01/01/2012
Nouvelle année !
Nouvelle année ! Plus elles passent,
Ces nouvelles années, plus elles semblent
Toujours les mêmes : une nouvelle année
Semblable à elle-même, petitement
Oui, vous vous réveillez la veille,
Comme tous les jours, hagard,
Vous comptez vos abattis et vos poils de cheveux
Et vous vous dites : tiens, demain…
Et ce soir, que faire ! bien sûr,
Vous êtes invités au réveillon
Qui consiste à diner, assis, engourdi,
En attente d’une heure qui vient difficilement
Minuit, tous s’empêtrent d’un même vocabulaire
On croirait un hôpital psychiatrique
Ou une publicité pour handicapé
Que de « bonne année », produits publicitaires !
Après ces paroles malheureuses
Vous rentrez chez vous, refroidi
La tête pleine de rire et de larmes
Et vous vous couchez, honteux
Alors, le jour se lève lentement
Vous admirez son remuement léger
Vous sentez monter en vous cette évasion
Que vous procure l’extinction de votre égo
Et en un instant merveilleux et unique
Vous ressentez ce nouveau jour, seul
Face à l’immensité de la vie
Comme une bouteille d’espérance
Vous la buvez en douce, colorée et sucrée
Vous en palpez le grain indolore dans la bouche
Vous souriez à l’éternelle envie
De poursuivre votre voyage terrestre
Un autre jour, nouveau, excitant,
Une autre vie à construire, libre
Vous courrez dans la mer des délices
Et chantez à en perdre la tête
Merci à cet univers insolite
Merci à ce Dieu méconnu
Qui fait de vous un homme
C’est-à-dire un être à conserver
Alors bonne année nouvelle
Comme ce beaujolais de novembre
Que vous soyez ivres de jours
Et fiers de vos nuits
Que les amis qui nous ont reçu hier soir se rassurent. Ce poème est, comme tous les poèmes, l'expression de l'imagination qui n'a rien à voir avec la réalité vécue d'une excellente soirée. Tous les premiers de l'an comportent immanquablement une soirée et, inéluctablement il y a un matin nouveau, riche d'une nouvelle année pleine de promesses. Morale de l'histoire : profitez chaque jour de ce que la vie vous donne, le soir comme le matin !
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31/12/2011
L'art du roman
Détenir une histoire dans sa tête n’est rien. Encore faut-il être capable de la raconter bien. Si le récit a son mot à dire dans l’art du roman, la manière de le dire importe encore plus.
Et, au fond, est-on sûr que raconter une histoire soit si important que cela pour faire un roman. En réfléchissant bien, sûrement pas. Il existe de nombreux romans qui ne constituent pas une histoire munie d’un début et d’une fin, avec une intrigue et des personnages. Par exemple, les romans de Milan Kundera sont un patchwork de récits courts de personnages qui se mélangent dans le temps et dans l’espace. Mieux, l’histoire peut être poétique ou encore se dérouler hors d’un temps mesuré, voire hors d’un espace défini. Enfin, un roman peut être bâti sans intrigue, de manière pouvant paraître illogique, et cette construction est faite volontairement par l’auteur.
De manière plus générale, on peut dire qu’il existe deux origines pour le récit d’un roman.
Soit celui-ci est fondé sur des souvenirs auquel, bien sûr, l’auteur ajoutera de nombreuses inventions de lieux, de temps, d’action, de personnages, ou encore mêlera sans aucune gêne des souvenirs appartenant à des moments et des lieux différents. Ce genre est parfois ennuyeux parce que l’on sent, sans pouvoir le préciser, cette pâtée mixte qui laisse de gros grumeaux dans un récit chaotique. Mais d’autres auteurs brossent de véritables bijoux à partir d’une expérience personnelle, telle Amélie Nothomb lorsqu’elle fait de ses souvenirs d’enfance un feu d’artifice de paillettes dorées et éblouissantes.
