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20/12/2010

Je veux vivre

 

Je veux vivre, disaient-ils

Ils se gorgeaient de mots

Ils s’emparaient de choses

 Et ces choses, ces mots

Ils en faisaient la vie

 

C’étaient des appareils de fer et de plastique moulé

Des moteurs tournant bien carrés dans leur caisse

Des chaises et des fauteuils pour ne pas s’asseoir

Des tables de musée dans les salles à manger

Des bibelots étranges et quotidiens possédés par caprice

C’étaient des mots savants, bien formés

Achevé par un isme et vêtus d’une majuscule

 

Les mots nus étaient tristes et leur paraissaient faux

Ces mots sortis de la bouche des enfants

 Qui ignorent encore l’ivresse des belles phrases

 

Ils vivaient, disaient-ils

Ils croyaient tout avoir

Ils avaient le savoir

Ils connaissaient la possession

 

Un jour, ils sont morts

Et ils ont tout perdu

 

 

 

18/12/2010

Prêtresse

 

Tu es, par ta nature, vivante en toutes choses

Inscrite dans le rythme des saisons et des jours

Vibrante au regard de la vie et de la mort

Image de l’univers, attachée à son souffle

 

Tu es des éléments la terre et l’eau

Prêtresse du feu que tu entretiens

Nécessaire à la vie comme l’air

Centre de l’humain, indissociable du divin

 

Tu es l’essence des réalités ambigües

Plus élevée et, de toi-même, t'abaissant

Sainte et pécheresse, ange et démon

Vouée à l’état de ta féminité

 

Tu es l’inspiratrice et la compassion

Étrangère à l’histoire qui ne serait pas sans toi

Héroïque dans la peine de tous les jours

Modèle du repos et de l’immobilité

 

Tu es l’ordonnatrice des mystères familiaux

Régnant sur les enfants et les vieillards

Occupée sans cesse de ce lieu de l’être

Où tu est chez toi, où je ne suis que par toi

 

Tu es l’attente et la réponse

L’habitante des profondeurs

Celle qui est et qui n’apparaît pas

La souffrance, le silence et la joie

 

Tu es la plante fragile, mais éternelle

Calme et fraiche, enracinée et mortelle

Présence de l’éternité dans le temps

Immobile dans l’inévitable mouvement cosmique

 

Je suis ce que tu n’es pas, l’histoire

Attentif à l’existence dynamique des objets

Utilisateur du temps sans pouvoir en jouir

Je suis l’acte, tu es la nature

 

 

16/12/2010

Inconnaissance décalée

 

Lueur mauve de la nuit sur la ville

Par delà les toits luisants endeuillés de feuillages

Quand tu me dis regarde. Je te contemple

Statue de bronze et d’opale tiède

J’erre encore sous cet aspect de verre

Dans un désert barré de gestes

 

Le froid tombe et glace les membres

En d’étranges pauses où je te retrouve

Quand tu ouvrais les yeux

À l’ovale de ton regard arrêté

Sur l’immobile image d’amas de fer

Et de géométriques embrasements.

 

Allongé, détendu, j’ai plongé dans la nuit

Pour joindre à deux étoiles les lueurs de ton regard

Je me suis ensuite assis aux rivages de certaines vagues

Pour puiser une poignée d’écume et désaltérer

Un petit garçon qui avait vu leurs lueurs insolites

 

J’aurai pu franchir les cols les plus hauts

Et veiller de leurs contreforts sur le lac de ton souvenir

Pourtant je chemine encore dans l’amère étendue

D’une connaissance incertaine et mouvante

 

 

03/12/2010

Flottants, les fils de mon être

Flottants, les fils de mon être

Se distendent sous le vent

 

Engagés dans la rue déserte

Ravalant les façades mornes

Arrachant quelques grains de pierre

Ils s’amassent au pied des portes

 

J’en ai pris une poignée

Et attendu patiemment que s’infiltre

Entre mes doigts disjoints

La poussière blanche et liquide.

 

Toi aussi, j’avais vainement tenté

D’assembler sur l’écheveau de mes souvenirs

Les fils ténus et fragiles de ton être

Mais tu as rejeté cet encouragement

Pour fuir sur le trottoir nu

Jusqu’à cette porte ouverte sur l’oubli

 

Parcourant la rue, remontant le courant

Projeté contre la muraille par les rafales

Je me soumets au déchaînement naturel

Courbé sur les pavés au goût de tes pas

 

Vert tendre, quand tu courais sur l’asphalte

Quand nous courrions ensemble les mains jointes

Élevés vers le ciel en guise d’offrande

Nous cheminions entre les colonnes détruites

Qui ombrageaient la place pavée d’herbes

Je recherche aussi, loin derrière toi,

Le chemin où nos pas se chevauchèrent.

 

Peut-être le hasard, ou déjà l’amour ?

02/12/2010

La vie

La question de la vie pose celle du sens de la vie, celle-ci pose également la question de la mort et de son sens et, au delà, de ce qu'il peut y avoir derrière la mort.

Rien ne nous le dira, même si les "Near Death Experience" ou expérience de mort imminente semblent apporter quelques éléments de connaissance d'un au delà derrière la fin de la vie. Peut-être est-ce à rapprocher de l'antimatière découverte en 1931 par Paul Dirac, prix Nobel, l'un des créateurs de la physique quantique.

La vie.pdf

27/11/2010

Naissance

Cette nuit, j’ai rompu ma coquille

A quoi servent les œufs à la coque ?

La mie est douce, mais elle gratte,

Quant à la croute, elle écorche.

Je suis couverte de cicatrices.

 

Elle était solide. On dit qu’il est impossible

De la casser par ses deux pôles.

C’est aussi vrai de l’intérieur que de l’extérieur.

 

Elle s’est tournée cette nuit.

Elle a même fait un bruit épouvantable.

J’avais l’impression de rouler sur du gravier,

Mais ce n’était que le rebord de l’évier.

 

J’ai reposé ainsi sur le côté, inquiète,

Il a fallu que je me retourne.

Demandez donc au caniche de se retourner,

Si c’est un tuyau de poêle, il aura du mal.

 

Je n’ai pas eu de mal. J’en eus quelques maux,

Non pas de tête, mais d’estomac (il était comprimé).

Bref, arc-boutée, j’ai poussé de la patte.

J’ai aussi le bec aplati, de naissance, prétend-on.

Je ne sais, car il a rompu la coquille.

 

Il fait froid, il fait noir,

Quels bruits bizarres.

C’est ainsi le monde.

Rendez-moi ma coquille.