Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/05/2016

Adagio du concerto pour Hautbois en Ré mineur, d’Alessandro Marcello -1684-1750)

https://www.youtube.com/watch?v=aYnU-CaH0bM

 

L’adagio (en 3 :00) est un long chant qui se déroule avec continuité, bercé par la cadence des violons. C’est un chant d’espoir devant la vie, un vol dans le vide de l’âme qui contemple, nue, la beauté d’un matin, la douceur d’un soir, le souffle chaud d’un jour d’été.

Et si vous en avez le courage, vous vous envolez par la fenêtre, abandonnant vos soucis et vos intérêts. Vous reviendrez vous poser plus tard.

 

https://www.youtube.com/watch?v=tjLoOmDddgk

 

Voici une version beaucoup plus romantique que l’interprétation précédente. Bien qu’un peu lente, elle a son charme lascif et endort l’esprit. Elle est sans doute plus intérieure et moins brillante.

Pourquoi ne pas écouter les deux, avec des sensations différentes. N’est-ce par le charme de la musique.

07/05/2016

Vieillesse

Peu de gens savent être vieux.

(La Rochefoucauld, Maximes, 423)

 

C’est une belle maxime. Mais est-elle vrai ou non ?

Considérons tout d’abord qu’une maxime n’est pas conçue pour représenter la vérité, mais pour mettre en évidence des vérités qui font mal. Donc peu importe si elle est vraie ou non : est-elle révélatrice de beaucoup d’êtres humains en mal de vivre ou… de mourir ?

Considérons également le fait que certaines personnes ne s’imaginent pas vieux. Elles trainent une jeunesse éternelle comme un poids mort et s’en porte bien, ou, au moins, mieux que ceux qui s’en vont libres comme l’air, vers les derniers instants. Ces derniers sont les plus chanceux. Ils ne se posent pas la question. Peu leur importe, cela viendra le moment venu, subitement et ils n’y prêteront qu’un intérêt curieux : qui a-t-il ensuite ? Pour les premiers, le moment viendra d’une déchéance subite qui leur fera grincer les dents. Ils n’auront pas accompli ce pourquoi ils étaient nés.

Mais, au fond, qu’appelle-t-on savoir être vieux ? Ne dit-on pas que rester jeune est avoir des projets ? Si tel est le cas, pas mal de vieux ne sont pas vieux. Il y a ceux qui ont toujours des projets en tête et qui, de plus, les réalisent. Il y a également ceux qui ne peuvent plus ou n’ont plus le courage de les réaliser. Il y a enfin ceux qui, toute leur vie, ont eu des projets, mais n’en ont jamais réalisé un seul. Ah oui, il y a quelques intermédiaires qui ont réalisé un projet et qui, épuisés, se sont arrêtés, par fatigue ou fierté.

Alors être vieux est-ce ne plus avoir de projet, sachant en toute connaissance de cause, que ce n’est plus raisonnable à leur âge ? On est alors bon pour l’hospice où la vie s’écoule sans secousse ni intérêt, sauf pour une visite où l’on se rappellera quelques épisodes de la vie passée sans pouvoir vivre un épisode présent.

Il y a de ces vieux dont la seule préoccupation est de s’inquiéter sur son voisin et même ses proches (sur et non de, car cela n’est plus de mise pour lui). Ils se focalisent sur les qualités ou les défauts des autres, plus souvent d’ailleurs sur les seconds, et ratiocinent sur ce que ceux-ci ont fait, font ou feront. Ils vivent de la vie des autres, à défaut de vivre leur vie jusqu’au bout.

Il y a également ceux qui ne se préoccupent que d’eux, c’est-à-dire de leur santé. Ils ont mal partout, sont morts tous les deux jours, mais vivent jusqu’à cent ans pour ennuyer ceux qui les entourent.

Ainsi donc, nombreux sont les vieux qui ont l’âge ou non d’être vieux ou qui l’ont même dépassé. La vieillesse n’est pas liée au temps universel et mathématique. Elle s’accommode du temps psychologique, un temps élastique possédant des nœuds et des trous que fait le récipiendaire au gré de son humeur. Viens le moment où le trou existe seul : il est passé de l’autre côté.

Alors, qu’est-ce que savoir être vieux ?

C’est voir les choses de haut, comme le gardien de phare dans la tempête. Les vagues s’écrasent à ses pieds, ébranlent le phare, mais sans l’inquiéter un instant. Il en a vu d’autres !

Mais cela suffit-il ? Sûrement pas. Ce serait l’indifférence plutôt que la vieillesse heureuse. Cette hauteur ne lui permet plus de se confondre dans l’arène. Il regarde ses actes avec recul, comme s’il disposait de jumelles à l’envers. Et il juge sans toutefois regretter. Il est trop tard. Il est présent pleinement, encore dans le futur, toujours dans le passé, mais comme enseignement du présent et de l’avenir. Le regret n’a pas lieu d’être.

