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30/06/2020

Poésie et mystique

 

La poésie, comme la mystique,

dévoile l’invisible derrière le visible.

Elle donne vie à l’être intérieur

en osmose avec le monde.

 

28/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (25)

Le lendemain, le capitaine fit venir le soldat :

–  Peut-être pourriez-vous m’expliquer ce que veut cet homme ? lui demanda-t-il.

–  Je n’en sais malheureusement pas plus que l’autre jour. Il est bizarre. Il a semblé animé de mauvaises intentions au cours de ses deux premières apparitions, mais depuis il s’est assagi. Je pourrai émettre plusieurs hypothèses. La première est simple. C’est un de ces chiliens forts en gueule qui veut nous défier sans oser le faire ouvertement. Alors il improvise à chaque apparition, tantôt agressif, tantôt enjôleur. Il ne sait pas où il va et cherche à nous déstabiliser pour s’amuser un peu et se faire bien voir de ses chefs. Mais, en réfléchissant cela me paraît un peu simple, ou même simpliste, comme explication. Une deuxième hypothèse serait que, se lançant dans un défi, il n’ait remarqué vos filles et soit amoureux de l’une d’elle. Chacune d’entre elles peut être l’objet de ses désirs, mais laquelle ? Enfin, une troisième hypothèse serait un stratagème pour s’emparer du village sans avoir à combattre. Il séduit quelqu’un dans la population, y compris une de vos filles, et va utiliser cet attachement pour s’insinuer dans le village sans que vous le sachiez. Il profitera de la première occasion pour introduire des hommes, s’emparer de la porte et la livrer à son armée sans qu’elle ait besoin d’engager le combat. Pour l’instant, il est impossible de dire laquelle de ces hypothèses est la plus proche de la vérité. Ce qui est sûr, inversement, c’est que vos filles, ou au moins l’une d’entre elles, sont concernées par ce plan. Alors que faire ? Sans m’immiscer dans votre domaine, mais je vois que néanmoins vous me faites suffisamment confiance pour m’interroger sur les agissements de mon ancien pays et de mes condisciples, je pense qu’il vous est difficile de réagir immédiatement ne sachant qu’elle est l’hypothèse la plus probable. Cependant, il importe d’éclaircir au plus tôt ce qu’il veut faire.

–  Qu’est-ce que vous proposez ? lui demanda le capitaine de plus en plus enclin à lui faire un tant soit peu confiance.

27/06/2020

Zen

 

17-08-24 Lui.jpg

Au coeur de lui-même

au lieu de sa solitude

l'absence de conflits

26/06/2020

Respiration

Travailler d’abord l’expiration, c’est-à-dire sortir l’agitation de son corps et de son moi.
Puis percevoir le moment entre l’expir et l’inspir, c’est-à-dire le temps mort permettant de saisir la mort de soi et le vide en soi.
Enfin, travailler l’aspiration jusqu’à l’inspiration, c’est-à-dire le moment où une présence s’empare de l’être.

Expiration ; lâcher prise, don de soi, abandon.
Inspiration : ouverture, visitation, plénitude.

25/06/2020

Les forces de la vie

Tu te cherches dans le monde
Tu ne trouves que tes doubles
Tu te cherches hors du monde
Et t’enfermes dans ta bulle
Celle-ci n’est qu’un autre double
Que tu contemples, prisonnier
De toi-même et du monde
Fouille encore en toi, toujours
Et deviens l’oiseau en cage
En mal d’échappée cosmique
Qui laisse son moi au vestiaire
Et enfile le costume blanc
Du rien courant derrière lui-même
Entre en toi-même
Fuis le monde
Évacue passé et futur
Tu es parce que tu n’es plus
Et l’absence de ce moi
Deviens le soi sublime
Une vie… Un point
Qui s’évanouit…
Seul l’amour te rattache
Aux forces de la vie…

©  Loup Francart

24/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (24)

