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26/06/2014

Fête de la musique

Présent à Paris en raison de la grève des trains, nous décidâmes de participer pleinement à la fête de la musique.

Choisir le programme fut un long travail d’approche. Oscillation entre le classique ou le jazz. Les deux figurent sur la liste soigneusement sélectionnée dans l’Officiel des spectacles. Le rock, non ; le tam-tam, non plus ; la musique urbaine, qu’est-ce que c’est ? La variété ? Sa fréquence à la télévision nous suffit.

Entrée par le côté dans l’église Saint Eustache : Quelle immense église ! On entend un vague timbre de piano, la hauteur des voûtes écrase le son au ras du sol. Arrivée dans la nef : les chaises sont tournées vers le buffet d’orgue, splendide, monumental, écrasant. On lève les yeux et on monte vers le ciel jusqu’à la rosace à demi-cachée par la majesté de l’instrument. Mais il est silencieux. Les auditeurs sont parqués à la croisée de la nef et du transept. Un grand espace les sépare du piano et de la chanteuse, dont on n’entend que faiblement la mélodie, sauf dans les aigus. Alors, je m’approche sur le côté et là se dévoile l’immense talent de ces femmes qui ont donné leur vie à l’art de l’opéra. Elles sont dans la force de l’âge, 25-35 ans, certaines sont intimidées, d’autres plus souriantes, mais toutes ont une voix superbe, ronde, usant de variations infinies qui font monter les larmes aux yeux. Regardant cette bouche ouverte, aux lèvres fines, je me demande comment une si petite ouverture peut produire de tels sons : l’esprit chante à sa place, je le vois s’envoler dans l’immensité de la voûte et danser dans l’air en disant : « Vois comme ma voix est belle, ressens mes sentiments et pleure devant tant de grâce ». On est suspendu à cette mélodie et le cœur s’emballe. Il ne pense plus, il ne cherche plus à comprendre. Il est et s’en trouve bien, attentif aux seuls sons qui sortent de cette bouche céleste.

Tuileries : un monde différent, en promenade digestive ou accompagnant les enfants qui bien sûr veulent aller jouer au jardin, se dépenser jusqu’au moment où ils s’écroulent de sommeil ou pleurent d’énervement. Sous un des arbres, un groupe de spectateurs attentifs au son d’un piano. Il est électronique et manque de puissance et de suavité, mais le public est bon enfant et applaudit aux prestations de qui veut bien jouer, des apprentis, des confirmés, des jazzmen, des classiques, des batteurs de bruit qui tapent sur l’instrument en pensant qu’il va déployer plus de force, des enfants qui ânonnent leur chansonnette, la jeune fille qui joue sans faiblesse une valse de Chopin, l’asiatique qui égraine son rythme avec lourdeur d’abord, puis de plus en plus souplement. Ils se succèdent avec un petit applaudissement d’estime, plus ou moins marqué. Quelques-uns déclenchent un vrai soutien, mais aucun ne salue, n’entre en contact avec la foule des badauds, par timidité, par dédain, par ignorance de l’art du spectacle. Au suivant… Même si, parfois, entre deux musiciens passe le temps, comme un instant de silence dans le bruit de la musique échevelée, mutine ou tambourinant.

Cathédrale Saint Volodymyr le Grand, rue des Saints Pères, à l’écoute du chœur ukrainien. Une heure et demie de chants liturgiques et de folklore traditionnel. Une merveille, si différente de ce qu’on a écouté auparavant. La musique liturgique orthodoxe des compositeurs des XVIIIème et XIXème siècles issue des musiques occidentales et principalement italiennes, avec ses modes, sa rythmique syllabique, ses ralentissements et accélérations calqués sur le texte, nous donne un air de paradis (voir Le chant orthodoxe slave en date du 28/07/2011). Hors du temps, nous errons attachés au seul chant qui enchante nos oreilles : Dans ce mystère, de Borniansky, La cène mystique de Lvov, sont de purs chefs-d’œuvre de musique sacrée. Le concert se finit avec des chants traditionnels et populaires : le rituel du printemps, interprété pour méditer sur la nature pendant la fête de la Saint Jean, Marousia qui fait ses adieux à un cosaque, harnaché du haut de son cheval partant pour la guerre. Chant national ukrainien, debout, pour terminer cet instant qui nous a dépaysé et enchanté.

Repus de musique, nous traversons la foule des parisiens qui écoutent les tambours des Africains, les guitares électriques et les trémolos de chanteurs sans voix. Rentré chez soi, on rêve dans un état second, bercé toujours par ces instants musicaux si revigorants. Oui cette année la fête de la musique est réussie. Le temps s’y prête, la bonne humeur vient et les sourires nous le disent.