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11/01/2012

Le pianiste du centre commercial

 

Tirée du livre de Paulo Coelho, Comme un fleuve qui coule (2006), cette rencontre entre l’auteur et un pianiste jouant dans un supermarché pour gagner un peu d’argent, relate la finalité humaine de faire et bien faire ce pour quoi nous sommes nés : De ses mains, il partage avec tous son amour, son âme, son enthousiasme, le meilleur de lui-même, ses années d’études, de concentration, de discipline.

Et de conclure :

Je suis saisi d’une sensation de profonde révérence, de respect pour un homme qui, à ce moment, me rappelle une leçon très importante : vous avez une légende personnelle à accomplir, point final. Peu importe si les autres soutiennent, critiquent, ignorent, tolèrent – vous faites cela parce que c’est votre destin sur cette Terre, et la source de toute joie. (…) Quand nous pensons que personne ne prête attention à ce que nous faisons, pensons à ce pianiste : il conversait avec Dieu à travers son travail, et le reste n’avait pas la moindre importance.

Cependant, n’oublions pas qu’auparavant il faut trouver pour quoi nous sommes nés, quel est le destin qui nous est imparti. Ce devrait être le rôle des parents, des enseignants et des amis. Le rôle des parents est d’apporter à l’enfant la confiance en soi, sans excès. Le rôle des enseignants est, au travers des diverses disciplines, de l’aider à distinguer celle qui parle à son corps, son cœur et son intelligence. Le rôle des amis est dans le soutien aux moments difficiles de sa vie, et il y en a toujours.

Il y a ensuite l’étape du discernement personnel par rapport au discernement social. Le plus souvent, à l’adolescence, on se laisse entraîner par ce que les gens attendent de vous et le choix de votre métier est le choix de la société, de votre milieu social, de vos parents ou des circonstances. Comment savoir si c’est vraiment votre destin ? Seule l’adversité vous le dira. Si, malgré critiques ou ignorance, vous êtes prêts à poursuivre, persévérer, être ingénieux et créatif, envers et contre tous, alors vous avez trouvé votre voie. Elle est dure, peu encourageante, demande des efforts permanents, mais lorsque vous l’exercez, quel bonheur.

 

 

06/01/2012

Rien, et surtout pas Monsieur (suite du 28 décembre)

 

La mode du bonjour sec, relativement récente, s’accompagne inéluctablement, par construction, de celle de ne jamais nommer quelqu’un Monsieur. Ainsi un représentant en aspirateur ou un préposé au téléphone s’introduira chez vous avec un bonjour sans autre spécificité. On peut penser que cette mode date des années 80, époque à laquelle Yves Mourousi se singularise par cette injonction brève et cinglante, avec, pour se faire pardonner, un accent délicat. Adoptée bien sûr par les journalistes, elle fut très vite suivie par l’habitude, que les médias considéraient tout aussi légitime, d’user du prénom et du nom de toute personne s’il tient une place intéressante dans la société.

Seul le petit peuple doit être appelé Monsieur ou Madame. On retrouve là l’arrogance trop polie des grands. Dire « Madame Enditrop » à sa concierge lui signifie la différence de classe. Ainsi fut divulgué cet usage médiatique de commencer une interview, même pour les personnes les plus hauts placées, en ces termes : « Nicolas Sartovsky, vous… ». C’est probablement par suffisance que nombre d’hommes politiques répondent aux journalistes en disant « Madame Chazel », et non Claire Chazel, signifiant par là la différence de classe. Certes, nous n’en sommes pas encore au tutoiement révolutionnaire, mais cela devrait arriver sans trop tarder. En ceci, nous rejoindront les pays non pas les plus démocratiques, mais les plus habiles à masquer les différences, telles les dictatures prolétariennes.

Par une voie totalement différente, cette horreur de nommer quiconque Monsieur ou Madame fut amplifiée, indirectement, et toujours par les médias, en raison des traductions des feuilletons américains si prolixes d’aventures militaires. Avez-vous remarqué que ceux-ci sont tous appelés Monsieur et non, comme c’est la coutume en France, par leur grade. Il en est de même des personnes ayant un certain rang social dans cette société égalitaire. Le terme Monsieur implique donc chez les Américains, ou du moins c’est l’impression qu’ils donnent au travers des traductions qui en sont faites par des Français, une déférence implicite que ne saurait admettre le peuple républicain. Dire Monsieur à quelqu’un c’est humiliant, dégradant, vieux jeu, voire hors jeu. Quelle déchéance que de devoir dire Monsieur à une autre personne. Jamais !

Voilà pourquoi (et non « c’est la raison pour laquelle », formule dans laquelle se complaisent également de nos jours les personnages en quête d’audience médiatique), le peuple français est maintenant condamné, même s’il s’adresse à une seule personne, à ne dire qu’un bonjour sec, impérativement, sous peine d’incivilité.

Peu importe ce qu’il dira par la suite, le mot de passe est donné et ouvre la porte à l’infinité des situations, y compris le manque de civisme et l’absence de citoyenneté.

Certes, cette interprétation fait de nombreux raccourcis et est quelque peu outrancière, mais n’y a-t-il pas un fond de vérité dans tout cela ?

 

 

04/01/2012

L’art du roman (suite du 31 décembre)

 

L’art du roman est avant tout dans le style et non dans l’histoire qui a moins d’importance qu’on ne lui accorde. Revenons à nos propos précédents. Etaient opposés deux constructions d’un roman : soit sur les souvenirs (qu’ils soient personnels ou publics, inspirés par un fait), soit sur l’imagination.

Mais comment se décrivent les souvenirs qui ne sont que le reflet d’une réalité ayant existé ? Par l’imagination du choix des mots pour décrire ce que vous avez vécu. Et comment se décrit l’imaginaire ? Par la réalité des mots qui transforment l’imagination en structure cohérente qui donne du poids et de la vérité à ce que votre cerveau a concocté. Ce qui signifie que dans tous les cas, c’est votre art de conter, produit de votre culture et de votre personnalité, qui fait la qualité d’un roman.

Or qu’est-ce que l’art de conter ? C’est faire partager sa vision en se servant des mots pour décrire, émouvoir, faire naître des sentiments chez le lecteur (et non forcément décrire des sentiments), qu’ils soient de plaisir, de crainte, de drôlerie, de tristesse, etc. Plus réellement, c’est le choix des mots et leur rythme à travers les phrases qui créent le style.

La première étape consiste à choisir les mots que l’on souhaite utiliser pour arriver au résultat affiché ci-dessus. Un même auteur peut avoir plusieurs registres à sa disposition, selon le sujet sur lequel il écrit. D’autres n’en ont qu’un jeu, toujours le même. Enfin, bien sûr, l’inventaire des mots évolue dans la durée de l’écrivain, avec généralement une augmentation de la pertinence du choix au fur et à mesure de l’écoulement de sa carrière. Ces mots peuvent être simples, précieux, châtiés, recherchés, drôles, etc. L’association des mots entre eux procure également des effets divers, particulièrement lorsque les genres sont mélangés. On ne parle pas là des dialogues et du caractère donné à chaque personnage, mais bien de l’ensemble du récit et du choix du vocabulaire utilisé pour le décrire.

