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26/08/2012

L'amour

 

L’amour est une bulle d’air chatoyante et enivrante dans laquelle on entre sans prendre garde. Dès l’instant où l’on s’y trouve, le monde disparaît. A deux dans cette bulle, nous ne connaissons plus que nous, ou plutôt que lui, l’amour.

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Enfermé dans cette sphère invisible, nous en caressons la surface et elle procure des reflets enchantés, des sensations extraordinaires que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes, sans réflexion ni analyse. Une caresse et nous sommes partis loin de tout souci, sans aucun souvenir de ce que nous faisions auparavant.

Nous sommes deux, bien sûr. Mais dans le même temps, ces deux ne font plus qu’un. Ils sont cette bulle qui monte dans le ciel, doucement, par l’union des cœurs, des pensées et des corps pour n’être plus que des amoureux transis pour qui n’éclate jamais cette lumière parfumée qui se repose ensuite doucement sur terre, adoucie, mais bien vivante.

 

15/07/2012

Premier souvenir

 

Jérôme avait trois ans. C’était un jour de printemps, ensoleillé, les femmes portant des robes d’été, les épaules nues, le sourire aux lèvres, l’œil égrillard. Elles se promenaient lentement sur le chemin pavé au milieu de la pelouse verte. Des messieurs les suivaient ou les précédaient, mais l’on ne voyait qu’elles, fraiches, spirituelles, les cheveux décoiffés par un petit vent tiède. Il entend encore leurs rires voilés qui se moquaient des hommes qui, eux-mêmes, s’efforçaient d’avoir l’air détachés. Comme toujours, ces jeux constituent les prémices à d’autres jeux, moins innocents, plus amusants, voire plus délurées. Mais tout ceci il ne le comprit que plus tard. Il ne se souvient plus des raisons de cette promenade. La famille était en voiture, une 202 légère Peugeot, somptueuse voiture à l’époque. Elle roulait au pas pour ne pas effaroucher les promeneurs. Comme ses frères, il observait, ébloui, cette foule bigarrée et légère qui s’écoulait de part et d’autre de la voiture et qui jetait par moments des yeux surpris de voir quatre bambins qui eux-mêmes les regardaient de leurs yeux grands ouverts. L’arroseur arrosé, n’est-ce pas !

Et, en un instant magique, il se retrouva sur les genoux de son père, roi parmi les rois, au volant, immense comme les barres à roues de voilier de luxe, environné de boutons et cadrans qui semblaient dire : « Quel beau capitaine nous avons ce jour ! ». Il dévorait des yeux les spectateurs pour acquérir la certitude qu’eux aussi le regardaient et s’exclamaient : « Quel heureux garçon au volant d’une si belle voiture ! » et cet instant dura suffisamment pour qu’il se souvienne encore du parc du château de Meudon ou peut-être un autre, il ne sait plus. Une carte postale imprimée dans sa mémoire, pleine de couleurs et de rires, illuminée par le soleil de la gloire d’un enfant de trois ans.

Cette journée est son premier souvenir. Pourquoi lui est-il resté et pas d’autres, sans doute aussi intéressants, sinon plus ? Il ne sait. Si ! Il croit le savoir. La raison est simple : c’est l’intensité du pouvoir qui lui était donné pour la première fois ce jour. Pouvoir d’être grand, de se faire remarquer, d’exister aux yeux des autres. Tout cela était parfaitement inconscient. Pas une fois cela ne lui a effleuré l’esprit à ce moment, ni même d’ailleurs maintenant. Mais en y réfléchissant, n’est-ce pas cette fierté intime d’être à l’égal des grands qui fait qu’il se souvient de cet épisode. Etrange. Il croyait être indifférent au pouvoir dans la plupart de ses formes. Et son premier souvenir concerne le pouvoir avec sa conséquence : la fierté que donne ce pouvoir. Quelle engeance !

 

 

26/06/2012

L’été, découvertes, elles flottent sur les trottoirs…

 

C’est l’été. Les femmes se sont découvertes. Quelle différence avec les hommes ! Les unes s’effeuillent, laissant leur peau s’emplir des rayons d’un soleil luxuriant. Les autres restent stoïquement inchangés. Seules les chemises se permettent quelques centimètres de moins à hauteur des bras. Chemisettes contre chemises, quelle différence ?