Ce n’est que huit jours plus tard que l’homme se manifesta de nouveau. Arrivé à cheval, il mit pied à terre devant la porte principale du village, suffisamment loin pour ne pas risquer un coup de fusil malencontreux. Il s’assit sur un tronc d’arbre mort, attendit un quart d’heure que le haut des remparts se remplisse, puis, il commença à chanter, d’une voix rauque, étouffée, mais portant loin, claire comme un chanteur professionnel. Ce fut une histoire complète qui parlait d’un amour imaginaire entre un homme et une femme dont les pays s’opposaient dans une guerre fratricide. Il conta la beauté de la jeune fille, la force du jeune homme, l’amour qui les enflammait et les aventures extraordinaires qu’ils vécurent. Trop loin pour ceux qui se trouvaient sur le chemin de ronde, on ne voyait pas ses yeux, mais on devinait son ardeur à contempler les personnes présentes, comme s’il cherchait quelqu’un. Libertad était présente et se précipita comme ses compagnes lorsqu’elle sut que l’homme était à nouveau là. Appuyée contre un poteau de bois, elle avait les larmes aux yeux, sans trop analyser pourquoi. C’était plus fort qu’elle. Lorsqu’il eut fini, l’homme fit un large geste d’adieu, s’inclina, puis prit le chemin du retour, loin au-delà des collines. La plupart des gens ne comprenaient pas ce que voulait cet homme, pourquoi il revenait sans cesse et ce qu’il attendait. Ils commençaient à trouver amusant les démonstrations qu’il faisait, sans chercher autre chose. D’abord inquiets, ils se familiarisaient avec ce fantôme étrange qui surgissait de nulle part et s’évanouissait une fois sa prestation terminée.

Quel jeu jouait-il ? Qu’elle était celle qu’il entendait prendre dans son filet ? Une des trois sœurs, à coup sûr, mais laquelle ? Chacune d’entre elles espérait, sans savoir ! Cela n’avait pas échappé à leurs parents et le capitaine commençait à s’inquiéter de cette situation qu’il n’arrivait pas à qualifier. Il en parla le soir, dans leur chambre, avec son épouse.

–  Tu sais, j’avoue ne pas comprendre ce que veut cet homme. Ce que je pressens, sans encore en détenir la preuve, c’est que cela à voir avec nos filles. Que devons-nous faire ? Si nous leur interdisons de sortir lorsqu’il fait son apparition, elles s’interrogeront plus encore sur ses intentions. Je m’inquiète particulièrement pour Libertad. J’ai l’impression qu’elle est plus touchée que les deux autres. As-tu vu aujourd’hui les larmes qu’elle retenait sans pouvoir les cacher ?

–  Oui, moi aussi, je m’inquiète. Comment la famille du capitaine de la place peut-elle se laisser pervertir par un garçon inconnu de manière aussi flagrante ? A ce propos, as-tu interrogé le soldat de la section de prisonniers ?

–  Non, peut-être pourrai-je me servir de lui pour en savoir plus ?

23/06/2020

La faim

Elle ouvrit sa porte, hagarde
Elle cligna des yeux, dolente
Se pinça les mains par mégarde
Et cria dans sa robe moulante :
« Où donc est passé ma fille ? »
Seule une vieille femme répondit :
« Elle est partie au pain, sans béquille,
Se passant de son orthopédie. »
Elle perdit donc la vie
Pour goûter, les lèvres ouvertes
Ce qui est donné à tous
Et que seules les expertes
Prénomment la faim fourretout

©  Loup Francart

22/06/2020

Être

« Je Suis celui qui Est », qui n’a ni passé, ni avenir.

L’être est intemporel, seule l’action a besoin de temps.

Être à l’image de Dieu, c’est penser que je suis

et non à ce que j’ai été ou ce que je veux être.

 

21/06/2020

Au temps du fleuve Amour, d'Andréï Makine

20-06-21vAu temps du fleuve Amour.jpgUn fleuve de poésie qui ne dit pas son nom et qui s’appuie sur trois piliers : la jeunesse de trois adolescents débutants ; Belmondo, sans que l’on sache s’il s’agir de l’acteur ; les femmes, dont la prostituée, que les personnages rêvent éveillés. Entre ces piliers coulent le fleuve, empli de désirs, de désespoir et de nostalgie. La nature brute s’exprime et glisse avec lenteur entre les rives de l’Union soviétique et le rêve occidental, secouée par les assauts des glaces. Un paysage de cauchemar vécu, mais doux à l’oreille et au corps. On entre dans le livre avec douceur, comme dans un poème qui ne dit pas son nom et on avance aux rives de l’Asie sauvage et de l’Occident rêvé.

