Et prend son autonomie
Pressée d’en finir avec vous

Oui, perdu dans l’obscurité,
Sur vos yeux fermés au monde
Vous respirez encore, petitement
Du bout des lèvres roses
Dans le tremblement du drap
Vous êtes revenu à l’enfance
Avant même cette origine connue
Dans le calme défi des matins d’hiver
Pelotonné sous les monceaux
D’images qui surgissent, prenantes
Et vous font perdre les repères
Que donnent le jour et l’éveil

Fraicheur du souffle de la nuit
Quand l’air s’encombre de verdeur
Vous entendez le cri des nocturnes
Et Chopin entre dans votre rêverie
Un pas ou deux, une valse lente
Des hésitations d’un jour
Jusqu’à l’endormissement

La vie pourtant subsiste
La couleur des déplacements
Comme des ombres noires
Qui défilent devant le blanc
L’odeur tiède du foin
Qui sèche sur la terre mouillée
Le goût sans faim, acidulé
Du vol de la chauve-souris
Dans l’espace restreint de la chambre
Et la caresse inconsciente
Des mains unies de l’amour
Qui vous porte chaque nuit
Sur les monts de la reconstruction

09/09/2012

Réminiscence

Je suis, j’étais…

Quelle distance entre les deux
Combien de jours et d’années

Et revivre cet instant
Où dans l’étroit fil du temps
On saute à pieds joints en arrière

Sons et parfums de notre enfance
Qui s’imposent au présent, absurdement
Au détour d’un regard, d’un geste
Et frissonne d’une image du passé

Cette cloche qui résonne dans ma mémoire
Et fait naître un moment de connivence
Avec celui qui était, il y a loin, longtemps
Et qui revient un moment, ténu
Fil d’araignée qui tinte dans la tête

Perdu cet instant du passé ressurgi
Reprendre la quête du souvenir
Revenir à la seconde de l’étincelle
Quand émerge du coton des souvenances
La peau de pêche des fauteuils du salon
Ou le grincement aigu de la porte de la cave

C’est parfois un visage qui mène la danse
Et tourne le manège des êtres et des choses
J’entends ses rires dans la fraicheur
Ils chatouillent ma peau d’enfant
Et le poil hérissé devient duvet
Qui chante la musique du passé
Le temps d’un coup de vent

Lisse ton histoire entre hier et demain !

05/09/2012

Voyage

Aller et retour ou aller simple
Ainsi commence ce chemin que vous prenez
Et qui vous conduit vers l’inconnu
Et vous-même ne savez pas ce que vous faites
Partir et revenir ou fuir pour toujours
Ce quotidien des repas et conversations
Ces rires de convenance et d’ennui
Ce nid bourdonnant de frelons
Prêts à vous défigurer


Un voyage, c’est un bout de lune
Avalé en quartier, acide, à l’odeur forte
Vous détournez la tête d’abord
Pour ensuite la garder levée
Vous humez l’aigre vent du large
Et montez sur le navire enchanté
Qui vous conduit dans d’autres paysages
Vous n’avez plus d’attache
Et vous errez sur le balcon léger
D’où vous vous élancez, éperdu
Pour flotter sur les mâts perpendiculaires

Choisir le cabotage est une manière
De ne pas partir tout en n’étant plus là
Vous restez suspendus à vos habitudes
Et toute nouvelle figure fait encore
Fuir votre propension à vous ouvrir
Mais le voyage au long cours
N’est pas pour les freluquets
Qui ont peur de leur ombre
Laissez-la s’allonger vers le soir
Qu’elle tresse une couronne
Sur votre visage renouvelé

Il arrive qu’un voyage se transforme
En une expédition savante
Vous partez avec armes et bagages
Pour un pays qui ne vous connaît pas
Pour faire connaissance
Vous amenez votre sourire
Mais rien ne vous garantit l’immunité

Mais y a-t-il de plus beaux voyages
Que ceux que l’on fait en esprit ?
Quand de votre chambre
Vous voyagez sans bagage
Dans des pays inconnus de tous
Que vous concevez selon le besoin
Pour flotter sur un matelas
De caresses, de senteurs, de bruits
Inconnus de la population ambiante
Parce que vous le fabriquez
Aux fils de votre imagination
Comme un illusionniste intérieur
Musique de chambre en pantoufles
Vous écoutez la voix du sang
Qui borde de solitude
Vos désirs de paysages nouveaux