Certes, l’on rencontre bien des hommes en short. Vous savez, de ces pantalons sans jambes qui ont souvent l’air de combinaisons de travail mal repassées, généralement accompagnés de ces chaussures de sport aux semelles de plus en plus impressionnantes et visibles à cent lieues à la ronde. Mais ces hommes sont vacanciers. Ils se promènent la carte à la main, explorant du regard les rues parisiennes, noyés dans le brouhaha des voitures et des passants. Il convient de leur parler en anglais, seule langue qu’ils comprennent, après bien des explications, commencées en français, poursuivies dans la langue de Shakespeare, puis dans le sabir habituel aux sites touristiques. On trouve aussi des femmes en short. Certaines, aux côtés de leurs maris ou en bande de célibataires chargées de sacs à dos impressionnants. Celle-ci sont unisexes, touristes et proches des garçons, si proches qu’il faut y regarder à deux fois avant d’en faire le tri.

La parisienne a une autre allure. De longues jambes, si longues qu’il est difficile de ne pas y perdre son regard, certains jours de pluie société, Paris, femme, cultureapprêtées de bas ou de jambières. Vous connaissez ! Ces ronds de chiffons que l’on se met aux jambes pour éviter les flaques d’eau. Un short taillé par un expert en fantaisie, bleu clair, rouge vermillon, jaune canari, le tout surmonté d’un chemisier taillé à l’extrême, par un autre expert en ciseaux et coutures. Elles mènent leur combat toute la journée, impeccables, rutilantes même, comme des Chrysler aux enjoliveurs chromés. Munies d’un sac débordant, impressionnant de fond et d’objets, elles se remettent du rouge aux lèvres fréquemment, devant la devanture d’un magasin ou la vitre d’une voiture de luxe non décapotable. Elles ne fréquentent que les hommes bien mis, c’est-à-dire toutes saisons, costume noir, chemise rose, cravate colorée ou sans, les poches généralement bien remplies de beaux billets bien pliés, les cheveux au vent, en arrière, bronzés comme il se doit, la bague au doigt parfois. Et, ensemble, ils laissent leur voiture en double file, vont prendre un verre au Flore ou encore s’arrêtent devant une galerie pour admirer une couverture grise recouverte de poussière élégamment posée sur un vieux pneu, chef d’œuvre de l’art contemporain.

Mais on rencontre cependant des femmes élégantes, sanssociété, Paris, femme, culture sophistication, fraîches et tendres comme une escalope de veau que l’on mange à la terrasse d’un restaurant chic entre deux messieurs bedonnants. On les reconnaît à leur sourire surprenant, fait de mystère caché et de naïf étonnement. Elles sourient à tous et toutes, spontanément, sans arrière-pensée, parce qu’elles sont heureuses de ce jour ensoleillé, de cette matinée chaude ou de cette après-midi à la brise légère. Elles sont parfois seules, affairées d’un sac cartonné sortant d’une boutique bien achalandée, ou encore accompagnées d’une autre personne semblable à elle-même, toute aussi fraîche et simple.

 

Oui, Paris est bien autre chose quand arrive l’été. La ville devient lumineuse, lavée de ses grisailles, magnifiée de ses habitants élégants comme sortis d’un film, qui vont la tête haute parmi la foule des obscurs figurants plus anonymes. Ce n’est ni Londres avec ses parapluies et melons, ni Rome avec ses élégants costumes d’une légère note fantaisiste. C’est bien Paris, la fleur des capitales, où il fait bon vivre et où les femmes flottent sur les trottoirs, admirables d’élégance et de charme.

 

24/04/2012

L’éclaircie, roman de Philippe Sollers

 

Le livre est intitulé roman. Mais s’agit-il d’un roman ?littérature,roman,société,femme Si l’on en prend la définition, le roman serait une œuvre d'imagination en prose, assez longue, qui fait vivre des personnages présentés comme réels. Or que fait vivre ce livre ? Je ou moi (le narrateur), ma sœur Anne (Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?), Lucie, mon amour de l’après-midi, qui se met nue avant de parler avec moi. Sont-ce des personnages inventés ou les reflets de ma réalité ? On ne le sait ! Autour de ceux-ci des personnages bien réels ou plutôt des spectres, principalement Manet et Picasso, et leurs femmes et enfin ceux qu’ils ont côtoyé au long de leur vie. Et tout ceci fait un roman ? Cela rappelle Kundera, mais en moins beau, une écriture plus déliée certes, mais moins imaginative, plus moqueuse, moins profonde.

