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13/07/2014

L'aquarium du Trocadero à Paris

Est-ce vraiment un aquarium et non un trou du diable ? Certes, l’entrée est avenante, mais on descend, on descend et on descend toujours plus bas, sous terre, dans le noir, pour mieux faire ressortir les fonds marins et ceux qui les habitent.  Les architectes qui ont construit ce lieu nous plonge dans le monde du silence par l’ambiance. Peut-on parler de silence d’ailleurs. Cris des enfants : « Oh ! Maman, regarde ! » Et réponse des parents : « Ne va trop près ! ». Mais, miracle, on ne les entend plus au bout d’un moment. On s’isole et l’on se plonge dans les profondeurs d’une eau chaude et bleu. On remue le bassin, on gigote des pattes, on ouvre un œil maussade, on donne un coup de nageoire pour s’éloigner d’un intrus qui vient pérorer à nos côtés. On fait un clin d’œil à la murène, un signe d’amitié au pageot rose, on jette un regard craintif au squale effilé qui se profile derrière le rocher. On ouvre la bouche en cadence, pour respirer, les poumons emplis d’eau. On sent même l’odeur aigre de la grande raie guitare qui vient vous effleurer le dos du bout de son aile et qui repart lentement, insensible au charme qu’elle vous a fait.

Première grande halte, les calanques de Cassis, grandioses : une grotte sortie des contes de Pagnol, environnée d’ombres glissant dans le liquide bleu. On distingue les énormes mérous, passifs et s’imposant d’eux-mêmes, les castagnolles aux petites rayures dorées, les coquettes rouges, le Crénilabre commun (peut-être, mais qui le connaît si bien ?). On sent la chaleur de la Méditerranée : pourquoi n’a-t-on pas amené notre maillot de bain ?

Un détour au cinéma avec les scientifiques qui devisent avec force conviction sur le sexe des anges, non, des poissons… 

Entrée dans l’eau des Outre-mers. Drôle d’appellation. Ce pourrait être également d’outre-tombe, car l’on descend progressivement dans les entrailles de la terre. On admire les poissons typiques des  Caraïbes et leurs fantastiques colorations qui proviennent de l'exposition importante et soutenue au soleil, un bronzage naturel dû à la faible profondeur des eaux lagunaires. On y voit le poisson papillon, le Gramma royal bistré, bleu à la tête et jaune à la queue, le sergent major aux rayures de zèbre, le chirurgien bleu à l’œil jaune.

Et l’on descend, suffoquant de la chaleur de volcan qui s’échappe des grilles d’aération, car il faut bien respirer malgré tout. Passage au "bassin caresses" où chacun peut toucher les carpes koï et les ides peu farouches. Les enfants s’en donnent à cœur joie, relevant leurs manches, se trempant le haut des bras, agitant leurs petites mains en tous sens. Certains adultes ne peuvent résister et font de même avec un sourire enchanté qui donne envie à ceux qui n’osent pas d’essayer ces caresses affriolantes. Retour à l’enfance, au temps des deux pieds dans l’eau, sautant pour éclabousser tout le monde, y compris soi-même.

Autres bassins et aquariums avec des fantômes aux formes et aux couleurs étranges. Ils sont nombreux et fastidieux à décrire. Enfin, on arrive au grand bassin après avoir traversé une multitude de bazars plastiques sous forme de Play mobil qui n’attire personne, même pas les enfants qui viennent voir la vie qui est plus palpitante, même sous-marine.

Ce bassin est immense et peuplé de créatures effilées, glissant dans l’onde comme l’oiseau vole dans l’air : requins gris, à pointe noire, requin-chabot, requin-zèbre indolents. Ils se déplacent lentement, mais d’un coup de queue se propulsent à l’autre bout de l’espace, en un instant. Oui, c’est vrai le temps diminue quand la vitesse augmente. On n’est pourtant pas près du mur de Planck ! Bizarrerie de la nature ! Ah, voici la grande raie qui plane lentement et creuse son ombre sur le roc, effrayant les Pompaneaux lune, argentés et majestueux. Après la contemplation de ce volume d’eau impressionnant, peuplé d’animaux extraordinaires, rien d’autre ne peut nous intéresser. Aussi est-on poussé vers la sortie avec un passage obligatoire dans le grand bazar où il n’y a pas grand monde pour sortir quelques billets supplémentaires. Sortie des méandres du volcan, dans un Paris ensoleillé. Le grand bassin des jets d’eau nous rafraichit fort heureusement.