 

Voici la fin du voyage
Où es-tu l’ami ?
Au pays des songes
Ou en consistance matérielle ?
Que le voyage soit
Dans le frôlement de l’imagination
Ou le choc du toucher
Et qu’au retour
Enrobé du miel de la félicité
Vous retrouviez votre chambre
Ultime recours
A l’ajustement
De votre équilibre
Précaire

 

01/09/2012

Le monde s'est évadé de ma mémoire

Le monde s’est évadé de ma mémoire

Aux confins de l’univers
Je contemple l’inconnu
Et je ne le reconnais pas
La couleur elle-même ne fait plus loi
La forme n’atteint plus sa plénitude habituelle
Musique sans notes, aigrelette

Tourne toujours le manège
Dans la tête ou le cœur
Mais à vide, sans consistance
Comme un vent de fronde
Dans le calme des matins d’hiver

Il ne me reste plus que le souvenir
De jours et de nuits délaissés
Quand le temps coulait encore
Qu’il glissait sur nos fronts
L’enlaçant d’une obscure fraicheur
Lui donnant un teint de pêche
Et ravissant nos danses ondulantes
Devant le cerceau de l’écoulement des jours

Oui, nous dansons tous
Mais de manière différente
Le chat ondule
Le canard se dandine
Le cheval se cabre
L’hippopotame s’ébroue
La puce saute
Clair-obscur des attitudes
Dans la tempête de l’avenir

Dorénavant, j’irai sur la pointe des pieds
Chanter l’angélus à la lune
Je hurlerai la soif des humains
Et la faiblesse de leur rapprochement
Pour enfin m’étendre sur la pierre froide
Et contempler la ronde sans fin
Des hommes et des femmes
Qui courent dévêtus de pudeur
Devant la vie qui va, qui vient
Sans vraiment savoir
Ce qu’il en advient

Détaché, je suis
Tant et tant que plus rien
N’atteint mon cœur de pierre
Le satellite passe, rose
Dans le ciel vert
Un petit pois précis
Qui parcourt sans faiblir
L’espace de la journée
Et je tourne en rond
Autour d’une boule ronde
Jusqu’au vertige
Et la chute, douloureuse

Rendors-toi
Retire-toi de tes songes
Et laisse le vent
Emporter tes lambeaux
De vie,
Pour enfin dormir
Unique

31/08/2012

Noir et blanc

 

poésie, peinture, dessin, poème, littérature, écriture, art cinétique, optique art

 

Noir et blanc


Ils sont mariés depuis des lustres
Ils vont bien ensemble, ils s’aiment
Le noir soutient le blanc
Le blanc reçoit le noir
Et l’un et l’autre enchevêtrés
Soutiennent le monde des formes
Certes, pas celui des couleurs
Qui folâtrent autour des régnants
Qui trônent au-dessus des flots
D’une multitude bigarrée et indécente
Comme il tranche ce trait
Et un trait, suivi de plusieurs autres
Devient un monde en soi
Qui divague dans l’obscurité
Blanche, infinie et froide
Ainsi se fabrique l’univers
Du rien apparaît le tout
Ou juste un petit peu de matière
Comme une pomme sur un arbre
En hiver, aux premières gelées
La tache noire sur fond blanc
A-t-elle une signification ?
N’est-ce pas un présent
Du passé et de l’avenir mêlés
Il faut trancher, noir ou blanc !

  

29/08/2012

Qu'est-ce que la poésie ?

Qu’est-ce que la poésie ?

Si on ouvre le dictionnaire, on lit que la poésie est un genre littéraire associé à la versification et soumis à des règles prosodiques particulières, variables selon les cultures et les époques, mais tendant toujours à mettre en valeur le rythme, l’harmonie et les images (Centre national des ressources textuelles et lexicales : http://www.cnrtl.fr/definition/po%C3%A9sie).

Belle définition, mais qui ne nous fait pas rêver. Or la poésie, c’est une chimère mise en bouteille. Peu importe le genre d’écriture, ce qui compte c’est l’évocation surgie de l’imagination d’un fait, d’une sensation, d’une attitude, d’un sentiment ou toute autre chose. En un mot, une phrase, l’événement évoqué revient à l'esprit alors que la mémoire factuelle l’avait complètement oubliée.