Certes, le terme de roman ou latin vulgaire, s’adresse, à l’origine, à toute la littérature narrative, mais très vite la narration ne concerna que des personnages inventés vivant un récit fictif. Philippe Sollers aurait pu sous titrer « L’éclaircie » du terme de journal littéraire ou journal intime, voire de méditation. Il est vrai que le roman d’aujourd’hui remet en cause la forme romanesque. S’agit-il d’une biographie, dans laquelle l’auteur raconte la vie d’un personnage ayant existé, ou d’une autobiographie, car le narrateur du livre est bien « je », « moi », c’est-à-dire lui, l’auteur, Philippe Sollers ? Bref, il se met en scène et raconte sa vie, qu’elle soit fictive ou réelle ou à la fois l’une et l’autre. Il médite sur le siècle qu’il vit, mais cette méditation est un récit d’événements intimes qui permettent de se raccrocher à ce qu’il aime : la peinture, les femmes, le tout enrobé de littérature, de musique (peu), de sœurs et de mères.

Il y a les femmes qu’on connaît, celles qu’on croit connaître, celles que l’on ne connaît pas en les connaissant, les variantes et les variables sont nombreuses, mais pas innombrables. Etre explorateur de ce tourbillon en mutation demande des dons particuliers, pinceau et stylo intérieurs, dessin, couleurs, oreilles. Victorine n’est pas Berthe (Morizot), qui n’est pas Méry, qui n’est pas Suzon. Albertine n’est pas Albertine, Molly Bloom est, et n’est pas, Nora Joyce, Frieda, dans le Château, est plus Kafka qu’on ne croit. (p.224)

Si une belle femme est morte, on dira qu’elle était l’orgueil du soleil, les délices du vent. A une jeune fille en fleur, on conseillera de jouir vite, du cou, du front, des lèvres, des cheveux. (p.216).

Les vraies fleurs sont chez Manet, les enfin vraies femmes chez Picasso. Parfaites, imprévues, elles s’offrent à leurs expériences. Elles s’épanouissent, éblouissent, vieillissent, périssent, ce sont elles qui balisent le fleuve du temps. (p.232)

Finalement, il s’agit bien de lui, Philippe Sollers, puisqu’à la fin il écrit : « J’apprends en même temps (voyez le roman) que Trésor d’Amour (roman de Philippe Sollers, 2011) va être traduit par une nouvelles maison d’édition créée en février 2010 à Pékin. C’est le moment exact de ma rencontre avec Lucie et de l’arrivée du manuscrit de Casanova à Paris. On se la joue mégalo sur plus de deux siècles. Pari. » (p.236)

 

J’ai d’abord détesté : trop nombriliste, voire intimiste  dans les révélations, et, au-delà, trop brouillon, sautant d’une idée à l’autre sans transition ni fil directeur. Puis, reprenant la lecture une seconde fois, j’ai aimé cette évocation des deux peintres, la connaissance réelle qu’il avait de leurs vies et des rapports entre leurs peintures et leurs femmes. C’est bien une méditation qui ne dit pas son nom, comme le parfum d’un siècle qui est encore présent, mais qui est déjà en train de passer pour laisser place à l’arrogance de la communication, d’une jeunesse sans culture (Tout ce qui s’annonce comme culture est faux, vide, bavard. Les animateurs sont là, vous pas), d’une photographie remplaçant la peinture qui, devenue moderne, est hideuse. Les embarrassés du sexe et du sentiment vont beaucoup au cinéma… (p.183)

 

 

14/03/2012

Péplum, roman d’Amélie Nothomb

 

Amélie Nothomb, la surdouée des dialogues et de la joute verbale, s’en est donnée à cœur joie dans ce livre. Malheureusement, le résultat est12-03-14 Couv Péplum.jpg mitigé. D’abord, est-ce un roman ou une pièce ? Un roman puisqu’elle l’a choisi ainsi, le titre Péplum étant sous-titré roman. Mais c'est un dialogue sans explication, à prendre brut. D'ailleurs, pourquoi Péplum, qui est une tunique de femme dans l’antiquité ? Certes, la narratrice le porte dans cette aventure dans le futur.