D’autres auteurs, construisent par l’imagination pure. Ces romans font souvent plus vrais, aussi bizarre que cela puisse paraître. La difficulté pour ces imaginaires est d’aller jusqu’au bout de leur épopée inventée, d’en créer des intrigues durables de la première à la dernière page. Admirons dans ce régistre Ken Follett dans son ouvrage "Un monde sans fin". En fait, tout dépend de la manière de construire le récit. Soit l’auteur se fie à une imagination démesurée et la laisse courir librement dans les champs en butinant de ci de là ; soit, au contraire, il construit méticuleusement le plan à suivre, préparant son livre dans les moindres détails jusqu’au déclic qui lui donnera le signal de commencer. Il peut arriver qu’il ne vienne jamais, malheureusement.
En réalité, la plupart des auteurs empruntent aux deux manières, mêlant la fiction à des souvenirs réels avec plus ou moins de bonheur. Ceux chez lesquels prédominent les souvenirs font généralement des romans courts, émouvants. Ceux pour lesquels l’imagination prédomine peuvent écrire des centaines de pages si la verve scripturale est avec eux. Entre les deux existe logiquement le roman historique, mixte des deux tendances, chemin étroit au bord du précipice de l'authenticité. Les deux manières font de bons ou de mauvais livres.
Une autre difficulté du roman est celle des dialogues. Allez dans une librairie et feuilletez les livres qui s’y trouvent. Vous serez frappé de voir que certains romans n’affichent que très peu de dialogues, alors que d’autres sont plutôt chiche en description de contextes ou de sentiments, seules comptent les situations et les réparties. On peut penser que cette différence tient à la psychologie personnelle de l’auteur. Est-il bavard, homme du monde, primaire ou serait-il un secondaire plus renfermé sur lui-même, mais pénétrant le monde d’un œil plus avisé ? Il est sûr que cela joue dans l’art d’écrire et même de se décrire.
Car derrière tout cela que cherche le romancier ? En fait, à se décrire lui-même au travers de tous ces personnages, en fonction de la multitude de personnes qu’il détient en lui-même. Nous avions déjà entraperçu notre difficulté à constituer un être unique, indélébile, constant en pensée et en action. Nous avions également constaté ensemble combien était importante et fragile cet équilibre entre la solitude et le partage, accomplissement nécessaire entre le moi et le soi (voir solitude et partage du 12 août 2011). Or cet équilibre est différent pour chacun. Il n’y a pas de règle, l’important est de le trouver, de pouvoir marcher sur sa crête et de s’y sentir bien, suffisamment bien pour avoir envie de le dire, de le décrire, de le donner en cadeau aux autres. Cela ne signifie pas que le roman sera forcément gaie, instructif, donnant une vision intéressante de la vie. Il pourra être difficile à lire, triste à souhait, mais il y aura toujours au-delà des premières impressions un arrière-goût d’optimisme, d’espoir, de lumière qui rappelle au lecteur que la fonction d’un romancier est avant tout de lui livrer sa vision de la vie, son expérience et ses espérances.
Mais tout ceci ne dit rien du style, de la phrase, de l’art d’écrire qui est aussi important, sinon plus, que tout ce que nous venons de dire. Il faudra en reparler un des prochains jours.
07:46 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman, art | Imprimer
30/12/2011
La diphonie, voix de l’outre terre
La diphonie est l’émission simultanée de deux sons différents. Le chant diphonique émet un son fondamental, de hauteur constante, et un son harmonique que le chanteur fait varier.
http://www.youtube.com/watch?v=qNFSB4PnVPI&feature=related
Voix extra-terrestre semble-t-il qui vous projette dans l’univers sans rapport avec les sons habituels produits par la voix. Est-ce du chant, est-ce une technique, est-ce un concours de souffle, est-ce une farce ? C’est beau, mais d’une beauté incompréhensible. C’est harmonieux, mais l’harmonie reste factice ; C’est mystérieux comme une grotte mi-marine, mi-terrestre dans laquelle les flots créent des sons inhabituels. Est-ce de la musique, sont-ce des bruits ? Tout dépend de l’art du chanteur et de son souffle, car il en faut.
http://www.youtube.com/watch?v=8Y4SCDzNwUY&feature=endscreen&NR=1
Un exemple d’utilisation du chant diphonique dans la musique mongole. C’est une véritable symphonie, certes lassante, mais tellement inusité à nos oreilles qu’on peut l’écouter sans se lasser. Bien qu’étant au centre Pompidou, on est projeté à mille lieues de Paris, de la société occidentale et de la musique savante. Retour à la nature, au corps, à ses résonnances naturelles.
