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01/07/2011

La Voie Lactée de Luis Buñuel (1969)

 

avec Paul Frankeur, Laurent Terzieff, Alain Cuny, Michel Piccoli, Delphine Seyrig, Jean Piat, Jean-Claude Carrière, Michel Piccoli Edith Scob, Bernard Verley, Francois Maistre, Claude Cerval, Muni, Claudio Brook, Georges Marchal.

 

Trailer du film :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpie_la-voie-lactee-trailer-bunuel-1969_shortfilms

 

La voie lactée 1 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwph3_laurent-terzieff-...

La voie lactée 2 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpeq_laurent-terzieff-...

La voie lactée 3 :

http://www.dailymotion.com/video/xdwpce_laurent-terzieff-...

 

 

Deux vagabonds, Pierre et Jean, se rendent à Saint jacques de Compostelle, pensant se faire de l’argent. Le long du chemin, ils rencontrent une série de personnages qui incarnent chacun une hérésie de l’église catholique. La voie lactée est l’ancienne appellation du chemin de Saint-Jacques, un chemin plein de mystère, de doute et de tentation, car elle indiquait aux pèlerins de toute l'Europe la direction de l'Espagne. Le récit est à la fois mystique et surréaliste, faisant coexister différentes époques dans une même scène. Les deux marcheurs rencontrent ainsi un curé qui sort d'un asile psychiatrique et qui parle du mystère de l'eucharistie avec un gendarme, un maître d'hôtel qui donne des leçons de théologie à ses serveurs, un jésuite et un janséniste qui se battent en duel avec en arrière-plan les deux compères, un saucisson dans une main, le litre de rouge dans l'autre, un prêtre amateur de jambon, une prostituée qui veut un enfant des vagabonds...

 

La religion est au centre du débat du film, mais l’on ne sait pas s’il est en faveur ou contre celle-ci. Il semble qu’il s’agit plutôt d’un débat sur le fanatisme qui montre que les hérétiques restent toujours attachés à leur vérité, quitte à mourir pour elle.

Dieu est mort, et sa mort fait peur à l’homme. Peut-être est le véritable thème du film où le blasphème se mêle à la quête de l’absolu, reflétant l’état d’esprit actuel. Le monde moderne ne veut plus croire en Dieu, mais il a besoin de mysticisme et de sacré. Ce mysticisme, il le cherche dans la farce du sacrilège, mais aussi dans la connaissance de soi par l’autodiscipline et la contemplation. Buñuel montre comment l’idée de Dieu a perdu de sa transcendance surnaturelle et épouse peu à peu les besoins et les aspirations immédiates. Dieu est plus humain et moins divin et l’homme s’essaye maladroitement à la divinité.

Dieu, peut-être est-ce cet enfant au bord de la route qui fait monter les deux vagabonds dans une somptueuse voiture et qui porte les stigmates du Christ ?

 

 

28/06/2011

Tourbillon 2

 

Suite du 16 juillet 2011

Toujours noir et blanc, toujours la symétrie et encore la vis sans fin, double, la plus grande reprenant à une autre échelle celle du centre, qui commence à quatre cubes dont le tracé monte sans fin, puis qui s'élargit à 12 cubes, pour poursuivre, dans l'autre échelle, d'abord à 16, puis augmenter jusqu'à 24.

Et ainsi vous montez, vous montez, de manière très terre à terre.

 

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25/06/2011

Mobilité universelle (gravure)

 

Devant le spectacle de cette mobilité universelle, quelques uns d’entre nous sont pris de vertige. Ils sont habitués à la terre ferme. Il leur faut des points fixes auxquels rattacher la pensée et l’existence. Ils estiment que si tout passe, rien n’existe.

Qu’ils se rassurent ! Le changement leur apparaîtra bien vite comme ce qu’il peut y avoir au monde de plus substantiel et de plus durable.

Henri Bergson

 

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22/06/2011

Silence, on pense...