14-07-04 Aquarium (4).JPG

Ce n’était pas le grand bleu, mais ce fut un moment agréable reposant, méditatif si l’on s’abstrait des cris et des humains qui dénotent dans ce paysage aquatique.

L’on se prend à rêver être poisson. On retrouve ses jambes à la sortie. C’est moins palpitant qu’une torsion du buste pourse déplacer.

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C'est vrai, n'oublions pas ! Le 21 juillet...

12/07/2014

De quoi me parle-t-on ?

Ce matin, après avoir pris un bol de café, je m’installe devant mon ordinateur, l’esprit ailleurs (où, je ne sais !). J’ouvre le site fatidique « Regards sur une vis-sans-fin » afin d’inscrire quelques riens dans la page blanche. Quel ne fut pas ma surprise de voir que celle-ci n’était plus blanche. Un rectangle avec un dessin et une plage grise est apparu au cours de la nuit.  

– Je rêve, me dis-je. Je passe un voile gris avec la souris dévoreuse et clique sur Suppr. Rien ! L’image est toujours là, ineffaçable. Que signifie-t-elle ?

Le 21, je dévoile le bas

Tiens, cela me rappelle quelque chose. Alors, attendons avec impatience le 21 juillet. Que va-t-il se passer ? 

11/07/2014

L’absence de vision pour la France

Depuis plusieurs décennies les politiques sont devenus politiciens. Qu’est-ce à dire ? Ils n’ont pas de vision d’avenir pour la France, leur programme consiste en l’énumération d’un certain nombre de points, à la manière américaine, comme un marché à présenter à l’opinion pour être élu. Le passage du septennat au quinquennat a consacré cette indécision à choisir le style constitutionnel de la politique française.

Deux conceptions du pouvoir s’opposent. La première est celle de la politique ou politics pour les anglo-saxons. C’est le lieu des combats, des conflits, des divisions. La politique relève de la contingence. Elle n’est pas réductible à la lutte, car elle est aussi l’objet sur lequel le pouvoir porte ses préoccupations. La seconde est celle du politique ou policy : elle évoque le monde des essences[1] et est le lieu d’un discours rationnel, dégagé des contingences, sur le sens de l’évolution de la société.  « Le politique qualifie un certain arrangement ordonné des données matérielles d’une collectivité et des éléments spirituels qui constituent sa culture… Le politique est l’expression du groupe. [2] » Ce sont donc deux conceptions de la fonction présidentielle qui s’affrontent : une conception américain où le chef de l’Etat est acteur de la politique et en même temps visionnaire du politique, ou une conception européenne où la pérennité est assurée par un dédoublement des pouvoirs qui correspond aux deux aspects évoqués. La politique française flotte entre ces deux positions, sans choix, donc inefficace.

La thèse quinquennale est liée à celle d’un monde politique fondant sa décision sur le temps-espace ou la durée-mesure : la quantité est la norme décisionnelle au détriment de la qualité. Elle engendre l’immédiateté de la décision, l’emploi de la communication comme effet d’annonce, l’urgence de l’intervention politique dans tous les domaines et l’interférence normative et législative dans l’éthique et la vie privée. La thèse septennale et celle d’un monde où le rythme du vécu et de l’histoire est pris en compte pour instaurer la finitude dans la direction de la nation. Il s’agit d’utiliser le pouvoir non comme une succession de réaction aux événements, mais comme une durée finie pour mettre en place les éléments à la fois du changement et de la continuité.


[1]J. Freund, L’essence du politique.

[2]G. Burdeau, La politique au pays des merveilles.

10/07/2014

Le monde, qu’est-ce ?