http://www.youtube.com/watch?v=0M3YFK3sJ54&feature=related
La diphonie se mêle au chant normal pour évoquer toute l’horizontalité de la terre mongole et toute la verticalité de leur vision de la vie. Rencontre opportune entre la vie quotidienne, difficile, et une aspiration magique vers d’autres vies, plus secrètes, cachées dans les replis du chant comme dans une couverture aux plis immenses.
http://www.youtube.com/watch?v=NNVrmW0VL2I&feature=related
Sans explication technique, voici les différentes manières de produire la diphonie. Passionnante leçon de choses qui montre la diversité de l’homme et son ingéniosité.
Vous pouvez aussi écouter des démonstrations intéressantes de chant diphonique qui met en évidence les différents styles d’obtention de la diphonie.
http://www.alashensemble.com/French/demos.htm
Si vous êtes intéressés par cette technique vocale, lisez l’article très bien documenté de Wikipedia sur le chant diphonique :
http://dictionnaire.sensagent.com/chant+diphonique/fr-fr/
06:56 Publié dans 51. Impressions musicales | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, chanson, chant | Imprimer
29/12/2011
Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans être écrasé par l’univers (Victor Hugo)
L’arbre, cathédrale naturelle, pont entre ciel et terre, les pieds dans l’humus et la tête dans l’azur, déployant ses bras et ses doigts vers l’avenir, empruntant son existence au passé de ses racines, le tronc rond, bossu, bien présent lorsque vous vous adossez, sentant le bois, parfois sec comme la poudre des allumettes, d’autres fois humide à la senteur plus chaleureuse.
En voici deux, à l’existence mêlée, comme devisant ensemble dans leur promenade terrestre, se tenant bien droits, majestueux de finesse et de force, les doigts de pied recroquevillés sur le sol, mais laissant entrevoir l’image inversée des racines déployées sous la terre aussi vivaces que leurs branches, branchages, radicelles et feuillages de plates et tendres pièces de verts multiples. Exposés au soleil, ils s’épanouissent là, comme des naufragés sur la mer verte, uniforme et rayée de ces coups de charrue encore visibles malgré le léger duvet de blé tendre qui les recouvre.
Autre pente, autre silhouette grandiose, barbue, enrobée de touffes de poils, dessinant la même voûte aux reflets roses, les manches recouverts de mitaines végétales jusqu’au milieu des doigts, laissant libre les extrémités pour écrire au vent leur histoire, montée vers l’azur, vers la lumière, vers l’espérance. A ses pieds, les traces tournantes de la herse comme un grand disque de vinyle laissant entendre sa mélopée engageante et flutée.
Et voici l’arbre torturé, aux doigts rongés comme ceux d’un lépreux, au poing tendu vers l’univers pour attester de la brutalité humaine, recouvert du duvet de l’année déjà bien florissant, mais fin et léger comme une toison d’adolescente. Il rit sous le soleil, les membres raidies, mais encore verts, se posant comme une borne de propriété au coin d’un champ.
Autre arbre torturé, mais cette fois-ci par la rapacité naturelle des autres espèces, sorte de cataclysme brutal, qui englobe de gouttes de cire lourde les doigts malhabiles sortant de ses moufles poilues. C’est peut-être un père Noël inventé par la création ou des fleurs de vert tendre poussant sur les tiges délicates d’une espèce disparue.
Ce n’est plus qu’un corps sans extrémité, comme un infirme ne pouvant ni marcher, ni parler aux autres végétaux. Il est juste recouvert de poils délirants, hirsutes, comme une barbe de trois jours sur un vieillard grabataire, le corps enfoui sous une couverture sale émergeant au dessus d’un lit douillet. Il finit sa vie comme un géant fauché par la voracité des hommes toujours en recherche de matériaux à brûler ou de poteaux à enfouir sous terre pour supporter les fils de fer barbelés de la honte d’être un morceau d’arbre qui a perdu sa liberté.