 

Il se relevait la nuit pour réfléchir

C’était un désir pressant, incontrôlable

Qui l’aiguillonnait à se lever

Et à s’installer devant sa table de travail

Il partait loin, très loin, de la ville

Dans les recoins de son imagination

Ce n’était plus qu’un centre

Une fusion de la pensée profonde

Comme un amas de matière nucléaire

Qui fond sur elle-même sans refroidissement

Contenu et contenant ne font plus qu’un

La pensée coule sur la table

Et celle-ci devient le corps de l’homme

Dans cette confusion des genres

Seule une radiographie du centre

Donne une cohérence indissoluble

Au corps et à la pensée de l’homme

Avec la matière et la lumière ténue

D’une veille qui égraine les heures

Avec régularité et quiétude

Silence, on pense…

 

littérature,poésie,art,peinture,crise

 

Fait à l’encre de chine une nuit où l’imagination se concentrait sur elle-même.

 

 

 

18/06/2011

La boutique du bijoutier Georges Fouquet, au musée Carnavalet

 

Le musée Carnavalet fut construit à partir de 1548 : un corps de logis principal et deux ailes encadrant la cour dans laquelle on entrait par un porche à bossages typique de la Renaissance italienne. Son nom est assez drôle, il appartint, peu de temps après sa construction, à la veuve d’un gentilhomme breton qui s’appelait Kernevenoc’h, nom difficile à prononcer et qui devint dans la bouche des parisiens Carnavalet. L’hôtel fut remanié au XVIème siècle (surélévation des ailes). Il fut habité par la marquise de Sévigné. Puis acheté par la ville de Paris en 1866, il fut agrandi de deux cours. Enfin, lui fut adjoint l’hôtel Le Peletier de Saint Fargeau qui le jouxtait, agrandissant ainsi le musée qui était très à l’étroit.

Dans ce musée, qui possède nombreux coins et recoins, j’ai découvert un magasin transplanté là par la ville de Paris. C’est un magasin « art nouveau », dans son plus pur style : emploi de formes épurées, appel à l’artisanat dont le vitrail, lignes sensuelles, courbes toujours, sans angle, et une inspiration empruntée à la nature et plus particulièrement aux plantes.

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Il s’agit de la boutique d’un joaillier, Georges Fouquet, située 6 rue Royale, construite vers 1900 et démolie avant la seconde guerre mondiale. La conception de la boutique est d’Alphonse Mucha, d’origine tchèque, décorateur, dessinateur de bijoux, architecte d’intérieur si l’on veut. La boutique est féminine puisque consacrée aux bijoux portés par les femmes.

Avant même d’y entrer, entre les deux portes de la devanture, se trouve un bas-relief mettant La Femme et Les Bijoux en valeur, réalisé par l'orfèvre Christofle. Ce n’est probablement pas du meilleur goût, mais cette devanture est malgré tout inédite, faite de bois, de fonte et de vitraux représentant des portraits de femme.

paris,culture,art 

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L’intérieur est original et dépouillé, huit meubles au total, trois de part et d’autre de la profondeur, deux plus conséquents, en face de l’entrée et entre les deux portes. Mais quels meubles ! En face, vraisemblablement le comptoir où devaient se faire transaction, paiement et emballage des bijoux. Lieu où trône le patron (ou la patronne), remplaçant, pour le temps de la vente, le paon dans l’axe du regard des entrants au paradis du bijou. Un véritable trône avec un arrière fond digne des plus grandes monarchies empruntes de romantisme et d’indolence.

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Note d’humour ou d’amoureux de la nature : un second paon, moins ordonné, se promène entre paroi et plafond, comme pour faire un pied de nez au propriétaire.

 

 paris,culture,art

 

Face à la femme tronc du comptoir, entre les deux portes, un présentoir surmonté d’une statue sortant d’une glace reflétant l’ensemble du magasin.

 

 

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A gauche, une cheminée « bouche de requin » surmontée de son plateau (mais non, on parle de requin marteau !). J’avoue ne pas voir où l’on posait les bijoux. Cela devait vraiment servir à chauffer la boutique.

 

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 A droite, une fontaine, semble-t-il, également surmontée d’une femme, perchée comme un styliste sur sa colonne que les dragons cherchent à atteindre.

 

 

 

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Encadrant ces deux monuments, la cheminée et la fontaine, des présentoirs très style nouille, avec un air guerrier néanmoins. Les nouilles se rejoignent par le bas et le haut des cloisons, s’entortillant autour des pieds des meubles.

 

 

Admirons enfin le carrelage, magnifique mosaïque aux motifs géométriques, mais représentatifs.