Enfin, et c’est là l’essentiel, il a oublié les tracas, les querelles, les peines et les haines, il ne conserve que ces instants inoubliables d’oubli de soi, quand le cœur et le corps sont ouverts à l’infini et respirent un air céleste, enchantant ses voisins. Ces instants de pur bonheur où l’absence du moi fait du monde ce soi qu’il a cherché toute sa vie.

Alors il peut laisser la vie partir. Il lui fait un clin d’œil et se retrouve de l’autre côté sans avoir le temps de dire ouf.

06/05/2016

Le nombre manquant (14)

Sans doute, ceux qui suivent ce blog depuis un certain temps, se souviennent-ils d'un récit commencé mais jamais fini. Il s'est arrêté le 6 septembre 2015, au 13e épisode et s'appelait "Le nombre manquant". Il n'y eut pas de suite.... en attente d'inspiration, je l'avoue... J'étais à court d'idées et ne savais comment poursuivre un récit commencé sans en posséder la fin. Eh oui, il faut faire son apprentissage d'écrivain et avouer ses erreurs et insuffisances.

Le sujet me tient à cœur, mais il est difficile et me cause bien du souci. En voici la suite, qui poursuit l'aventure entre science et mystique à la recherche d'un nombre à découvrir qui n'est ni le Zéro, ni le Un, ni l'Infini et qui résume tous les nombres.

Alors, si le cœur vous en dit, poursuivons l'aventure, retrouvons les élèves du professeur Foiras et tâchons de la mener à son terme que j'ignore encore, ou presque, et dont je ne connais pas les péripéties.

 

 

Cinq jours plus tard, nous nous retrouvions chez Mathias. Un simple coup de fil nous avait prévenus. Pas de mail, pas de rencontre. Nous avions convenu d’arriver à cinq minutes d’intervalle pour ne pas donner la puce à l’oreille de nos poursuivants éventuels. Peut-être nous surveillaient-ils ?

Une fois tous réunis, Mathias prit la parole.

– Résumons-nous. Nous avions trouvé le moyen de cacher aux autres nos recherches, par pure précaution. Bien nous en a pris. Quelqu’un, au moins une personne, connait maintenant l’existence de notre base de données. On en a la preuve par le changement de nom du zéro en orez. Pourquoi ce changement de nom ? On ne le sait. Quelles sont les motivations de celui ou ceux qui l’ont fait ? Quelles sont les conséquences pour nous, pour nos recherches ? Cela va-t-il nous contraindre à abandonner ? Et derrière ces interrogations de premier degré, on peut se demander si nous sommes tous fiables. Cela pourrait-être l’un d’entre nous qui est à l’origine de cette farce. Comment en être sûr ? Deuxième question, que signifie ce mot : orez. Je pense que chacun d’entre vous avez remarqué que c’est le mot zéro écrit à l’envers. Cela a-t-il une signification ? Est-ce un message que l’on tenterait de nous faire passer. Il est tout de même bizarre qu’ayant réussi une première fois ce tour de passe-passe, l’auteur recommence de la même manière sans même se cacher. On peut croire qu’il le fait exprès. J’avoue que toutes ces questions sans réponse me laissent perplexe et vous aussi, sans doute. Va-t-on devoir abandonner nos recherches pour d’abord tenter de savoir de quoi il s’agit ?

Mathias nous regardait d’un œil inquisiteur et nous sentions une tension intérieure en chacun de nous. Nous en vînmes à nous regarder bizarrement. Heureusement, Claire intervint.

– Tout d’abord, je veux dire qui si nous poursuivons comme cela, c’est la fin de notre groupe. Nous avons réussi à créer une certaine confiance entre nous, à nous soutenir dans nos recherches, à même réfléchir ensemble, chacun apportant sa pierre ne fonction de ses compétences. Aujourd’hui notre dispositif craque. C’est une véritable crise qui détruit notre unité et nous conduit à la faillite de nos recherches. Est-ce ce que nous voulons ? Pour ma part, je prône la plus grande clairvoyance là-dessus. Ou nous restons unis, ou nous nous séparons. Peut-être est-ce ce que cherche celui ou ceux qui jouent avec nos nerfs ? Ne nous laissons pas faire. Tout d’abord, disons-nous tout ce que nous avons sur le cœur en termes d’interrogations, voire de reproches.

– Parlons-en justement, répondit Vincent. Tu es bien la première à être soupçonnable. Nous avions déjà constitué notre groupe et tu débarques comme un cheveu sur la soupe, sans que l’on sache exactement pourquoi. Certes tu nous a aidé à faire de notre SGBD une réalité, mais ne serait-ce pas ton intérêt si tu voulais te joindre à nous ?

