Un tableau, c’est une sorte de prière (17/03/2011)

 

Un tableau, c’est une sorte de prière qui naît de la contemplation de la beauté du monde. Quel qu’il soit, son dessein est toujours d’exprimer cette beauté à travers une multitude d’impressions et d’expressions. C’est la prière du simple, une prière manuelle. Mais elle nécessite une attention intense du corps et de l’esprit entièrement tendus vers l’œuvre à réaliser. Tension difficile à vivre, car elle n’a d’achèvement qu’au sortir d’un processus de transformation intérieur qui conduit de l’insatisfaction existentielle à la plénitude hors du monde matériel. L’artiste n’a pas conscience de cette transformation lorsqu’elle se produit. Ce n’est que plus tard, lorsque l’apaisement interrompt le processus, qu’il concède cet allègement et y trouve le bonheur de la création.

Le tableau achevé apporte un goût de joie et de paix. On ne peut bien peindre que sous l’emprise de l’infini, c’est-à-dire après avoir ressenti l’insuffisance du bonheur matériel ou la nécessité de s’élever à un bonheur autre. « Participant de la création », tel est l’objectif final de l’artiste, le plus souvent inconsciemment.

Cette création est offerte à tous, librement. Mais pour l’apprécier, en tant que public et admirateur, il faut soi-même se recréer, s’ouvrir, quitter son habit terne, pour permettre la reconstruction d’une réalité nouvelle, celle que nous donne l’artiste.

 

« Quel que soit sa manière et quel que soit son sujet, un artiste s’exprime toujours avant tout soi-même (…). Il nous confesse sa sensualité ou son goût du spirituel, la sensibilité de ses yeux ou l’intensité de ses visions ; il nous montre sa fougue ou sa réserve, sa poigne ou sa délicatesse, son orgueil ou son humilité, la passion, les tourments ou la paix de son âme. Et ses œuvres contiennent non seulement ce qu’il avait décidé d’y mettre, mais aussi ce dont il les a chargées inconsciemment, ce qui s’est exprimé obscurément par le travail de sa main. Il y est engagé à la fois comme individu et comme membre d’une société, comme représentant d’une époque. »

 (Joseph-Emile Muller, L’art moderne, Librairie générale française, 1963)

 

 

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