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29/06/2014

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, roman de Haruki Murakami

Hajime est fils unique et ce fait lui donne un complexe d’infériorité. A l’école primaire, seule Shimamoto-san possède la même caractéristique, elle est également fille unique. Elle traîne légèrement la jambe gauche en raison d’une poliomyélite. Elle travaille bien. Très vite ils se sentent bien ensemble. C’était la première fois que chacun d’entre nous rencontrait un autre enfant unique. Nous nous mîmes donc à parler avec passion de ce que cela représentait. Nous avions l’un pour l’autre beaucoup à dire sur le sujet. Nous prîmes l'habitude de nous retrouver à la sortie de l’école pour rentrer ensemble. Avec Shimamoto-san, je ne me sentais pas nerveux comme en présence des autres filles. Ils aiment écouter des disques ensemble. Et un jour Hajime découvre une autre dimension dans sa vie : Elle enleva sa main du dossier du canapé et la posa sur ses genoux. Je regardai distraitement  ses doigts suivre le tracé des carreaux de sa jupe. Ce mouvement semblait empreint d’un mystère, comme si un fil ténu et transparent sorti du bout de ses doigts tissait un temps encore à venir. J’entendais au loin Nat King Cole chanter « South of the border ». Je ne sentais que l’écho étrange de ces mots: “Sud de la frontière”. … Je rouvris les yeux : les mains de Shimamoto-san s’agitaient toujours sur sa jupe. Une sorte de doux picotement s’insinua tout au fond de mon corps.

Peu de temps après, à nouveau : Shimamoto-san était une fille précoce, sans aucun doute, et je suis sûr qu’elle était amoureuse de moi. Moi aussi, j’éprouvais une vive attirance pour elle, mais je ne savais que faire de ce sentiment. Comme elle, certainement. Une fois, une seule, elle me prit la main… Nos doigts restèrent entrelacés à peine dix secondes, mais cela me sembla durer une demi-heure. Et, quand elle relâcha son étreinte, je regrettai qu’elle ne l’ait pas prolongée davantage…. Il y a avait, rangé à l’intérieur de ces cinq doigts et de cette paume comme dans une mallette d’échantillons, tout ce que je voulais et tout ce que je devais savoir de la vie… Peut-être avions-nous tous deux conscience d’être encore fragmentaires ; nous commencions à peine à sentir les prémices d’une réalité nouvelle qui nous comblerait et ferait de nous des êtres achevés ? Nous nous tenions debout devant une porte donnant sur cette aventure nouvelle. Seuls tous les deux, dans une vague clarté, main dans la main pendant dix secondes à peine.

Mais Shimamoto-san déménage et la vie passe. Il connaît une autre fille Izumi, qui l’aime, avec laquelle il se sent bien. Mais il la trompe avec sa cousine. Il s’en veut, d’autant plus qu’Izumi perd toute sa joie de vivre et sombre dans la dépression. Il se marie, il aime sa femme, il aime ses deux filles, il a un travail qu’il apprécie. Il a tout pour être heureux. Mais un jour, il rencontre shimamoto-san dans la rue, la suit jusqu’à ce que quelqu’un l’interpelle et le menace.

Quelque temps plus tard, shimamoto-san entre dans un de ses bars (il tenait deux bars où jouaient des jazzmen). Il renoue leurs conversations comme 23 ans auparavant. Il est à nouveau amoureux. Ils vont au concert ensemble. Un concert magnifique. Cependant, j’avais beau fermer les yeux et essayer de me concentrer, je ne parvenais pas à m’immerger dans ce monde musical. Un fin rideau se dressait entre de concert et moi. Un rideau si fin qu’on ne pouvait même pas être sûr qu’il existe vraiment. Pourquoi ? Parce qu’il manque le cr, crr, crr provenant d’une rayure du disque qu’ils écoutaient quand ils avaient douze ans.

Shimamoto-san disparaît à nouveau. Il ne sait pourquoi. Sa vie devient un cauchemar : Pourtant, depuis que Shimamoto avait disparu, j’avais l’impression de vivre sur la lune, privé d’oxygène. Sans Shimamoto-san, je n’avais plus un seul lieu au monde où ouvrir mon cœur. Pendant mes nuits d’insomnie, allongé& sur mon lit, immobile, je pensais encore et encore à l’aéroport de Komatsu sous la neige. Ce serait bien si les souvenirs finissaient par s’user à force de les voir et de les revoir, me disais-je. Mais celui-là ne s’effaçait pas, loin de là.