« Mais l’Occident était là, parmi nous. On sentait sa présence dans l’air du printemps, dans la transparence du vent dont nous percevions parfois le goût piquant, océanique, dans l’expression détendue des visages, (…)

La directrice ! Oui, c’était elle… Nous en oubliâmes la voiture. Car celle qui approchait du capitaine était très belle. On voyait ses jambes découvertes au ras des genoux, longues, sveltes, jouant des reflets transparents Et en plus, elle avait des seins et des hanches ! Les seins redressés légèrement de belles dentelles encadrant le décolleté très pudique de sa robe. Les hanches remplissaient la fine étoffe de leur mouvement rythmique. C’était tout simplement une femme belle et sûre de ses gestes qui marchait en souriant à la rencontre d’un homme qui m’attendait. Ses cheveux relevés laissaient apparaître un joli galbe du cou, à ses oreilles scintillaient des pendeloques garnies de grains d’ambre. Et son visage ressemblait à un bouquet de fleurs des champs, dans sa candeur fraîche et ouverte. » (...)

« Elle était Nivkh, originaire de ces forêts de l’Extrême-Orient où nous avions, un jour, aperçu un tigre flambant dans la neige… Quand elle sentit que je ne la lâcherais plus, ce corps m’enlaça, me moula, s’imprégna de moi  par tous ces vaisseaux frémissants. Elle répandit en moi son odeur, son souffle, son sang… Je ne pouvais plus distinguer  où sa chair devenait l’herbe emplie du vent des steppes, où le goût de ses seins ronds et fermes se mélangeait avec celui des fleurs de pommiers, où finissait le ciel de ses yeux éblouis et commençait la profondeur sombre perlant d’étoiles. »

 

 

20/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (23)

La dernière, Libertad, était presqu’une fillette, bien que ses formes se dessinaient, souples, la taille petite, les hanches évasées, un port de tête splendide, de petits seins pointant d’un air mutin sous la robe bleue qu’elle portait aujourd’hui. Elle avait encore un comportement d’enfant, mais se tenait comme une reine. Des trois sœurs, elle paraissait la plus vivante, la plus chatoyante, la plus adorable. Elle avait tendance à ne réfléchir qu’après avoir parlé, et s’amusait de ce défaut qu’elle parvenait toujours à se faire pardonner. Là, devant la garnison et les villageois, elle s’exclama : « Qu’il est beau ! Invincible et fier. Un prince, un vrai ! » Elle le voyait, debout devant tous, dans la lumière du soleil couchant, et pensait à un voyageur du ciel, un adorateur de la nature, un être sans désir vulgaire, qui ne mange pas, ne fume pas, dont le regard est posé sur l’intérieur de lui-même. Sa sœur ainée lui pinça la hanche et lui dit de se taire. Les villageois firent semblant de ne rien avoir entendu, occupés à s’interroger sur cette nouvelle mise en scène de l’homme. Celui-ci, regardant les trois jeunes sœurs, s’inclina devant la famille, comme s’il l’avait entendu. Il sourit mystérieusement et fit demi-tour, reprenant le chemin du petit bois. Arrivé à la lisière, il se retourna, un petit sourire aux lèvres, comme s’il avait gagné son pari et leva la main d’un geste d’au revoir. Libertad rougit, ne dit rien, baissa les yeux et se retourna comme pour s’en aller. Sa sœur lui tint la main, émue de cette réaction de la jeune adolescente, sentant qu’il s’était passé quelque chose. Mais quoi, elle ne savait.

Au cours de la nuit qui suivie, Libertad ne put dormir. Le souvenir de l’homme ensorceleur restait présent et l’empêchait  de reposer calmement. Une sorte de légèreté de l’être la tenait éveillée, malgré elle. Elle se demandait ce que cela signifiait. Etait-ce la soirée particulièrement chaude, la promenade sous les yeux des habitants du village ou encore, qui sait, la présence de l’homme ? Elle se réveilla au petit matin la tête lourde, le cœur léger, comme sur un nuage. Son père était déjà parti inspecter les sentinelles, sa mère avait préparé le petit déjeuner, ses sœurs la regardait, amusées, devinant un secret à ne pas dévoiler. Mais la journée se passa comme d’habitude, classe, déjeuner, à nouveau classe, puis devoirs du soir, dans la chaleur de l’été.