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 Quelle belle réalisation. Il est dommage que de nombreux magasins au décor très particulier soient démolis sans précaution, ce qui ne fut heureusement pas le cas pour celui-ci puisque tout a été préservé.

  

Complément sur l’art nouveau d’Alfons Mucha à

 http://lartnouveau.com/flash/diapo/grands/mucha.html

 

 

 

16/06/2011

Tourbillon

 

J'ai repris mes constructions bizarres à base de cubes.

Noir et blanc : j'aime ce contraste saisissant et la simplicité visuelle, sans atours, du dessin en volume qui s'échafaude progressivement. Si on le regarde sans chercher à distinguer le jeu des enchevêtrements, on ne voit qu'un amas ou, pour l'observateur déjà plus avisé, quatre grands ensembles de cubes montant ou descendant.

Regardez maintenant au centre, vous y voyez quatre cubes autour du losange. Ces quatre cubes pourraient être un escalier qui monte sans fin, dans le sens des aiguilles d'une montre. Si vous observez les rangs l'entourant, vous verrez qu'ils reproduisent le même effet de montée sans fin, et ainsi de suite.

C'est une sorte de tour de Babel dont les apparences sont trompeuses selon l'angle sous lequel on la regarde. Le sommet est-il au centre ou, au contraire, sur les côtés ?

En dehors de toutes ces considérations d'architecture, la beauté tient à ce monde imaginaire qui semble transcender le monde juxtaposé des objets de toutes formes.

 

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14/06/2011

Le chant grégorien

 

Le caractère le plus profond du chant grégorien est sa spiritualité. Le chant grégorien ne se réduit pas à un art, il est d’abord prière de l'Eglise. Comme l'écrit Dom Gajard : « le chant grégorien est avant tout une prière, mieux : la prière de l'Eglise catholique, arrivée à sa plénitude d'expression. II est donc une chose d'âme et se situe sur un plan supérieur, comme toute la liturgie, dont il participe et est inséparable ; il est une spiritualité, une manière d'aller à Dieu, de conduire les âmes à Dieu » (la Méthode de Solesmes p. 90).

 

 

Cliquez sur  à  Le chant gregorien et tableau modes.pdf

 

 

 

Ecoutez   à     http://www.youtube.com/watch?v=_MbDqc3x97k

 

 

Sachez que ce travail m'a demandé plusieurs mois de recherche, de compilation, de réflexion, avant que je ne puisse en saisir toute la subtilité et la beauté. Le tableau des modes donne une synthèse que je n'ai trouvée nulle part. Peut-être est-il trop théorique, mais il permet d'avoir une idée générale de la construction de ce chant et de son évolution qui se sont faites au cours de plusieurs siècles.

 

 

 

13/06/2011

Forme et couleur

 

La forme précède la couleur

 

Avant la forme, il y a le trait

Qui part dans toutes les directions

Qui barre, qui marque un territoire

Qui, par le fait d’être là,

Fait de la page un dessin

Ou, au moins, un commencement

 

Avant le trait, il y a le point

Le point n’a pas de consistance

S’il devient important

C’est par sa multiplication

A l’infini sur une page

Et c’est le rapprochement ou l’éloignement

Qui fait des points un dessin

 

Au-delà du trait, la surface

Elle éblouit comme un miroir

Miroir du vide entre les traits qui la délimitent

Il convient de la remplir

Pour lui donner l’apparence

D’une plénitude emplie de rêve

 

Enfin naît le volume

Le volume construit la forme

La forme produit l’image

Et l’image est déjà une création

Elle construit un monde

Qui n’existait pas auparavant

 

Mais pour que l’image devienne

Tableau, il lui faut la couleur

Elle peut être grise ou noir et blanc

Elle peut n’être que nuance d’une seule

Elle peut être un mélange savant

Ou encore laisser libre cours

Au pétrisseur de couleurs

 

Certains cependant utilisent la couleur

Sans user leur temps à la forme

Ils travaillent par taches et projection

Auxquelles ils finissent par donner du sens

Mais trop souvent après coup

 

Forme et couleur, deux jumelles :

Les séparer, c'est bien souvent les briser ! 