Enfin, Hajime la voit apparaître dans un de ses bars. Elle est revenue. Il va alors connaître une nuit d’amour, une seule, merveilleuse et unique. Le lendemain matin, elle n’est plus là. Elle est repartie, il ne sait où, pour mourir, pour fuir, pour revenir en notre monde ? Et pendant longtemps il va conserver ce souvenir en lui comme une plaie atroce et bienfaisante. Mais la vie repart, avec Yukiko et les enfants : je devais aller dans leur chambre, soulever leurs couettes, poser la main sur leurs corps tièdes et ensommeillés. Il fallait que je leur dise qu’un jour nouveau avait commencé. C'était cela que je devais faire maintenant. Pourtant je n’arrivais pas à quitter cette table. Toutes mes forces s’étaient écoulées hors de moi, comme si quelqu’un était passé derrière mon dos sans que je le vois et avait enlevé un bouchon quelque part en moi, tout doucement. Les deux coudes sur la table, j’enfouis mon visage dans mes paumes.

Un magnifique roman, un Murakami plus vrai que nature, une merveilleuse histoire d’amour. Ils sont peu nombreux ces romanciers qui savent nous faire rêver par la seule magie de leur verbe.

28/06/2014

Le langage universel

Si l’enfant qui tient son cône de glace
Savait qu’il porte le plus grand mystère
Celui de l’origine  et du devenir
De notre univers dont les galaxies
Filent dans le cosmos et s’éloignent
Toujours plus loin de notre compréhension

A sa pointe, rien, une poussière, si petite
Si ténue, si dépourvue de visibilité
Que l’homme la balaye d’un souffle
Qu’est-elle ? Nul ne le sait
Le mur de Planck cache la vérité
Si évidente, mais inatteignable

A l’autre bout du cône, le vide, le rien
Vers lequel se précipitent les astres
Certes il leur faudra du temps pour mourir
Leur vitesse augmente sans cesse
Ils fuient ce monde comme le prisonnier
S’évade en esprit et reste libre

Et plus ces objets, semblent-ils inanimés
S’éloignent et prennent de la vitesse
Plus leur propre temps ralentit
Plus cette fuite leur semble vaine
Ils courent, mais comme pour le vieillard usé
Chaque foulée est si courte qu’elle l’englue

La gravitation courbe leur propre temps !
Il s’entortille comme le fil de fer
Jusqu’à ne plus faire qu’un point
Puis s’évade vers un imaginaire pur
Que seules les algèbres déformées
Peuvent appréhender à l’échelle de Planck

Le temps devient espace, il ne coule plus
L’espace est immobile et mesurable
Le temps imaginaire et l’espace présent
Se mêlent, s’emberlificotent,
Jouent à cache-cache. Qui êtes-vous ?
L’univers n’est plus, il perd sa consistance

Quelle soupe étrange, une vraie tempête
Inappréciable, inabordable, un maelström
De particules invisibles et tenaces
Qui tiennent le monde entre leurs mains
Sans être soumises à sa loi habituelle…
Une énergie noire qui guide vers l’avenir !

Le temps s’arrête, c’est un trou noir
Il s’enfonce hors de l’univers, il fuit
Tous courent vers la mort assurée
Le sourire aux lèvres, la tête haute
Ils franchissent le mur de Planck
Ils ne sont plus, ils ont perdu l’espace-temps

L’univers est soumis aux mêmes lois
Que l’humain. Le trou noir de la mort
Ne serait-il pas gage de renaissance
Dans un autre univers sous une autre forme ?
Cette fuite du temps, cette accélération folle
N’est pas l’entropie, mais la surprise de la vie

Certes l’intelligence collective n’en est pas là
Elle creuse son sillon en inversant la loi
Plus elle avance, plus le temps se dévoile
Il est la clef de la compréhension du monde
Un jour viendra où le langage des savants
La mathématique universelle, dévoilera

La pensée de Dieu à la pointe du cône de glace

© Loup Francart

27/06/2014

La peinture visionnaire (expo Raw Vision à la Halle Saint Pierre)

Autre artiste assez extraordinaire : Donald Pass, un anglais, né en 1930 qui, après des études d’art, peignait des portraits et des paysages. En 1969, il reçoit la vision de la résurrection au cimetière de Cuckfield : « Tout a commencé à changer et un énorme ténèbre m'entourait.  Le paysage entier, cimetière, des champs proches et lointains, semblait rempli de milliers de chiffres d'étirement à l'horizon.  Dans la noirceur était une lumière énorme ; grandes figures ailées avec des visages comme des lions ... ». Elle dure plusieurs heures et il a l’impression d’un espace infini et d’une absence de temps. Il réalise plusieurs dessins avant que la vision s’évanouisse. Il rencontre une femme qui lui dit : « Vous avez été entouré de lumière ! »