19/06/2020

Enfoui

Pleinement présent dans ta tour
Tu grattes par curiosité, sans délectation
L’autre monde est-il différent ?
Derrière les reflets de tes pensées
S’ouvre le gouffre de tes absences
Un trou noir d’angoisse, empli de peurs
Et pourtant, tu grattes toujours
En fouillant dans ta transparence
Comme si tu allais découvrir
Le Graal de ton évanescence
Où es-tu, toi l’innocent
Pauvre de toi-même
Graine de sable enfoui ?
Laisse-toi couler dans l’ombre
Et demeure dans l’éternité
De ton destin isolé, appauvri
Par ces fantasmes d’indépendance
Bulle d’air s’élevant parmi les autres
Tous enclins à l’avènement
De cet autre toi-même
Que tu ne connais pas
Et qui miroite dans le lointain
Telle l’étoile de ton destin

©  Loup Francart

17/06/2020

Recul

 

Ne t’engouffre pas dans n’importe quelle brèche,

Replace ton projet dans tes buts de vie,

Éventuellement revois ceux-ci.

Toujours fie-toi à ton destin, et non à tes connaissances.

 

16/06/2020

Fleurs dans un pré

 

20-06-16 Vrille.jpg

Nuit : pas de couleurs

Juste un parterre sous les pieds

Émerveillement !

 

15/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (22)

Le lendemain, le capitaine et sa famille se promenaient dans le village. Ils se montraient pour rassurer la population. Les filles avaient maintenant connaissance de la situation et s’intéressaient à l’inconnu, se demandant comment il était, ce qu’il disait, ce qu’il aimait faire. Quel mystère ! Mais ces pensées ne transparaissaient pas derrière l’apparente tranquillité des trois sœurs. Elles se tenaient par le bras, réjouies, rieuses, loin de toutes les pensées des grandes personnes, mais déjà intéressées par un monde nouveau dans lequel les jeux étaient révolus. Elles devisaient toutes les trois, marchant à une distance suffisante de leurs parents pour que ceux-ci ne sachent pas de quoi elles parlaient.

–  Il paraît qu’il est blond, qu’il a de grands yeux noirs et qu’il est fort comme un éléphant, dit Libertad qui, étant la plus jeune, commençait à rêver la nuit d’amour chaste et de bague au doigt. Les deux autres, plus avancées, s’amusaient de leur sœur rêveuse et béatifiant. Elles n’exprimaient pas leurs pensées sur les hommes, mais l’on voyait à leur regard l’intérêt qu’elles y portaient, comme toute jeune fille équilibrée et désireuse de connaître la vie. Les parents marchant devant elles, ne se doutaient pas un instant de ces sentiments cachés, voire étouffés.

–  Quelle idée ! L’aurais-tu vu une fois ?

–  Non, tu le sais bien, répondit Libertad à Ernestina.

Elles poursuivirent leur route vers la porte du village et suivirent les parents sur le chemin bordant les remparts, lorsqu’un brouhaha se fit entendre. On entendit des cris venant de la tour de garde surplombant la porte d’entrée ; « Il est revenu, il est revenu ! ». Alexandro redevint instantanément le capitaine et courût vers le mur d’enceinte qu’il escalada avec souplesse. Sa femme et ses filles le suivirent, si bien que l’ensemble de la famille se trouva sur les remparts, avec leurs ombrelles et leurs atours, sous le regard de l’homme qui faisait mine de ne rien voir. Il se tenait debout, les bras ouverts, les paumes tournées vers le ciel, les yeux mi-clos, comme en adoration devant la création, statue de schiste immobile, impénétrable. En réalité, il fixait les trois sœurs et se demandait laquelle était la plus jolie. L’ainée, Abigail, lui semblait la plus femme, déjà sérieuse comme il convient à une jeune fille en âge de se marier, mais, dans le même temps, rieuse, prête à toutes les farces, comme une gamine qui se demande pourquoi elle fait cela. Elle était blonde, les cheveux noués par un ruban en queue de cheval. Une petite fossette se distinguait sur sa joue gauche et lui donnait un air mutin qui lui convenait. Elle avait l’œil vif, espiègle, mais la sûreté de gestes d’un adulte et sa retenue. La seconde, Ernestina, était châtain clair, également les yeux noirs. C’était une très jeune fille, mais l’on devinait déjà ce qu’elle serait dans quelques années, secrète, belle, un rien non conformiste.