Mais considérons que la poésie est comprise différemment par le poète et ses lecteurs. Dans le premier cas, c’est en lui qu’a surgi la formule mystérieuse qui rappelle l’événement, ce poème, cette petite phrase, ce petit mot, qui sous la seule force d’une image, une comparaison ou toute autre litote poétique évoque un instant particulier empli d’un charme distinctif. Il est évident que sa relecture lui permet aussitôt d’enchaîner sur le souvenir. Dans le second cas, celui du lecteur, celui-ci n’a rien à quoi se raccrocher pour évoquer l’événement que l’auteur cherche à lui faire partager. Seule la pudeur de l’expression lui permet d’évoquer l’événement. C’est là que se trouve l’alchimie véritable de la poésie, la transmission de l’intimité de l’auteur, la vision nue de son âme, comme si le lecteur chaussait des lunettes de vérité et que la brume de la relation sociale s’estompait pour faire place à une communion jusque-là impossible. Certes cette communion varie selon de nombreux critères : la culture commune, le thème abordé, l’humeur du moment, l’affinité entre deux êtres, l’auteur et le lecteur.

Tout ceci pour vous dire que toutes les définitions de la poésie qui n’évoquent que les aspects purement techniques de la poésie ne sont que des façades qui affichent une indifférence du genre littéraire pour se lancer dans l’intellectualisme cher aux Français. Oui, reconnaissons-le ces définitions sont vraies, mais disent-elles la vérité ? Quelle question idiote, me direz-vous. Eh bien, peut-être pas. Il y a l’apparence et la consistance, la forme et le fond, la construction conceptuelle et l’âme évocatrice. Or, avec la poésie, nous sommes à la recherche non pas du temps perdu, mais d’un événement sensible qui nous a donné une nouvelle vision de nous-même, de la vie, du monde. Cet événement est perdu pour le souvenir factuel et il resurgit à travers l’évocation d’une image qui ne nous permet certes pas de revivre l’événement, mais de revivre l’impression ressentie ce jour-là et de faire vivre l'événement à ceux qui ne l’ont pas vécu.

C’est la magie de la poésie, sa folie et le bonheur qu’elle engendre. Elle conduit à l'intimité totale : je suis celui qu’était l’auteur au vécu de l’événement. D’une vie, je vis plusieurs vies et celles-ci me comblent du bonheur de l’intimité réelle. Mieux même, je n’ai nullement la sensation de ce dédoublement, l’auteur n’existe pas indépendamment de moi, je vis ce qu’il a vécu et c’est bien moi qui le vit. L’auteur a disparu.

Alors remercions-le de cette évaporation voulue qui nous laisse pantelant et émerveillé.

 

28/08/2012

Pluie sur un moment de campagne

Il faisait chaud ce début d'après-midi. Je m'arrête au bord de la route pour contempler un village dans le lointain qui laisse passer les nuages, indifférent à l'évolution du monde. A côté, un élevage de poules qui ne cessent de faire entendre leurs voix. Et l'éternité se dévoile, le temps s'arrête...

Elles caquettent, elles caquettent…
Remets-toi de cet engourdissement

Dans l’audition de l’après-midi d’été
Le souffle emporte le vague à l’âme

Couche sur couche le nuage passe
Preuve que le temps coule toujours

Urticants, les orties bardées de fleurs
Qui secouent leur peine au creux du chemin

L’immobilité, comme un sort attaché
A ce vide plein de vert comme un océan

Parfois… Non, deux fois
Passe un avion, peur de l’air

S’en va la ferveur nouvelle
Pour chaque goutte tombée

25/08/2012

Pour la poésie

Je reprends à mon tour cet article qui me semble intéressant au delà de la polémique actuelle. Il est diffusé dans le blog de Trsitan Horde, intitulé Littérature de partout, excellent blog pour qui aime la poésie et la littérature.

 

Je reprends ci-dessous le texte paru dans la page « Rebonds » de Libération du 17 août 2012. À diffuser !
À l’heure où certains imaginent fondre la poésie dans un vaste ensemble réunissant le roman et le théâtre (1), il est peut-être bon de rappeler la place que peut occuper la poésie au sein de la littérature. Et ce dont, pour nous, «poésie» est le mot.
 