La seconde étape est plus complexe. Il s’agit d’imprimer un rythme aux mots, une musique particulière qui donne la qualité de l’écriture. Le rythme n’est pas seulement fondé sur la longueur de la phrase ou l’emploi différencié de la ponctuation. Il est musique, c’est-à-dire non seulement sons, mais également silence. La syncope donne une tonalité magique à la musique. Quelle est la syncope en écriture ? Probablement dans l’alternance de phrase aux sons variés et qui se lisent avec une respiration différente. A travers le halètement de l’écriture, le lecteur ressent des variations insoupçonnées. Mais ce n’est peut-être qu’une illusion.

En cela le roman rejoint la poésie, mais en cela seulement. Apporter trop de comparaisons, trop de détours dans ce que l’on exprime, fait du roman un chewin gum difficilement digeste. La simplicité, adaptée à l’histoire, est sans doute la meilleure manière de faire passer les idées. Et pourtant, on ne peut qu’admirer, par exemple, le style contorsionné de Marcel Proust ; on ne peut que se régaler du style de Marcel Aimé ou de Jean Giono. Bref, chaque écrivain a son style et celui-ci est sa marque, son flambeau, qui restera dans l’éternité. Ainsi des mémoires de Saint Simon, des écrits de Voltaire ou de Chateaubriand, et, plus récemment, de Marguerite Duras ou de Jorge Luis Borges.

Dieu merci, comme en musique, en peinture et tout autre art, l’infinité des combinaisons et des styles laissent encore de nombreux chefs d’œuvre à écrire et à découvrir.

 

 

29/12/2011

Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans être écrasé par l’univers (Victor Hugo)

 

 

L’arbre, cathédrale naturelle, pont entre ciel et terre, les pieds dans l’humus et la tête dans l’azur, déployant ses bras et ses doigts vers l’avenir, empruntant son existence au passé de ses racines, le tronc rond, bossu, bien présent lorsque vous vous adossez, sentant le bois, parfois sec comme la poudre des allumettes, d’autres fois humide à la senteur plus chaleureuse. 11-12-28 Arbre 15 red.jpg

 

 

En voici deux, à l’existence mêlée, comme devisant ensemble dans leur promenade terrestre, se tenant bien droits, majestueux de finesse et de force, les doigts de pied recroquevillés sur le sol, mais laissant entrevoir l’image inversée des racines déployées sous la terre aussi vivaces que leurs branches, branchages, radicelles et feuillages de plates et tendres pièces de verts multiples. Exposés au soleil, ils s’épanouissent là, comme des naufragés sur la mer verte, uniforme et rayée de ces coups de charrue encore visibles malgré le léger duvet de blé tendre qui les recouvre.

 

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Autre pente, autre silhouette grandiose, barbue, enrobée de touffes de poils, dessinant la même voûte aux reflets roses, les manches recouverts de mitaines végétales jusqu’au milieu des doigts, laissant libre les extrémités pour écrire au vent leur histoire, montée vers l’azur, vers la lumière, vers l’espérance. A ses pieds, les traces tournantes de la herse comme un grand disque de vinyle laissant entendre sa mélopée engageante et flutée.

 

 

 

 

 

 

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Et voici l’arbre torturé, aux doigts rongés comme ceux d’un lépreux, au poing tendu vers l’univers pour attester de la brutalité humaine, recouvert du duvet de l’année déjà bien florissant, mais fin et léger comme une toison d’adolescente. Il rit sous le soleil, les membres raidies, mais encore verts, se posant comme une borne de propriété au coin d’un champ.

 

 

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Autre arbre torturé, mais cette fois-ci par la rapacité naturelle des autres espèces, sorte de cataclysme brutal, qui englobe de gouttes de cire lourde les doigts malhabiles sortant de ses moufles poilues. C’est peut-être un père Noël inventé par la création ou des fleurs de vert tendre poussant sur les tiges délicates d’une espèce disparue. 

 

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Ce n’est plus qu’un corps sans extrémité, comme un infirme ne pouvant ni marcher, ni parler aux autres végétaux. Il est juste recouvert de poils délirants, hirsutes, comme une barbe de trois jours sur un vieillard grabataire, le corps enfoui sous une couverture sale émergeant au dessus d’un lit douillet. Il finit sa vie comme un géant fauché par la voracité des hommes toujours en recherche de matériaux à brûler ou de poteaux à enfouir sous terre pour supporter les fils de fer barbelés de la honte d’être un morceau d’arbre qui a perdu sa liberté.

 

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Enfin un arbre rassurant, semblable à une mariée dans sa robe de cérémonie dont on devine le corps encore vert, bien proportionné, attendrissant de courbes qui conduit le regard sur un ventre plein, léger, affiné, en attente de promesse. Il déploie ses artifices aux alentours, comme des effluves de romarin et de jasmin, ne portant qu’une seule bague, comme un nid d’amour sur l’annulaire qu’il montre à tous, par fierté.

 

 

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L’arbre protecteur, étendant ses bras au dessus des châteaux, paisiblement, se laissant ausculter par les rayons d’une radiographie de ses membres permettant de contempler la magnificence de son squelette dont il ne manque pas un os, même parmi les plus petits. Légèrement penchée vers la demeure qu’il ombrage de loin, il veille avec assurance sur la vie de ses habitants sans que ceux-ci en prennent conscience.

 

 

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Un arbre paon, aux plumes emmêlées, comme après un orage. Il tente de faire une roue, mais ses aigrettes mouillées par la pluie de la tornade font piètre mine devant un ciel rieur. Seul le haut de la roue porte un arbre miniature, comme un enfant d’arbre poussant sur un corps de sorcière. Il s’épanouit harmonieusement, semblant dire au reste des branches : « Voyez ma beauté structurée, mon indolence hautaine, la jeunesse de mes articulations, la souplesse de mes cheveux de roi. Vous ne pourrez monter si haut. Que vos regards convergent vers ma hauteur et se croisent en mille feux d’étincelles émerveillées ! »

 

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Un arbre maternel, en pleine gestation, rond et plein d’avenir, s’épanouissant  dans l’herbe grasse, dans l’enclos de haies souples, puisant au sol sa vigueur épanouissante, aux racines baignant dans des pots de bébé de couleurs jaune, vert, comme pour mieux se nourrir et s’enrober de bienfaisantes rondeurs qui, un jour, feront émerger d’autres branches, d’autres feuilles pour finir en forêt dodue et luxuriante.