14/06/2020

Maxime

 

Transformer l'orgueil en volonté

en faire non pas un frein au développement

mais un moteur permanent qui pousse à sortir de soi-même

 

13/06/2020

Echappé

Comme toujours l’attrait du vide
L’absence est ce trou dans le ciel
De ton fantôme errant en toi
Pfuittt… plus rien, juste un abime…
Alors je cours pour te rattraper
Et je tombe à mon tour, éperdu
Je ressens juste l’odeur du vide
Qui s’ébroue autour de ma personne
Et m’enduit de crème odorante
Comme un reste de parfum vieilli
Je deviens filament, m’allongeant
Jusqu’à la rupture du chewing-gum
Faisant exploser mes pensées
En me baignant de bulles multicolores
J’erre alors dans l’absence de mots
Priant le ciel de me rendre la parole
Je rafistole le personnage échappé
Jusqu’à ce qu’il reprenne l’apparence
D’un humain corps et âme
Mais quelle fatigue, car depuis
Je traine derrière moi
Mon double déformé et songeur
Rien ne va plus !

©  Loup Francart

12/06/2020

Langage

https://www.youtube.com/watch?v=RovrlbSFjEo


buter sur les mots

c'est

lutter contre les maux

pour ne pas flûter sans grumeaux

11/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (21)

Le lendemain, il fit faire un exercice spécial à ses hommes : un concours de tir sur une cible qui représentait un homme, mais située loin, à environ trois cent mètres. Il avait fait mettre autour de la cible un panneau de papier qui permettait de voir les écarts entre l’impact et la cible. Peu à peu, les soldats les plus aguerris touchaient la cible au moins une fois sur deux. Il les laissa aux ordres de leur chef de section, continuant à se demander ce qu’il devait faire. La journée se déroula sans incident, une journée calme et normale. Le soir, le capitaine et Emma étaient invités à diner chez le maire. Il mit son uniforme de cérémonie, Emma mit sa robe bleue avec laquelle elle était arrivée au village le premier jour. Le diner fut fort sympathique. Le capitaine raconta une histoire désopilante qui mit tout le monde en verve, leur faisant oublier la situation dans laquelle ils se trouvaient. Il était enjoué, sachant intéresser son auditoire, les tenant en haleine jusqu’au bout du récit. Ils se quittèrent vers minuit et chacun rentra chez soi sans incident.

Ce n’est que trois jours plus tard que l’homme se manifesta à nouveau. Comme par hasard, c’était le soldat de la section de prisonniers qui l’avait vu la première fois qui était présent cette nuit-là.

–  L’homme arriva par la plaine, bien en vue, tranquillement, comme s’il se promenait. N’ayant pas reçu de consigne pour l’abattre, je me contentais de le regarder, prêt à tirer. Il se mit torse nu, lentement, sorti de son sac des pots de couleurs vives et commença à se peindre la poitrine de signes inconnus. Lorsqu’il fut recouvert de peinture, très belles d’ailleurs, il se mit à genoux, les mains jointes, et sembla entrer en prière ou en méditation. Cela dura longtemps. Il se tenait immobile et seuls quelques cheveux de sa tête remuaient dans le vent. Rien ne semblait pouvoir le distraire. Brusquement, il se leva, se rhabilla, mit son chapeau, puis, après l’avoir soulevé en me regardant, il fit demi-tour et partit tranquillement comme il était venu. Je ne suis pas intervenu, ne sachant ce que vous aviez décidé.

Le capitaine était perplexe. Que voulait donc cet homme ? Etait-il un ennemi, un éventuel ami ou encore un indépendant des deux partis qui s’opposaient ? Il n’avait pas de réponse. Il demanda au prisonnier :

–  Vous, que pensez-vous de cette attitude ?

–  A vrai dire, mon Capitaine, je ne sais. Il ne semble pas hostile. Il a néanmoins fait exploser un bâton de dynamite, ce qui révèle une manifestation d’animosité. Aujourd’hui, son attitude était autre. Il se montra pacifique, mystique même, avec un rien de chamanisme en raison des peintures qui, ma foi, pour autant que j’ai pu en juger étaient fort belles et mettaient en valeur son buste. Je comprends vos hésitations quant à l’attitude à adopter. Que faire ?