Donald Pass change totalement sa peinture. Certains pensent qu’elle est surréaliste, d’autres qu’elle est visionnaire et spirituelle. Ces tableaux racontent la vie après la mort ou plutôt le passage de la vie terrestre à une autre vie hors du temps et de l’espace.

http://www.donaldpass.com/artgallery.html

 

Un autre peintre, John Danczyszak, entreprend une œuvre constituée de onze tableaux, représentant chacun une année de travail. Il perçoit qu’un envoyé de Dieu saura les interpréter. Il travaille comme un médium sous l’emprise d’une force qui entre en communication avec sa main.

 

Il peint des œuvres très chargées de détails, des mandalas exprimant sa vision de la spiritualité, d’une manière très abstraite, contrairement à Donald Pass.

 

 

 

Norbert Kox commence à exposer en 1988 des peintures visionnaires à base de constructions gothiques et de révélations chiffrées. Ses œuvres sont emplies de codes bibliques qui concernent l’apocalypse. Il est au bord du gouffre par l’alcool et la drogue lorsqu’il se retire pendant dix ans dans les bois du Wisconsin où il prie, médite, étudie les écritures. Alors il peint pour faire passer ses messages et dévoiler le mystère de l’au-delà.

26/06/2014

Fête de la musique

Présent à Paris en raison de la grève des trains, nous décidâmes de participer pleinement à la fête de la musique.

Choisir le programme fut un long travail d’approche. Oscillation entre le classique ou le jazz. Les deux figurent sur la liste soigneusement sélectionnée dans l’Officiel des spectacles. Le rock, non ; le tam-tam, non plus ; la musique urbaine, qu’est-ce que c’est ? La variété ? Sa fréquence à la télévision nous suffit.

Entrée par le côté dans l’église Saint Eustache : Quelle immense église ! On entend un vague timbre de piano, la hauteur des voûtes écrase le son au ras du sol. Arrivée dans la nef : les chaises sont tournées vers le buffet d’orgue, splendide, monumental, écrasant. On lève les yeux et on monte vers le ciel jusqu’à la rosace à demi-cachée par la majesté de l’instrument. Mais il est silencieux. Les auditeurs sont parqués à la croisée de la nef et du transept. Un grand espace les sépare du piano et de la chanteuse, dont on n’entend que faiblement la mélodie, sauf dans les aigus. Alors, je m’approche sur le côté et là se dévoile l’immense talent de ces femmes qui ont donné leur vie à l’art de l’opéra. Elles sont dans la force de l’âge, 25-35 ans, certaines sont intimidées, d’autres plus souriantes, mais toutes ont une voix superbe, ronde, usant de variations infinies qui font monter les larmes aux yeux. Regardant cette bouche ouverte, aux lèvres fines, je me demande comment une si petite ouverture peut produire de tels sons : l’esprit chante à sa place, je le vois s’envoler dans l’immensité de la voûte et danser dans l’air en disant : « Vois comme ma voix est belle, ressens mes sentiments et pleure devant tant de grâce ». On est suspendu à cette mélodie et le cœur s’emballe. Il ne pense plus, il ne cherche plus à comprendre. Il est et s’en trouve bien, attentif aux seuls sons qui sortent de cette bouche céleste.

Tuileries : un monde différent, en promenade digestive ou accompagnant les enfants qui bien sûr veulent aller jouer au jardin, se dépenser jusqu’au moment où ils s’écroulent de sommeil ou pleurent d’énervement. Sous un des arbres, un groupe de spectateurs attentifs au son d’un piano. Il est électronique et manque de puissance et de suavité, mais le public est bon enfant et applaudit aux prestations de qui veut bien jouer, des apprentis, des confirmés, des jazzmen, des classiques, des batteurs de bruit qui tapent sur l’instrument en pensant qu’il va déployer plus de force, des enfants qui ânonnent leur chansonnette, la jeune fille qui joue sans faiblesse une valse de Chopin, l’asiatique qui égraine son rythme avec lourdeur d’abord, puis de plus en plus souplement. Ils se succèdent avec un petit applaudissement d’estime, plus ou moins marqué. Quelques-uns déclenchent un vrai soutien, mais aucun ne salue, n’entre en contact avec la foule des badauds, par timidité, par dédain, par ignorance de l’art du spectacle. Au suivant… Même si, parfois, entre deux musiciens passe le temps, comme un instant de silence dans le bruit de la musique échevelée, mutine ou tambourinant.