La romancière se fait opérer et se réveille dans une salle bien différente de celle d’un hôpital. A son chevet, Celsius, scientifique énigmatique lui annonce qu’elle est en 2580. Et le dialogue commence, fait de petites phrases courtes, cinglantes, ironiques. Cela durera jusqu’à la fin du livre, que je n’ai pas lu en entier. A la page 90, j’ai déclaré forfait, lassé, voire écœuré au vrai sens du terme, par ces réparties permanentes, comme une partie de tennis dont les balles sont rapides, trompeuses, envoyées aux quatre coins du court et qui dure des heures, voire des jours. Ces échanges peuvent être drôles lorsqu’ils sont enrobés d’une situation et d’évènements, mais un livre complet d’anathèmes entre deux pèse trop lourd.

On y trouve cependant quelques détails intéressants. C’est ainsi que Celsius explique à A.N. :

– Moi qui vous parle, je suis oligarque.

– Compliments.

– Vous ne me demandez pas en quoi consistent ces tests ?

– Il est inutile de vous le demander. Quand un premier de la classe a eu une bonne note, il finit toujours par réciter les questions, les réponses et les félicitations.

– Nous sommes évalués sur trois plans : notre intelligence (en ce, compris notre culture), notre caractère (en ce, compris notre honnêteté) et notre santé (en ce, compris notre beauté).

– Votre beauté ?!

– Oui. Les laids ne sont pas admis.

– C’est d’une injustice flagrante !

– Pas plus que le reste. Être jugé sur son intelligence est aussi injuste que d’être jugé sur sa beauté.

 

On y trouve même quelques réflexions intéressantes :

– De toute éternité, le Beau est plus rentable que le Bien.

– Rentable !

–Réfléchissez. Le Bien ne laisse aucune trace matérielle – et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire : rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien véritable ne dit pas son nom – s’il le dit, il cesse d’être le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours : il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont régis par des lois opposées : le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un être responsable qui se dévouerait à la cause du Bien ferait un mauvais placement.

Mais très vite on se lasse de ces affrontements permanents qui ne sont que des dialogues creux où seuls comptent le persiflage et le quolibet.

 

N’ayant pas tout lu, je n’ai pu m’empêcher d’aller voir à la fin ce qui se passait. Et, bien sûr, tout cela se termine par l’écriture d’un roman qui raconterait l’aventure : Quand j’eus fini de rédiger ce manuscrit, je l’ai apporté à mon éditeur. J’ai précisé qu’il s’agissait d’une histoire vraie. Personne n’a daigné me croire.

 

 

24/02/2012

Madame et non plus Mademoiselle

 

Nous venons d’apprendre qu’aux yeux de l’administration, il n’y aura plus désormais de « mademoiselle », mais uniquement des « madame ». Jusqu’où va-t-on chasser le sexisme !

Certes, reconnaissons-le, ce passage de mademoiselle à madame n’est dû qu’à un évènement fortuit (et mondain diront certains), le mariage, qui n’a rien à voir avec un changement plus profond, le passage de jeune fille à celui de femme. Remarquons cependant que ces deux passages sont parfois simultanés, tant chez l’homme que chez la femme. Oui, cela existe encore, même si tous les modernes vous dirons le contraire. Et n’est-elle pas belle cette préservation du corps pour son autre moitié à laquelle on rêve des nuits entières ?

Alors comment dénommer une femme qui ne se marie pas ou qui n’a plus de mari parce que l’un ou l’autre a rejeté leur union ? Pourquoi faut-il, sous prétexte de simplification féministe, appeler madame une toute jeune fille, sous prétexte que les plus âgées ne peuvent être appelées mademoiselle ? La vertu n’a plus droit à l’existence et toutes les jeunes filles, même les très jeunes, sont supposées être devenues madame depuis le début de leur puberté.