En ces temps de crise inédite, alors que les désastres ne sont plus seulement derrière nous ou à côté de nous, mais bien devant nous, est-il encore temps de s’arrêter au vieux mot «poésie» ? Les modernités littéraires successives ont, chacune à leur manière, déclaré la caducité de ce terme, son invalidité, en même temps qu’elles en refondaient les puissances. La mort répétée de la poésie, l’adieu qu’elle ne cesse de se faire à elle-même, inscrivent sa dynamique dans une interrogation et une incertitude qui, paradoxalement, lui redonnent légitimité aujourd’hui.
D’autres l’ont dit avant nous, dans la saturation des discours et des mots usés qui opacifient le réel de leurs fausses évidences, l’écriture poétique ouvre parfois une brèche. Par une sorte d’arrêt dans le flux continu de la prose du monde, elle peut faire disjonction. «Autres directions» est le panneau qu’elle invite à suivre au sortir du chemin à sens unique que semble indiquer le langage usuel.

Une politique de la poésie est peut-être à imaginer sous le rapport de son «idiorythmie», par quoi elle oppose à la normalisation des manières d’être et de penser un hiatus inacceptable. Cependant, il ne s’agit pas d’idolâtrer nos singularités, mais bien plutôt, affrontant la faillite de nos certitudes et de nos représentations, de nous engager dans ce que nous ignorons de nous-mêmes et du monde.

Entendons-nous bien : nous ne voulons pas opposer la poésie au roman, à tout le reste, ni l’enfermer dans quelque cercle des poètes en voie de disparition, mais bien plutôt interroger la littérature à partir de cette «littérature de la littérature», en quoi consiste le poème, cet «effort au style», «taux de densité cruelle», qui de la poésie fait une expérience à l’extrême pointe du langage et de la pensée. En cet échec possible du langage et de la pensée, en cet espoir aussi bien.

La poésie est le plus souvent une tentative de construction, même précaire, de formes incertaines. Elle peut prendre le risque d’autres agencements dans la langue, d’autres configurations de pensée, d’émotions. Qu’elle soit du côté du chant ou du côté de la «littéralité de la littérature», selon Derrida, elle ose quelque chose et, pour cela, doit avoir du courage : «Le courage, le cœur, le courage de se rendre, au travers du refoulement, à ce qui se passe ici dans la langue et par la langue, aux mots, aux noms, aux verbes et finalement à l’élément de la lettre […].»

Il s’agit pour nous de prendre ce qui a nom «poésie» assez au sérieux pour y chercher - pourquoi pas ? - d’autres manières de vivre et de penser. Construire une cabane à l’instant du désastre ? Non. En ces temps inconnus où nous entrons, pouvons-nous continuer de toujours écrire et lire ce que nous connaissons déjà, toujours la même histoire ?

Prétention excessive ? C’est juste l’attention à un mot que nous proposons, loin des infantilisations bienveillantes mais néfastes auxquelles la réduisent trop souvent des actions de «promotion». Le courage dont nous parlons n’appelle nulle condescendance. De sorte qu’au-delà de l’estompement d’un mot du fronton du Centre national du livre (CNL), c’est le sens même de l’action culturelle dans le champ de la «littérature de recherche» qu’on pourrait aujourd’hui interroger.

Des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires, des journalistes, des critiques et des lecteurs de tous âges, des écrivains et des artistes, de multiples acteurs de la vie littéraire continuent de prêter attention aux écritures poétiques. Que le Centre national du livre fasse place dans sa réforme à ce qui les anime est la moindre des choses.
Notre souhait est que les Assises du livre et de l’écrit, dont la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, vient de confirmer la mise en œuvre, prennent en compte les résonances du mot «poésie» et, par lui, ce qui fait notre dignité d’êtres de langage, à travers les saisons.
Cette concertation donne espoir aux écrivains, qui se sont mobilisés pour dénoncer la manière dont le processus était imposé et les risques qu’il faisait courir au champ poétique. Qu’il ait pu être question d’estomper le mot «poésie» pour, aux dires de l’actuel président du CNL, obéir aux préconisations de la Cour des comptes, n’est pas insignifiant.

