24/06/2020
L'étrange bataille de San Pedro de Atacama (24)
Ce n’est que huit jours plus tard que l’homme se manifesta de nouveau. Arrivé à cheval, il mit pied à terre devant la porte principale du village, suffisamment loin pour ne pas risquer un coup de fusil malencontreux. Il s’assit sur un tronc d’arbre mort, attendit un quart d’heure que le haut des remparts se remplisse, puis, il commença à chanter, d’une voix rauque, étouffée, mais portant loin, claire comme un chanteur professionnel. Ce fut une histoire complète qui parlait d’un amour imaginaire entre un homme et une femme dont les pays s’opposaient dans une guerre fratricide. Il conta la beauté de la jeune fille, la force du jeune homme, l’amour qui les enflammait et les aventures extraordinaires qu’ils vécurent. Trop loin pour ceux qui se trouvaient sur le chemin de ronde, on ne voyait pas ses yeux, mais on devinait son ardeur à contempler les personnes présentes, comme s’il cherchait quelqu’un. Libertad était présente et se précipita comme ses compagnes lorsqu’elle sut que l’homme était à nouveau là. Appuyée contre un poteau de bois, elle avait les larmes aux yeux, sans trop analyser pourquoi. C’était plus fort qu’elle. Lorsqu’il eut fini, l’homme fit un large geste d’adieu, s’inclina, puis prit le chemin du retour, loin au-delà des collines. La plupart des gens ne comprenaient pas ce que voulait cet homme, pourquoi il revenait sans cesse et ce qu’il attendait. Ils commençaient à trouver amusant les démonstrations qu’il faisait, sans chercher autre chose. D’abord inquiets, ils se familiarisaient avec ce fantôme étrange qui surgissait de nulle part et s’évanouissait une fois sa prestation terminée.
Quel jeu jouait-il ? Qu’elle était celle qu’il entendait prendre dans son filet ? Une des trois sœurs, à coup sûr, mais laquelle ? Chacune d’entre elles espérait, sans savoir ! Cela n’avait pas échappé à leurs parents et le capitaine commençait à s’inquiéter de cette situation qu’il n’arrivait pas à qualifier. Il en parla le soir, dans leur chambre, avec son épouse.
– Tu sais, j’avoue ne pas comprendre ce que veut cet homme. Ce que je pressens, sans encore en détenir la preuve, c’est que cela à voir avec nos filles. Que devons-nous faire ? Si nous leur interdisons de sortir lorsqu’il fait son apparition, elles s’interrogeront plus encore sur ses intentions. Je m’inquiète particulièrement pour Libertad. J’ai l’impression qu’elle est plus touchée que les deux autres. As-tu vu aujourd’hui les larmes qu’elle retenait sans pouvoir les cacher ?
– Oui, moi aussi, je m’inquiète. Comment la famille du capitaine de la place peut-elle se laisser pervertir par un garçon inconnu de manière aussi flagrante ? A ce propos, as-tu interrogé le soldat de la section de prisonniers ?
– Non, peut-être pourrai-je me servir de lui pour en savoir plus ?
07:08 Publié dans 44. Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bolivie, guerre, chili | Imprimer
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