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21/10/2022

Divagation

La fin… Elle est là, repue
Elle ne peut plus
Elle n’en peut plus
Elle n’est plus
Tombée de plus

Y a-t-il moins
D’humains sans soins
Qui finissent comme un point
Enfilent leur pourpoint
Et prennent de l’embonpoint

Montée vers le haut
Accompagné au piano
Vêtue d’un paréo
Elle va vers les idéaux
Des sveltes cachalots

Tout est rondeur    
Plein de candeur
Sans tiédeur
À bon entendeur

Salut…
U… U… U…

Oh… Oh… Oh…

05/08/2022

Le retour des âmes errantes

Quel retour ! Les âmes peinent et gémissent
Elles errent depuis des années, des siècles
Elles ne disent rien, n’ont rien qu’elles-mêmes
Et Dieu, dans tout cela, que fait-il ?

Elles arrivent, sans bruit, sans forfanterie
Le regard las, sur terre et dans les airs
On les voit de loin, elles sont ternes :
De la poussière et du sang, rouge

Où sont-elles allées, cet hiver, dans la lande
Elles gardent un air doucereux, alangui
Leurs besaces sont vides et molles
Plus rien ne donne fierté et magnificence 

Elles ont couru comme des folles, extasiées
Le rire aux lèvres, l’œil pétillant
Essoufflées de leur hardiesse, riantes
Quelle est belle la vie de la jeunesse
    
Mais en ont-elles conscience, les petites
L’âme réjouie, le cœur enturbanné
Elles crient de joie, s’époumonent
Et repartent en jacassant. Disparues…

27/09/2021

Boléro

Elle sortit par la porte de derrière
Elle ne voulait pas paraître vierge
Elle ne portait qu’un boléro
Laissant la peau nue et blanche
Elle se sentit prise par le bras
Qui donc voudrait la retenir
Dans l’enfer de la musique béante
Et lui forcer la main et les pieds
À danser sans cesse la polka
Derrière un bar louche et étroit
Il l’entraîna avec douceur
Lui caressant le bras dénudé
Elle fit un faux pas, riant
Et le regarda, gouailleuse
Remarquant son soudain intérêt
Et ses mains mobiles et moites
Elle avança encore d’un pas
Et tomba dans le piège grossier
Que sont doux ces bras velus
Forts comme un turc, dit-il
Oui, mais les Turcs n’ont plus
De domicile fixe et cherchent
La pièce où s’étend et dormir
Alors elle entrouvrit son corsage
Et lui montra l’ombre de ses seins
Qui flottaient entre le tissu
Elle lui prit la tête et le plaça
Comme un trophée
Entre les deux mamelons
Elle ria aux éclats, 
Puis se laissa prendre au jeu
Des plaisirs défendus
Rien pourtant ne la disposait
À devenir femme un soir d’automne

20/08/2018

La pensée

La sagesse et la folie sont les deux extrêmes de notre pensée dite normale. L’une et l’autre procèdent de la perte de l’habitude de pensée.

Dans le cas de la sagesse, cette perte d’habitude est volontaire, impliquant le parfait contrôle de soi alors que, pour la folie, la perte de l’habitude est involontaire et tourne autour d’une idée fixe.

L’une procède par intériorisation et conduit au plus être, l’autre appartient à l’évasion et aboutit au moins être. Entre les deux, évoluent différents types de conscience qui se rapprochent plus ou moins des deux extrêmes.

Ne pas se laisser tenter par l’imagination combleuse dont parle Simone Weil, car cette recherche ne peut conduire qu’à un manque d’être de plus en plus prégnant.

29/04/2018

La grande course de Flanagan, de Tom McNab

La plus grande course à pied jamais organisée : quel incroyable défi lancé par Charles C. Flanagan, tandis que le pays s’enfonce dans la crise de 1929. Cette course épique, la Trans-América, a bien eu lieu en 1928 et 1929. Mais l’interprétation qu’en donne l’auteur la transforme en épopée digne des plus grands conteurs.

Jusqu’au bout de l’effort et même plus loin. Ils courent huit heures par jour, six jours sur sept,runing, marathon, endurance, effort, folie, sport de fond pendant trois mois, quatre-vingts kilomètres par jour en deux étapes, plus de cinq mille soixante-trois kilomètres au total, de Los Angeles à New York, en passant par le désert de Mojave et les Rocheuses. Waouh ! Quelle randonnée de dingue ! Ils sont 2000 coureurs  au total, dont 121 femmes. La moitié ne rejoindra pas la fin de la première étape. Seuls 862 atteindront New York, bravant la neige, la pluie, le soleil, les crampes, la fatigue, le découragement, la douleur, surmontant grâce à une volonté de fer un enfer jour après jour plus dur, pour se découvrir et montrer le meilleur d’eux-mêmes.

On suit une partie d’entre eux, les champions nostalgiques, des chômeurs, des femmes qui s’épuisent, des débutants, des nationaux de tout pays. Ils ne se connaissent pas, ne veulent pas se mêler aux autres. Mais peu à peu, subtilement, s’organise une véritable coopération entre certains pour tenir le coup, moins souffrir, poursuivre leur rêve et leur cauchemar.