Je me crus obligé d’intervenir :

– Quelle supposition injurieuse. Claire s’est donnée pleinement à nos recherches et nous a permis de constituer une base solide. Certes, celle-ci est à nouveau dévoilée. Mais pourquoi l’accuser d’en être la cause ? Rien ne te permet de le penser.

Mathias prit la parole. Il était jusqu’à présent resté muet.

– Si nous commençons comme cela, nous allons nous détruire nous-mêmes, sans l’aide de personne. Il nous faut des questions claires, sans rapport avec votre prénom et votre personne, puis nous pourrons commencer à tenter d’y répondre. Je vous propose en premier lieu la recherche d’une méthodologie. Comment allons-nous organiser nos interrogations, quelles questions se posent, dans quel contexte et quelles solutions sont possibles, quelles qu’elles soient ?  Bref, quelles méthode de raisonnement devons-nous employer pour faire face à nos interrogations ?

Nous étions passés près d’une autre crise, plus sévère, celle de la dissolution de notre groupe. Ces quelques paroles eurent l’effet souhaité. Vincent demanda même pardon à Claire qui lui accorda volontiers celui-ci. Chacun semblait reparti sur ses rails, regardant la même perspective, un point à horizon où se rejoignaient nos interrogations. Premier temps, construire la méthodologie nous permettant de découvrir les bonnes questions à se poser.

 

05/05/2016

Femmes

Ces êtres aux cheveux longs²
S’en vont dans les couloirs
A la recherche de l’âme sœur
Qui les contemplent, attendrie

Leurs ondulations sont l’expression
De la fatalité de leurs suggestions
Un monde de courbes doucereuses
Qui enlacent l’esprit et le déposent
Dans un berceau de roses

Alors elles ouvrent leurs mains
Et humectent leurs lèvres rouges
Encourageant la folie passagère
D’une caresse frissonnante
Qui fait tomber les apparences

Le feu brûle ces êtres
Dont les longs cheveux
T’emportent au paradis
Et te condamnent à l’oubli

 

 ² Rémy de Gourmont, « Les petits ennuis et les difficultés du démarquage », Epilogues 1895-1898.

©  Loup Francart

04/05/2016

L'infini

Le silence éternel de ces espaces infinis me terrifie. (Pascal)

 

Un simple mot, infini, qui ouvre toutes grandes les portes de l’inconnaissance. Le mot existe, mais qu’est-il, comment le définir, que représente-t-il ? C’est une énigme, un mystère même qui reste éternel, même pour ceux qui travaillent sur le concept. Ce n’est plus un nombre, car chaque nombre correspond à une suite de nombres, mais il est utilisé dans de nombreux calculs. Il est plus qu’un concept scientifique. Il a également une signification mystique et religieuse. Mais qu’englobe-t-il ?

Il est possible que je me trompe, mais je pense qu’il englobe l’ensemble du monde visible et invisible envisageable par l’homme. Il s’agit en premier lieu du monde matériel, du plus petit morceau d’atome à l’univers dans sa totalité qui est encore inconnu, mais que l’on commence à cerner puisqu’on en connait la date de naissance, 13,8 milliards d'années.

Le mathématicien Georg Cantor, créateur de la théorie des ensembles, a démontré ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence (hum !), à savoir que le tout est plus grand que la somme de ses parties ou encore que les nombres algébriques peuvent être numérotés, ce qui n’est pas le cas des nombres réels. Ce que montre Cantor, c’est que, une fois franchie la barrière conceptuelle qui rendait l’infini inaccessible, alors rien ne s’oppose à développer une arithmétique des nombres infinis — ou, plutôt, transfinis, c’est-à-dire au-delà du fini, ou encore ordinaux.

Mais il s’agit également de ce que Pierre Teilhard de Chardin appelait la noosphère, qui englobe la terre ou même probablement l’univers, c’est-à-dire le monde de la pensée, immatériel, mais qui existe bien sûr et ne peut être nié. C’est certes une production de notre cerveau matériel, mais elle s’est créée en cours de route du devenir de l’univers et a pris son indépendance. La noosphère serait-elle cette partie du tout qui dépasse la somme des parties ?

Autre bizarrerie. On peut concevoir l’infini de deux manières. La première le voit comme un point qui s’éloigne en permanence quand on avance vers lui. C’est le paradoxe d’Achille et de la tortue. La seconde l’imagine comme une ouverture toujours plus grande qui ne peut avoir de fin, car plus on approche, plus elle s’ouvre. On retrouve le même constat dans la noosphère et le monde conceptuel. On peut imaginer un infiniment concevable. L’aventure de la pensée ne cesse de progresser et progressera en permanence parce que ce qu’il y a à découvrir est infini. Mais il est également possible de le voir comme un infiniment inconcevable parce que les concepts ne sont que des choses finies et que ceux-ci ne sont que des constructions à partir du non fini. Plus le concevable s’enrichit, plus l’inconcevable augmente.

