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01/05/2016

Île de Ré

Île de Ré, île dorée, île leurrée
Chahutée par les vagues de l’opprobre
Elle valse entre ses rêves et dérive sans vergogne
Rien ne nous fera oublier ces étés mérités
Ni la raison ni le souvenir des coques s’entrechoquant
Ni même les cris des maraîchers sur les marchés
La marée monte et descend à satiété
Vous emprisonnant dans sa ronde infernale
Qui joue à cloche-pied entre le jour et la nuit
Terrassée de chaleur, elle agite ses pieds rocheux
Et les crabes divergent sur ses doigts de pied
Tel un doigt levé, son phare à la face rouge
Montre aux passants le lieu de trépas du soleil
 Et dans cette symphonie de la lumière et de l’eau
Nous contemplons émerveillés, la fin des temps
L’évanouissement des airs et des mers
Dans le trou blanc dévoilé par le doigt de Dieu
L’île ne s’empêtre pas des apparences
Elle fait peau neuve et se rit d’elle-même
La verdeur des rayons l’entoure d’une protection
Qui en fait un refuge qu’on ne peut signaler
Du haut du pont, on contemple ce nid
Dont on nous dit l’écrasement des jours d’été

©  Loup Francart

30/04/2016

Science et foi

 Les idées sont si faciles à manier que c’en est désespérant. Elles sont d’une docilité lâche ; elles se prêtent à tout. Pas d’obstacles. (…) Mais qu’au lieu de manier des idées on manie des réalités, on se heurte aux lois de la physique. C’est ce qui arriva au parti des philosophes et à ses représentants, les constituants. Ils vinrent munis de principes abstraits, et, croyant que l’homme était une abstraction, durent très surpris de trouver une résistance matérielle. Ils crurent qu’ayant dit : tous les hommes sont égaux, tous les hommes, en fait, allaient devenir égaux, et leur étonnement du extrême de voir qu’après leurs paroles souveraines il n’y avait rien de changé. Ils se trouvèrent pareils à des chimistes qui auraient déclaré : tout pouce cube de toute matière pèse le même poids.

Rémi de Gourmont, Promenades littéraires, 3e série, 1909

 

Le propre de la pensée constructive est de conceptualiser. À partir d’un fait, elle généralise, trie le circonstanciel, établit des liens avec d’autres faits, en tire des conclusions éparses qui, peu à peu, se rassemblent en une explication satisfaisante à l’esprit.

A l’inverse, le propre des faits est de contredire les explications que l’on en a données jusqu’à présent. Cependant, les savants persistent à chercher des explications logiques, et ils ont raison puisque certains découvrent ce qui empêche jusqu’à présent de comprendre ce qui se passe. Ainsi, Edward Lorenz a ouvert une nouvelle discipline, la science ou théorie du chaos. On entre là dans les limites entre les idées et les faits. Le mathématicien Douglas Hofstadter écrit : « un chaos tout à fait inquiétant guette derrière une façade d’ordre, et au fond de ce chaos, se trouve un certain ordre encore plus mystérieux ». La théorie du chaos est la science du quotidien. Elle traite de l’évolution des cristaux de glace ou de la formation des nuages qui sont des phénomènes apparemment aléatoires. Lorenz a conçu un modèle mathématique composé de 12 équations dans le cadre de ses recherches sur les prévisions météorologiques. En 1961, pour simplifier ses calculs et gagner du temps, il décida de les réaliser  avec seulement trois décimales au lieu de six. Les résultats auraient dû être proches, mais ces différences infimes modifièrent complètement les résultats. Il avait ainsi découvert ce que l’on appelle « l’effet papillon », formulé lors d’une conférence scientifique en 1972 : « « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ».

En poursuivant ce raisonnement, on peut s’interroger sur cette limite entre les idées et les faits. Y a-t-il bien une séparation entre une théorie et sa mise en application ou cette séparation n’est-elle due qu’à un manque d’approfondissement des idées à l’origine du concept à mettre en œuvre ?

D’une manière beaucoup plus générale, on peut aussi s’interroger sur la différence entre la science et la foi. L’une interroge les faits, l’autre part d’un a priori non vérifiable scientifiquement, l’existence de Dieu. Très longtemps, les savants se opposés aux religieux, remettant en cause les dogmes auxquels il était interdit de toucher. Mais dernièrement, les cosmologues se sont aventurés sur le plan des hypothèses proches de la foi : l’origine de l’univers, le bigbang, l’avant-bigbang, les multivers, etc. Inversement les églises acceptent l’observation des faits et recherchent des hypothèses permettant de comprendre les divergences entre la science et la vision religieuse du monde. Ce fut le cas de Pierre Teilhard de Chardin ou encore de Georges Lemaître. Progressivement les questions se rapprochent et les réponses se mêlent quelque peu. On atteint une zone que les militaires appellent le brouillard de la guerre, expression de Clausewitz qui traduit les incertitudes entre la conception d’une campagne et sa réalisation. Il est très probable que cette zone se rétrécisse, mais reste réelle malgré tous les efforts, l’art de la guerre ne dépendant pas seulement des aspects matériels d’une campagne, mais aussi, et surtout, de ces aspects purement humains beaucoup plus difficiles à prévoir.