Le capitaine n’était pas plus avancé. Il voyait néanmoins que les hommes comprenaient cette indécision, n’ayant eux-mêmes aucune idée de ce qu’il convenait de faire. Aussi décida-t-il d’attendre, tout en se préparant au pire. Premièrement, doubler les sentinelles de nuit ; deuxièmement programmer des entraînements au tir de loin, jusqu’à trois, voire quatre cent mètres ; troisièmement, donner des consignes précises à élaborer ; quatrièmement, toutes les nuits faire une ronde et voir chacune des sentinelles. Certes, c’était le travail de ses lieutenants et sous-officiers, mais cela montrera à tous qu’ils doivent être vigilants. Enfin, se renseigner pour savoir si l’homme n’avait pas des complices parmi la section de prisonniers ou dans la population. Que faire si cela était le cas ? Connivence avec l’ennemi ! Cela devrait suffire. C’était la tôle assurée.

10/06/2020

L'inconnu

Où es-tu, toi, l’inconnu ?
Ce pincement au cœur
Est celui de toujours
Aux moments de détresse
Un arrêt du cœur
Un bruissement de la pensée
Le noir de l’absence
Le rouge de l’épouvante
Le jaune de la désolation
Le vert de la quiétude
Le bleu des regrets
Le pourpre de l’affolement
L’incolore du néant
Tout ce que j’ai aimé
Est perdu jusqu'à cette douleur
Qui me berce les entrailles
Et m’empêche de prendre mon élan
En sautant la barrière
Pour plonger dans l’après
Qui n’est probablement qu’un avant
En absence de présent
J’ai percé l’espace
J’achève le temps
L’envol devient mon mode d’existence
Jusqu’au dernier atome

©  Loup Francart

09/06/2020

Abandon de la conscience

On peut réellement, par expérience, distinguer en soi trois états différents : le mental qui tire son fonctionnement du corps, la conscience qui fait partie de l’âme et qui s’efforce d’élever le mental du concret à l’abstrait et enfin l’esprit, au-delà de la conscience et que l’on ne peut connaître que par expérience directe.

C’est par la conscience qui l’homme se tourne vers l’esprit. Mais il ne peut le recevoir que lorsqu’il ne cherche pas avec sa conscience. L’âme est l’instrument qui permet de se tourner vers le monde divin. Mais tant que l’âme veut rester consciente et dire je, elle ne peut trouver l’esprit.

Lorsque la conscience s’abandonne, c’est-à-dire lorsque la perception de soi se résume à un voile transparent entre le naturel et le surnaturel, l’univers se dévoile, la distance et le temps s’abolissent, chaque chose, chaque être peuvent être perçus intérieurement.

08/06/2020

La vie

La vie est un combat,

mais c’est un combat contre soi.

En se combattant soi-même,

la tension avec les autres s’élimine.

 

 

07/06/2020

L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (20)

Plusieurs jours passèrent sans aucun incident. Le capitaine partait le matin, tôt, inspecter les sentinelles, donnait ses ordres pour l’entraînement du jour, puis se préoccupait d’un problème particulier. Il revit une fois le prisonnier chilien, mais sans engager la conversation. Le soir, lorsqu’il n’était pas de permanence au poste de commandement, il rentrait chez lui et demandait à ses filles comment s’était passé la journée. Il se tenait près de sa femme, lui caressant le cou, la regardant tendrement. Il était heureux ainsi que sa famille.

Une nuit, vers trois heures du matin, il fut réveillé par des coups sur la porte. Le lieutenant major se tenait là, l’air un peu affolé :

– L’homme, il est revenu !

– Oui, qu’a-t-il fait ?

– Il s’est installé face à la porte du village, s’est assis sur une grosse pierre et l’a regardé en fumant un cigarillo. Il était environ deux heures du matin et il était visible parce que la lune était pleine.

– C’est tout ?

– Non, avant de partir, il a sorti de son sac une cartouche de dynamite, a mis le feu à sa mèche, l’a regardé brûler jusqu’à moitié, et, avant qu’elle n’explose, l’a projeté en direction de la porte. Elle a explosé sans faire de dégâts, mais j’avoue que l’explosion a fait peur à une bonne partie de la population. Vous n’avez pas entendu ?

– Ma foi non. J’ai un bon sommeil. Vous avez bien fait de venir me réveiller. Je vais aller voir de plus près ce qui s’est passé.