 

 

07/05/2011

L'art et la madeleine de Proust

 

On retrouve dans chaque œuvre d’art que l’on aime, consciemment ou inconsciemment, le goût de cette madeleine dont parle Proust. Discrètement, elle s’y tient cachée et éveille en nous cette particule d’inconscience qui nous la fait aimer.

J’en parlais l’autre jour avec quelqu’un qui disait n’aimer que les tableaux aux couleurs chaudes. Et, de fait, il s’était attardé, dans ce vaste musée, devant une petite icône représentant l’ascension d’Elie sur un char de feu : un disque rouge symbolisait le feu (très fréquent dans l’iconographie) où se dessinait le char et son attelage, le ciel était jaune pâle, le désert plus foncé. Les personnages, trois phases de la vie d’Elie, sa méditation dans le désert, sa mort et son enlèvement, étaient de toutes les possibilités de brun clair ou foncé. Le dessin était pur et simple, d’une sûreté de main extraordinaire.

Il se mêle forcément une influence psychologique à l’appréciation d’un œuvre d’art. Pour qu’elle émeuve, il faut qu’elle nous rappelle un fait, une sensation infime dont on n’a bien souvent pas conscience.

_ Mais, il a bien fallu, me dit-il, commencer un jour par aimer quelque chose pour elle-même, pour ensuite en garder inconsciemment le plaisir et le goût.

Certainement, mais c’est parce qu’on y a éprouvé un plaisir physique. A l’origine du plaisir de l’esprit vis-à-vis d’une œuvre d’art, il y a une sensation physique de bien-être qui s’est élevé à travers une graduation de sensations de moins en moins subjectives jusqu’à un goût spirituel qui finit par paraître objectif à tout rapport matériel.

Le problème n’est pas tellement, pour l’enfant, d’éveiller ses sens, mais bien plutôt d’élever graduellement ses sensations du corps à l’esprit. Non pas lui expliquer ses sensations, mais lui donner l’occasion de les éprouver, par expérience, jusqu’au moment imprévisible de l’extase. Sans doute ne le dira-t-il pas. La pudeur des enfants ne le permet pas. Mais son œil sera plus brillant et sa joie plus vivante.

 

Entrée dans une salle de musée. Coup d’œil périphérique. Les œuvres sont mortes et je passe, regardant passivement les tableaux exposés. Dans la salle suivante, au milieu de toiles accrochées, apparaît la lumière, l’œuvre qui d’un simple coup d’œil, déclenche en moi ce souffle incontrôlable qui annonce la magie de la symbiose, comme un grand vide dans la respiration et l’absence de pensées parasites. Bien souvent, je cherche quel est cet entendement immédiat avec le tableau  et j’ai du mal à trouver quelles en sont les raisons : un jeu de lumière ou inversement son absence qui la fait évoquer avec plus de force encore,, un trait qui donne au visage ou au paysage un involontaire effet particulier, une couleur qui peut se fondre dans les autres, mais évoque sans controverse la parcelle de tremblement que l’on souhaite éprouver. Bref, tout détail infime que l’on ne peut décrire parce qu’on le saisit plus tard, dans la réflexion intime d’un ruminement de l’œuvre une fois qu’elle a échappé à votre regard. Mais souvent ce sont vers vos propres souvenirs, enfouis au fin fond de la mémoire, que se porte l’entendement, comme cette madeleine qu’évoque Proust à Combray :

« Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. Il l’y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l’heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité ; Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? Pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.

(…)

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »

 

 

17/03/2011

Un tableau, c’est une sorte de prière

 

Un tableau, c’est une sorte de prière qui naît de la contemplation de la beauté du monde. Quel qu’il soit, son dessein est toujours d’exprimer cette beauté à travers une multitude d’impressions et d’expressions. C’est la prière du simple, une prière manuelle. Mais elle nécessite une attention intense du corps et de l’esprit entièrement tendus vers l’œuvre à réaliser. Tension difficile à vivre, car elle n’a d’achèvement qu’au sortir d’un processus de transformation intérieur qui conduit de l’insatisfaction existentielle à la plénitude hors du monde matériel. L’artiste n’a pas conscience de cette transformation lorsqu’elle se produit. Ce n’est que plus tard, lorsque l’apaisement interrompt le processus, qu’il concède cet allègement et y trouve le bonheur de la création.