On aurait pu, de façon à affirmer la similitude entre l’homme et la femme sur ce plan, plutôt que de déclarer que toutes les femmes doivent s’appeler madame, inventer un nouveau mot pour le jeune homme qui n’est pas marié. Il ne s’agit certainement de revenir aux termes de puceau et pucelle utilisés au Moyen-âge qui se rapportent plus au sexe qu’à une raison sociale. Mais l’irruption d’un mot nouveau est toujours une bonne nouvelle dans une langue vivante, alors que la suppression d’un vocable pour des raisons de sexisme est toujours quelque peu attristante. Pour cela on aurait pu nommer une commission d’experts et leur demander de produire un rapport sous un an avec des propositions au gouvernement. Cette commission aurait produit une dizaine de possibilités qui aurait été testées sur un département français avant que n’en soit adoptée une seule par l’ensemble du pays. On pourrait par exemple revenir au terme utilisé au Moyen-âge, celui de mon damoiseau (celui qui n’a pas encore été adoubé écuyer). Il est vrai que peu de garçons accepteraient un tel changement d’appellation. Celle-ci est cependant très poétique, les termes de damoiseau et de demoiselle faisant rêver au temps béni où l’innocence de la vie était symbolisée par les dénominations oiseau et oiselle, comme un envol avant de retomber sur terre. On pourrait également utiliser un mot désuet, fieu, équivalent masculin de fille. On aurait ainsi monfieu avant de devenir monsieur, comme on a mademoiselle avant de devenir madame. Il est sûr qu’en langage moderne, on ne pourrait appeler les jeunes hommes « mon gars », car il faudrait alors appeler les jeunes filles « ma fille ». Bref, si ajouter quelque chose est un travail créateur, on constate bien que la création est une tâche compliquée, d’ordre scientifique ou artistique.

Peut-être pourrait-on également n’avoir qu’une seule dénomination pour les hommes et les femmes, les jeunes hommes et les jeunes filles, voire les enfants. Humains, nous le sommes tous, donc nous serions Humain Bertrand ou Humain Claire. Ou encore, pourquoi pas, Personne Bertrand ou Personne Claire ? Il y aurait une véritable égalité, puisqu’il n’y aurait plus de différence.

Alors pourquoi ne pas laisser tomber toutes ces appellations et ne nommer quelqu’un que par son prénom et son nom. C’est bien ce que tentent de faire les journalistes pour qui toute personne à interviewer ne peut porter de titre, même de civilité. Seuls les anonymes peuvent être appelés Madame ou Monsieur. Nous aurions ainsi : Arthur Cupidon et Camille Jolicoeur se sont connus un soir et se sont mariés deux ans plus tard. Très bien, mais Camille est-elle homme ou femme ? Il conviendrait alors de faire précéder ces patronymes de leur sexe, poussant plus loin que les Etats-Unis qui utilisent ces termes de manière officielle pour leurs toilettes. On dirait alors male Arthur Cupidon et femelle Camille Jolicoeur.

Cela fait un peu troupeau de bestiaux, mais enfin, il faut être moderne !

 

 

09/12/2011

La source des femmes

 

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Film réalisé par Radu Mihaileanu, avec Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Biyouna
http://www.youtube.com/watch?v=fj_vYku6AmE

 

Cela se passe de nos jours dans un petit village, quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. La tradition depuis la nuit des temps : les femmes vont chercher de l’eau pour le village, loin en dehors. L’eau sert à la maison, c’est à la femme d’aller la chercher. Ce n’est pas le travail des hommes. Ils étaient là pour les protéger, mais le village n’a plus besoin de protection. Pourquoi ne le font-ils pas ? Alors les femmes décident de faire la grève… de l’amour. C’est le seul pouvoir qu’elles ont sur les hommes. Plus de câlins, plus d’amour tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village ! Et cette histoire est vraie. Elle s’est déroulée en Turquie en 2001 et le gouvernement a dû régler le problème qui dégénérait.

Les femmes, ce sont : Leila, mariée au seul homme qui comprend ce combat, Sami, l’instituteur. Elle est étrangère au village et elle déclenche la guerre contre les hommes. Loubna, la jeune sœur de Sami, en quête d’amour, appelée également Esméralda en référence à sa passion pour un film mexicain qui lui fait dire sans cesse « Te quiero ! ». Rachida qui s’oppose à la grève, car elle a soif de son mari. Enfin, Vieux fusil, la femme âgée qui entraîne les autres et les font persister dans cette grève entamée. Mais s’oppose à elles, Fatima, la belle-mère de Leila, dure et traditionnelle.

Les hommes, ce sont : Sami, déjà cité, qui accepte le choix de sa femme, mais ne peut non plus accepter la mésentente entre hommes et femmes. Hussein, père de Sami, qui médite sur sa terrasse et cherche à mettre un terme à ce conflit. Mais aussi l’ancien amour de Leila qui s’est laissé marier à une autre sans même lui dire.

