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24/03/2013

Ruisseau des villes

Ruisseau des villes au long des pierres
Où plongent les pas de passants rêveurs
Tournes autour des pavés de lumière.
Une fleur, rouge, une tulipe, je crois,
Glisse sur ton chemin et pleure.

Tu vois de grands pieds sales,
Ensuite des têtes de roi.
Des doigts roses s’allongent vers toi.
Les gamins plongent les leurs, impudiques,
Dans ton sein. Une pièce brillante en sort.

C’est le sort des pièces hiératiques,
Tortueuses et sans beauté. Les rues
Défilent leurs ventres gris, encore
Une autre, et la même sans voix
Et une autre sans vie. Il n’y en a plus.
Tu ries dans le noir d’égouts, rue Quinquempoix.

23/03/2013

Passion selon Saint Jean de Jean-Sébastien Bach

Hier, concert en l’église de la Sainte Trinité, achevée en 1867 et d’un style moitié-gothique, moitié-renaissance. Je me suis demandé au début du concert si l’église avait le pouvoir de brouiller les sons et de passer au mixeur la magnifique musique de Bach. Il est vrai qu’il faut être particulièrement chaud pour débuter sur le chœur qui proclame la glorification du Christ :

Christ, notre Maître, dont la gloire
Domine en tous pays !
Montre-nous par ta Passion
Que toi, le vrai Fils de Dieu,
Eternellement,
Même dans la plus grande humiliation,
As été glorifié !

Mais progressivement le rythme, la vitalité et la dramaturgie de cette musique se sont mis en place et ce fut un beau concert. Je ne peux vous faire entendre l’interprétation de l’Ensemble Jubileo, spécialisé dans les concerts spirituels dans des lieux insolites tels que des gares, des hôpitaux, des prisons. Cette interprétation de l'abbé Amaury Sartorius vous en donne un aperçu. L’explication donnée par Gilles Cantagrel, musicologue de France Musique, permit de prendre toute la mesure et la singularité de l’œuvre. Plus qu’une construction musicale, c’est bien un véritable drame qui est joué avec au centre le récit de l’évangile. Elle permit également de comprendre les choix fait par l’Ensemble : pas de récitation du conteur prévu dans la partition, mais le texte est lu par Michael Lonsdale. Cela retire l’ennui que peut procurer ces longs moments difficilement compréhensibles pour ceux qui ne parlent pas allemand.

Ecoutez encore Rutht wohl, tendre et annonciateur de la vie divine, merveille d’amour contenu et de promesses à venir.

http://www.dailymotion.com/video/x572ar_bach-passion-selon-st-jean-6-ruht-w_music


Peu à peu, nous sommes entrés dans cette cathédrale musicale et, plus profondément, dans le drame divin et humain à la fois, du sacrifice du Christ. Belle entrée dans la semaine sainte. Quelle méditation dans la beauté d’une musique exceptionnelle. Bach, ce grand maître, continue de nous bouleverser presque 300 ans après qu’il ait composé son oratorio !

22/03/2013

Nous ne sommes plus qu’un, et pourtant…

http://www.youtube.com/watch?v=uQ4jdgVacms

 Déesses et dieux, peu importe combien ils sont. Ils n’ont qu’un seul corps, mais mille mains et bras. Ils représentent la compassion sous ses mille facettes. On l’appelle le "Seigneur qui observe depuis le haut". Il se nomme Avalokiteshvara, celui qui regarde les souffrances avec compassion. C’est la divinité la plus populaire et la plus sollicitée du Tibet. Elle possède mille bras avec un œil dans la paume de chaque main, montrant qu’elle veille sur une infinité d’êtres vivants pour prendre soin d’eux.

Ses noms changent suivant les pays : Avalokiteshvara vient du sanskrit, il s’appelle Tchenrézi pour les tibétains, Lokeśvara pour les Khmers, Quán Thế Âm pour les vietnamiens, Quan Yin en chinois, Kannon en japonais.

La récitation de son mantra Om mani padme hum (dérivé du sanskrit), accompagnée de la visualisation de son mandala, permet d’entrer dans notre sagesse innée, la nature du Bouddha.

Vous allez sans doute trouver ce rapprochement insolite, sinon odieux :

“Car, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n'ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres.” (Rom 12:4–5).

Mais n’y a-t-il pas des similitudes ?

 

La danse des mille mains de Bouddha constitue une méthode d'entraînement au travail de l'énergie interne qui vise à faire rentrer et à guider l'énergie dans le corps. Regardez ce qu’ils arrivent à faire, malgré le fait qu’ils sont handicapés :

http://www.youtube.com/watch?v=Ov_iJQGq6DI


Alors, même si la musique et la mise en scène sont sans doute très médiatiques,

n'en reste-t-il pas quelque chose qui nous sort de nous-même ?