 

 

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Enfin, le justicier, dominant la campagne, affichant ses prétentions, développant sa rotondité, se suffisant à lui-même, sûr de son aspect solitaire et grandiose. Mais il possède en même temps une verve, une onctuosité, un embonpoint de bon aloi qui vous font dire : « Quel symbole de la nature charnelle, vivante, foisonnante et nourricière. Nous pourrions rester une vie sous son ombre et nous voudrions encore le contempler dans tout son achèvement de perfection naturelle. »

 

 

 

 

 

L’arbre ne possède-t-il pas comme l’homme ces ramifications de neurones et de synapses qui font de lui l’intelligence de la nature, le penseur naturel de la surface terrestre. Apprendre à parler arbre, à penser arbre, pour le plus grand bienfait d’une santé mentale absorbée de techniques et de finalités uniquement humaines !

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23/12/2011

Corrida

 

 La corrida : instant magique où l'homme et l'animal se retrouve face à face dans un combat à mort.

Les uns diront macho et crieront au scandale devant un tel spectacle.

Les autres s'exclameront : Quel art magnifique !

Cette encre de Chine à la manière de Picasso, dessinée il y a déjà un certain temps,  témoigne de ces après-midi au cours desquelles la brutalité, le courage, la force, la puissance côtoient la noblesse, l'esthétisme, la grâce féminine, le tout couronné par la mort, de l'un ou de l'autre, mas plus souvent de l'autre, c'est-à-dire du taureau.

 

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29/11/2011

L'immersion (tendre) du coureur à la campagne

 

Ce matin, vous courez à nouveau, mais à la campagne cette fois. Quel contraste ! Vous sortez de la maison, faites quelques pas et vous voici en plein champs (bien qu’étant dimanche, ce n’est pourtant pas le moment de la cantillation). Il fait doux, d’une douceur envieuse qui berçe le roulis de votre course et pénètre avec tendresse dans votre tenue de joggeur, jusqu’à vous procurer une légère ivresse, certes toute morale.

Vous êtes frappés par le silence, d’une toute autre nature que le silence d’avant-hier qui était fait d’un brouhaha estompé par le brouillard. Ici, le silence est léger, serein, épanouissant, nourrissant comme un fruit mur. Il 11-11-29 coureur.jpgvous soulève au dessus du sol et vous volez à nouveau, mais d’un vol libre, planant, dans un calme absolu. Vous volez dans une liberté étourdissante, les yeux écarquillés, les oreilles débouchées, la bouche entrouverte, respirant un air pur, empli des senteurs campagnardes : rosée odorante, feuilles mortes, herbe tendre, thym frais, champignons vieillis, bouses de vache. En courant le long d’un chemin de terre, vous dites bonjour à l’achillée millefeuilles qui vous regarde passer de ses cent yeux de petites fleurs et au molène bouillon blanc dont deux fleurs jaunes se dessèchent au bout de sa tige brune. Et vous montez plus haut, au promontoire de la colline, vous laissant ensuite glisser vers la vallée sur laquelle coule une trainée de brume qui lui donne un air de mystère dans lequel vous souhaitez plonger.

Retour vers le bercail. Vous transpirez de bien-être. Vous ralentissez, vous vous arrêtez, vous regardez et écoutez. Quelle atmosphère différente. Après avoir chevauché un dromadaire qui vous permettait de franchir les canyons urbains, vous êtes monté sur un pur-sang qui vous a entraîné dans des chemins enivrants avant de s’arrêter, repu, auprès du petit bois, refuge de tous les rêves d’enfant et de toutes les passions adultes. Et ses sous-bois s’illuminent, vous permettant d’imaginer un avenir paisible et reposant, à l’image du faisan qui picore tranquillement à vingt mètres de vous. Une fois encore, déconnecté de tout souci, vous vous apprêtez à vivre une nouvelle journée, toujours aussi enivrante.

 

 

02/11/2011

Un cimetière pas comme les autres

 

Le cimetière de Bouère (Mayenne), petit village, n’est pas comme les autres. C’est un petit chef d’œuvre villageois qui mérite une ampleur nationale.11-10-29 Bouère 1 red.jpg

 

 

L’église en soi est déjà imposante et bizarre. Elle est romane à l’origine. Mais ses transformations successives en font un étonnant monument qui se rapproche par certains côtés de la cathédrale de Périgueux, en particulier en raison de ses clochetons.

 

 

La montée au cimetière est longue, noble, quasi solennelle, comme une montée vers le ciel, immense entre les deux murs, puis les deux haies. Il a été créé en 1778 et possède un décor dit « à la française ».

A l’entrée un panneau explique sa configuration : Depuis la grille d’entrée de fer forgé, une longue allée bordée de pelouses et de hauts buis, mène au cœur du site. Autour de la croix centrale, sont organisés quatre carrés, d’égale grandeur, délimités par des haies de buis et agrémentés d’ifs taillés en forme de cône. Tous les végétaux composant ce décor datent de sa création.

 

 

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Quel havre de paix, comme un paradis perdu ou ignoré, qui procure un sentiment d’immortalité alors qu’il s’agit d’y laisser reposer les restes mortels de la population. Et vous vous promenez dans cet ilot de verdure compassé en état d’apesanteur, entre ciel et terre, ciel que les dômes des ifs indiquent, terre que la pelouse fait douce aux pieds. Quelques villageois sont là, discutant entre eux, entretenant les tombes, les fleurissant de vraies bouquets colorées, comme des notes de musique sur une portée vide et sévère.

 

 

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Heureux sont les morts de ce pays, mieux honorés que les vivants, dans ce décor à la fois champêtre et géométrique où chaque citoyen décédé dispose d’une place au sein d’un des carrés, entre copains pourrait-on dire.

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20/06/2011

Concerto pour piano et orchestre N°1 (2ème mouvement), de Frédéric Chopin

 

Hier, concert dans les jardins du Luxembourg, dans un écrin de verdure, isolé de la ville par l’épaisseur des marronniers, ce qui n’empêchaient les bruits de celle-ci de troubler l’audition, mais cela fait partie du jeu.

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Dans le cadre de la présidence polonaise de l’Union européenne et organisé par la ville de Varsovie, se produisaient Wojciech Switata, pianiste et le quatuor Camerata, pour nous jouer Chopin, le polonais par excellence. Le piano, un Yamaha, avait un son un peu trop métallique, mais ce fut beau et insolite, car le bruit ambiant ne permettait pas de saisir toutes les nuances de la musique de Chopin, ce qui permettait de mieux en apprécier la mélodie. Ils jouèrent, entre autres, le concerto N°1 pour piano et orchestre (arrangé pour le quatuor), dont le 2ème mouvement, Romance-Larguetto.