Enfin un arbre rassurant, semblable à une mariée dans sa robe de cérémonie dont on devine le corps encore vert, bien proportionné, attendrissant de courbes qui conduit le regard sur un ventre plein, léger, affiné, en attente de promesse. Il déploie ses artifices aux alentours, comme des effluves de romarin et de jasmin, ne portant qu’une seule bague, comme un nid d’amour sur l’annulaire qu’il montre à tous, par fierté.
L’arbre protecteur, étendant ses bras au dessus des châteaux, paisiblement, se laissant ausculter par les rayons d’une radiographie de ses membres permettant de contempler la magnificence de son squelette dont il ne manque pas un os, même parmi les plus petits. Légèrement penchée vers la demeure qu’il ombrage de loin, il veille avec assurance sur la vie de ses habitants sans que ceux-ci en prennent conscience.
Un arbre paon, aux plumes emmêlées, comme après un orage. Il tente de faire une roue, mais ses aigrettes mouillées par la pluie de la tornade font piètre mine devant un ciel rieur. Seul le haut de la roue porte un arbre miniature, comme un enfant d’arbre poussant sur un corps de sorcière. Il s’épanouit harmonieusement, semblant dire au reste des branches : « Voyez ma beauté structurée, mon indolence hautaine, la jeunesse de mes articulations, la souplesse de mes cheveux de roi. Vous ne pourrez monter si haut. Que vos regards convergent vers ma hauteur et se croisent en mille feux d’étincelles émerveillées ! »
Un arbre maternel, en pleine gestation, rond et plein d’avenir, s’épanouissant dans l’herbe grasse, dans l’enclos de haies souples, puisant au sol sa vigueur épanouissante, aux racines baignant dans des pots de bébé de couleurs jaune, vert, comme pour mieux se nourrir et s’enrober de bienfaisantes rondeurs qui, un jour, feront émerger d’autres branches, d’autres feuilles pour finir en forêt dodue et luxuriante.
Enfin, le justicier, dominant la campagne, affichant ses prétentions, développant sa rotondité, se suffisant à lui-même, sûr de son aspect solitaire et grandiose. Mais il possède en même temps une verve, une onctuosité, un embonpoint de bon aloi qui vous font dire : « Quel symbole de la nature charnelle, vivante, foisonnante et nourricière. Nous pourrions rester une vie sous son ombre et nous voudrions encore le contempler dans tout son achèvement de perfection naturelle. »
L’arbre ne possède-t-il pas comme l’homme ces ramifications de neurones et de synapses qui font de lui l’intelligence de la nature, le penseur naturel de la surface terrestre. Apprendre à parler arbre, à penser arbre, pour le plus grand bienfait d’une santé mentale absorbée de techniques et de finalités uniquement humaines !
07:02 Publié dans 14. Promenades | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, poésie, nature, culture | Imprimer
28/12/2011
Bonjour, mot de passe ou de bienvenue ?
De nombreuses personnes n’ont plus la volonté, le courage, la joie de dire « bonjour Monsieur » ou « bonjour Madame » ou « bonjour Noémie ». Ils se contentent de donner un « bonjour » qui s’adresse à tous, c’est-à-dire à personne. On se salue sans reconnaissance de l’autre, comme si sa personne était évacuée au profit d’un automatisme social, voire politique. Mais ce salut, il ne faut pas l’omettre. Ne pas dire bonjour, c’est faire preuve d’incivilité, de manque de savoir vivre en communauté, quasiment d’indigence morale (et non pas esthétique). Et on vous le fait savoir. Cela s’affiche dans le métro, cela s’affiche dans les administrations, cela se proclame dans les magasins, certaines vendeuses déficientes vous répétant dix fois bonjour plutôt que de vous demander quoi que ce soit si vous omettez le mot de passe sacro-saint de la politesse républicaine. Vous pourrez vous adresser à elle avec une courtoisie royale, elle vous considérera comme le dernier des paltoquets et vous demandera d’entrer le mot de passe dans son ordinateur personnel, sans quoi il ne peut y avoir démarrage de la machine commerciale.
Mais il y a aussi différentes manières de proclamer ce mot de passe.
« Bonjour ! » vous contraint à remarquer la personne qui le profère d’une voix claire, comme s’il semblait dire « Evident, mon cher Watson ! ».