21/03/2013

Blancanieves ou Blanche Neige, film de Pablo Berger (2012)

En noir et blanc, sans dialogue, Blancanieves est un petit chef d’œuvre.

http://www.youtube.com/watch?v=I-METoks7wk


Carmencita, l’héroïne de ce conte, naît le jour de la mort de sa mère et l’accident de son père, torero célèbre, qui reste invalide. L'infirmière de ce dernier le dorlote, se marie avec lui et l’enferme dans son hacienda. Recueillie pas sa grand-mère, Carmenlita rêve de son père qu’elle ne connaît pas. Le jour de sa première communion, sa grand-mère meurt après avoir dansé avec elle dans un très bel épisode, celui de la danse des mains à la manière andalouse. Encarna, sa belle-mère, l’accueille dans le palais de son père. La petite fille devient la servante et est entourée d’interdictions. Elle fait néanmoins connaissance de son père, passe de bons moments avec lui avant qu’il ne soit tué par Encarna. Celle-ci veut ensuite la faire disparaître. Laissée pour morte par le chauffeur, elle est recueillie par une troupe de nains qui jouent des corridas au rabais dans les villages. Elle finira torero, comme son père.

Ce n’est pas le fait de  revisiter le conte de Blanche Neige qui fait de ce film un véritable « joyau du 7ème art espagnol » selon l’expression de la journaliste Sandrine Morel. Son intérêt tient à de nombreux détails qui rendent le film charmant, mélodramatique et authentiquement espagnol. Le récit est exubérant, plein de détails délirants ou amusants : le coq de Carmencita qui l’accompagne comme un chat et finit dans la casserole de sa belle-mère qui veut la forcer à le manger ; le tourbillon qui commence dans une danse et se poursuit sans interruption dans un autre plan ; la robe blanche de première communiante, trempée dans une bassine de teinture noire le soir même. Les images des spectateurs des corridas sont mélodramatiques tant pour le simulacre des nains après leur rencontre avec Carmencita, que pendant la dernière et seule véritable corrida. La musique d'Alfonso de Villalonga, les chants, les danses, y compris des nains, sont l’écho de l’âme andalouse et du caractère sévère, tragique, mais attirant de ce bout de l’Europe.

Allez le voir, cela en vaut la peine. Vous rirez, vous pleurerez, vous ne serez jamais indifférents. C’est bien un chef d’œuvre !

20/03/2013

L'artiste

L’artiste est une plante persistante
Artisan avant tout
Il ramasse les mots, les objets, les sons
Et en fait une soupe personnelle
Qu’il est seul à pouvoir reproduire

Quel délice que cet enchevêtrement
De cristaux qui s’assemblent
Et brillent d’odeurs sacrées
Il se brûle les doigts, mais contemple
Etonné, l’assemblage inédit
Fruit incertain et volage d’usinage
Intérieur. Quel moulin permanent !
La poussière tombe en paillettes d’or
Et réjouit le contemplateur
De l’article produit dans la brume
A tâtons, dans l’obscurité
De la création toujours intempestive
Qui s’impose d’elle-même
Mais qui ne se livre qu’après
De lents cheminements de la volonté

Artisan, oui, c’est bien le mot
Même si par moments, tout coule
Lorsque la fougue et l’inspiration
Expédient les hésitations débiles
Emporté par l’élan vital
Il se mute en artiste vert
Puissant, indéracinable
Né dans la surprise de la grâce
Dans la semence abondante
Dans le miel du halètement

Enfin il reprend souffle
Il apaise sa soif de reconnaissance
Il part sur les routes du bonheur
Passager malgré tout
Car la fièvre le reprend
Qui remet en cause son avoir
C’est reparti !

Rien ne l’arrêtera dans sa manie
Son essence est volatile
Elle pénètre la société
Par tous les sens humains
Mais surtout par la persistance
Du germe sacré qu’il entretient

Cultive ton terreau
Il en sort toujours une fleur
Qui porte ta marque indéniablement !
Alors la vie devient caressante…

19/03/2013

Litanie pour la baleine, de John Cage (1980)

https://www.youtube.com/watch?feature=endscreen&v=ZJYkJxGPLao&NR=1

 
Source : Ressources-IRCAM du 22 mars 2012

"Né à Los Angeles le 5 septembre 1912, John Cage est à la fois musicien, écrivain, peintre, mycologue, penseur, artisan d’une vie considérée comme processus continu, au-delà de toute catégorie.