Le monde, qu’est-ce ? Un brin d’herbe
Entre les dents d’un ivrogne fou
Qui court dans les vagues de l’avenir
Sans savoir s’il ira jusqu’au bout

Une fracture entre les images
Comme une déchirure ouverte
Dans l’âme qui repose acide
Sans même une main rafraichissante

Le parfum d’une musique endolorie
Chatouille nos sens exacerbés
Il s’échappe de la fente terrestre
Et plonge dans l’ouïe engourdie

Le monde, c’est cet instant provisoire
Qui fait chavirer la vision connue
Et l’entraîne vers un caléidoscope
De sons, d’images et de parfums

Pour le plus grand bien
Des humains qui s’ennuient
Sur ce plancher fragile
S’ouvrant sur l’absence

Plonge dans l’ouverture
Trempe-toi dans l’étrange
Secoue ta lourdeur
Et flotte sur le rêve

Quel voyage ! D’abord le vide, puis le manque d’espace
Et bientôt l’arrêt du temps. Tout est figé
Je ne suis qu’un point dans l’immensité du monde
Et ce point est devenu l’univers, rêve d’un jour

© Loup Francart

09/07/2014

Andrea Valeri: Pierre's Blues

https://www.youtube.com/watch?v=t7BbN6Ss_t0 


Le blues des années soixante. Une belle introduction, brillante, destinée à mettre en évidence le doigté subtil du guitariste, à la manière américaine : on montre qu’on est le meilleur avant même de commencer. Mais la suite démontre qu’il est bien le meilleur ou, au moins, un des meilleurs dans ce domaine.

Commence alors le morceau, rythmé, dont la couleur est donnée par ces quatre notes montantes qui ravivent la cadence, empli de ces descentes de notes propres à ce style de jazz, finissant par des trémolos destinés à entretenir dans la mémoire immédiate l’ambiance particulière du morceau.

Cela n’a rien à voir avec ce qui se pratique maintenant, mais cela possède néanmoins un certain charme. On voit passer la jeunesse en robes fraiches et bluejean à larges pattes, dansant de manière maladroite le swing avec quelques acrobaties destinées à montrer les jambes de sa partenaire du moment. On se repose de cette gymnastique en buvant un coca mêlé de quelques gouttes de whisky en riant d’histoires loufoques à la manière de Borgès (réservées à une élite) :

Que voulez-vous que je dise de moi ? Je ne sais rien de moi ! Je ne sais même pas la date de ma mort.

Bien sûr, personne à cet âge ne pense à la mort !

08/07/2014

Au-delà du moi

Celui qui, regardant en lui-même n’y trouvera qu’obscurité, mécontentement, faiblesse et vanité ne doit pas traduire sa déception par un scepticisme amer. Qu’il regarde toujours plus moins, toujours plus profond en lui, jusqu’à ce qu’il perçoive à de faibles signes de souffle léger qui naît de la sérénité renaissante. Qu’il les recueille pieusement, ces signes, car ils prendront vie, grandiront et se changeront en hautes pensées qui franchiront le seuil de son esprit comme des missionnaires célestes annonciateurs d’une voix qui viendra plus tard, la voix d’un être caché, mystérieux qui habite au centre de son être et n’est autre chose que son moi originel.

(Paul Brunton, L’Inde secrète, Payot, 1983, p.308)

 

La recherche de ce Moi originel, appelé également Soi, au-delà du moi, est en Inde un besoin et une tradition. Tradition des hommes qui se dédient à cette recherche à un moment de leur vie ou durant toute leur vie. Besoin, intérieur et profond, qui taraude l’esprit et le corps et non simplement le cœur et l’intellect comme en Occident. Et quoi de plus simple et de plus naturel que de s’assoir et d’entrer en soi-même.

Alors commence la bataille : comment apaiser, dans un premier temps, la multitude de pensées diverses qui envahissent le cerveau. Oui, on s’en doute, elles empêchent la voix de se faire entendre. Mais comment les arrêter ? Chaque jour reprend à zéro son travail d’élagage. Toutes les pensées repoussent dans la journée. Les examiner chaque soir jusqu’à s’endormir en ayant évacué les impressions du jour. Chaque matin, les empêcher de revenir par la méditation.