Cathédrale Saint Volodymyr le Grand, rue des Saints Pères, à l’écoute du chœur ukrainien. Une heure et demie de chants liturgiques et de folklore traditionnel. Une merveille, si différente de ce qu’on a écouté auparavant. La musique liturgique orthodoxe des compositeurs des XVIIIème et XIXème siècles issue des musiques occidentales et principalement italiennes, avec ses modes, sa rythmique syllabique, ses ralentissements et accélérations calqués sur le texte, nous donne un air de paradis (voir Le chant orthodoxe slave en date du 28/07/2011). Hors du temps, nous errons attachés au seul chant qui enchante nos oreilles : Dans ce mystère, de Borniansky, La cène mystique de Lvov, sont de purs chefs-d’œuvre de musique sacrée. Le concert se finit avec des chants traditionnels et populaires : le rituel du printemps, interprété pour méditer sur la nature pendant la fête de la Saint Jean, Marousia qui fait ses adieux à un cosaque, harnaché du haut de son cheval partant pour la guerre. Chant national ukrainien, debout, pour terminer cet instant qui nous a dépaysé et enchanté.

Repus de musique, nous traversons la foule des parisiens qui écoutent les tambours des Africains, les guitares électriques et les trémolos de chanteurs sans voix. Rentré chez soi, on rêve dans un état second, bercé toujours par ces instants musicaux si revigorants. Oui cette année la fête de la musique est réussie. Le temps s’y prête, la bonne humeur vient et les sourires nous le disent.

25/06/2014

Le pigeon

Ce matin-là, il était encore tôt. Mais l’été le soleil adore se montrer nu en fin de nuit. Aussi décidai-je de me lever pour aller courir. Doucement je m’habillai et sortis sans bruit. Je n’avais pas vu que le ciel était noir. Quelques gouttes de pluie, sans plus. Alors allons-y malgré cela !

Prendre le rythme. Il faut se l’imposer dans le premier kilomètre. Puis il vient de lui-même, en toute impunité.  On se sent mieux, respirant avec sérénité à condition de ne pas allonger la foulée. C’est parti ! Je m’arrête pourtant deux kilomètres plus loin pour contempler au bord de la route quelques brins de ciboulette. J’en goûte un brin, laissant l’acidité pénétrer dans la gorge et l’odeur aillée envahir l’air respiré. Quelle est bonne cette création qui nous donne au détour d’un chemin un semblant de paradis ! Allons, il faut repartir…

Retour au village, quand l’inattendu se produit alors que l’on ne s’y attend pas. L’irruption de la grâce, en un instant qui change le cours de la journée. Je vois arriver, comme au ralenti, un pigeon qui vole à un mètre cinquante du sol, droit vers moi. Je continue à courir, mais suis un peu interloqué. Trois, quatre foulées et il est devant moi. Il se détourne avec lenteur comme s’il me fixait des yeux et regardait mes réactions. Il passe, lentement, avec élégance, comme un prince à cheval sur la route des rencontres fortuites. Je me retourne, il poursuit sur 50m, puis, d’un coup d’aile, il monte droit vers le ciel. Je continue à courir, mécaniquement d’abord, puis plus léger comme si une goutte de lubrifiant était tombée du ciel et m’autorisait à fendre l’air sans aucune réserve. Je me remémore l’arrivée du pigeon, son lent vol à hauteur de mes yeux, fonçant droit sur moi, en douceur. Rien d’autre, je ne voyais plus rien d’autre, que lui et moi, allant ensemble vers une rencontre du troisième type, évitant en souplesse le choc par un basculement  léger de l’ensemble des corps, lui à sa gauche et moi de même, à ma gauche.

Quel signe ! Mais de quoi au juste ? Je ne sais et ne le saurai jamais dans cette vie. Mais… C’est sûr, c’est un signe. Que les signes sont éclairants, même si l’on ne sait d’où ils viennent et ce qu’ils signifient ! Oui, ils sont signifiants et nous donnent un signal, celui d’un ailleurs dont on nous entrouvre la porte.