« Bonjour... » montre l’inexpérience d’une vraie salutation ou le regret de n’oser dire « bonjour untel ».
« Bonjour ? », avec une interrogation dans la voix, semble attendre impérativement qu’on lui réponde le même mot de passe, comme un jeu de reconnaissance d’espions dans un pays ennemi.
De même un bonjour où l’on appuie sur le jour plutôt que sur le bon laisse supposer un échange difficile et donc une mauvaise journée si l’on n’y répond pas.
Il y a aussi le bonjour des fonctionnaires d’organismes publics à un usager et non à un client : usez, mais n’en abusez pas.
Toute lettre doit également commencer par bonjour-virgule et le début du texte. C’est la lettre type distribuée par l’Internet à l’usage des vrais clients, ceux qui payent quoiqu’il arrive. Cela signifie dans quatre vingt dix neuf pour cent des cas que l’entreprise regrette, mais qu’elle n’est pas en mesure de répondre à votre demande légitime, car elle n’est pas incluse dans le contrat (voir le paragraphe 605 bis-§3, en bas de l’avant dernière page, que vous ne lisez même pas avec une loupe).
Prononcer autre chose que bonjour en signe de bienvenue signifie, pour les fiers partisans d’un civisme légalisé, ne rien dire, donc être incivique. Vous ne pouvez plus donner de salutation (trop risible), salut (trop intime), hi (trop américain), hello (trop apostrophant). Quant à commencer par : « S’il vous plaît pourriez-vous m’indiquer… », c’est tellement ringard que seuls quelques croulants osent encore s’afficher avec de telles paroles et ils semblent tout droit sortis d’un théâtre du XVIIIème siècle.
L’uniformité du bonjour a l’avantage de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et même d’une certaine fraternité. Mais quel manque de liberté. Pourtant légaliser l’obligation du bonjour sous peine d’amende pourrait bien être une préoccupation de nos prochains élus républicains, qui se rejoindraient, de droite et de gauche, dans l’absurdité de la civilité transformée en civisme devenu règle juridique, à l’image de la loi pénalisant la négation du génocide arménien.
Mais où est donc passée la simple politesse où la manière de s’exprimer est plus importante que l’obligation de dire ou de ne pas dire ?
07:13 Publié dans 11. Considérations diverses | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, politique, actualité | Imprimer
27/12/2011
Oscar et la dame rose, roman d’Eric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel, 2002)
Cher Dieu, Je m’appelle Oscar, j’ai dix ans, j’ai foutu le feu au chat, au chien, à la maison (je crois même que j’ai grillé les poissons rouges) et c’est la première lettre que je t’envoie parce que jusqu’ici, à cause de mes études, j’avais pas le temps.
Ainsi commence les lettres d’Oscar, enfant cancéreux à l’hôpital, dont tous savent qu’il va mourir, mais personne ne le lui dit.
Le second personnage important de l’histoire est Mamie-Rose. Elle est là en contrebande. Il ya un âge limite pour être dame rose. Et elle l’a largement dépassé. – Vous êtes périmée ? lui demande Oscar. Pas tant que cela, car elle est la seule à assumer la vérité de l’état d’Oscar et à lui dire, à mots couverts, mais il comprend. Alors elle invente son personnage, elle le dresse devant l’enfant et joue son rôle à merveille : catcheuse, tel est mon métier, lui dit-elle. Elle lui explique que Dieu n’a rien à voir avec le père Noël. Il faut lui écrire, comme cela il se sentira moins seul. – Moins seul avec quelqu’un qui n’existe pas ? – chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Alors l’enfant lui écrit et lui demande : est-ce que je vais guérir ? Il découvre que ces parents sont venus voir le médecin et qu’il n’ont pas eu le courage de venir le voir après avoir appris la triste nouvelle. Il veut voir Mamie-Rose et elle obtient l’autorisation de le voir tous les jours pendant douze jours. A partir d’aujourd’hui, tu observeras chaque jour en te disant que ce jour compte pour dix ans. – Alors, dans douze jours, j’aurai cent trente ans !