(1) Prévue dans le projet de réforme du Centre national du livre (CNL) datant du 12 mars, la suppression de la commission Poésie du CNL a été suspendue en juillet par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, qui doit lancer prochainement une concertation sur le sujet.

24/08/2012

Somnolence

Qu’ils sont bons ces instants
Où vous ne savez plus qui vous êtes
Ni même ce que vous faites
Et encore moins ce que vous ressentez

Oui, vous êtes un trou dans le gruyère
Une chute libre de l’altimètre
Et parfois vous hoquetez, sursaut
De dignité dans le brouillard illuminé

Assis, le coude en équilibre
Les doigts de pied épanouis
Le sourire de convenance
Vous faites illusion, mais l’œil vague

Non, ce n’est pas la somnescence
Ni même la somnolescence
Un engourdissement au plus de vos facultés
Comme la croûte qui cache la mie

Que cherchez-vous à entendre ?
Seul votre cœur vous dicte
Une réalité prégnante
Le plongeon dans l’eau trouble

Alors vous surnagez, en apnée
Vous vous éloignez du néant
Pour mieux vous y laisser glisser
Cuillère de confiture entre deux tartines

Et comme elles tombent toujours
Du côté où se trouve l’excellence
Vous vous réveillez, impromptu
Renforcé dans votre sauvage désir

Il est toujours désiré cet instant
Contre lequel vous luttez
Il arrive à l’improviste
Et vous voici enrôlé malgré vous

Plus rien désormais ne vous importune
Ni l’enfant qui crie dans le jardin
Ni le facteur qui sonne au sommeil
Ni même le geai piailleur sur l’arbre mort

Vous vous laissez aller, sans espoir
Avec bonheur, volupté discrète
Entre les bras de l’assoupissement
Monstre déconnecté de l’entourage

Vous ne sentez plus rien
Ni même que vous n’êtes nulle part
Vous errez en fantôme
Dans le nuage de votre inconsistance

Quel bonheur que ce moment
Où tout vous retient encore
A deux pas de vous-même
Mais déjà ailleurs, au loin

Et comme un nuage de fumée
La brise vous emporte, léger
Vers d’autres rivages festonnés
De blanc sur le sable dorée

Même les bruits n’ont plus de prise
La vague vous surprend
En pleine remontée, hagard
Comme déhanché, mais debout

Quoi ? Ah… Oui, la lune est partie
Dans un éclair psychiatrique
Attend son retour, encore
La tête en boule, hirsute

C’est la fin de la mise en scène
Les clowns se déchaînent
Vous retrouvez vos esprits
 Quel trou d’air, mon Dieu !

 

20/08/2012

Les enfants

Ils ne savent pas parler doucement
Ils se mettent devant les portes
Sans s’écarter lorsque vous voulez passer
Ils ne rangent jamais leurs jeux
Ils pleurent sans réelle cause
Et rient toujours avec raison
Ils veulent que tous les écoutent
Sans savoir précisément pourquoi
Ils adorent s’ébrouer dans l’eau
Et quelle fierté lorsqu’ils trempent
Le bout du nez dans le liquide froid

Oui ce sont les enfants du monde
Quel bonheur de les tenir contre soi
Serrés comme de petits animaux
Chaudes et tendres boules d’idées
Et quand l’un d’eux, délicatement
Vous dit quelque chose à l’oreille
C’est toujours inaudible
Mais si précieux
Que ce baiser de mots
Que vous ne pouvez emporter
Qui s’échappe en vol d’innocence
Et vous rattrape le soir
A la tombée de la nuit
Quand vous montez leur dire
La tendresse que vous leur portez
Et qu’ils vous la rendent
D’une joue maladroite et chaude
Les yeux clos de terreur enfantine
Et de bonheur mêlés de sommeil

Quelle est bonne cette enfance
Qui nous fait rêver d’une autre vie
A recommencer, autrement
Dans la chaleur d’un cou d’enfant