 

 

Quelques versions de ce concerto, toutes très prenantes :

 

Alexis Weissenberg au piano

http://www.youtube.com/watch?v=FSSx9Z7-dJQ&feature=related

 

Krystian Zimerman et le Polish Festival Orchestra :

http://www.youtube.com/watch?v=Uq-jcs_dBg4

 

Sa Chen, pianiste chinoise

http://www.youtube.com/watch?v=Rsmvq0ZRNR8&feature=related

 

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Ce mouvement commence par une longue plainte des violons, très romantique, comme un appel à la nuit. Celle-ci est reprise deux tons plus bas, puis sert d’accompagnement à l’entrée du piano qui égraine sa mélodie d’un air non assuré, mélodie à la manière de Mozart, très simple, très belle, qui commence par quatre notes, dont la première doublée, suivi d’une arabesque montante, qui est reprise de la même manière que la plainte des violons et qui se termine lentement, rêveusement. Puis le piano entame, après un rappel des violons, un long récit argumenté, développant les arabesques de la première mélodie, permettant à l’imagination de développer ce qu’elle avait entrevue vaguement auparavant, comme une sorte d’illumination ou de révélation lui donnant du corps et prolongeant la rêverie vers de nouveaux horizons.

Ce développement dure et enfonce la rêverie dont il faut sortir par un bref silence et une nouvelle plainte des violons pour reprendre les premières phrases de la mélodie de départ du piano, mais d’une manière plus dégagée et libre dans ses ornements, comme une danse qui n’ose pas s’avouer et qui ne se finit pas, mourant d’un retour à la rêverie précédente.

Nouveau développement qui toujours entre plusieurs broderies passionnées reprend doucement et toujours le thème de départ du piano. Enfin un long intermède d’une autre veine, qui commence par une descente du clavier, puis développe des montées et descentes accompagnées par la mélodie des cordes et qui conduit sans transition, mais avec délicatesse, à la conclusion.

Le concerto est une longue rêverie romantique qui tourne autour du thème avec tendresse, délicatesse et, parfois, passion. L’orchestre assure la pérennité dans laquelle se meurt en final la voix du piano.

 

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Dix minutes d’extase romantique garanties, suivies d’une promenade, romantique bien sûr, dans les jardins du Luxembourg.

 

 

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18/06/2011

La boutique du bijoutier Georges Fouquet, au musée Carnavalet

 

Le musée Carnavalet fut construit à partir de 1548 : un corps de logis principal et deux ailes encadrant la cour dans laquelle on entrait par un porche à bossages typique de la Renaissance italienne. Son nom est assez drôle, il appartint, peu de temps après sa construction, à la veuve d’un gentilhomme breton qui s’appelait Kernevenoc’h, nom difficile à prononcer et qui devint dans la bouche des parisiens Carnavalet. L’hôtel fut remanié au XVIème siècle (surélévation des ailes). Il fut habité par la marquise de Sévigné. Puis acheté par la ville de Paris en 1866, il fut agrandi de deux cours. Enfin, lui fut adjoint l’hôtel Le Peletier de Saint Fargeau qui le jouxtait, agrandissant ainsi le musée qui était très à l’étroit.

Dans ce musée, qui possède nombreux coins et recoins, j’ai découvert un magasin transplanté là par la ville de Paris. C’est un magasin « art nouveau », dans son plus pur style : emploi de formes épurées, appel à l’artisanat dont le vitrail, lignes sensuelles, courbes toujours, sans angle, et une inspiration empruntée à la nature et plus particulièrement aux plantes.

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Il s’agit de la boutique d’un joaillier, Georges Fouquet, située 6 rue Royale, construite vers 1900 et démolie avant la seconde guerre mondiale. La conception de la boutique est d’Alphonse Mucha, d’origine tchèque, décorateur, dessinateur de bijoux, architecte d’intérieur si l’on veut. La boutique est féminine puisque consacrée aux bijoux portés par les femmes.

Avant même d’y entrer, entre les deux portes de la devanture, se trouve un bas-relief mettant La Femme et Les Bijoux en valeur, réalisé par l'orfèvre Christofle. Ce n’est probablement pas du meilleur goût, mais cette devanture est malgré tout inédite, faite de bois, de fonte et de vitraux représentant des portraits de femme.

paris,culture,art 

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L’intérieur est original et dépouillé, huit meubles au total, trois de part et d’autre de la profondeur, deux plus conséquents, en face de l’entrée et entre les deux portes. Mais quels meubles ! En face, vraisemblablement le comptoir où devaient se faire transaction, paiement et emballage des bijoux. Lieu où trône le patron (ou la patronne), remplaçant, pour le temps de la vente, le paon dans l’axe du regard des entrants au paradis du bijou. Un véritable trône avec un arrière fond digne des plus grandes monarchies empruntes de romantisme et d’indolence.

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Note d’humour ou d’amoureux de la nature : un second paon, moins ordonné, se promène entre paroi et plafond, comme pour faire un pied de nez au propriétaire.

 

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Face à la femme tronc du comptoir, entre les deux portes, un présentoir surmonté d’une statue sortant d’une glace reflétant l’ensemble du magasin.

 

 

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A gauche, une cheminée « bouche de requin » surmontée de son plateau (mais non, on parle de requin marteau !). J’avoue ne pas voir où l’on posait les bijoux. Cela devait vraiment servir à chauffer la boutique.

 

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 A droite, une fontaine, semble-t-il, également surmontée d’une femme, perchée comme un styliste sur sa colonne que les dragons cherchent à atteindre.

 

 

 

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Encadrant ces deux monuments, la cheminée et la fontaine, des présentoirs très style nouille, avec un air guerrier néanmoins. Les nouilles se rejoignent par le bas et le haut des cloisons, s’entortillant autour des pieds des meubles.

 

 

Admirons enfin le carrelage, magnifique mosaïque aux motifs géométriques, mais représentatifs.

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 Quelle belle réalisation. Il est dommage que de nombreux magasins au décor très particulier soient démolis sans précaution, ce qui ne fut heureusement pas le cas pour celui-ci puisque tout a été préservé.

  

Complément sur l’art nouveau d’Alfons Mucha à

 http://lartnouveau.com/flash/diapo/grands/mucha.html

 

 

 

15/06/2011

Vide-grenier

 

Hétéroclite, quel drôle d’adjectif.

 

On nous dit : Qui s’écarte des règles habituelles,

Encore faut-il connaître ces règles !

Il semble plutôt que l’on peut en parler

Lorsqu’il n’y a pas de règles.

 

D’autres vous diront : De bric et de broc.

Avez-vous déjà été à un vide-grenier ?

On pourrait plutôt parler de bric à brac.

 

 

 

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Parcourant les rues au fil des objets,

Vous découvrez l’envers des apparences.

Sont étalés ce qui alluma un jour,

Dans le cœur ou l’esprit ou l’émotion

D’anonymes, l’étincelle nécessaire à l’achat.

 

Bien vite rejetés, ces articles nous parviennent,

Parfois dans leur emballage cartonné,

Comme un trésor enfoui et ignoré

Pour tenter de séduire un autre anonyme.

 

Ils arrivent également empoussiérés,

Comme un vieux chewing gum

Que certains jettent sur la chaussée

Et qui se collent sous la chaussure

Pour vous dire ne m’oublie pas.

Pourtant ils ne paient pas de mine.

 

Au-delà des objets, les gens :

Ceux qui vendent distraits, un demi-euro,

Ceux qui marchandent de trente à quinze,

Ceux qui n’ont qu’un prix et n’en démordent pas,

Ceux qui acceptent de donner ce qu’ils ont rejeté.