Dans ces lettres, Oscar raconte les autres enfants qui comme lui sont relégués dans leur chambre, s’amuse, donnent des surnoms tels que Bacon, enfant brulé,, Einstein pour une macrocéphale et Peggy Blue, l’enfant bleue. Elle attend une opération qui la rendra rose. Moi, je trouve que c’est dommage, je la trouve très belle en bleu, Peggy Blue. Il y a plein de lumière et de silence autour d’elle. – Est-ce que tu lui a dit ? – Je ne vais pas me planter devant elle pour lui dire « Peggy Blue, je t’aime bien ». Il ya aussi Sandrine, leucémique. Elle l’incite à l’embrasser. Mais il sait bien que c’est Peggy Blue qu’il aime. Mais elle est fiancée à Pop Corn. – Elle te l’a dit ? demande Mamie Rose. Alors il lui fait écouter son appareil de musique et lui dit : – Peggy Blue, je veux pas que tu te fasse opérer. Tu es belle comme ça. Tu es belle en bleu. Le lendemain, il est monté dans son lit. On était un peu serrés mais on a passé une nuit formidable. Peggy Blue sent la noisette et elle a la peau aussi douce que moi à l’intérieur des bras, mais elle, c’est partout. On a beaucoup dormi, beaucoup rêvé, on s’est tenu tout contre, on s’est raconté nos vies.
Mais Peggy Blue se fait opérer et bientôt part de l’hôpital. Alors, le jour de Noël, dans sa cinquième décennie, il fait une fugue. Il part retrouver Mamie Rose en montant dans sa voiture. Celle-ci invite les parents à venir chez elle. Quand ses parents sont arrivés, il leur a dit :
– Excusez-moi, j’avais oublié que, vous aussi, un jour, vous alliez mourir. Cela les a débloqués, car il les a retrouvés comme avant.
Il a maintenant quatre-vingt dix ans. Et ce jour-là, il comprend que Dieu est là. Qu’il lui dit son secret : regarde chaque jour le monde comme si c’était la première fois.
Cent dix ans. Ça fait beaucoup. Je crois que je commence à mourir.
Il meurt après avoir mis une pancarte sur sa table de chevet : « Seul Dieu a le droit de me réveiller. »
Livre cucu pour enfant ou adulte en mal d’émotion, me direz-vous. Oui, c’est vrai, il est facile d’utiliser un tel thème, qui rappelle un peu Love Story. C’est vrai, il est facile de faire pleurer les âmes sensibles avec une telle histoire. Mais si vous deviez écrire cette histoire, trouveriez-vous les mots pour la dire, dans toute sa vérité, avec une telle simplicité. Sauriez-vous écrire à Dieu et lui dire ses quatre vérités ? Sauriez-vous inventer Mamie Rose et Peggy Blue ? Sauriez-vous faire de la catcheuse une âme aimante et sagace ?
Le livre est court, mais il n’en est pas moins beau, intelligent, sans fausse sensiblerie. Il se lit en deux heures, mais vous le gardez au cœur pendant deux jours au moins.
07:07 Publié dans 41. Impressions littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, roman | Imprimer
26/12/2011
Attente immobile, au fil des sons
Attente immobile, au fil des sons,
Qu’éclate dans le cerveau
Le pépiement inconsidéré
Du frottement des tissus
Et de la chair de poule
Qu’il procure… Frisson.
Je ne sais plus ce que je cherche.
Peut-être ta candeur
Toujours renouvelée,
Rafraichissante, émouvante,
Comme une source d’eau vive ?
Et je t’écoute. Cette voix
Qui sort du fond des âges
Et module sa tendresse
En volutes percutantes,
Enchanteresses.
Je me laisse bercer, hagard,
Au fil du temps qui s’écoule,
Et toujours repris par ton absence.
Encore une fois,
J’erre dans le jardin inconsidéré
De nos rencontres inopinées,
Pour admirer, chaque jour,
Le tremblement de tes cils
Et le signe de ta main,
Comme l’envol de la colombe.
Je repose et serre mes mains
Sur les tiennes, serres de verre,
Dans l’éclat de ton sourire.
Et nos regards croisés
Mêlent leur connivence
Au-delà de la bulle close
De notre amour de toujours.
07:02 Publié dans 42. Créations poèmes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, écriture, poésie, poème | Imprimer