Enfin, la notion d’infini s’entend également de manière théologique. Tout infini n’est qu’une réalité potentielle puisque, dit Aristote, « l’infini est ce qui est tel que lorsqu’on en prend une quantité, c’est-à-dire quelque grande que soit la quantité qu’on prend, il reste toujours quelque chose à prendre ». Jean Duns Scot transforme cet axiome en énonçant que l’infini n’est pas ce qui laisse toujours quelque chose derrière, mais bien ce qui excède le fini selon toute proportion déterminée ou déterminable. Pour lui, seul Dieu est infini.

Le monde divin reste une énigme, c’est-à-dire une certitude pour les uns ou une chimère pour les autres. De nos jours, le concept d’infini ne semble pas inclure ce monde qui, pour l’instant, reste indémontrable. Mais, est-ce vrai ? Tous les mathématiciens et cosmologues qui se sont penchés sur ce problème incluent plus ou moins ouvertement la notion de Dieu comme étant le seul véritable infini. Certes, il ne s’agit plus du Dieu des religions, mais d’un au-delà de la création, existant à côté de celle-ci ou au sein de celle-ci.

Dieu… transcendant et/ou immanent… ou autre encore…

Mais peut-on parler de Dieu tel que l’imaginent les hommes ?

03/05/2016

Pour un sourire


02/05/2016

La fin de l'histoire (36 et fin)

Le président du Comité Nobel norvégien se leva brusquement et clama : « Taisez-vous Monsieur. Nous ne vous avons pas nommé pour dire des insanités et des mensonges éhontés. Nous sommes une institution séculaire et n’admettons pas cette parodie de discours. Descendez de cette tribune et sortez ! Soyez heureux encore que je ne vous fasse pas arrêter. » À ces mots, la salle s’enflamma, tous se mirent à parler en même temps, certains sifflèrent Nicéphore, mais quelques autres crièrent " Vive Nicéphore ! " Ce fut très vite une confusion totale. Une bonne partie des invités au discours de réception quittèrent la salle. Mais leur surprise fut grande lorsque, ressortant dans le hall de réception de l’hôtel de ville d’Oslo, ils découvrirent les milliers de livres sur des présentoirs et une voix off qui disait : « Servez-vous, servez-vous ! Prenez le livre de Nicéphore, lisez-le, donnez-le à vos voisins. Il explique l’esclavage dans lequel vous êtes tenu. Retournez-vous et devenez libres, ne cherchez que votre propre réalisation, libérez-vous de ce joug insupportable ! »

Au même moment dans les grandes capitales, aux endroits stratégiques des villes, d’autres organisaient la même promotion du Retournement, le livre de Nicéphore. En une heure le monde entier fut submergé, les médias ne surent plus où donner de la tête et les gens commencèrent à se rassembler dans les rues. Les assemblées de chaque pays furent convoquées, les gouvernements ne savaient que faire, la dP ne bougeait pas, terrassée par la pression publique et l’inertie des politiques.

Nicéphore s’échappa de la salle de réception, s’enfuit au loin et put passer la frontière grâce au plan préparé trois semaines auparavant. Charles le suivit quelques jours plus tard. Par chance, il passa au travers des mailles du filet de la dP qui le recherchait. Car, quelques heures à peine après ces événements, tout redevint calme. Les quelques livres qui restaient à disposition du public furent récupérés et brûlés sur place par des " Volontaires de l’Ordre Établi ". Néanmoins, une bonne partie de la population put lire l’essentiel de l’ouvrage et comprendre les manipulations imposées par la classe politique et médiatique.

Huit jours plus tard, débarquèrent à l’aéroport de Tombouctou deux hommes barbus. Ils ne portaient qu’un petit sac à dos, quasiment vide. Ils faisaient comme s’ils ne se connaissaient pas. Grâce aux faux papiers établis lorsqu’ils étaient encore bien en vue, ils passèrent la douane sans difficulté. Nicéphore chercha Mohamed et finit par le trouver sur le mur où il avait l’habitude de se tenir. "Allons-y ", lui dit-il. Mohamed alla chercher les trois dromadaires qui attendaient un peu plus loin et ils s’enfoncèrent dans le désert, vers les montagnes où aucune eau ne coule, mais où la liberté flotte dans l’air comme un parfum subtil.

Et pendant ce temps, couvait sous les crânes du monde entier un vent de tempête qui explosera quelques années plus tard, enterrant la fin de l’histoire.