Le tableau achevé apporte un goût de joie et de paix. On ne peut bien peindre que sous l’emprise de l’infini, c’est-à-dire après avoir ressenti l’insuffisance du bonheur matériel ou la nécessité de s’élever à un bonheur autre. « Participant de la création », tel est l’objectif final de l’artiste, le plus souvent inconsciemment.

Cette création est offerte à tous, librement. Mais pour l’apprécier, en tant que public et admirateur, il faut soi-même se recréer, s’ouvrir, quitter son habit terne, pour permettre la reconstruction d’une réalité nouvelle, celle que nous donne l’artiste.

 

« Quel que soit sa manière et quel que soit son sujet, un artiste s’exprime toujours avant tout soi-même (…). Il nous confesse sa sensualité ou son goût du spirituel, la sensibilité de ses yeux ou l’intensité de ses visions ; il nous montre sa fougue ou sa réserve, sa poigne ou sa délicatesse, son orgueil ou son humilité, la passion, les tourments ou la paix de son âme. Et ses œuvres contiennent non seulement ce qu’il avait décidé d’y mettre, mais aussi ce dont il les a chargées inconsciemment, ce qui s’est exprimé obscurément par le travail de sa main. Il y est engagé à la fois comme individu et comme membre d’une société, comme représentant d’une époque. »

 (Joseph-Emile Muller, L’art moderne, Librairie générale française, 1963)

 

 

03/02/2011

Musique et émotion

 

Il n’y a pas l’émotion de la musique. Il y a une émotion bien particulière à chaque morceau de musique. Et encore, elle ne dépend même pas de la musique, mais aussi de la disposition de l’esprit et du corps, de la vibration de l’air, de l’état du monde et des choses et de leur agencement par rapport à nous.

 

On écoute toujours une musique pour la première fois, car jamais on ne ressent la même émotion à son audition et jamais on ne la perçoit de la même manière. En musique, l’habitude doit être bannie. Trop souvent, on aime une musique par habitude. Mais alors ce n’est plus l’émotion de la musique qui nous agite, mais celle du souvenir d’une musique. On aime telle sonate de Beethoven par ce qu’elle nous rappelle une soirée d’hiver au coin du feu où l’on a rêvé en l’écoutant.

 

Il ne faut pas chercher dans la musique la quiétude de l’esprit et la mélancolie de l’âme, mais la passion de chacun des instants où l’on perçoit la note pure, idéale, « la note clé ». Il faut apprendre à écarter le voile de la mélodie qui cache la nuit étoilée de la musique, l’espace doré de chaque note, la constellation d’un accord.

La littérature crée l’émotion de l’imagination, la poésie creuse plus profondément en faisant goûter une émotion de l’image pure, mais seule la musique crée l’émotion artistique pure. Cette émotion véritable, on ne l’éprouve pas à l’audition totale d’un morceau, elle demande une attention trop soutenue surhumaine, on l’éprouve à la perception plus dense d’un accord, d’une reprise, d’un jeu nouveau. On s’émeut à l’occasion d’une nouveauté, d’une coupure, d’une différence inattendue. Alors l’émotion du morceau se cristallise comme les ramures d’une étoile de givre sur cette impulsion.

 

C’est peut-être en cela que la musique contemporaine est plus propre à faire éprouver l’émotion de la musique, car elle ne prête pas, ou moins (parce qu’elle la rompt) à la rêverie qui engourdit la perception de nos sens. Par sa rupture, elle dissèque l’émotion dans l’espace et le temps, l’isolant à chaque seconde de l’émotion dernière en lui conservant son intensité.

 

24/01/2011

Divergence

Dans la calme sobriété des cellules se cachent quelques anomalies qui conduisent à des divergences plus en plus aigües. La beauté de l'harmonie tient au fait de son instabilité et des efforts à accomplir pour l'obtenir et la conserver.

 

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21/01/2011

Enfermement

Un monde à l'espace fermé, ville dans la ville, dont la symétrie laisse le regard perdu.

 

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13/01/2011

La pileuse

Que faire de tous les morceaux de fer inutilisés dans une maison ? Faites-en des sculptures. Selon votre imagination elles prendront forme, puis deviendront des objets familiers apportant un peu de poésie dans le quotidien.

La pileuse regarde au loin, rêvant vers le fleuve, tout en travaillant nonchalamment.

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