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25/06/2014

Le pigeon

Ce matin-là, il était encore tôt. Mais l’été le soleil adore se montrer nu en fin de nuit. Aussi décidai-je de me lever pour aller courir. Doucement je m’habillai et sortis sans bruit. Je n’avais pas vu que le ciel était noir. Quelques gouttes de pluie, sans plus. Alors allons-y malgré cela !

Prendre le rythme. Il faut se l’imposer dans le premier kilomètre. Puis il vient de lui-même, en toute impunité.  On se sent mieux, respirant avec sérénité à condition de ne pas allonger la foulée. C’est parti ! Je m’arrête pourtant deux kilomètres plus loin pour contempler au bord de la route quelques brins de ciboulette. J’en goûte un brin, laissant l’acidité pénétrer dans la gorge et l’odeur aillée envahir l’air respiré. Quelle est bonne cette création qui nous donne au détour d’un chemin un semblant de paradis ! Allons, il faut repartir…

Retour au village, quand l’inattendu se produit alors que l’on ne s’y attend pas. L’irruption de la grâce, en un instant qui change le cours de la journée. Je vois arriver, comme au ralenti, un pigeon qui vole à un mètre cinquante du sol, droit vers moi. Je continue à courir, mais suis un peu interloqué. Trois, quatre foulées et il est devant moi. Il se détourne avec lenteur comme s’il me fixait des yeux et regardait mes réactions. Il passe, lentement, avec élégance, comme un prince à cheval sur la route des rencontres fortuites. Je me retourne, il poursuit sur 50m, puis, d’un coup d’aile, il monte droit vers le ciel. Je continue à courir, mécaniquement d’abord, puis plus léger comme si une goutte de lubrifiant était tombée du ciel et m’autorisait à fendre l’air sans aucune réserve. Je me remémore l’arrivée du pigeon, son lent vol à hauteur de mes yeux, fonçant droit sur moi, en douceur. Rien d’autre, je ne voyais plus rien d’autre, que lui et moi, allant ensemble vers une rencontre du troisième type, évitant en souplesse le choc par un basculement  léger de l’ensemble des corps, lui à sa gauche et moi de même, à ma gauche.

Quel signe ! Mais de quoi au juste ? Je ne sais et ne le saurai jamais dans cette vie. Mais… C’est sûr, c’est un signe. Que les signes sont éclairants, même si l’on ne sait d’où ils viennent et ce qu’ils signifient ! Oui, ils sont signifiants et nous donnent un signal, celui d’un ailleurs dont on nous entrouvre la porte.

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