Après avoir tranquillisé Emma, le capitaine s’habilla et sortit sur la pointe des pieds. Il était un peu inquiet, mais fit tout pour ne pas le montrer. Il se dirigea avec le lieutenant major vers la porte d’entrée dans le village. L’emplacement avait été choisi pour que ceux qui la défendaient se trouve en situation de surélévation. Les premiers arbres étaient loin. L’homme avait du courage pour venir défier la garnison de cette manière. En dehors de la trace laissée par l’explosif, il n’y avait rien de remarquable à voir. Alexandro Barruez interrogea la sentinelle qui ne lui apprit rien de plus que ce que lui avait dit le lieutenant major. Il donna l’ordre qu’on l’avertisse immédiatement si l’individu se présentait à nouveau quel que soit le lieu ou l’heure. Puis il rentra chez lui. Lorsqu’il se glissa dans son lit, Emma lui demanda si cela allait.

–  Oui. C’est à nouveau l’homme que l’on a aperçu l’autre jour. Il est venu défier nos sentinelles. Cela commence à devenir préoccupant, mais nous nous en occupons. Et il prit Emma dans ses bras, caressa son corps souple, jusqu’à ce qu’elle se calme et se rendorme. Il resta les yeux ouverts, réfléchissant. Que faire ? Dois-je donner l’ordre de l’abattre s’il se manifeste à nouveau ? Il finit par se rendormir, sans avoir résolu le problème.

06/06/2020

Dulcis

Douceur des sens :
Les yeux fermés, j’erre dans ta personne
Tu n’es que velours soyeux
Qui fait monter les plus vives sensations
Partout où tu poses ta main
Partout où je pose ma main
Je m’enfouis dans ce creux douillet
Et n’en sort que pour reprendre souffle
Et méditer ce silence d’or
Qui repose sur la suavité de ton être

Douceur des relations
Tissées par la parole :
Tu erres dans ta toile
Comme l’araignée agile
Changeant instinctivement de lieu
Dès lors que tu sens la discorde
Ou l’inadaptation des attitudes
L’affection est le miel
Qui t’enrobe, invisible et chaleureuse

Douceur morale :
Tu ne prêtes pas aux autres
Ce que tu ne connais pas
Tu ne sais ni la méchanceté
Ni l’appât du gain et l’appropriation
Ni l’arrière-pensée du voisin
Ni la jalousie des envieuses
Ni même le désir irrépressible des enfants
Tu ne vois que le ravissement
Qui emplit l’être intérieur de chacun

Ta douceur est amour
Un parfum imperceptible
Qui enrobe l’âme
Et l’ouvre au mystère de l’autre

©  Loup Francart

05/06/2020

Dérapage

Il dérape sur la râpe à fromage
Il n’a plus toute sa tête même
La bosse qu’il possède au front
Lui donne un air de dur buté
Mais son cœur est un enfant
Au grain serré et pleutre

Relâchez-le et vous pourrez aller
Dépenser vos billets mal acquis
La peur le tenaille et l’étouffe
Ses yeux se révulsent de rage

Céder sans savoir ce qu’il en est
Est un saut dans l’inconnu
Sans parachute où se pendre
Dieu seul conduit aux sages décisions

Mais où est-il ce sauveur ?
Je ne le trouve plus. A-t-il parlé ?
Au loin fuit l’étoile de la chance
Où vas-tu, toi l’unique ?

Plus rien ne sera comme avant…

©  Loup Francart

04/06/2020

Pressé

J’ai longtemps été un homme pressé, même lorsque je crois ne pas l’être et prendre mon temps : pressé dans mes sensations, l’une à peine goûtée, je veux passer à l’autre ; pressé dans mes émotions, toujours vouloir ressentir plus et se croire prêt à plus d’émotions ; pressé dans mes pensées, à croire trop vite les plus convaincantes.

Il y a deux manières de ne pas être pressé : ne rien savoir, ne rien ressentir (c’est l’apathie ou l’ignorance), savoir et tout ressentir (c’est la sérénité et la joie).

L’important est de s’assimiler aux rythmes de la nature : elle n’est pas pressée, elle est. Pour percevoir les lois de l’univers en soi vivre à son rythme.

Prendre le temps de croire que je pers mon temps, mais ne pas perdre mon temps à prendre le temps. Aller toujours au bout de la tâche entreprise, mais ne jamais prolonger plus que nécessaire le temps à lui consacrer.

02/06/2020

Chute

Tombé dans l'escalier

descendu un étage

le corps conserve quelques souvenirs

le cerveau rien

Je reprendrai dans quelques jours

le temps de laisser le passage

de la machine à laver

et un peu de séchage...