Voilà pour les vendeurs affichés.

 

Mais les acheteurs ont aussi leurs caractéristiques :

Ceux qui passent sans parler et sans voir,

Tournant en rond dans les allées d’objets,

Qui ne veulent rien sauf un moment de distraction,

Ceux qui parlent beaucoup et n’achètent rien,

Ceux qui ne parlent que pour donner un chiffre,

Ceux qui ont besoin de l’histoire de l’objet

Pour raconter pourquoi ils l’ont acheté,

Ceux qui vérifient, éprouvent la solidité,

Testent longuement tout ce qui peut casser,

Avant de laisser l’objet, exsangue et épuisé.

 

Il y a aussi d’autres gens, distraits,

Qui passent parce qu’ils habitent là,

Ou encore vont chez le dentiste ou l’orthopédiste.

On rencontre parfois celui qui sort sa voiture

Parce qu’il a oublié ce jour de festivité,

Contraignant le vendeur malheureux

A déménager son bric à brac

Qu’il ne considère pas comme hétéroclite

Parce qu’il pense être seul sur le marché

Des objets esseulés et inattendus.

 

Il y a ceux qui profitent de la fête

Pour vendre toutes sortes de biens,

A manger, à boire, ou même à fumer,

Pas celle des saucisses qui grillent

Stoïques sur une plaque de tôle,

Pour la magie des enfants du quartier

Et le plaisir des affamés prudents.

 

Pêle-mêle sont les articles disparates :

Pelles sans manche, manche sans bras,

Bras de fer, fer de lance, balance.

On trouve de tout dans le bric à brac

De personnes et d’objets hétéroclites

Qui vont de bric et de broc jusqu’à la fin du jour.

 

 

07/06/2011

Portrait de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigée Lebrun

Suite de la visite au musée Jacquemart-André du 27 mai (comme promis) :

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Il existe plusieurs portraits de cette charmante comtesse. Celui du musée Jacquemart-André est sur fond bleu, bleu de sa robe, des coussins et du fauteuil sur lequel elle est assise, des murs qui l’environnent et même de son voile qu’elle porte sur la tête. L’autre, ici plus petit, est au Louvre.

 

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Elle a des yeux espiègles, une petite fossette sur la joue droite. Son visage est sans égal, heureux et mélancolique, rêveur comme au souvenir d’une fête qui ne sera plus. C’est en fait une très jeune femme dont l’attitude détendue laisse deviner la vivacité. Elle devait faire rêver longuement ses visiteurs.

 

Une fois de plus, Elisabeth Vigée Lebrun surprend par le naturel et la fraicheur d’une peinture distinguée, mettant en valeur indiciblement le personnage qu’elle représente. Elle a vécue pour la peinture et la peinture lui a donné une renommée bien méritée. Pourtant peu de femmes osaient peindre à cette époque  (1755-1842) et, encore moins, en faire un métier.

 

 

 

05/06/2011

La compréhension du miracle : une co-naissance

 

Avez-vous remarqué combien il est difficile de parler des miracles. Nous sentons d’instinct que le sujet est gênant : ou il entraîne le refus, refus du miracle qui coïncide souvent avec le refus d’en parler parce que sujet trop intime qui nous engage au plus profond de nous-mêmes ; ou il entraîne une profusion verbale exprimant des opinions favorables ou défavorables à leur existence (car en fait, cela s’arrête souvent là : je crois ou je ne crois pas à leur existence). Le miracle déconcerte parce qu’il ne fait partie de notre vie. C’est un point d’interrogation. En fait la seule véritable interrogation que devrions avoir est : le miracle change-t-il quelque chose à ma vie ? Nous verrions alors que, pour ou contre, favorable ou défavorable, le résultat est le même. Il ne change rien parce que, même si nous y croyons, nous l’assimilons à une croyance, une sorte d’idéologie, sans qu’il bouleverse notre vie. Alors, qu’en est-il des miracles ?

A l’évidence, le monde a soif de miracles. Il les attend. Mais en même temps, il les refuse, au nom de la raison, bien qu’il commence à percevoir les limites que celle-ci lui impose. En fait, le problème n’est pas le miracle en lui-même, mais son appréhension. Celle-ci dépend de l’état d’être de chacun. C’est pourquoi l’église adopte une attitude très neutre qui semble sage. La véritable question n’est pas quelle doit être mon attitude vis-à-vis du miracle, mais quelle doit être ma vie vis-à-vis de l’action divine ? Alors vient la véritable compréhension du miracle.

 

1. La recherche du surnaturel

 

Le monde moderne refuse Dieu. La raison, utilisant l’approche scientifique, est supposée expliquer le monde. Dieu n’est plus utile, il est devenu une superstition qui enchaîne l’ignorant dans l’esclavage. « La religion est l’opium du peuple », disait Karl Marx. Si la pensée contemporaine de l’Occident ne va pas aussi loin, elle exclut néanmoins l’aspect spirituel de l’homme pour fonder le bonheur de celui-ci sur son aspect matériel.

Or, réaction curieuse, jamais le merveilleux n’a été autant accrédité. Une littérature nouvelle est apparue : la science fiction. Elle a d’abord puisé dans les possibilités matérielles de la science (Jules Verne), puis dans l’irruption d’êtres vivants venus d’autres planètes (H. G. Wells). Elle s’est tournée peu à peu vers les possibilités irrationnelles du cerveau humain, utilisant le rêve, la drogue, l’hypnose pour sortir du monde matériel ou tout au moins s’en affranchir (H. P. Lovecraft). Elle fait maintenant état des possibilités offertes par l’intelligence artificielle, échafaudant des mondes parallèles à notre monde d’atomes (B. et G. Bogdanoff). Cette littérature ne fait jamais appel aux notions de monde spirituel. Mais en fait, derrière tous ces mondes imaginaires, c’est l’appel d’un au-delà de nous-mêmes qui émerge. L’homme aspire à donner un sens non matérialiste au monde où il vit et derrière la littérature de science fiction se cache la soif de Dieu (et aussi malheureusement celle du démon à qui une certaine littérature laisse une large place).

D’autres formes littéraires ayant pour thème l’énigme, le mystérieux, le surnaturel, sont également apparues ce dernier siècle. Citons entre autres dans le genre littérature métaphysique les nouvelles de Jorge Luis Borgès, auteur argentin, ainsi que ceux de ces amis A. Bioy Casarès et Julio Cortazar. Citons aussi « Le matin des magiciens » et « L’homme éternel » de L. Pauwels et J. Bergier, traitant des grandes énigmes du monde et de l’homme. Constatons enfin le développement insolite de la littérature mystique et religieuse depuis une trentaine d’années. Enfin, notons d’autres formes d’accréditation du merveilleux ou du surnaturel : l’astrologie, le spiritisme, les sectes, qui font souvent profit de la recherche spirituelle des jeunes, recherche sincère et normale.

