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06/01/2012

Rien, et surtout pas Monsieur (suite du 28 décembre)

 

La mode du bonjour sec, relativement récente, s’accompagne inéluctablement, par construction, de celle de ne jamais nommer quelqu’un Monsieur. Ainsi un représentant en aspirateur ou un préposé au téléphone s’introduira chez vous avec un bonjour sans autre spécificité. On peut penser que cette mode date des années 80, époque à laquelle Yves Mourousi se singularise par cette injonction brève et cinglante, avec, pour se faire pardonner, un accent délicat. Adoptée bien sûr par les journalistes, elle fut très vite suivie par l’habitude, que les médias considéraient tout aussi légitime, d’user du prénom et du nom de toute personne s’il tient une place intéressante dans la société.

Seul le petit peuple doit être appelé Monsieur ou Madame. On retrouve là l’arrogance trop polie des grands. Dire « Madame Enditrop » à sa concierge lui signifie la différence de classe. Ainsi fut divulgué cet usage médiatique de commencer une interview, même pour les personnes les plus hauts placées, en ces termes : « Nicolas Sartovsky, vous… ». C’est probablement par suffisance que nombre d’hommes politiques répondent aux journalistes en disant « Madame Chazel », et non Claire Chazel, signifiant par là la différence de classe. Certes, nous n’en sommes pas encore au tutoiement révolutionnaire, mais cela devrait arriver sans trop tarder. En ceci, nous rejoindront les pays non pas les plus démocratiques, mais les plus habiles à masquer les différences, telles les dictatures prolétariennes.

Par une voie totalement différente, cette horreur de nommer quiconque Monsieur ou Madame fut amplifiée, indirectement, et toujours par les médias, en raison des traductions des feuilletons américains si prolixes d’aventures militaires. Avez-vous remarqué que ceux-ci sont tous appelés Monsieur et non, comme c’est la coutume en France, par leur grade. Il en est de même des personnes ayant un certain rang social dans cette société égalitaire. Le terme Monsieur implique donc chez les Américains, ou du moins c’est l’impression qu’ils donnent au travers des traductions qui en sont faites par des Français, une déférence implicite que ne saurait admettre le peuple républicain. Dire Monsieur à quelqu’un c’est humiliant, dégradant, vieux jeu, voire hors jeu. Quelle déchéance que de devoir dire Monsieur à une autre personne. Jamais !

Voilà pourquoi (et non « c’est la raison pour laquelle », formule dans laquelle se complaisent également de nos jours les personnages en quête d’audience médiatique), le peuple français est maintenant condamné, même s’il s’adresse à une seule personne, à ne dire qu’un bonjour sec, impérativement, sous peine d’incivilité.

Peu importe ce qu’il dira par la suite, le mot de passe est donné et ouvre la porte à l’infinité des situations, y compris le manque de civisme et l’absence de citoyenneté.

Certes, cette interprétation fait de nombreux raccourcis et est quelque peu outrancière, mais n’y a-t-il pas un fond de vérité dans tout cela ?

 

 

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