Les péripéties sont nombreuses. Le FBI et son patron J. Edgar Hoover soupçonnent les coureurs d’être des agitateurs et des anarchistes cherchant à entraîner des grèves. Al Capone est mêlé à l’aventure, des paris permettent de poursuivre la course malgré les embûches  et on découvre l’aventure en chaque coureur-clé décrit par Tom McNab. Le meilleur, l’impressionnant Doc Cole, fait figure de héros. Au dernier chapitre, il gagne, mais s’arrête à cent mètres de l’arrivée, attend les membres de son équipe et ils franchissent ensemble la ligne sans possibilités de les départager.

Bref, un livre extraordinaire, à lire, puis à relire, jusqu’à connaître par cœur l’épopée de ces hommes tous aussi attachants les uns que les autres et d’une femme, Kate Sheridan, qui, elle aussi, va au bout de son effort et vainc ses peurs.

11/09/2014

Courir la nuit

Courir la nuit laisse toujours un arrière-goût d’enchantement. Il ne naît pas du fait que l’on ne voit pas ses pieds, mais du fait que l’on se situe difficilement dans l’espace. Même sensation que lorsqu’on prend une douche les yeux fermés et que l’on se tient sur un pied pour savonner l’autre enfermé dans la boite de projection de l’eau. Où suis-je ? Il vous arrive de croisez quelques spectres qui, comme vous, au lieu de compter les moutons dans leur lit se détendent en courant. Mais ils glissent à la surface de votre perception et disparaissent de votre mémoire à la vitesse d’un écureuil. Alors vous courrez seul, sans maître ni esclave, dans le noir, le gris, sans couleur, sans chaleur, mais avec verdeur et entrain. Vous aimez le bruit des semelles plates de vos chaussures ultralégères, à tel point que vous vous demandez parfois, dans le noir, si vous n’avez pas oublié de les chausser. Sans cesser de courir, en ralentissant un peu, vous tâtez un de vos pieds et vous avez l’impression d’être les pieds dans la glaise. Ce ne sont que vos chaussures.

Vous repartez en vous essuyant dans votre maillot qui déjà retient votre transpiration. C’est le moment où vous laissez aller votre imagination. Elle démarre seule, puis vous rejoint en vous entraînant dans une ronde folle bien que vous ne courrez pas si vite que cela. Elle vous précède toujours. Dans un coin plus obscur que les autres, vous tendez les bras en avant pour vous protéger de chocs ou de rencontre avec de mauvaises idées. Mais elles s’écartent, vous laissent passer en vous saluant d’une main. La foule s’intensifie. Vous reconnaissez même des gens connus : votre ancien professeur, le chat de la voisine, le boucher dont le couteau est engagé dans la ceinture, le juste qui fredonne sa chanson sans parole. Vous vous dégagez en douceur pour poursuivre votre course folle entre les maisons, les voitures, évitant les arbres et les déjections de chiens. Vous souriez de cette fin de nuit aussi belle que le lever du jour qui commence à poindre. Vous distinguez quelques couleurs : jaune léger, vert pomme, bleu marine. Vous voici près de la basilique de Montmartre, comment y êtes-vous monté, vous ne le savez plus, engourdi dans vos pensées qui vous engluent comme une chrysalide et restreignent vos foulées. Allez, vous avez bien mérité une petite pause ! Vous poursuivez en marchant, respirant l’air du matin, frais, désaltérant comme une eau de source. Vous ouvrez les yeux sur la danse sociale de chaque matinée : saluts empressés du boucher à la boulangère, bruits assourdissants de la poubelle sortie par la concierge, miaulement du chat du quartier, le blanc que l’on commence à entrevoir dans la légère lueur de l’aube. Vous dépassez le balayeur qui agite ses poils de plastique au bout du manche et repousse vers le filet d’eau les quelques papiers poussés par le vent. Vous arrivez à la limite que vous vous êtes fixé. Alors vous faites demi-tour en tournant trois fois autour de l’arbre. Ah, aujourd’hui j’ai failli repartir dans l’autre sens, prolongeant ma promenade. La rue s’éclaire, les voitures commencent à encombrer la chaussée. Cela se sent, car vous ne courrez pas avec le masque des japonais comme des chirurgiens empressés de se rendre au travail. Ce n’est pas le brouillard de Tokyo, mais l’odeur spécifique de la civilisation qui s’éveille et commence sa ronde qui va durer la journée, en attendant la nuit qui calmera les ardeurs (ou les libérera).

Ce matin est un jour comme les autres. Il a commencé tôt, peut-être un peu trop. Mais quel bonheur que ces matins seul dans la nuit, les yeux écarquillés, courant après son imagination sans jamais arriver à la rattraper. Peut-être que par un mouvement inverse, le jour où j’arrêterai de courir, elle restera près de moi.