En bref, l’homme, malgré l’oppression idéologique actuelle tournant en dérision l’aspect spirituel de l’homme, non seulement ne cesse d’aspirer à un au-delà de son univers quotidien qui donnerait un sens à son activité, mais même espère l’irruption de Dieu dans notre monde. Cette espérance est un fait inconscient. Elle est réelle, même si elle se concrétise par un débordement de l’imagination.

 

2. Les limites du rationnel

 

Quelques grands savants commencent à prendre conscience des limites de la science. Ces limites ne sont pas d’ordre matériel. Elles sont conceptuelles. Le cerveau humain, fait de matière, n’échappe pas à la matière.

 

Jean E. Charon, auteur d’une théorie unitaire de l’univers, fait apparaître trois niveaux successifs d’appréhension du monde qui nous entoure :

.        Le connu qui s’appuie sur l’observation (méthode phénoménologique), mais qui ne peut faire abstraction de l’observateur. Son langage dit objectif s’appuie sur la notion d’objet.

.        Le réel, qui est une généralisation du connu permettant d’accéder à une description de la nature indépendante de l’observateur. Son langage est symbolique. Ainsi les mathématiques sont le langage approprié à une description de l’univers.

.        Enfin, ce n’est pas parce que l’on décrit le réel au moyen de la géométrie que l’univers est de la géométrie. Ce n’est que l’univers, nous n’en connaissons que l’image rationnelle que s’en fait l’intelligence rationnelle. On ne peut savoir « ce qu’est » l’univers que par intuition ; et, par définition, l’intuition est personnelle, don ne peut constituer les éléments d’une science. Elle ne peut s’exprimer, se faire partager, qu’à l’aide d’un langage symbolique qui ne donne qu’une description et non ce qui « est ».

 

3. Que penser des miracles ?

 

Voyons un peu comment les hommes conçoivent le miracle. Nous remarquons que selon leur état d’être, ils ne réagissent pas de la même façon et tirent des conclusions contradictoires.

L’homme frustre qui appréhende le monde à travers son aspect sensuel refuse de se laisser troubler par le miracle. Il l’ignore.

L’homme qui vit sa relation avec le monde dans son aspect émotionnel est sensible au miracle. Il trouve une résonnance en lui, car sa vision du monde est intuitive. Le miracle le touche, car il y sent une vérité qu’il ne peut s’expliquer. Mais malheureusement, sa vision émotionnelle le conduit souvent à la superstition, parfois même à la fausse illumination. Il se trompe lui-même inconsciemment par désir du merveilleux. Sa croyance aux miracles, cette recherche à la limite morbide du surnaturel n’est qu’une façon de fuir la réalité du monde et d’enfler son moi en confirmant sa vision des choses.

L’homme qui fonde sa vision du monde à partir de la raison ne rejette pas le miracle comme le frustre. Il ne l’ignore pas, mais il sait qu’il y a une explication naturelle. Il la cherche. Il croit la trouver parfois. Il n’a de cesse de se convaincre que s’il ne peut l’expliquer c’est que pour l’instant la science n’est pas allée assez loin dans sa connaissance de la structure de l’univers. L’homme rationaliste se veut objectif. Pour lui, le miracle est du domaine du subjectif qui un jour sera expliqué objectivement.

Le croyant, selon ce qui prédomine en lui, hésite entre ses diverses explications, qui cependant ne le satisfont pas. Il suit l’église qui lui propose des saints ayant vécu dans le passé et ayant accompli de nombreux miracles, qui reconnaît certaines apparitions. Mais souvent, il ne sait que penser au sujet d’hommes ou de femmes qui font preuve de manifestations surnaturelles : le Padre Pio, Thérèse Neuman, Marthe Robin. En fait, bien souvent, il n’est pas plus avancé que le non croyant et sa foi ne lui apporte que la caution de l’église qui elle-même est très partagée face à la réalité présente du mystère surnaturel. Les miracles sont faciles à accepter lorsqu’ils sont du domaine du passé, mais plus difficiles s’ils font partie du présent.

L’homme spirituel enfin a pris conscience que le monde lui-même est un miracle. Il y voit sans cesse Dieu à l’œuvre et derrière le visible transparait l’invisible, le sens des choses. Pour lui, le miracle est naturel. Il voit chaque jour des signes de la présence de Dieu. En fait, sa relation avec le monde a changé de niveau parce que lui-même a changé d’état d’être. Il ne cherche pas à juger, à penser quelque chose du miraculeux. L’homme spirituel n’a pas d’opinion. Il refuse toute réaction de l’égo, du moi. Il cherche à appréhender le monde, guidé par l’esprit. L’esprit n’a pas de jugement (ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de discernement).

 

4. Attitude vis-à-vis de l’action divine

 

L’attitude de l’homme vis-à-vis de l’action divine doit se régler sur deux préceptes qui peuvent paraître au premier abord contradictoires.

1.      Accepter les choses telles qu’elles sont, le monde tel qu’il est, les hommes tels qu’ils sont ; et non les vouloir toujours conformes à son idéal. Nous rejetons le monde, nous critiquons les autres parce que nous ne les voyons pas conformes à l’idée élevée que nous nous faisons de l’homme et de l’univers. Mais nous ne voyons pas que cette attitude est créée par notre incapacité à atteindre cet idéal. C’est une excuse inconsciente que nous nous donnons à nous-mêmes. Il a toujours semblé à l’homme plus facile de changer le monde que de commencer par se changer lui-même.

Ceci suppose donc de nous accepter tels que nous sommes, non pas seulement avec nos qualités vraies ou imaginaires, mais avec nos défauts (nouvelle naissance avec nous-mêmes) qui ôtera nos peurs et nos critiques, qui apaisera l’exacerbation des contraires en nous.

2.      Etre disponible à l’action divine, au miracle. Comprenons bien que cette attitude n’a rien à voir avec la superstition ou le désir égocentrique du merveilleux. Les grands saints n’ont jamais cherché à faire des miracles. Ceux-ci se sont produits malgré eux au début, jusqu’à ce qu’ils comprennent que telle était la volonté de Dieu. Ils ont toujours dit qu’ils n’y étaient pour rien. En fait, le miracle ne peut se produire que si l’homme est vierge de tout égo, disponible, ouvert à l’action divine en lui. Disons que la sainteté consiste paradoxalement à ne pas rechercher le miraculeux tout en l’espérant, tout en le demandant, tout en faisant confiance à Dieu pour qu’il se produise. Attitude paradoxale, mais facile à comprendre : le saint demande à Dieu avec son esprit (le Soi, l’être profond au-delà du moi), il refuse le miracle avec son égo parce qu’il craint trop d’en tirer un peu d’orgueil.

 

 

*  *  *

 

 

La compréhension de ce qu’est le miracle n’est ni du domaine de l’opinion, ni du domaine de la conviction, ni du domaine du savoir. Elle est dans notre propre changement d’être. C’est une co-naissance qui ne peut venir qu’avec le retournement complet (conversion) de l‘être tout entier. C’est une nouvelle naissance : le monde prend sens, l’invisible transparaît derrière le visible. Le miracle est alors naturel, car la présence divine est derrière toute chose.