Néanmoins, la progression de l’humanité réside bien dans cette faculté propre à l’homme de chercher ce qui semble inatteignable et non conciliable, au-delà des préjugés. La science est devenue philosophe et la foi fait face au réel. Qui gagnera ? Très certainement personne, elles se retrouveront une, peut-être à la fin des temps. Qu’est-ce qui les unira ? L’expérience, qui fait passer des concepts aux faits. Ceci et vrai pour les deux disciplines, la science s’étant toujours fondée sur l’expérimentation, mais également la foi dont l’expérimentation est celle des faits spirituels n’entrant pas, jusqu’à présent, dans le champ des expériences scientifiques.

28/04/2016

Labyrinthe de droites

 Une beauté singulière s'échappe tranquillement de ces lignes entrelacées.

Vous croyez distinguer des masses dans cette linéarité, mais lorsque vous tentez de les délimiter, il ne vous reste que du blanc ou du noir dans les yeux.

Alors, toujours vous cherchez à approfondir le sens de ces fractions de lignes. Vous vous noyez dans ce labyrinthe insaisissable.

 

12-07-27 Traits et rectangles inversés.jpg

27/04/2016

La fin de l'histoire (35)

Vint le jour de la remise des prix. Nicéphore fit le voyage, accompagné par Charles et une horde de journalistes. Il avait auparavant été reçu par le Président de la République, à l’Elysée, qui s’était réjoui de ce nouveau prix Nobel pour la France. A la mairie d’Oslo un silence attentif précéda son discours :

« En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m'honorer, ma gratitude est d'autant plus profonde que je mesure à quel point cette récompense est imméritée et, dans le même temps, totalement conquise et gagnée. En effet, j'ai beaucoup réfléchi avant de vous dédier ce discours qui traite du rôle du politique et de la société. Je ne souhaite pas faire un long discours, mais simplement vous dire quel est mon idéal et pourquoi j'ai choisi cette remise de prix pour en faire part alors qu'auparavant je vous ai tous trompés. »

Nicéphore laissa un petit temps de silence et remarqua que l’assemblée redoublait d’attention, tout en s’interrogeant sur ce qu’il pouvait avoir à dire de nouveau par rapport aux discours habituels et convenus. Il poursuivit :

« À quoi sert le politique, telle est bien la question primordiale en ces temps où n'est recherché qu'un consensus mou et obligatoire. Pour moi, le politique a une seule mission et celle-ci est essentielle : permettre à chaque concitoyen de se réaliser pleinement au maximum de ses possibilités au sein d’une société qui offre à chacun la même capacité d'épanouissement grâce à une paix entre les nations et entre les hommes et femmes du monde entier. Contrairement à ce que pensent beaucoup de politiques, leur problème n'est pas de gagner la compétition des nations au mépris de leurs concitoyens et des autres nations. Car alors ils sont prêts à tout pour arriver à leur fin, y compris l'asservissement du peuple dont ils font grand cas et qu'ils contraignent sous une férule inoffensive, mais ô combien perverse. Interdiction de penser par soi-même, une liberté totalement contrainte sous des dehors d'hygiène sociale, une égalité qui empêche tout progrès, une fraternité qui n'est qu'extérieure parce qu'elle ne vient pas du meilleur de chacun. C'est ce que je veux changer. C'est pourquoi je vous remercie à nouveau pour cette distinction. Elle me permet de m'exprimer ouvertement devant le monde et de propager ces idées, ce que je n'aurai pu faire seul, sans votre aide. Alors, je compte sur vous, passé la première surprise, pour promouvoir ce nouveau champ d’action politique presque totalement vierge, celui de l'épanouissement de chaque être humain, pour le bien de tous. (…) »

Charles, qui était bien sûr là, regardait les visages des personnalités présentes. Jusqu’à présent bienveillants, ils prenaient progressivement un air bougon, puis franchement hostile. L’assemblée commençait à comprendre ce que Nicéphore disait et cela ne lui plaisait pas du tout. Certains commencèrent à parler à voix basse, se penchant vers leurs voisins. Enfin, l’un d’eux, un homme assez rougeaud, avec un ventre replet, se leva. Mais ne sachant quoi dire, il se dirigea vers la sortie d’un air offusqué. Mais Nicéphore poursuivait :

« Vous connaissez bien sûr la phrase du Mahatma Gandhi : " Dès que quelqu'un comprend qu'il est contraire à sa dignité d'homme d'obéir à des lois injustes, aucune tyrannie ne peut l'asservir. " Oui, je demande au peuple de retrouver sa dignité, d’arrêter de croire ces politiques qui camouflent la vérité sous des slogans abrutissants, d’arrêter d’écouter les nouvelles truquées des télévisions et radios du monde entier et surtout d’arrêter de prendre ces pilules de faux bonheur. Enfin que chacun refuse les arrestations de la dP, que les roues de ses véhicules soient crevées, que des barrages soient levés, que les voisins viennent au secours des malheureux suspectés et que ces lois scélérates soient abrogées. »

26/04/2016

Phares dans le brouillard

N'avez-vous jamais été aveuglé par une voiture arrivant en sens inverse, la nuit, dans le brouillard. Tout se mêle et n'est ni noir, ni blanc, ni gris. Vous ne savez plus, vous n'existez plus, deux ou trois secondes, qui sont longues, si longues, jusqu'à ce que la voiture passe à côté de vous, sans encombre.

16-04-26 Triangles multiples.jpg

25/04/2016

Maxime

 

Le bonheur,

c'est cette part de ciel,

vécue en un instant

puis, espéré à tout instant.