24/06/2014

J’étais et ne serai jamais plus

J’étais et ne serai jamais plus

Ce bébé qui hurle dans un lit de fer
Auquel sa mère est attachée
Et qui dort benoîtement
Au moment de sortir

Cet enfant frondeur et espiègle
Qui n’en fait qu’à sa tête
Et donne des coups de pied
Dans les portes du ciel

L’adolescent réservé et rêveur
Qui regarde les filles aimables
Et leur parle en onomatopées
Les yeux doux, il n’ose leur parler

Le jeune homme au premier pas seul
Qui rit du pouvoir nouvellement acquis
Et considère du haut de sa foi en lui-même
Tous les petits défauts des grands de ce monde

L’homme qui veille sur sa famille
Après avoir découvert une moitié
Promise depuis des lustres
A laquelle il a rêvé chaque nuit

L’homme mûr qui courre sans cesse
Pour faire valoir sa personne
Au marché des inégalités
Et à la surenchère surabondante

L’aguerri qui contemple son destin
Et l’approuve, même imprévu
Il partit marcheur sur corde raide
Et finit détrousseur de touristes

Le vieux beau plus tout jeune
Qui se berce d’illusion
Et tente toujours sa séduction
Auprès des égéries ricanant

Le vieillard qui contemple las
Ce monde écervelé et chahuteur
Auquel il a participé ardemment
Et qui perturbe sa somnolence
 
Le grabataire qui s’enferme
Dans ses souvenirs échevelés
Et radote sur ses désirs
Sans pouvoir les mener à bien

Le mourant qui s’interroge
Et tout bien considéré prétend
Que la vie vaut d’être vécue
Même si la moisson est maigre

Le cadavre enfoui sous terre
Qui du haut de l’éternité
Ne sait que penser
De ce séjour enchanté

J’étais et ne serai jamais plus
Ce nuage qui déleste sur la terre
La pluie de ses insuffisances
Et mouille de larmes son univers

© Loup Francart

23/06/2014

Exposition Raw Vision à la Halle Saint Pierre

Cette revue anglo-saxonne, Raw Vision, fondée en 1989 par John Maizels, fête cette année son 25ème anniversaire. Elle ne traite que d’art populaire contemporain : art brut, art visionnaire, Black Folk Art, Outsider Art, bâtisseurs de l’imaginaire. Vous y voyez cent exemples de la créativité du facteur Cheval ou des jardins de Tatin. C’est un foisonnement de formes et de couleurs qui donne une autre vision de l’art, complètement décalée, mais passionnante. On y trouve du meilleur au plus mauvais, tant dans les sujets que dans le style. Certains sont des peintres aguerris, d’autres sont d’horribles barbouilleurs, les troisième fabriquent des maquettes bizarres à l’imagination délirante.

Voici François Monchâtre, peintre et maquettiste : « Lorsqu’on le rencontre pour la première fois, il apparaît timide et réservé aux côtés de son exubérante épouse Danièle mais derrière ce personnage conventionnel se cache un véritable iconoclaste ennemi actif de tous les dictats.  Il saisit l’instant hilarant où le réel trébuche dans l’absurde. A défaut de le sauver, il faut changer le monde. En œuvrant contre la bêtise toujours renouvelée, François Monchâtre peintre-sculpteur s’y emploie : il nous fait partager sa vision acerbe de la société avec ses machines à broyer le vide, ses femmes aux bains dans l’œil avide de la caméra du voyeur, cette sculpture où la liberté coiffe toutes les dictatures d’un bonnet d’âne. Inexorablement avec une patience d’artiste, il rajoute quelques gouttes de liberté dans un océan de conformismes. »

Un de ses prédécesseurs, Augustin Lesage, né en 1876, se rattache au mouvement spirite. « En 1911, alors qu’il travaillait au fond de la mine, il entendit une voix qui lui disait : « Un jour, tu seras peintre. » Après avoir commencé ses premiers dessins automatiques, l’esprit lui dicte : « Aujourd’hui il n’est plus question de dessin, mais de peintures. Sois sans crainte, et suis bien nos conseils. » 

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La toile achetée est une pièce de 3 m sur 3 m en 1912 que le peintre aborde dans le coin supérieur droit, et sans aucun plan préconçu de ce qu’il adviendrait ensuite. « L’esprit m’a tenu dans ce petit carré pendant trois semaines consécutives. Je ne faisais rien et c’en était un travail… Après, tout s’est développé, le pinceau a marché de gauche à droite, il y a eu de la symétrie… »

 

 

 

Vous rencontrerez aussi Dalton Ghetti, un brésilien qui sculpte les mines de plomb des crayons. Depuis 25 ans, il exerce avec minutie sa passion. Vu la taille d’une mine de crayon en graphite, on peut dire que cet homme a une patience et une habileté impressionnante.

 (A suivre)