 

 

27/05/2011

Musée Jacquemart-André

 

Cet hôtel particulier fut édifié à la fin du XIXe siècle dans le nouveau Paris d’Haussmann par Edouard André et son épouse Nélie Jacquemart, couple de grands collectionneurs.

 

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C’est un vrai musée. Tout y est grandiose, arrangé en décor, les chaises alignées le long des murs, les tableaux suspendus symétriquement, les bustes mis en valeur sur leurs colonnes de marbre, dorures sur les boiseries à profusion en imitation des salons Napoléon III du Louvre, voire du château de Versailles pour les grands salons. Des portraits d’hommes altiers, sûrs d’eux-mêmes, satisfaits de se retrouver suspendus en d’aussi augustes lieux, quelques femmes, rondelettes et joliment nues ou plus mûres et sévèrement habillées. Un seul portrait dénote sur les autres, celui de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigier Le Brun, dont nous parlerons prochainement.

Le décor est imposant, voire solennel, mais ce n’est qu’un décor dans lequel on imagine femmes et hommes figés dans une semi-immobilité, raidis par des vêtements ajustés, se souriant sans rire franchement, buvant des rafraichissements en écoutant d’une oreille distraite une musique qui n’est qu’un fond sonore. Tout est à sa place et tellement bien à sa place qu’on a du mal à imaginer autre chose que ces alignements de portraits, de bustes, de chaises, de commodes, de tapisseries.

Quel étouffoir ! Paris du début du XXème siècle, un Paris qui ne sait pas ce qui l’attend et qui vit au rythme des fêtes. Notons que l’on retrouve dans ce musée le même style de public que le musée lui-même : retraités aux cheveux rares ou en bouclettes-mamies, groupe de cheftaines en mal d’explications et qui parlent bien sûr des dernières expositions qu’elles ont vu sans s’intéresser à celle qu’elles visitent. Très peu de jeunes, pas de rire, l’oreille collée à l’audioguide écoutant sagement les commentaires savants du « cicérone sonore individuel ». Seules quelques mères juvéniles, leur enfant sur le ventre, errent dans les salons en attendant l’heure du biberon.

 

 

18/05/2011

Au fil des boutiques : La Maison Fabre

 

Les jardins du Palais Royal sont entourés de boutiques diverses, certaines vieillottes, d’autres trop modernes pour le décor, d’autres encore en perpétuel changement de propriétaires, enfin quelques unes insolites, comme la Maison Fabre, au 128, boutique de gants, extraordinaires de profusion et d’ingéniosité dans la présentation de leurs appareils à cinq doigts que l’on enfile gracieusement pour être élégant lors d’une occasion chic, pour avoir chaud dans ses extrémités, pour pratiquer des travaux réputés sales (mais ce n’est pas le genre de la boutique !), enfin pour se faire plaisir en toute occasion un soir de déprime quand l’alcool ne suffit pas.

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Il y a des gants dont la raideur du support fait penser aux épouvantails que l’on croise parfois, de moins en moins, dans les champs pour éloigner les oiseaux. Mais là, il s’agit d’attirer le client en faisant contraster le support rigide et neutre de son gris uniforme avec le velouté, la brillance d’un cuir de première qualité. Vous remarquez bien sûr qu’il manque le pouce dont la dissymétrie par rapport aux autres doigts choquerait ici le regard, c’est pourquoi ces gants semblent si élégants dans leur amputation discrète, mais réelle. Mains rouges pour les mariages, assorties avec un chapeau que l’on tient du bout des doigts ne serait ce que pour faire remarquer l’harmonie qu’il possède avec ces gants magnifiques,  mains jaunes pour le sport (carton jaune, évidemment), mains bleus pour les conversations affables en ville entre dames ou avec des messieurs, dans un lieu appelé bistrot qui fait plutôt penser aux salons de ces hôtels du style de « L’année dernière à Marienbad », enfin mains brunes des promenades dans les bois un après-midi de campagne lorsque le chien tire la laisse et vous oblige à marcher-courir sans relâche.

 

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D’autres gants sont alignés comme à la parade, formant des compagnies entières, massives, en arrière-fond des présentations plus originales mises en valeur par la sobriété de la quantité comme de la qualité. Ils sont couchés tels des alignements de dominos que l’on fait s’écrouler d’une pichenette pour les voir tomber les uns sur les autres avec la régularité d’un stand de tir. Mais ils sont plus divertissants que ces pièces de bois uniformes, surmontées d’ivoire maintenant faux et marquées de points de un à six, et ils donnent une impression de profusion colorée dans laquelle on a envie de mettre le nez pour sentir l’odeur subtile d’un cuir parfaitement tanné. Après un tel rite, il est évident que la deuxième envie est de les enfiler tous. Dommage que nous ne soyons pas Vishnou, incarnation de la création, car il est certain que le plaisir ne manquerait pas de créer des harmonies de couleurs au bout des bras qui, dansant discrètement, donneraient un spectacle enchanteur, comme des feux de Bengale tourbillonnant dans l’espace.

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Mais l’on trouve également des sortes de petits manchons destinés à recouvrir la main en laissant les doigts libres de jouer avec les plis d’une robe solennelle, blanche ou noire naturellement. Ornées de petits boutons sur les côtés, ils pourraient aussi servir d’ornements des chevilles, utilisés par les sportives qui s’adonnent à la gymnastique en salle, pour empêcher vraisemblablement la transpiration de pénétrer dans les chaussures unicolores qu’il ne faut pas abîmer en raison de leur prix.

 

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Certains sont réservés à des instants spécifiques où le rôle tenu doit être en accord avec l’importance de l’apparence, tels, par exemple, le mariage de William and Kate auquel vous auriez été invitée, empanachée et gantée de gris foncé, orné de fleurs aux pistils blancs, pour vous glisser subrepticement, dans la cathédrale et mettre en évidence cette parure des mains avec ostentation. La peau de serpent ne serait sans doute pas très bien vue dans une telle assemblée dans laquelle l’écologie est un art de vivre avec cependant quelques sélections des objets sur lesquels porte le graal de cette nouvelle religion.

 

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Ballets de « gantitude » ou ronde élégante de mains autonomes comme des prêtresses caressant leur dieu avec légèreté et admiration dans un silence respectueux et les sourires convenus de telles cérémonies. La déesse s’abandonne avec humilité à cette adoration, acceptant du bout des doigts de se laisser caresser tout en protégeant une main fine de dentelles tricotées pour lui assurer la sécurité contre toute violation de son intimité.