16/08/2012

Destin

On voit la vie comme une flèche
Elle part d’un point A pour aller vers un point B
Mais cette vie est un boomerang
Car le temps peut aussi être circulaire
La vie s’achève lorsque le destin est bouclé
L’épanouissement peut te toucher
Ou partir à côté, dans l’espace
Parce que tu n’as pas pris ce qu’il te donnait
Tu as écouté les hommes et leurs conseils
Tu n’as pas écouté ton cœur
Tu as couru après une ombre de renommée
Sans comprendre que celle-ci
Etait en toi, enfouie sous les feuilles de l’artichaut
Le destin, c’est notre rêve en premier
Et notre désespoir en final
Mais cela peut aussi être l’inverse
Nos rêves sont versatiles et peureux
Ils ne se montrent jamais nus
Trop de pudeur les assaille
Alors ils se revêtent de mille paillettes
Que sont les rêves des autres pour vous
Et vous courrez de ci de là
Toujours épuisés d’une telle bataille
La vie est un combat, dit-on
Mais de quoi ? Laisse faire ta destinée
Qu’elle se révèle à toi
En toute innocence et lumière
Ce sera ton vrai combat
Le combat d’un contre tous
Tous ceux qui veulent ton bien
Sans comprendre qu’il t’appartient
Et que tu dois apprendre
A maîtriser ses impulsions
A écouter ses murmures
Comme l’eau qui coule entre les rochers
Et tu te laisses glisser entre les pierres
Limpide, fraîche, évanescente
Pour aller emplir ton destin
De femme (ou d’homme)
En toute liberté, libérée de l’esclavage
De ce que veut l’autre pour toi-même
Le vrai destin est celui de l’homme libre
Qui choisit les actes de sa vie
Sans se préoccuper de l’attente
Que la société a pour lui
Et le matin
Lorsque tu observes le soleil
Derrière les bras levés des arbres
Et qu’apparaît enfin son clin d’œil
Tu peux te regarder libre
Comme la bulle de savon
Que font les enfants
Dans le trou rond de leurs désirs
Souffle, souffle la vie à pleins poumons
Qu’elle te donne ce que tu attends
Et qu’à la fin du parcours
Tu reviennes au point de départ
Pour dire enfin
Oui, j’ai accompli ma destinée
Elle était moi-même
Unique, sans bruit, mais belle
Car mon âme s’est enrichie
Des étoiles de la création
D’un être unique

Mais… Où est-il ?

12/08/2012

Le silence

Absence de bruit. Est-ce si sûr ?

On nous parle du silence de la campagne
Celle-ci a bien perdu ses écouteurs
Tout y concoure au réveil
Même l’ouïe dégagée du bourdonnement
Incessant des mouches dans la pièce

L’étable silencieuse du ruminement des vaches
Laisse sa douce chaleur odorante
Envahir les repères de ces évocations
Bottes aux pieds et paille dans les oreilles
Foin coupé un jour de grand vent
Les bœufs se décornent-ils ?

Le silence du ciel, pur, dur,
Raide comme le lit de bois
Où dorment les frères en prière
Sans cesse ils parlent dans leur cœur
Evoquant saints et saintes de Dieu
Mais pas un mot ne vient déranger
Le mystère de cet état de grâce

Et si nous rompions ce silence atterrant
Cette absence de sentiments et de passion
Pour qu’en un instant de folie
Les humains s’oublient et se concentrent
Sur leurs ressemblances plutôt que différences
Nous avons tous une bouche pulpeuse
Dont la singularité tient au langage
Si j’habitais en Chine, parlerais-je
De cette voix chantante et syllabique ?

La parole est prolifique,
Mais la parole sans le silence
N’est que bruit et pétarades
Les bulles de BD sont-elles encore audibles
Lorsque l’œil fatigué se laisse attendrir
Par des images plus évocatrices ?
Faut-il lire pour entendre
Le doux effleurement des pages
Sur la couverture du lit au matin ?

Le regard est parole d’un jour
La caresse est langage du corps
La peau elle-même se façonne
En chair de poule ou poils dressés
Pour dire son désaccord au vécu
Ou à l’inverse son aimable enthousiasme
De caresses délicates et de câlins attendus
L’amour n’a pas de mots
Rien que des attouchements,
Dans le silence des cœurs emmêlés

Quelle pensée sans les mots ?
Mémoire des odeurs et des sons
Ne pas pouvoir les nommer
Ni même se souvenir
De leur évocation studieuse
Qui rend la poésie prenante
Sans passé, le présent est manchot
Comment l’interpréter ?
Sans avenir, le présent glisse
Dans l'absence et le néant
Sans présent, y a-t-il attachement ?