Un jour vient où elles se taisent. Mais il reste toujours notre propre voix qui, ayant pris de la hauteur, domine notre univers intérieur et lui impose le silence. Elle parle et c’est toujours moi qui parle. Elle est coriace, elle ne cesse de s’imposer, d’autant plus qu’elle est fière d’avoir vaincu le bruit cosmique. Mais il peut vous arriver à certains moments de trouver le silence total, cette paix merveilleuse et enchanteresse qui donne à votre âme la dimension de l’univers. Vous vous êtes oublié vous-même et cet oubli devient évasion. Vous ne vous contemplez plus, détaché de vos propres actions comme auparavant. Non. Vous n’êtes plus ce moi qui toujours vous accompagne. Vous êtes libre, totalement. Vous n’avez même plus à secouer vos vêtements, votre propre corps ou même encore vos pensées. Tout cela est parti en fumée, envolé, et vous êtes libre. Le Soi est là, à portée de main, vous le savez, mais vous ne savez pas qui il est ou ce qu’il est. Mais qu’il est bon d’être englobé d’une telle nébuleuse qui vous accompagne un bout de chemin. Vous n’êtes plus Monsieur ou Madame Untel, vous êtes la vie.

07/07/2014

La création dans l'art moderne

Dans son livre « Théorie de l’art moderne » (Editions Gontier, genève, 1968), Paul Klee tente de résumer les données qui différencient la réalité d’un tableau. Il considère qu’il y a trois dimensions spécifiques : la ligne, la tonalité et la couleur. La ligne exprime la mesure du tableau. Ses modalités dépendent de segments, d’angles, de longueur de rayons, de distances focales. La tonalité donne le poids ou la densité du tableau. Elle est faite de contrastes entre les couleurs, de mouvement entre le clair et l’obscur et inversement. La couleur concerne la qualité du tableau. En fait, la couleur contient la mesure et la densité, de même que la tonalité contient la mesure. La couleur est donc la dimension la plus achevée, mais elle n’existe que parce que les autres éléments sont là.

Cependant ces trois données ne suffisent pas à la création. Elles doivent produire des « Formes » ou des objets. Car pour Klee, il y a bien l’Acte, mais au-dessus il y a l’idée dont on doit admettre la primauté. Tout devenir repose donc sur le mouvement, c’est-à-dire la répartition dans l’espace et le temps des formes. L’œuvre d’art naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé, et se perçoit dans le mouvement.

Ainsi, pour Paul Klee l’œuvre d’art se crée en trois étapes : le mouvement préalable en nous, le mouvement agissant, opérant, tourné vers l’œuvre, et enfin le passage aux autres, aux spectateurs, du mouvement consigné dans l’œuvre : pré-création, création et re-création. Et pour lui, la marche à la forme, dont l’itinéraire doit être dicté par quelque nécessité intérieure ou extérieure, prévaut  sur le but terminal, sur la fin du trajet. Le cheminement détermine le caractère de l’œuvre accomplie. La formation détermine la forme et prime en conséquence sur celle-ci. Nulle part ni jamais la forme n’est résultat acquis, parachèvement, conclusion. Il faut l’envisager comme genèse, comme mouvement… Donc, songer moins à la forme (nature morte) qu’à la formation.

Et par cette sentence, on est plongé à nouveau dans le mystère de la création, cette fois-ci artistique, mais de la même veine que la création de l’univers. Quelle alchimie arrive à produire les formes et le mouvement, c’et-à-dire l’espace et le temps ? Le mystère demeure, même lorsqu’il est vécu de l’intérieur, même lorsque l’artiste s’efforce de saisir ce qui se passe en lui. Il vient un instant, l’instant de la création juste qui transforme la bouillie de magma intemporelle en produit fini, ordonné, intelligent et beau. C’est bien un mouvement, mais qui ne peut être reconstitué dans son ensemble, instant après instant, lieu après lieu. Du rien naît le tout et le tout n’est que par le rien.