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Enfin la suprême élégance, plutôt masculine, mais que l’on verrait bien sur les mains de femme, ce gant simple, en veau d’un blond semblable aux cheveux d’une Ophélie nordique, au mi-doigts coupés à angle droit que compense la rondeur de l’arrière main faite pour montrer la peau tendre d’un poignet de femme ou la vigueur d’une poigne d’homme. Abandonné, comme flottant dans l’espace, les doigts élastiques, le poignet détendu, cette main attend une autre main, tout aussi délicate, peut-être une de celles du « ballet de gantitude », pour s’unir avec lenteur et respect pour la vie.

 

 

 

 

16/05/2011

Illumination

 

Illumination. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Tout revit, tout redevient : consistance, perplexité, immesurable. Je viens de percer un mur et m’enfonce lentement, émerveillé, dans un monde indéfinissable, comme si ma chambre était partie à la dérive au-delà de la ville, au-delà de la terre, vers un univers d’apesanteur et de compréhension. Comme une momie, ressuscitée par son transport vers une atmosphère régénératrice, je me débarrasse de mes bandelettes où s’accrochent quelques lambeaux de chair desséchée. Tout s’allège et perd peu à peu de cette consistance qui fait la réalité. Je regarde les objets de ma vie quotidienne, ils me paraissent si lointains. Encore quelques bandelettes à dérouler et il ne restera plus rien, qu’une chambre nue, vide d’objets, vide de ma présence, mais que je verrai encore comme si j’étais attaché, alors que déjà j’aurai amorcé le voyage incohérent au-delà de l’atmosphère oppressante qui nous entoure.

Peu à peu, au cours de la journée, subtilement, s’est établie une intense lucidité mêlée d’un détachement des sens, jusqu’à cet instant, jusqu’à tout à l’heure, où j’étouffais, où je criais d’angoisse et de joie. Effet de l’imagination ou possibilité d’une autre réalité, insoupçonnée, découverte par hasard, indéfinissable, que je ne peux définir, mais qui m’étreint et me transporte dans la joie de l’absolu et l’angoisse du néant. Une autre voix me parlait… Qui es-tu ? … Je ne sais pas… Que fais-tu ? Je ne sais pas… Que deviens-tu ? Rien encore, peut-être, un jour… Le jour est là, il se lève, regarde-le au dessus des toits luisants, regarde le soleil ouaté monter dans le brouillard vert de la nuit… Je ne vois rien… Mais si, regarde bien, ouvre les yeux, éveille-toi…

Et je m’éveille. Je vois la ville mauve prenant parfois des teintes d’un rouge insoutenable, alors qu’ailleurs certaines maisons s’estompent dans un gris diffus. Je vois ce soleil, presqu’invisible, mais perceptible cependant, qui s’élève lentement dans la nuit verte, la parant d’une lueur translucide… Aimer, me dit-on dans l’oreille, voilà ce que tu dois aimer. Regarde, regarde bien ces gens qui courent nus, habillés de bijoux et d’étoffes luxueuses, dans le jardin qui borde la ville où vient se baigner le fleuve. Regarde-les parler, faire des gestes, se voir dans les glaces, rire brutalement et pleurer en cachette derrière un arbre au feuillage bleui par la nuit. Il faut les aimer, car ils sont malheureux, comme tu l’étais toi-même, comme tu le seras à nouveau sans pouvoir rien faire d’autre que jouer dans le jardin baigné par le fleuve, jouer avec les bijoux suspendus au cou des femmes et avec les cerceaux des enfants qui effleurent les adultes. Tu devines cent histoires qu’ils racontent, mille vies qu’ils égrainent, ces destins par centaine de milliers qui s’entassent dans le jardin et tournent sur leur orbite, se projetant de plus en plus dans ce mouvement infini semblable à la course folle de notre planète dans le vide de l’espace. Tu t’éveilles lentement de ce cauchemar du jardin, tu franchis les portes bétonnées et menues, et tu t’enfonces dans la glaise glissante jusqu’à la plage de sable fin, où chaque grain contient une histoire que tu pourras voir de tes yeux ouverts en le tenant au creux de ta main.

Je me souviens d’Almostasim[1], de cette progression ascendante vers Almostasim, l’homme qui possède la clarté et la transparence, que personne n’a pu voir, que personne ne verra, parce que personne ne veut s’en donner la peine ou ne peut parvenir au bout du voyage, ou encore, meurt à l’instant de le voir. Je me souviens aussi de la bibliothèque de Babel[2], cette bibliothèque qui est une sphère dont le centre véritable est un hexagone quelconque et dont la circonférence est inaccessible, dans laquelle il y a des centaines de millions de livres dont un seul d’entre eux contient le volume qui rassemble tous les volumes, le volume qui seul signifie quelque chose dans le fatras de lettres, de points, de virgules, de marges, d’espaces vides des autres livres. Des centaines de bibliothécaires passent leur vie à chercher le livre, mais aucun jusqu’à présent ne l’a peut-être trouvé.

Est-ce possible, est-ce seulement possible une telle difficulté d’être, une telle impossibilité de respiration dans l’atmosphère où baignent ces objets ? Vouloir être, plus je creuse cette volonté, plus l’espace s’ouvre, comme par un phénomène de perspective, vers de nouveaux horizons, de plus en plus coupés, tortueux, délabrés, où chaque sommet fait apparaître d’autres montagnes encore plus belles, plus légères, plus aériennes, recouvertes de fleurs transparentes, de personnes sans corps ou de corps imperceptibles, froids, translucides, impalpables. Et plus j’avance, plus les corps perdent de leur consistance jusqu’à ne plus être que des émanations gazeuses du sol, comme forgés dans de petites boursouflures qui crèvent de temps à autre.

Poursuis ta route, sans autre préoccupation, sans regarder en arrière, jusqu’à ce qu’elle prenne fin !



[1]Voir Histoire de l’éternité, de Jorge Luis Borges.

[2]Voir Fictions, de Jorge Luis Borges

 

 

 

03/12/2010

Flottants, les fils de mon être

Flottants, les fils de mon être

Se distendent sous le vent

 

Engagés dans la rue déserte

Ravalant les façades mornes

Arrachant quelques grains de pierre

Ils s’amassent au pied des portes

 

J’en ai pris une poignée

Et attendu patiemment que s’infiltre

Entre mes doigts disjoints

La poussière blanche et liquide.

 

Toi aussi, j’avais vainement tenté

D’assembler sur l’écheveau de mes souvenirs

Les fils ténus et fragiles de ton être

Mais tu as rejeté cet encouragement

Pour fuir sur le trottoir nu

Jusqu’à cette porte ouverte sur l’oubli

 

Parcourant la rue, remontant le courant

Projeté contre la muraille par les rafales

Je me soumets au déchaînement naturel

Courbé sur les pavés au goût de tes pas

 

Vert tendre, quand tu courais sur l’asphalte

Quand nous courrions ensemble les mains jointes

Élevés vers le ciel en guise d’offrande

Nous cheminions entre les colonnes détruites

Qui ombrageaient la place pavée d’herbes

Je recherche aussi, loin derrière toi,

Le chemin où nos pas se chevauchèrent.

 

Peut-être le hasard, ou déjà l’amour ?