Et ces femmes et ces hommes s’affrontent au travers d’un récit qui fait parfois un peu cliché : des danses orientales où, par le chant, les femmes et les hommes évoquent leur point de vue ; le hammam où les femmes sont libres et s’expriment sur l’amour et le sexe ; la suffisance des hommes qui s’arrangent bien de traditions ancestrales transformées par certains en islamisme plus ou moins intégriste ; le marché à la ville, somme de toutes les rencontres importantes. Les situations, surtout au début du film, paraissent outrés, grandiloquentes, voire fausses. Mais lentement, on entre dans le film, avec ses longueurs et ses instants humains, émouvants. Il est rarement drôle. On sourit à certaines situations, mais on ne retrouve pas l’humour du film libanais « Et maintenant, on va où ? » (voir le 4 octobre 2011). C’est un instant sérieux, deux heures entre les machos et les défenseuses du sexe faible, avec, comme dans le film libanais, l’imâm, le sage, non doublé d’un curé.

Ecoute ta femme, chantent-elles aux hommes. 

Elles finiront par avoir l’eau, par retrouver leurs hommes comme il fallait s’en douter. Le chant final résume le thème. La source des femmes, c’est : la source où elles vont puiser l’eau qui est vie ; c’est l’enfantement, renouveau permanent de l’humanité ; c’est l’amour qui coule de leur féminité. La femme est l’énergie qui fait avancer le temps, dit un des chants du film.

 

 

07/06/2011

Portrait de la comtesse Skavronskaia, d’Elisabeth Vigée Lebrun

Suite de la visite au musée Jacquemart-André du 27 mai (comme promis) :

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Il existe plusieurs portraits de cette charmante comtesse. Celui du musée Jacquemart-André est sur fond bleu, bleu de sa robe, des coussins et du fauteuil sur lequel elle est assise, des murs qui l’environnent et même de son voile qu’elle porte sur la tête. L’autre, ici plus petit, est au Louvre.

 

Ctesse Skavronskaia EVLB 2.jpg

 

Elle a des yeux espiègles, une petite fossette sur la joue droite. Son visage est sans égal, heureux et mélancolique, rêveur comme au souvenir d’une fête qui ne sera plus. C’est en fait une très jeune femme dont l’attitude détendue laisse deviner la vivacité. Elle devait faire rêver longuement ses visiteurs.

 

Une fois de plus, Elisabeth Vigée Lebrun surprend par le naturel et la fraicheur d’une peinture distinguée, mettant en valeur indiciblement le personnage qu’elle représente. Elle a vécue pour la peinture et la peinture lui a donné une renommée bien méritée. Pourtant peu de femmes osaient peindre à cette époque  (1755-1842) et, encore moins, en faire un métier.

 

 

 

29/05/2011

L’œil invisible, de Diego Lerman

 

« Fidèle à un cinéma argentin plus que jamais travaillé par l’asphyxie et l’enfermement, le quatrième film de Diego Lerman dissèque les pulsions d’une jeune surveillante de lycée paralysée entre feux libertaires et tentations autoritaristes, à l’aube de la guerre des Malouines. » (Laura Tuillier)

 

Bande annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19209727&cfilm=180615.html

 

Buenos Aires, mars 1982, la dictature militaire est encore au pouvoir et modèle la société dans un contexte antisubversive. María Teresa est surveillante au Lycée National de Buenos Aires, qui forme les futures classes dirigeantes du pays. Elle a 23 ans, elle est timide, donc sèche et brusque avec les élèves, et se porte volontaire pour les espionner. Avec la protection de M. Biasutto, le surveillant en chef, qui décèle tout de suite en elle l’employée zélée, elle devient l’œil invisible des élèves, surveillant leurs conversations et leurs allers et venues jusque dans les toilettes des garçons où elle croit ou prétend que ceux-ci fument alors que c’est expressément interdit.