Son premier contact avec la musique se fait par l’apprentissage, enfant, du piano. Plus tard lassé par un système scolaire fondé sur la répétition et l’uniformité, il part en 1930 pour l’Europe à la recherche de nouvelles expériences. De retour en Californie l’année suivante, il entreprend des études de composition avec Richard Buhlig et Henry Cowell, puis prend des cours particuliers avec Adolph Weiss. En 1935 il se marie avec Xenia Andreyevna Kashevaroff dont il se séparera dix ans plus tard. De 1934 à 1936 il étude l’analyse, la composition, l’harmonie et le contrepoint avec Arnold Schoenberg, et comprend à cette occasion son peu d’inclination pour la pensée harmonique. Entre 1938 et 1940, il travaille à la Cornish School de Seattle et y rencontre Merce Cunningham – qui devient son compagnon et collaborateur. Dans cette période, il écrit son manifeste sur la musique « The Future of Music : Credo » ; invente le water gong et le piano préparé, et enfin compose Imaginary Landscape No.1 (1939), une des premières œuvres utilisant les moyens électroniques.

L’activité plastique de John Cage débute avec l’exposition de ses partitions en 1958 dans la Stable Gallery et, malgré des incursions régulières dans le champ des arts visuels, c’est avec les « gravats » réalisés à Crown Point Press à l’instigation de Kathan Brown que cette activité devient essentielle, avec la production de quelques neuf cents gravats, aquarelles et dessins jusqu’à sa mort. Dans ces œuvres – comme dans ses mesostics commencés après l’écriture d’Empty Words en 1976 –, Cage suit les mêmes principes de travail que dans sa musique, (…), où il fait usage de ce qu’il appelle des « parenthèses de temps ». Dans cette dernière période, apparaissent des processus d’automatisation de l’écriture, basée sur des programmes informatiques réalisés par son assistant Andrew Culver. Les dernières années viennent couvrir de reconnaissance et de prix prestigieux, comme le Kyoto Prize (1989), une vie placée sous le signe de l’expérimentation et de la liberté.

John Cage meurt à New York le 12 août 1992. "

Pour deux voix égales, la Litany for the Whale ou litanie de la baleine est une composition écrite en 1980. Elle reproduit les sons du monde sous-marin et, bien sûr, le langage des baleines. Son écoute est saisissante par le fait du chant a capella et des silences voulus qui ponctue l’œuvre. Celle-ci, aussi curieux que cela puisse paraître, semble un chant sacré médiéval. C’est une méditation sur le monde chantée en répons constituée de voyelles sans signification autre que le rappel des sons venant des profondeurs de l'océan.

Ajoutons que John Cage est un fervent utilisateur de ce qu'il appelle le piano préparé, c'est-à-dire un piano sur les cordes duquel sont placés des vis, pièces de monnaie et autres possibilités d'interférence des sons.

18/03/2013

L’ange du bizarre, le romantisme noir de Goya à Max Ernst, exposition au musée d’Orsay (3ème partie)

De style symbolique, ce tableau, intitulé "Les sorcières autour du feu" de Paul-Elie Ranson, est simple, sans recherche de composition.

Les sorcières autour du feu Paul-Elie Ranson.jpg

Sa beauté tient aux sorcières. Leur corps est rouge, bien fait, dans des attitudes de tous les jours, sauf peut-être celle de droite qui semble plus figée, à moins qu’elle ne chante une incantation. On pourrait penser aux naïades. Mais leurs cheveux sont gris, vieillis peut-être prématurément. Au-dessus d’elles, la marmite bouillonne, exhibant des langues de chat incandescentes. Elle dessine un cercle de lumière qui s’estompe vite vers le bleu-gris-noir de la nuit peuplée des animaux familiers aux magiciennes, en particulier le chat. Seules au monde autour de leur décoction, les sorcières s’activent comme si de rien n’était, comme si elles préparaient une soupe comestible pour leur famille.

Paul-Elie Ranson est un des fondateurs du mouvement nabi, mouvement artistique postimpressionniste d'avant-garde, né vers 1888 en réaction contre la peinture académique. Issu d’un terme hébreu il signifie « l’annonciateur » ou « illuminé » ou encore « celui qui reçoit les paroles de l'au-delà ».Ses membres s’efforcent de sortir d'une peinture conventionnelle et d’initier à la spiritualité par l’art. Leur art est caractérisé par l’utilisation de couleurs sans mélange, l'absence de perspective, un horizon absent ou très haut et des sujets symboliques. La lumière est essentielle et transmet l'esprit. Les nabis s’intéressent à l’orientalisme et particulièrement au Japonisme.