Si le mur du silence se couvre
De papiers peints collés au bruit
C’est que cette absence de sons
Gênent notre sérénité simulée
La lettre tue l’esprit, dit-on
Alors nous répétons des formules
Nous les encombrons de commentaires
Nous nous amusons du perroquet
Et pratiquons le psittacisme
Mais savons-nous même que nous parlons ?

Si l’intelligence se sert des mots
Elle se développe de leur absence
Car c’est la liaison entre eux
Qui fait la force d’un concept
Amalgame de bulles
Filaments rugueux ou ténus
Comme une pelote emmêlée
Que rien ne peut dénouer
Ni trop gros, ni trop maigre,
Le concept se façonne
Entre silence et mots
Comme un pont de pierre
Sur le sable du mental

Nous pratiquons l’implicite
Le sous-entendu n’est-il pas manière
De dire ce que nous ne voulons entendre ?
L’interdiction de dire
Est remplacé par un silence salutaire
Qui en dit plus sans s’exprimer
La loi du silence s’exerce toujours
Devant la loi des armes
Immobile, décharné, insensible
Le vaincu éprouve l’inaccessible envie de crier
Mais il reste coi, replié sur lui-même
Comme le lapin pris au piège
Petite boule chaude et fragile

Mais très peu d’humains
Sont capables de silence intérieur
La vacuité n’est pas donnée à tous
 Le silence du mental est libération
Une porte sur un autre monde
Celui de la connaissance intuitive
Plus besoin de mots, de signes,
Seul le sourire du Bouddha
Tient lieu de guide, inépuisable

Unique,  le silence dit ce que nous sommes
Mon bruit me dissimule
Je me cache derrière mes paroles
J’en fais un écran de fumée
Parce que je n’ai rien à montrer
Ce rien n’est que remplissage
Qui gonfle le ballon jusqu’à l’éclatement
Bruit, où est ta victoire ?

Le silence est au-delà de l’avoir
Il s’empare de l’être
Lui donne vie et poids
Dans l’absence de mots
Que pèse l’homme
Si ce n’est son âme !

08/08/2012

Identité

Besoin de rassembler tous les bouts d’être
Qui errent dans le paysage de ma solitude
Qui parle derrière l’identité du moi ?
Tous ces personnages multicolores
Toutes ces pensées futiles et fanées
Que nous montons haut dans nos cœurs
Comme des horloges de notre bonne santé
Un château de cartes poussé par la brise
Que reste-t-il de ces êtres diffus ?
L’angoisse d’un après qui ne sera plus
L’horreur d’un avant sans ficelles
Marionnette déchue de son animation
Qui s’en va au vent, l’œil fiévreux
Et court dans la campagne de ses prédilections
C’est le feu follet de tes amours
Le réservoir de tes possessions flétries
Tu cherches l’inconnu de ta préférence
En vain tu te tournes vers toi-même
Mais rien ne répond à tes souhaits
De retrouver celui que tu as perdu
Et ton âme erre dans le silence des corbeaux
Planant sur la nuit invisible
De tes erreurs et de tes rires
Fort de ta superbe, amaigri de tes richesses
Entassé dans le sac ordinateur
Où tu caches tes désirs et tes rêves
Et tout cela, hop ! Parti
D’un coup d’aile sur le front
Est passée la pesanteur du rire
Gras, lourd, plein de sous-entendus
Tu es là, perdu dans ta droiture
Comme le héros de sable
Un matin d’été en pleine mer
Et tu coules lentement, amèrement
Dans tes images de grandeur
Pendant que le socle petitement
Se désagrège, s’effrite, se dilue
Jusqu’à former un fleuve jaune
De bile odorante qui s’enfuie
Dans les vallées boursoufflées
De ton ardeur déchue et insaisissable

Cinq heures, drôle d’heure…
Ni la nuit, ni le jour
L’entre-deux ou même l’entre-trois
Mais dans quelle position ?
Le cœur au-delà des sens
Tu navigues à vue sur l’océan
De ton imagination délétère
Dans les vagues de ton absence
Entre les débris de tes espoirs
Pour devenir un jour raisonnable
Petit vieux bien propre
Dépossédé des piqures de motivation
Tellement clean qu’il en est transparent
Sans assise véritable, ange déchu
D’un destin sans fin qui s’arrête enfin