Contrairement à ce que disent beaucoup de commentateurs, le film ne tourne pas autour d’une critique de l’éducation que donne la dictature, ni sur la façon d’exploiter les faibles qui se laissent impressionner par les dirigeants. En réalité, c’est un film qui, au delà du cadre étroit dicté par les autorités, raconte l’irruption de l’amour sensuel dans la vie de cette jeune femme ou plutôt jeune fille, qui vient en contradiction avec les règles qui lui ont été inculqués. Plus ou moins amoureuse d’un garçon du lycée, elle rêve d’un amour sans pouvoir le rendre réel, et, dans le même temps, épie le comportement des garçons dans les toilettes du lycée. Comprenant progressivement l’attitude de Marita, Carlos ou M. Biasutto, le surveillant général, tente dans un premier temps de la conquérir. Puis, l’ayant surprise dans les toilettes des garçons, il décide de la violer, pensant qu’elle ne dira rien, tellement elle devrait être honteuse de s’être laissé surprendre. Ce qu’il fait dans les mêmes toilettes des garçons, quelques jours plus tard. Ecrasée de honte autant que de douleur, elle sort de son sac un coupe papier et le blesse ou le tue. Elle sort alors du lycée, seule, la tête haute, dans les bruits de la contestation du régime au dehors du lycée, sans que l’on sache ce qu’elle devient et quelles seront les conséquences de cet acte : le surveillant général a-t-il été tué, Marita a-t-elle été identifiée en tant qu’assassin ?

La beauté du film tient sans doute à cette ambigüité du thème entre la critique d’un système collectif et totalitaire et la sensualité individuelle d’une jeune femme qui est encore vierge au moment du viol. Le premier thème qui est celui des apparences de la vie, cache le second, mais, semble-t-il, c’est bien le second qui prime sur le premier pour le réalisateur. En effet, la mise en images est faite presqu’exclusivement sur Marita que l’on voit s’interroger, marcher dans les couloirs du lycée, être surveillante jusqu’au bout des ongles, puis quelques secondes plus tard, se laisser aller à un onirisme sensuel qui la conduira vers le dénouement. Son visage et son corps sont au centre du film, mais de façon voilée.

 

 

18/12/2010

Prêtresse

 

Tu es, par ta nature, vivante en toutes choses

Inscrite dans le rythme des saisons et des jours

Vibrante au regard de la vie et de la mort

Image de l’univers, attachée à son souffle

 

Tu es des éléments la terre et l’eau

Prêtresse du feu que tu entretiens

Nécessaire à la vie comme l’air

Centre de l’humain, indissociable du divin

 

Tu es l’essence des réalités ambigües

Plus élevée et, de toi-même, t'abaissant

Sainte et pécheresse, ange et démon

Vouée à l’état de ta féminité

 

Tu es l’inspiratrice et la compassion

Étrangère à l’histoire qui ne serait pas sans toi

Héroïque dans la peine de tous les jours

Modèle du repos et de l’immobilité

 

Tu es l’ordonnatrice des mystères familiaux

Régnant sur les enfants et les vieillards

Occupée sans cesse de ce lieu de l’être

Où tu est chez toi, où je ne suis que par toi

 

Tu es l’attente et la réponse

L’habitante des profondeurs

Celle qui est et qui n’apparaît pas

La souffrance, le silence et la joie

 

Tu es la plante fragile, mais éternelle

Calme et fraiche, enracinée et mortelle

Présence de l’éternité dans le temps

Immobile dans l’inévitable mouvement cosmique

 

Je suis ce que tu n’es pas, l’histoire

Attentif à l’existence dynamique des objets

Utilisateur du temps sans pouvoir en jouir

Je suis l’acte, tu es la nature

 

 

03/12/2010

Flottants, les fils de mon être

Flottants, les fils de mon être

Se distendent sous le vent

 

Engagés dans la rue déserte

Ravalant les façades mornes

Arrachant quelques grains de pierre

Ils s’amassent au pied des portes

 

J’en ai pris une poignée

Et attendu patiemment que s’infiltre

Entre mes doigts disjoints

La poussière blanche et liquide.

 

Toi aussi, j’avais vainement tenté

D’assembler sur l’écheveau de mes souvenirs

Les fils ténus et fragiles de ton être

Mais tu as rejeté cet encouragement

Pour fuir sur le trottoir nu

Jusqu’à cette porte ouverte sur l’oubli

 

Parcourant la rue, remontant le courant

Projeté contre la muraille par les rafales

Je me soumets au déchaînement naturel

Courbé sur les pavés au goût de tes pas

 

Vert tendre, quand tu courais sur l’asphalte

Quand nous courrions ensemble les mains jointes

Élevés vers le ciel en guise d’offrande

Nous cheminions entre les colonnes détruites

Qui ombrageaient la place pavée d’herbes

Je recherche aussi, loin derrière toi,

Le chemin où nos pas se chevauchèrent.

 

Peut-être le hasard, ou déjà l’amour ?